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11/06/2020 | FRANCE | N°17/22589

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 11 juin 2020, 17/22589


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 11 JUIN 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22589 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4T3U



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2017 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2015F001167





APPELANTES



SOCIÉTÉ HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES, société de droit étranger

Ayant son

siège social [Adresse 3]

[Localité 9] (SUISSE)

N° SIRET : 775 753 072

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



SA CHRISTIAN DIOR COUTURE

Ay...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 11 JUIN 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/22589 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4T3U

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Avril 2017 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2015F001167

APPELANTES

SOCIÉTÉ HELVETIA COMPAGNIE SUISSE D'ASSURANCES, société de droit étranger

Ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 9] (SUISSE)

N° SIRET : 775 753 072

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SA CHRISTIAN DIOR COUTURE

Ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 5]

N° SIRET : 612 035 832

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

SOCIÉTÉ CHRISTIAN DIOR JAPAN KK

Ayant spn siège social [Adresse 10]

[Adresse 1] (JAPON)

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentées par Me Nadia BOUZIDI-FABRE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0515

Ayant pour avocat plaidant Me Nicolas MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : A139

INTIMÉE

SAS PANALPINA FRANCE TRANSPORTS INTERNATIONAUX

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 6]

N° SIRET : 572 074 110

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Francine HAVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1250

Ayant pour avocat plaidant Me Bruno SEYBOLD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1771

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 janvier 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente

Mme Christine SOUDRY, conseillère

Mme Camille LIGNIERES, conseillère, chargée du rapport

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente et par Mme Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Christian Dior Couture qui commercialise des marchandises à forte valeur ajoutée a, par contrat dit « accord de collaboration flux aériens » d' avril 2012, chargé la société Panalpina France Transports Internationaux de l'organisation du transport aérien de ses marchandises.

En exécution de ce contrat, durant le mois de juin 2014, la société Panalpina France Transports Internationaux s'est vue confier par la société Christian Dior Couture l'organisation du transport de 86 colis d'articles en cuir et de prêt-à-porter depuis la France jusqu'au Japon, par voie aérienne.

En date du 29 juin 2014, après réception et opérations de déchargement des palettes, il a été constaté que 57 colis sur les 86 expédiés, représentant un total de 654 articles, étaient mouillés et endommagés. Une réunion d'expertise amiable et contradictoire a eu lieu le 9 juillet 2014 dans l'entrepôt de la société Christian Dior Coutures à [Localité 11].

Une mise en demeure de payer une indemnisation à hauteur de 48.708.300 yens a été adressée par courrier avec accusé de réception en date du 22 juin 2015 par les sociétés Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK à la société Panalpina France Transports Internationaux, laquelle est restée sans effet.

C'est dans ces conditions que les sociétés Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK, ainsi que leur assureur, la société Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, ont, par acte en date du 29 juin 2015, assigné la société Panalpina France Transports Internationaux devant le tribunal de commerce de Bobigny, aux fins d'obtenir le paiement de la somme susvisée.

Par jugement contradictoire rendu le 18 avril 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a :

- déclaré Helvetia Assurances recevable en son action à l'encontre de la société Panalpina et dit Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK irrecevables en leur action ;

- condamné la société Panalpina à payer à Helvetia Assurances la contrevaleur en euros de 8.689,30 DTS au jour du jugement ;

- condamné la société Panalpina à payer à Helvetia Assurances la somme de 2.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement sans constitution de garantie ;

- condamné la société Panalpina aux dépens de la présente instance et aux sommes retenues par l'huissier dans l'hypothèse de l'exécution forcée ;

- liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 129,24 euros TTC (dont TVA 21,54 euros).

Par déclaration du 8 décembre 2017, les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK ont interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a :

- déclaré Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK irrecevables en leur action ;

- limité la condamnation de la société Panalpina à payer la contrevaleur en euros de 8.639,30 DTS au jour du jugement ;

- débouté les sociétés Helvetia Assurances, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK de leur demande de condamnation de la société Panalpina à régler la somme de 48.708.300 yens ou son équivalent en euros au jour du jugement à intervenir outre les intérêts du taux légal, à compter de la mise en demeure du 22 juin 2015, ces intérêts devant être capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil ;

- limité la condamnation de la société Panalpina au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 2.000 euros ;

Et plus généralement toutes les dispositions non visées au dispositif et faisant grief à l'appelant selon les moyens qui seront développés dans les conclusions.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 21 novembre 2019, les sociétés Helvetia Compagnie Suisse d'Assurances, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK, appelantes, demandent à la cour de:

