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11/06/2020 | FRANCE | N°19/19063

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 2, 11 juin 2020, 19/19063


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 2



ARRET DU 11 JUIN 2020



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19063 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZQH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 17 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 19/57219





APPELANTE



FEDERATION FRANCAISE DU BATIMENT (FFB)

prise en la personne de ses

représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020, avocat postulant





INTIMES



FEDERATION GENERALE ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 2

ARRET DU 11 JUIN 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19063 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZQH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance de référé rendue le 17 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 19/57219

APPELANTE

FEDERATION FRANCAISE DU BATIMENT (FFB)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 7]

[Localité 11]

Représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020, avocat postulant

INTIMES

FEDERATION GENERALE FORCE OUVRIERE CONSTRUCTION

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Pierre TRUSSON, avocat au barreau de PARIS, toque D.156, avocat postulant

CONFEDERATION DE L'ARTISANAT ET DES PETITES ENTREPRISES DU BATIMENT (CAPEB) prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 11]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Représentée par Me Isabelle ZAKINE ROZENBERG, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

FEDERATION BATI-MAT-TP CFTC

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Xavier LEDUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : E2035, avocat postulant

FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DE LA CONSTRUCTION ET DU BOIS CFDT prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 8]

[Localité 11]

Représentée par Me Céline COTZA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0392, substituée par Me Claire FINANCE, avocat postulant et plaidant

FEDERATION NATIONALE DES SALARIES DE LA CONSTRUCTION, DU BOIS ET DE L'AMEUBLEMENT CGT (FNSCBA CGT)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 5]

[Localité 13]

Représentée par Me Cathy FARRAN, avocat au barreau de PARIS, toque : D1553, avocat postulant

UNION FEDERALE DE L'INDUSTRIE ET DE LA CONSTRUCTION - UNSA

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 3]

[Localité 12]

Représentée par Me Zoran ILIC, avocat au barreau de PARIS, toque : K0137, avocat postulant

FEDERATION DES SOCIETES COOPERATIVES ET PARTICIPATIVES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (SCOP BTP)

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 10]

[Localité 11]

défaillante

FEDERATION FRANCAISE DES ENTREPRISES DE GENIE ELECTRIQUE ET ENERGETIQUE (FFIE) prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 9]

[Localité 11]

défaillante

SYNDICAT CFE-CGC-BTP

pris en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 11]

défaillant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 804 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 mars 2020, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Mariella LUXARDO, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de:

Madame Mariella LUXARDO, Présidente

Madame Brigitte CHOKRON, Présidente

Monsieur Christophe ESTEVE, Conseiller

GREFFIER : Madame RONOT, lors des débats

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mariella LUXARDO, Présidente et par Madame FOULON, Greffière.

*********

Vu l'ordonnance rendue le 17 septembre 2019, rectifiée le 26 septembre 2019, par le président du tribunal de grande instance de Paris statuant en référé qui a :

Débouté la Fédération Française du Bâtiment de l'ensemble de ses demandes,

Condamné la FFB à payer à la CAPEB la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et celle de 4.000 euros à chacune des Fédérations FNSCB CFDT, FNSCBA CGT, l'UFIC-UNSA,

Rejeté le surplus des demandes des parties,

Condamné aux dépens la FFB, la Fédération Générale FO Construction, l'UFIC-UNSA, et la Fédération Bati Mat TP CFTC ;

Vu l'appel interjeté par la FFB contre cette décision le 16 octobre 2019 ;

Vu les conclusions du 3 février 2020 de la FFB aux fins de voir :

Infirmer en totalité l'ordonnance de référé du 17 septembre 2019

et, statuant à nouveau :

Ordonner la suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019

relatif à la mise en place de commissions paritaires permanentes de négociation et

d'interprétation (CPPNI) dans le Bâtiment

Ordonner la suspension des effets de l'accord collectif national relatif aux thèmes

et calendrier des négociations 2019 du 14 mai 2019 dans le Bâtiment

Débouter les organisations syndicales de l'ensemble de leurs demandes, fins et

conclusions contraires

Débouter la CGT de sa demande indemnitaire pour procédure abusive

Condamner la CAPEB, la CFDT, la CGT et l'UNSA à verser chacune à la FFB

5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la CAPEB, la CFDT, la CGT et l'UNSA aux entiers dépens d'instance ;

Vu les conclusions du 4 février 2020 de la CAPEB aux fins de voir :

Dire et juger que les signataires des accords du 14 mai 2019 contestés par la FFB, FG

