RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 5 juin 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/07500 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3MSF
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de MELUN RG n° 14-00340
APPELANTE
Madame [E] [O] [K]
née le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Maxime TONDI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 145
INTIMEE
CAISSE DES FRANCAIS DE L'ETRANGER
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Localité 3]
représenté par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS, toque D1901
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 1]
[Localité 2]
avisé - non comparant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Janvier 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON , président de chambre
Madame Laurence LE QUELLEC, présidente de chambre
Monsieur Lionel LAFON, conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mme Venusia DAMPIERRE, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt initialement prévu le 20 mars 2020 prorogé au05 juin 2020 au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
-signé par M. Pascal PEDRON , président de chambre, et par M Fabrice LOISEAU greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par Mme [O] épouse [K] d'un jugement rendu le 17 mars 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun dans un litige l'opposant à la Caisse des Français de l'Etranger (la caisse)
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la caisse a procédé en 2009 à l'affiliation de Mme [O] épouse [K], expatriée en Tunisie, M. [P] [K] étant rattaché au titre de « conjoint pris en charge » suite à la demande de Mme [O]; que la caisse a procédé entre 2009 et 2012 au remboursement de 132 520,10 euros pour le conjoint et de 19 326,96 euros pour l'affiliée; qu'après investigations, la caisse a notifié à Mme [O] le 23 avril 2013 d'une part un indu de prestations de 132 520,10 euros au titre de frais médicaux remboursés pour le conjoint, d'autre part sa radiation d'autorité à effet du 31 mars 2013; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable qui a confirmé la radiation d'office et l'indu lié à la dissimulation des revenus salariaux de l'époux, Mme [O] a porté le litige le 05 avril 2014 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Melun, lequel par jugement rendu le 17 mars 2017 a confirmé la décision rendue par la commission de recours amiable, a débouté Mme [O] de ses demandes et l'a condamnée à payer à la caisse la somme de 132 520,10 euros, outre 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.
Mme [O] a interjeté appel le 22 mai 2017 de ce jugement qui lui avait été notifié le 29 avril 2017.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui les a oralement développées, Mme [O] demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de la dire recevable et bien fondée en son appel, de débouter la caisse de sa demande de condamnation à rembourser , et de condamner cette dernière, outre aux dépens, à lui payer la somme de 8000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation des préjudices subis, ainsi que celle de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Mme [O] fait valoir pour l'essentiel que:
-la plainte au pénal de la caisse a fait l'objet d'un classement sans suite en date du 29 décembre 2014.
-les prétentions de la caisse se fondent sur des contre-vérités flagrantes et sur une inexacte appréciation des faits de la cause.
-M. [K] n'a jamais été pris en charge par une caisse de sécurité sociale tunisienne avant le 1er octobre 2012.
-dans le cadre de sa déclaration d'adhésion sollicitant le rattachement de son conjoint en qualité d'ayant-droit, elle n'a pas déclaré son mari à charge et sans revenus.
-il n'y a jamais eu de facturation fictive.
-elle n'a pas fait de fausses déclarations, et la caisse ne rapporte pas la preuve du caractère indu de la créance revendiquée, ni de son quantum.
-elle a obtenu le remboursement de frais médicaux dans le cadre d'interventions hospitalières et d'une thérapeutique particulièrement couteuse commencée en 2009 dans le but de procréation (stimulation de la spermatogénèse par gonadotrophines) et autorisée par le médecin-conseil, aboutissant à une FIV en Espagne en juillet 2012, et à la naissance d'un enfant en 2013; les remboursements des frais correspondent à des prestations réelles et la créance ne peut être qualifiée d'enrichissement sans cause.
-elle a toujours répondu aux interrogations de la caisse.
-la caisse poursuit une vindicte à son encontre et un bien mauvais procès alors que l'organisme devrait s'enorgueillir d'avoir participé à la réussite d'une thérapeutique très particulière et sur laquelle elle devrait plutôt communiquer, au lieu de laisser supposer qu'elle serait malhonnête.
Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui les a oralement développées, la caisse demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de débouter l'appelante de ses demandes et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, faisant sienne la motivation retenue par les premiers juges tout en précisant que:
-Mme [O] a confirmé, notamment en 2011, l'absence de revenus de son mari sur 2009 et 2010, alors qu'il apparaît que celui-ci a eu une activité salariée récurrente de 1996 à avril 2012, percevant des revenus, et relevant donc d'un régime de sécurité sociale local, celui des salariés en l'occurence, avant d'être affilié à celui des non-salariés depuis octobre 2012.
-Mme [O] a déclaré lors de l'affiliation ne pas avoir de revenus fonciers, alors qu'il est apparu qu'elle était propriétaire d'un appartement à [Localité 4] depuis 2000.
-des injections de produits sont indiquées comme réalisées en Tunisie à une période où M. [K] ne s'y trouvait pas.
-Mme [O] a varié dans ses explications, acquiesçant d'ailleurs à l'indu par un courrier de son conseil de 2013.
-Mme [O] a dissimulé l'activité salariée de son époux et procédé à travers le temps à des déclarations inexactes, justifiant la demande de remboursement de l'indu et la radiation d'autorité.