- déclarer la compagnie requérante Helvetia recevable et bien fondée en son appel ;

- réformer le jugement entrepris ;

Statuant à nouveau,

- condamner la société Panalpina à payer à la compagnie Helvetia les sommes, sauf à parfaire de :

' 48.708.300 yens, ou son équivalent en euros au jours du jugement à intervenir outre in

térêts au taux légal, à compter de la mise en demeure du 22 juin 2015, ces intérêts devant être capitalisés conformément à l'article 1154 du code civil ;

' 10.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance y compris les frais d'expertise.

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 25 novembre 2019, la société Panalpina France Transports Internationaux, intimée, demande à la cour de :

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 18 avril 2017,

Vu les articles 31 et 32 du code de procédure civile,

Vu l'article 122 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les sociétés Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK irrecevables ;

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré la société Helvetia recevable sans préciser que l'intérêt à agir de celle-ci est limité à la somme de 20.745.260 yens ;

En conséquence,

- déclarer que la société Helvetia n'est recevable qu'à hauteur de la somme de 20.745.260 yens ;

Vu les articles L.132-3 et suivants du code de commerce,

Vu le décret n°2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport,

Vu la convention de Montréal du 28 mai 1999,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus, et ce faisant :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société Panalpina n'a commis aucune faute personnelle en lien avec le dommage ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait application des limitations prévues par la convention de Montréal de 1999 pour l'unification de certaines règles relatives au transport aérien international ;

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Panalpina à payer la somme de 8.689,30 DTS et débouter les sociétés Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK du surplus de {leurs} demandes ;

- débouter les sociétés Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance ;

Y ajoutant,

- débouter les sociétés Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel ;

- condamner les sociétés Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior {Japan KK} à payer chacune la somme de 17.000,00 euros à la société Panalpina au titre de la procédure d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les sociétés Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK aux entiers dépens de la procédure d'appel toutes taxes comprises, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au bénéfice de Maître Francine Havet ;

Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,

Vu le décret n°2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport,

À titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour venait à retenir la faute personnelle de la société Panalpina,

- faire application des limitations légales prévues par l'article 13.2.1 du contrat type de commission de transport (décret n°2013-293 du 5 avril 2013) ;

- dire que toute condamnation à l'encontre de la société Panalpina doit être limitée à la somme de 3.450,00 euros ;

À titre très subsidiaire, si par extraordinaire, le tribunal venait à ne pas faire application des limitations légales prévues par le contrat type commission de transport,

- constater que les sociétés Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK ne justifient pas le quantum de leurs demandes ;

- constater que l'expert des société Helvetia, Christian Dior Couture et Christian Dior Japan KK a fixé le montant des dommages à la somme de 20.745.260 yens ;

En conséquence,

- dire et juger que toute condamnation à l'encontre de la société Panalpina ne peut pas excéder la somme de 20.745.260 yens.

L'ordonnance de clôture a été rendue en date du 12 décembre 2019.

***

MOTIFS

Sur la recevabilité d'Helvetia subrogée dans les droits des sociétés Dior

Le tribunal a dit recevable Helvetia comme subrogée dans les droits des sociétés Dior à hauteur de 48.708.300 JPY, montant du règlement qu'elle justifie avoir versé à titre d'indemnisation du sinistre.

La société Panalpina France Transports critique cette décision et prétend que la recevabilité de Helvetia n'est justifiée qu'à hauteur de 20.745.260 JPY. A cet effet, la société Panalpina France Transports soutient que le préjudice supporté par les sociétés Dior s'élevant à la somme de 20.745.260 JPY tel qu'évalué par l'expertise amiable de leur assureur, ce dernier ne peut donc pas valablement prétendre à une subrogation pour une somme supérieure. Selon la société Panalpina France Transports, la différence entre le montant du préjudice subi par Dior et le montant versé par son assureur correspond à un règlement à titre commercial, et non pas à une obligation d'assurance.

Sur ce;

Concernant la subrogation légale, aux termes de l'article L.121-12 alinéa 1 du code des assurances, "l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur".

En l'espèce, il est versé aux débats la police d'assurance signée entre la société Christian Dior Couture et Helvetia indiquant toutes les conditions générales de la police d'assurance qui définissent le contenu des garanties souscrites ainsi que les causes d'exclusion de ces garanties.