FO et Bati Mat TP CFTC sont toutes des organisations représentatives habilitées à négocier dans chacune des 4 branches du secteur du bâtiment ainsi qu'il ressort des

arrêtés ministériels en vigueur

Dire et juger de la « branche » du bâtiment telle qu'alléguée par la FFB ainsi que par

FG FO et Bati Mat TP CFTC est inexistante faute d'accord valablement signé et ainsi

qu'il ressort des arrêts de la cour administrative d'appel de Paris du 12 juillet 2019

Dire et juger en conséquence qu'il n'existe aucun trouble manifestement illicite établi

et qu'aucune mesure conservatoire ne s'impose

Dire et juger en conséquence n'y avoir lieu à référé

Débouter la FFB, FG FO Construction et Bati Mat TP CFTC de l'ensemble de leurs

demandes fins et conclusions

Dire et juger mal fondé l'appel de la FFB et les appels incidents de FG FO et de Bati

Mat TP CFTC,En conséquence

Confirmer en toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé du 17 septembre 2019

Et y ajoutant,

Condamner la FFB ainsi que FO Construction Bati Mat TP CFTC à payer chacune à

la CAPEB la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure

civile

Condamner la FFB et FO Construction Bati Mat TP CFTC aux entiers dépens de la

première instance et d'appel et de leurs suites dont le montant pourra être recouvré par

Lexavoué [Localité 11] [Localité 14], conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de la Fédération FNSCBA CGT du 6 janvier 2020 aux fins de voir :

Confirmer l'ordonnance de référé du 17 septembre 2019 en ce qu'elle a débouté la

FFB de ses demandes et l'a condamnée au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés au niveau de la première instance

Y ajoutant

Condamner la FFB à payer à la FNSCBA CGT la somme de 5.000 euros de dommages-

intérêts pour procédure abusive

Condamner la FFB à payer à la FNSCBA CGT la somme de 4.000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile pour les frais engagés au niveau de la procédure d'appel

Condamner la FFB aux entiers dépens ;

Vu les conclusions de la Fédération FNSCB CFDT du 26 décembre 2019 aux fins de voir:

Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 17 septembre 2019

Condamner la FFB à verser à la FNCB CFDT la somme de 4.000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'UFIC-UNSA du 27 décembre 2019 aux fins de voir :

Confirmer l'ordonnance rendue par le Tribunal de Grande Instance de Paris

Débouter la Fédération Française du Bâtiment , la Fédération

BATI-MAT-TP-CFTC et la Fédération Générale FO Construction de l'ensemble de leurs demandes

Condamner la Fédérati on Française du Bâti ment, la Fédération BATI-MAT-TP-CFTC et la Fédération Générale FO Construction à payer solidairement la somme de 5.000 euros à l'Union Fédérale de l'Industrie et de la Construction - UNSA sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

Condamner la Fédération Française du Bâti ment, la Fédération BATI-MAT-TP-CFTC et la Fédération Générale FO Construction aux entiers dépens ;

Vu les conclusions de la Fédération Générale FO Construction du 20 décembre 2019 aux fins de voir :

Dire et juger que, conformément à l'article L. 2232-9 I du code du travail, une CPPNI

ne peut être mise en place qu'au sein d'une branche professionnelle

Dire et juger que le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés et

celui des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés ne constituent pas des branches professionnelles permettant la mise en place de CPPNI

Dire et juger qu'en l'absence d'arrêté de représentativité et de mesure du poids de

chaque organisation dans la branche du bâtiment, ainsi que dans le champ des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés et celui des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés, il est impossible de déterminer si les conditions de validité des accords litigieux sont remplies

Dire et juger que les accords litigieux sont contraires aux principes de restructuration des

branches professionnelles

En conséquence

Infirmer l'ordonnance du 17 septembre 2019 en toute ses dispositions

Et statuant à nouveau

Ordonner la suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif à la mise en place de commissions paritaires permanentes de négociation et d'interprétation dans le bâtiment

Ordonner la suspension des effets de l'accord collectif national relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 dans le bâtiment

Condamner la CAPEB, la CFDT, la CGT et l'UFIC-UNSA au paiement de la somme de

5.000 euros chacune par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les conclusions de la Fédération Bati Mat TP CFTC du 6 janvier 2020 aux fins de voir:

Infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance du 17 septembre 2019

Et statuant à nouveau

Ordonner la suspension des effets de l'accord collecti f nati onal du 14 mai 2019 relatif