SUR CE, LA COUR
Il résulte des dispositions de l'article L 766-1-1 du code de la sécurité sociale alors applicable au litige que « Sont considérées comme membres de la famille de l'assuré au titre de l'assurance volontaire maladie-maternité-invalidité ou maladie-maternité (') 1° Le conjoint de l'assuré, la personne qui vit maritalement avec lui ou la personne qui lui est liée par un pacte civil de solidarité, s'il est à la charge effective, totale et permanente de l'assuré, à la condition d'en apporter la preuve et de ne pouvoir bénéficier de la qualité d'assuré social à un autre titre ; (...) »
M. [K] ne pouvait donc en l'espèce être rattaché comme « conjoint pris en charge » au titre de l'affiliation de Mme [O] auprès de la caisse, qu'à la condition qu'il soit à la charge effective, totale et permanente de son épouse assurée, et qu'il ne puisse bénéficier de la qualité d'assuré social à un autre titre.
Mme [O] a demandé courant juin 2009 le rattachement de M. [K] en précisant qu'il exerçait une activité temporaire (chef de projet en CDD), en précisant qu'il « touchait 1 000 DT » par mois (pièces n°1 à 3 de la caisse et n°1 de l'appelante); par déclarations de ressources « françaises et étrangères » du 04 décembre 2011, elle a indiqué que les « revenus de toute nature » de son conjoint étaient en 2009 de « 0 » et en 2010 de « 0 ». Les investigations réalisées par la caisse auprès des autorités tunisiennes ont cependant permis d'établir que M. [K] a perçu comme salarié des revenus de 39 877 DT (diram tunisien) en 2009, 33562 DT en 2010, 45 065 DT en 2011 et 48 998 DT sur les 04 premiers mois de 2012 au vu du relevé des salaires déclarés à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale tunisienne (pièces n°7 et 28 de la caisse) au titre de « l'assuré social » « [P] [K] » n°12165637/08, par la suite affilié au régime des employés non salariés sous un autre numéro (42165637-02) à compter d'octobre 2012.
Il en résulte que M. [K]:
-d'une part bénéficiait de 2009 à 2012 de la qualité d'assuré social au titre de la sécurité sociale tunisienne, peu important en la matière les productions de l'appelante, notamment en ses pièces n°2, 7, 28 qui sont en l'espèce inopérantes à contredire l'affiliation de M. [K] au régime tunisien comme salarié,
-d'autre part n'était pas à la charge totale, effective et permanente de Mme [O] de 2009 à 2012 au regard des revenus qu'il percevait.
M. [K] ne remplissait donc pas les conditions pour être « rattaché » à son épouse.
Cette dernière, suite à interrogations de la caisse a dans un premier temps en 2013 invoqué une homonymie (devant être écartée dès lors que Mme [O] précise elle-même que son époux était bien enregistré sous le n° 42165637-02, numéro retenu par la CNSS tunisienne comme se substituant à compter d'octobre 2012 au n° 12165637/08, puis le fait qu'elle aurait été abusée par son conjoint qui lui aurait caché sa situation professionnelle, dont elle souhaitait se séparer, demandant en définitive que celui-ci s'acquitte alors des cotisations dues.
Il apparaît également que lors de son affiliation en 2009, Mme [O] a déclaré avoir pour seul capital foncier une automobile estimé à 15 000 DT (pièce n°2 de la caisse) alors qu'il a été établi (pièce n°20 de la caisse) qu'elle était par ailleurs propriétaire depuis 2000 d'un appartement d'une valeur fixée en 2000 à 57 930 euros, dont elle perçoit des loyers. Cette fausse déclaration, au regard de son propre patrimoine foncier qu'elle connaissait parfaitement, lui a d'ailleurs permis à l'origine de bénéficier de cotisations minorées (« catégorie aidée »).
Dans ces conditions les déclarations de Mme [O] mentionnant l'absence de revenus de son mari en 2009 puis 2010 résulte non pas d'une simple erreur ou méconnaissance de ceux-ci, mais bien d'une volonté de dissimuler la situation réelle de celui-ci à l'effet de le rattacher à son propre régime pour lui assurer une couverture maladie et le remboursement des prestations qu'il engageait, alors qu'elle savait parfaitement qu'il ne pouvait pas y prétendre. Mme [O] a donc procédé en parfaite connaissance de cause à de fausses déclarations mensongères permettant le rattachement de son mari.
Il est constant que les remboursements des prestations médicales délivrées du chef de M. [K] ont été perçus par Mme [O], laquelle les a reçus sur son compte bancaire.
Mme [O] a en conséquence de ses fausses déclarations intentionnelles perçu indument de tels remboursements.
L'article 1302-1 du code civil dans sa version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, qui reprend les dispositions de l'ancien article 1376 dans sa version applicable, dispose que « Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu. »
Mme [O] ayant sciemment reçu ce qui ne lui était pas dû en conséquence de sa fausse déclaration intentionnelle doit donc le restituer à la caisse de qui elle l'a indûment reçu.
La caisse justifie par sa pièce n°5 des versements qu'elle a effectués au bénéfice de l'appelante au titre des prestations dont son mari a été bénéficiaire de 2009 à 2012 pour un montant total de 132 520,10 euros, montant qui n'est discuté par aucun moyen articulé par Mme [O].
Mme [O] sera donc déboutée de toutes ses demandes et le jugement confirmé dans son intégralité; Mme [O] sera également condamnée à payer à la caisse une somme supplémentaire de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS:
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable.
CONFIRME le jugement déféré.
Y ADDITANT :
-Déboute Mme [O] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
-Condamne Mme [O] à payer à la Caisse des Français de l'Etranger une somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
-Condamne Mme [O] aux dépens d'appel.
Le greffier Le président