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05/06/2020 | FRANCE | N°18/10406

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 05 juin 2020, 18/10406


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 13





ARRÊT DU 05 Juin 2020





(n° , 2 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10406 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LZR





Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00458/B








APPELANTE


EPIC

RATP, PRISE EN QUALITÉ D'ORGANISME SPÉCIAL DE SÉCURITÉ SOCIALE DÉNOMMÉE CCAS


[...]


[...]


représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS,


toque : C1354








INTIMÉ


Monsieur H... Y...


n...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 05 Juin 2020

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10406 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6LZR

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 03 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00458/B

APPELANTE

EPIC RATP, PRISE EN QUALITÉ D'ORGANISME SPÉCIAL DE SÉCURITÉ SOCIALE DÉNOMMÉE CCAS

[...]

[...]

représentée par Me Catherine LANFRAY MATHIEU, avocat au barreau de PARIS,

toque : C1354

INTIMÉ

Monsieur H... Y...

né le [...] à MONTREUIL (93100)

[...]

[...]

représenté par Me Jérôme BORZAKIAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0242 substitué par Me Thibault GEFFROY, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Janvier 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre

Mme Chantal IHUELLOU-LEVASSORT, Conseillère

M. Lionel LAFON, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Typhaine RIQUET, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- délibéré du 3 avril 2020 prorogé au 5 juin 2020, prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Elisabeth LAPASSET-SEITHER, Présidente de chambre et par Mme Typhaine RIQUET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP, ci-après 'la caisse', d'un jugement rendu le 3 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant H... Y....

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS DES PARTIES

Les faits de la cause ont été exactement exposés dans la décision déférée à laquelle il est fait expressément référence à cet égard.

Il suffit de rappeler que la caisse, suivant notification par lettre datée du 12 décembre 2017, a refusé de prendre en charge au titre de la législation professionnelle un accident dont aurait été victime le 11 octobre 2017 M. H... Y..., alors employé par la RATP en qualité de machiniste receveur.

M. Y... a saisi la commission de recours amiable de la caisse par lettre du

15 janvier 2018. En l'état d'un rejet implicite de son recours, M. Y... a saisi par lettre datée du 7 mars 2018 le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.

Par jugement du 3 juillet 2018, ce tribunal a :

- déclaré recevable le recours de M. Y...,

- dit que la décision de rejet notifiée par la caisse le 12 décembre 2017 était mal fondée,

- dit que l'accident dont avait été victime M. Y... le 11 octobre 2017 était un accident du travail au sens de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale et des articles 75 et 77 du règlement intérieure de la caisse et devait être pris en charge à ce titre,

- renvoyé le dossier de M. Y... à la caisse afin qu'il soit rempli de ses droits,

- dit que les sommes dues par la caisse à M. Y... devaient être assorties des intérêts au taux légal à compter de la notification du jugement,

- condamné la caisse à verser à M. Y... la somme de 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

La caisse a relevé appel de ce jugement le 5 septembre 2018.

La caisse fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré, à débouter M. Y... de sa demande, à confirmer sa décision de refus de prise en charge du 12 décembre 2017 et à condamner M. Y... à lui verser la somme de 1.800€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient que M. Y... ne rapporte pas la preuve de l'existence du fait accidentel qu'il invoque, que le tribunal a reproché à tort à l'employeur d'être sorti de son pouvoir de direction et a porté une appréciation de droit du travail qui n'était pas de sa compétence, qu'il n'y a pas eu le jour des faits survenance d'une lésion brutale et que le salarié était déjà atteint depuis plusieurs mois d'un trouble psychologique.

M. Y... fait déposer et soutenir oralement par son conseil des conclusions invitant la cour à confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a condamné la caisse à lui verser la somme de 500€ en application de l'article 700 du code de procédure civile, et porter cette somme à 2.000€.