En outre, Helvetia justifie par la production des documents "claim form" et "virement" du paiement à la société Dior de l'indemnité d'assurance à hauteur de 48.703.200 JPY pour le sinistre suivant :« Wet damage on 654 DIOR Items ».

L'indemnité d'assurance constitue la limite du recours subrogatoire, peu importe au stade de l'examen de la recevabilité que dans un premier temps, l'expertise amiable ait abouti à une évaluation moindre de l'indemnisation qui devait être due par l'assureur.

Helvetia justifie donc être subrogée dans les droits des sociétés Dior pour un montant de 48.703.200 JPY, soit la totalité de la somme qui est réclamée par ces dernières dans le cadre de ce litige. L'assurée ne recouvrant son action en responsabilité contre le tiers que pour le reste, les sociétés Dior ne sont plus recevables à agir du fait que la totalité de la somme réclamée à titre principal correspond à la somme déjà reçue de leur compagnie d'assurance pour l'indemnisation du sinistre.

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a dit recevable Helvetia comme subrogée dans les droits des sociétés Dior à hauteur de 48.708.300 JPY et dit les sociétés Dior irrecevables dans leur action.

Sur la qualification de la mission de la société Panalpina France Transports

Selon l'assureur des sociétés Dior, le tribunal de commerce a retenu à tort que la société Panalpina France Transports n'est intervenue qu'en qualité de commissionnaire de transport et n'a engagé sa responsabilité que du fait de son substitué, la compagnie aérienne. La société d'assurances Helvetia soutient au contraire que la société Panalpina France Transports a engagé sa responsabilité non comme commissionnaire de transport mais comme emballeur, qu'elle a commis un manquement contractuel au vu de l'« accord de collaboration flux aérien » dans l'exécution de la prestation en sa qualité de professionnel de l'emballage des marchandises en vue de leur transport.

La société Panalpina France Transports réplique qu'elle a été désignée dans le contrat liant les parties comme prestataire de transport, qu' elle avait pour mission d'organiser le transport de bout en bout, qu'elle avait donc la mission de commissionnaire de transport, alors que c'est la société Dior qui était chargée de l'emballage, la palettisation sur les ULD (Unit Load Device) n'étant qu'un pré-requis, un standard dans le frêt aérien.

Sur ce ;

Il n'est pas discuté que la société Panalpina France Transports était en charge d'organiser le transport et donc avait une mission de commissionnaire de transport.

Le point de désaccord porte sur l'existence d'une mission spécifique supplémentaire mise à la charge de la société Panalpina France Transports concernant l'emballage.

Si la règle est que le conditionnement et l'emballage incombent à l'expéditeur, il convient de rechercher dans chaque cas si les caractéristiques du produit transporté imposait ou non un emballage spécifique.

Le contrat dit « accord de collaboration flux aériens » signé entre la société Dior et la société Panalpina France Transports « a pour objet  de décrire les prestations attendues du Prestataire de transport dans le cadre de flux aériens majoritairement export de Dior Couture ».

Les produits concernés sont notamment « des produits à forte valeur ajoutée nécessitant le respect d'un protocole de sécurité, produits fragiles pouvant se détériorer facilement lors de l'exposition à l'humidité ou lors de manutention trop brutale au cours du transport ».

Il ressort du schéma « Logistique de Distribution » en page 4 du contrat qu'après la livraison par Dior Couture, la société Panalpina France Transports est en charge de : « Tri par destination, Douane export, consolidation, palettisation LTA ». S'il est précisé les dimensions des unités de conditionnement de Dior Couture, il est également mentionné que les colis sont « triés par le transporteur et filmés sur des palettes consignées. Le tri des colis par destination est à la charge du Prestataire. » (page 5 de l'accord)

La palettisation des colis pour laquelle le Prestataire est en charge d' « un contrôle qualitatif » a fait l'objet de mentions spécifiques : « les palettes doivent être constituées avec un maximum de sécurité et de protection contre la pluie et l'humidité », suivies d'un « schéma exemple » explicatif en page 6 du contrat.

Il en résulte que si la mission de la société Panalpina France Transports est celle d'un commissionnaire de transport, cette dernière avait en outre une mission spécifique d'emballage, aux termes du contrat « sur mesure » conclu entre les parties tenant compte du type des produits transportés tels que décrits dans l'objet du contrat.