à la mise en place de Commissions Paritaires Permanentes de Négociation et d'Interprétation (CPPNI) dans le Bâtiment

Ordonner la suspension des effets de l'accord collectif national du 14 mai 2019 relatif

aux thèmes et calendrier des négociations 2019 dans le Bâtiment

Condamner la CAPEB, la CFDT, la CGT et l'UNSA à verser chacune à la concluante, la

Fédérati on BATI MAT TP CFTC, la somme de 2 000,00 euros au titre de l'arti cle 700 du code de Procédure Civile

Condamner la CAPEB, la CFDT, la CGT et l'UNSA aux entiers dépens de l'instance ;

Vu les significations des conclusions des 11 décembre 2019, des 3 et 17 janvier 2020 au syndicat CFE-CGC-BTP, à la Fédération des sociétés coopératives et participatives du bâtiment et des travaux publics et la Fédération française des entreprises de génie électrique et énergétique, intimés non constitués ;

Vu l'ordonnance de clôture rendue le 28 février 2020 ;

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

MOTIFS DE L'ARRÊT

Sur la recevabilité des dernières conclusions de la FFB et de la CAPEB

Par avis du 6 novembre 2019, les parties ont été informées de la date de la clôture au 28 février 2020 et des plaidoiries au 13 mars 2020.

La FFB et la CAPEB ont transmis des conclusions le 27 février 2020, respectivement à 10h52 et 11h52.

Les parties ont été invitées à présenter leurs observations sur la recevabilité de ces conclusions par avis du 10 mars 2020.

La cour relève que les conclusions transmises par la FFB et la CAPEB la veille de la clôture, ont largement modifié leurs précédentes écritures, ce qui a placé leurs contradicteurs dans l'impossibilité d'y répondre.

Ces dernières conclusions doivent être écartées du débat comme étant tardives, cette communication étant contraire au principe de la contradiction.

La cour se prononcera au vu des conclusions des 3 et 4 février 2020 de la FFB et de la CAPEB. Les pièces communiquées par la CAPEB avec ses dernières conclusions méritent d'être écartées pour les mêmes motifs.

Sur la demande de suspension des accords du 14 mai 2019 signés par la CAPEB

Le litige porte sur les conditions de mise en oeuvre de l'article L.2232-9 du code du travail, issu de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, organisant la création des commissions permanentes de négociation et d'interprétation, dans chaque branche.

Deux accords ont été signés le 14 mai 2019 dans le secteur du bâtiment, par les organisations syndicales et patronales représentatives :

Un accord prévoyant la mise en place d'une seule commission, signé par les organisations patronales FFB, SCOP BTP, FFIE, et les organisations syndicales FO, CFTC, CFE-CGC.

Un autre accord prévoit la mise en place de deux CPPNI : une CPPNI dans les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés, et une CPPNI dans les entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés. Cet accord a été signé du côté patronal par la CAPEB, et par les organisations syndicales CFDT, CGT, et UNSA.

La CGT, la CFDT et l'UNSA ont formé opposition à l'accord issu du projet de la FFB, tandis que les syndicats FO et CFTC faisaient opposition à l'accord proposé par la CAPEB.

Le 19 août 2019, la FFB a engagé l'action devant le juge des référés de Paris aux fins de voir ordonner la suspension des effets de l'accord signé par la CAPEB.

La FFB a également contesté l'accord de la CAPEB signé avec les mêmes syndicats, fixant les thèmes et calendriers des négociations 2019 dans le bâtiment, et sollicité l'interdiction des deux réunions de CPPNI prévues le 19 septembre 2019.

Par ordonnance du 17 septembre 2019, le juge des référés a rejeté les demandes de la FFB, au motif notamment qu'aucune norme en droit du travail n'interdit la division conventionnelle du secteur du bâtiment en deux branches professionnelles suivant la taille des entreprises, et que la notion de branche professionnelle relève de la liberté conventionnelle des partenaires sociaux.