Il soutient que le jour des faits ses supérieurs ont provoqué par leur attitude son angoisse, d'où son malaise, une évacuation par les services de secours et la constatation à l'hôpital d'une lésion, que l'employeur a manqué à sa réglementation interne ainsi qu'aux principes généraux de prévention des risques, qu'il n'avait pas été avisé de la tenue de cet entretien avant le jour de sa reprise, qu'il démontre l'existence d'une altercation particulièrement angoissante et brutale pour lui, et la réalité d'une lésion survenue brusquement.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour le détail de leurs argumentations.

SUR CE,

L'appel a été interjeté dans les délais et formes légales, il est donc recevable.

Le régime spécial de sécurité sociale de la RATP est régi par le décret n°2004-174 du

23 février 2004 et la caisse de coordination aux assurances sociales est organisée conformément aux articles L.711-1 et R.711-1 du code de la sécurité sociale.

Les articles 75 et 77 du règlement intérieur de la caisse, transposition de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, énonce que 'l'accident survenu à un agent, aux temps et lieu de travail, est présumé comme imputable au service. Cette présomption est simple. La preuve contraire peut être rapportée par la caisse'.

Ainsi, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée qui est à l'origine d'une lésion corporelle dont il incombe au salarié de rapporter la preuve autrement que par ses propres affirmations ; la preuve du fait accidentel doit être corroborée par des éléments objectifs ;

L'accident du travail se définit comme un événement ou une série d'événements survenus au temps et au lieu du travail.

La mise en oeuvre de la présomption d'imputabilité est donc subordonnée à la condition préalable de la preuve de la réalité de cet accident au temps et au lieu du travail. La preuve de la matérialité de l'accident ne peut résulter que d'un ensemble de présomptions sérieuses graves et concordantes

En l'espèce, le 11 octobre 2017, la RATP a établi et adressé à la caisse une déclaration d'accident du travail indiquant que le 11 octobre 2017 à 12h15, au centre bus Croix Nivert, décrivant ainsi les faits 'alors que deux agents d'encadrement du centre bus étaient présents au [...] pour l'entretien de réaccueil de l'agent, ce dernier a refusé d'être entretenu sans la présence d'un représentant du personnel puis a déclaré 'je ne me sens pas bien, j'ai des palpitations, j'ai mal à la tête'. Les pompiers ont alors été appelés puis ont transporté l'agent à l'hôpital'.

Le médecin de l'[...] a dressé le jour-même un certificat médical initial constatant : 'description d'un malaise avec oppression thoracique et dyspnée au travail. ECG normal'. Un arrêt de travail a été prescrit jusqu'au

15 octobre 2017.

L'employeur a émis des réserves par message électronique du 17 octobre 2017 sur la réalité de l'accident du travail.

La caisse a procédé à une enquête à l'issue de laquelle elle a refusé la prise en charge au titre de la législation professionnelle de ces faits.

Il est établi que M. Y... était depuis avril 2014 en arrêt de travail lorsqu'il s'est présenté le 11 octobre 2017 sur son lieu de travail, le [...], pour une reprise de son activité professionnelle.

L'assuré souligne dans ses écritures qu'il s'est trouvé d'autant plus angoissé qu'il n'avait pas été avisé de la tenue d'un entretien avant le jour de sa reprise.

Cependant, la tenue d'un tel entretien avec l'encadrement est nécessairement utile pour tenir informé le salarié des conditions de sa reprise. Une instruction de département id bus n°21 de mars 2011, versée aux débats, définit l' 'entretien de ré-accueil' comme celui qui doit répondre aux effets liés à l'éloignement de la vie de l'entreprise et aux difficultés liées à la reprise d'activité, afin de permettre au management d'effectuer un entretien personnalisé de retour d'absence à la reprise du travail du salarié.

M. Y... ne peut pas soutenir qu'il a été surpris par l'organisation d'un tel entretien, dés lors qu'il avait déjà, le 9 octobre 2015, été convoqué à un tel entretien, lors d'une précédente reprise du travail. Il est donc établi que M. Y... devait s'attendre à ce qu'un tel entretien ait lieu.

Ce dernier expose qu'il s'est retrouvé face à deux personnes, M. N..., référent en matière d'inaptitude et Mme L..., responsable des ressources humaines, qu'il a été ainsi placé dans une situation difficile, 'dos au mur', et que ces deux responsables lui ont refusé de manière illégitime d'être accompagné par M. J... .