Sur la responsabilité de la société Panalpina France Transports

Selon la société d'assurances Helvetia, la société Panalpina France Transports a admis que la cause du dommage était un défaut d'étanchéité de l'emballage de la marchandise, et non une faute des opérateurs intervenus pour son transport, le prestataire a d'ailleurs proposé d'améliorer cet emballage défectueux pour l'avenir par des « actions correctives ».

La société Panalpina France Transports réplique qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'elle a commis une faute dans l'exécution de sa mission en ce que la palettisation a été effectuée conformément aux instructions de Dior dans l'accord de collaboration, sachant que Dior est un client expérimenté dans le commerce à l'international.

Sur ce ;

Le rapport de l'expertise amiable, établie à la requête de l'assureur de Dior, indique dans sa conclusion qu'une double cause expliquerait le dommage : un emballage insuffisant, ainsi qu'une manipulation inappropriée et négligente lors du déchargement de l'avion pendant le transit. (Pièce 2 de Dior, Cause of damage : « according to the Consignees (Dior K.K.), it was reported by the Carriers that the cartons were packed in the ULD with the proper covering shetts at the Carriers' warehouse at [Localité 8]. Based on the information, documentary evidence, and the appearence of the cargo, wet damage to the cargo is considered attributable to insufficient packing of the ULD (United Load Device) and improper and careless handling of the cargo by the Carriers in transit ».)

-sur la responsabilité personnelle de la société Panalpina France Transports en sa qualité d'emballeur :

Il n'est pas discuté que l'emballage n'a pas été suffisant pour protéger les produits des intempéries.

Il est vrai qu'il n'est pas démontré que la société Panalpina France Transports n'a pas suivi les indications du schéma de l'emballage spécifique tel que mentionné dans le contrat à titre d'exemple. Au vu des images de la vidéosurveillance dans l'entrepôt de la société Panalpina France Transports à [Localité 8] versées aux débats, l'emballage a été effectué conformément à ce schéma.

Pour autant, en sa qualité d'emballeur professionnel, la société Panalpina France Transports avait un devoir de conseil envers son client qui avait attiré son attention sur l'importance d'une sécurisation maximale de l'emballage au vu du type des produits transportés. Il est d'ailleurs précisé en page 1 de l'accord de collaboration que « le Prestataire s'engage également à être en permanence force de proposition & préconiser régulièrement des axes d'améliorations visant à augmenter la qualité des prestations, la sécurité et à optimiser les coûts ». Or, il s'est avéré que le type d'emballage préconisé dans le contrat n'a pas été suffisant pour protéger les produits contre de fortes pluies lors du déchargement à l'aéroport de [Localité 11], et que la société Panalpina France Transports a dû prévoir de prendre des mesures supplémentaires pour l'avenir appelées « actions correctives » telles que la pose d'une « première couche de plastique waterproof avant les plaques latérales anti-agression afin d'éviter de telles déchirures » dans l'entrepôt [7] à [Localité 8] et à destination « mise à l'abri des ULD immédiate dès déchargement de l'appareil. Si intempéries : une demande sera effectuée afin de rajouter une protection (type bâche) au moment du déchargement sur le tarmac dans la mesure des disponibilités ».

Il en résulte que la société Panalpina France Transports a engagé sa responsabilité personnelle du fait de défaillances commises dans l'exécution de sa mission spécifique d'emballeur alors qu'elle était en charge de veiller à la qualité d'une palettisation spécifique ayant pour objectif d'assurer « un maximum de sécurité et de protection contre la pluie et l'humidité ».

-sur la responsabilité de la société Panalpina France Transports du fait de son substitué, le transporteur aérien:

La deuxième cause identifiée du sinistre selon la conclusion de l'expertise amiable établie par l'assureur de Dior serait une manipulation négligente et sans soin lors du déchargement. Ainsi, la société Panalpina France Transports indique dans son document interne « historique de sécurisation » concernant le présent litige qu'il existe deux possibilités de causes du dommage : « la pluie a été suffisamment puissante pour percer nos protections plastiques », ou bien « du fait des aléas du transport et des manipulations successives (...) déchirement du film plastique par lequel la pluie s'est infiltrée ».

Cependant, la deuxième cause envisagée ne s'appuie sur aucun élément constaté lors de l'expertise amiable, laquelle ne permet pas de dire que les emballages ont été déchirés lors du déchargement. Au contraire, il résulte de cette expertise que c'est la pluie qui a traversé l'emballage lequel n'était pas suffisamment étanche pour résister aux intempéries lors du déchargement.

A défaut de négligences lors du déchargement sous la responsabilité du transporteur aérien et en présence de défaillances dans la mission de l'emballeur, la responsabilité du fait du substitué sera donc écartée.

La société Panalpina France Transports a donc engagé sa responsabilité personnelle dans l'exécution de sa mission d'emballeur, distincte de celle de commissionnaire de transport, dans la survenue du sinistre.

Sur l'indemnisation due

La société d'assurances Helvetia sollicite que le quantum de l'indemnisation soit plus élevé que celui fixé par les premiers juges, et soutient que les limitations spécifiques au commissionnaire de transport ne s'appliquent pas en l'espèce.

La société Panalpina France Transports conteste le montant sollicité en disant qu'il est contredit par l'évaluation mentionnée dans l'expertise amiable diligentée à la requête de l'assureur de Dior et que de toute façon doivent s'appliquer les limitations prévues dans la Convention de Montréal relatives à la responsabilité du commissionnaire de transport.

Sur ce ;

-le régime juridique applicable :

L'examen de l'accord de collaboration liant les parties, et plus particulièrement la partie « Contexte » explicitant en page 1 la spécificité des produits transportés, et le fait qu'une page entière (page 6) dans la partie « Détail de la prestation » est consacrée au contrôle qualitatif de l'emballage à la charge du Prestataire, fait apparaître que la mission d'emballeur n'est pas seulement un accessoire de la mission de commissionnaire de transport assurée par la société Panalpina France Transports. Ainsi le régime de responsabilité spécifique du commissionnaire de transport ne peut être appliqué à la société Panalpina France Transports dans l'exécution de sa mission spécifique et autonome d'emballeur professionnel.

S'agissant d'une indemnisation du fait de défaillances dans l'exécution d'une prestation d'emballage qui est un contrat de louage d'ouvrage, il ne peut donc être opposé les limitations de réparation relatives au commissionnaire de transport.

Les sociétés Dior doivent être indemnisées de l'entier dommage subi du fait des défaillances dans la mission d'emballage dont la société Panalpina France Transports avait la charge.

-l'évaluation du préjudice :

Il résulte de l'expertise amiable que l'entier chargement de 1060 pièces a été évalué à une « valeur départ » de 39.707.942 JPY, mais que seulement 654 pièces ont été endommagées et sont devenues invendables. Le prix « retail » (ou prix de vente au détail recommandé pour les revendeurs par le fabricant) ne peut être retenu, car il ne correspond pas au préjudice matériel subi par Dior.

L'indemnisation sera fixée à la « valeur marchande départ » du chargement objet du sinistre et qui ne peut plus être vendu par Dior à ses revendeurs japonais, soit à la somme de 20.745.260 JPY, correspondant à la « invoice value » estimée par Dior KK dans l'expertise amiable diligentée à la requête de son assureur.

L'indemnisation due à l'assureur de Dior sera donc infirmée dans son quantum et fixée à hauteur de 20.745.260 JPY, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

L'anatocisme s'appliquera selon les dispositions de l'article 1154 ancien du code civil applicable en l'espèce.

Sur les frais et dépens

Le jugement du tribunal de commerce sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Panalpina France Transports aux dépens et aux frais irrépétibles engagés par la société d'assurances Helvetia lors de la première instance.

En cause d'appel, la société Panalpina France Transports succombant au principal, supportera les entiers dépens de l'appel. Il est équitable qu'elle participe en outre à hauteur de 5.000 euros aux frais irrépétibles complémentaires que la société d'assurances Helvetia a dû engager en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne l'indemnisation,

Statuant à nouveau sur ce chef infirmé,

CONDAMNE la société Panalpina France Transports Internationaux à payer à la société d'assurances Helvetia la somme de 20.745.260 JPY sur le fondement de la responsabilité contractuelle engagée dans l'exécution de sa mission d'emballeur, outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

DIT que l'anatocisme s'applique selon les dispositions de l'article 1154 ancien du code civil applicable en l'espèce,

Y ajoutant,

CONDAMNE la société Panalpina France Transports Internationaux à payer à la société d'assurances Helvetia la somme de 5.000 euros pour les frais irrépétibles complémentaires en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Panalpina France Transports Internationaux aux entiers dépens de l'appel.

Hortense VITELA-GASPAR Marie-Annick PRIGENT

Greffière Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 17/22589
Date de la décision : 11/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°17/22589 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-11;17.22589 ?
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