Il s'appuie sur la lettre datée du 7 novembre 2017 que lui a adressée le contrôleur du travail, dont il souligne les termes suivants : 'Il ressort donc des faits que votre entretien de ré-accueil ne s'est pas déroulé conformément à la réglementation interne à la RATP et aux principes généraux de prévention puisqu'il s'est matérialisé par une altercation, après laquelle se sont enchaînés, pour vous, malaise, hospitalisation et à nouveau arrêt de travail'.

Le tribunal a suivi M. Y... dans cette analyse, considérant que la RATP avait usé de manière anormale de son pouvoir de direction en ne respectant pas sa propre réglementation interne et en refusant à son salarié des demandes légitimes, le contraignant à s'opposer, sans soutien, à son employeur qui n'était pas représenté par son supérieur hiérarchique de référence.

Or l'employeur a souligné par lettre datée du 7 décembre 2017 que l'entretien n'était pas disciplinaire, et qu'il était en droit de refuser que son salarié soit assisté, contestant en totalité l'analyse du contrôleur.

Il est constant que la cour est saisie d'un litige de sécurité sociale et non de droit du travail, qu'aucun formalisme n'était imposé pour cet entretien, comme le précise l'instruction précitée en sa page 5, qu'il ne peut pas être retenu un usage anormal par la RATP de son pouvoir de direction et que M. Y... ne s'est pas trouvé seul face aux deux encadrants, puisqu'il produit une attestation détaillée de M. J... , en date du 20 octobre 2017, qui décrit tout le déroulement de l'entretien.

Si le contrôleur du travail a évoqué dans sa lettre précitée une 'altercation', tous les éléments versés aux débats indiquent bien au contraire que l'entretien n'a donné lieu à aucun incident entre les participants, M. J... évoquant seulement l''insistance répétée' des deux représentants de l'employeur.

Il y a donc lieu de constater l'absence d'un événement anormal susceptible d'être générateur d'un accident du travail.

Par ailleurs, le certificat médical initial dressé le même jour à l'hôpital est ainsi libellé: 'description d'un malaise avec oppression thoracique et dyspnée au travail. ECG normal'.

Les conclusions du compte rendu de l'hôpital que M. Y... verse aux débats sont les suivantes : 'patient sans facteur de risque cardio-vasculaire ayant présenté une douleur thoracique atypique + dyspnée à ECG (électrocardiogramme) normal et sans argument pour une étiologie organique. Résolutive spontanément. Retour à domicile avec certificat d'accident du travail'.

Force est de constater qu'il n'est pas caractérisé une lésion qui pourrait découler directement de l'accident allégué. M. Y... n'a de surcroît allégué qu'une 'appréhension'.

Surtout, les parties s'accordent sur le fait que M. Y... était déjà malade avant l'entretien.

La caisse souligne avec raison que le compte rendu hospitalier précité a fait état au titre des antécédents médicaux d'un syndrome dépressif suivi en psychiatrie. De plus, dans son rapport d'expertise médicale rédigé pour la détermination de la date de consolidation de l'accident du travail dont a été victime M. Y... en avril 2014, le docteur O... fait mention d'un certificat médical daté du 7 octobre 2017, soit 4 jours avant la date de l'accident allégué, qui indique que le patient était dans une dimension dépressive et dans l'incapacité de reprendre son travail ayant nécessité le réajustement de son traitement.

Aucun élément, qu'il soit factuel ou médical, ne permet de mettre en évidence une lésion spécifiquement provoquée par l'entretien du 11 octobre 2017.

L'accident du travail n'est pas caractérisé.

Il y a donc lieu d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré et de débouter

M. Y... de l'ensemble de ses demandes.

L'équité ne commande pas de condamner M. Y... en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute M. H... Y... de l'ensemble de ses demandes,

Déboute la caisse de coordination aux assurances sociales de la RATP de sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. H... Y... aux dépens d'appel.

La Greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/10406
Date de la décision : 05/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris L4, arrêt n°18/10406 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-05;18.10406 ?
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