A l'appui de son appel, la FFB fait valoir que les accords litigieux n'ont pas été conclus avec des organisations syndicales représentatives permettant de s'assurer de leur validité; que l'accord litigieux a pour champ d'application toutes les entreprises de la branche du bâtiment, quel que soit leur effectif et toutes catégories confondues (ouvriers, Etam, cadres) dans un contexte où la cour administrative d'appel de Paris a annulé les arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018 fixant la liste des organisations syndicales représentatives dans le bâtiment ; que le fait que les organisations signataires soient représentatives au niveau des conventions catégorielles du bâtiment ne leur confère pas cette qualité au niveau de la branche du bâtiment ; que le périmètre d'implantation des CPPNI n'est pas conforme à l'article L.2232-9 du code du travail qui impose la mise en place d'une seule commission paritaire par branche ; que les signataires des accords litigieux ont profité de la procédure de mise en place des CPPNI pour amorcer une scission de la branche du bâtiment en deux sous-branches, entreprises de plus ou moins dix salariés, alors que cette distinction n'est opérée que pour la catégorie des ouvriers ; que les accords litigieux conduisent à scinder le champ des conventions catégorielles des Etam et cadres du bâtiment en deux, selon la taille des entreprises, ce qui est contraire à l'objectif du législateur de fusionner les branches ; que la branche du bâtiment est le niveau idoine de la CPPNI alors que l'unicité de la branche a été reconnue par l'arrêté du 27 décembre 2013 jamais contesté.

La CAPEB conclut à l'absence de trouble manifestement illicite et au rejet de la demande de suspension des accords qu'elle a signés, au motif que la mise en place de deux CPPNI correspond à la volonté des Fédérations CGT, CFDT et UFIC-UNSA, en vue d'organiser la restructuration des branches et d'aboutir à deux convention collectives caractérisées par l'activité et le nombre de salariés employés par les entreprises ; que les accords FFB sont caduques du fait de l'opposition manifestée par les syndicats majoritaires CGT et CFDT; que l'annulation des arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018, qui ont fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le secteur du bâtiment, empêche les organisations syndicales signataires de se prévaloir de leur représentativité dans la branche du bâtiment ; que les accords litigieux sont conformes à l'article L.2232-9 du code du travail, puisque signés par des organisations d'employeurs et de salariés représentatives dans le secteur du bâtiment ; que les accords sont conformes aux objectifs du législateur puisqu'ils vont permettre de ramener les quatre branches existantes, à deux branches définies en fonction de la taille de l'entreprise, et ces accords résultent de la négociation entre des partenaires sociaux représentatifs dans le champ d'au moins une branche préexistant à l'opération de fusion des champs conventionnels ; que dans l'attente de la procédure d'extension ou de regroupement, la validité de l'accord instaurant deux CPPNI doit uniquement satisfaire aux règles définies par le code civil sur la formation des contrats ; que le grief de déloyauté n'est pas établi puisque l'objet des réunions de négociation visait expressément la mise en place de deux CCN du bâtiment et de deux CPPNI ; que ces accords sont conformes au principe de liberté contractuelle qui gouverne la négociation collective ; qu'enfin, l'accord ne produit pas d'effet contraignant vis-à-vis des organisations non signataires, et notamment de la FFB, la question d'une éventuelle extension des accords devant être tranchée à l'avenir par la ministre du travail.

La Fédération FNSCBA CGT conclut également à l'incompétence du juge des référés et au rejet des demandes, ajoutant que la cour administrative d'appel de Paris n'a pas annulé les arrêtés de représentativité des quatre branches du bâtiment (ouvriers plus de dix salariés, moins de dix, Etam et cadres) qui seuls permettent de mesurer l'audience des organisations syndicales ; que les accords du 14 mai 2019 doivent être considérés comme des accords interbranches ; que la mise en place de deux CPPNI est la première étape de la mise en place de deux convention collectives unifiées dans deux branches professionnelles différentes.

La Fédération FNSCB CFDT est également à la confirmation ajoutant qu'en l'absence de définition légale de la branche, ce sont les partenaires sociaux qui définissent le champ d'application d'un accord professionnel ; que la cour administrative d'appel de Paris a admis implicitement que la branche résulte de la définition donnée par les partenaires sociaux, l'administration ne pouvant pas en modifier le périmètre ; que les partenaires sociaux ont ainsi défini deux branches, sur le périmètre desquelles ils ont mis en place deux CPPNI.

L'UFIC-UNSA conclut également à la confirmation, ajoutant que les accords litigieux sont conformes aux règles relatives à la représentativité des organisations syndicales et à la loyauté de la négociation ; que les deux CPPNI mises en place par l'accord, concernent les quatre branches existantes dans le secteur du bâtiment.

La Fédération FO Construction conclut à l'infirmation de l'ordonnance et à la suspension des effets de l'accord au motif qu'il n'existe pas de branche professionnelle correspondant aux champs des deux CPPNI, ni d'arrêtés de représentativité correspondant aux entreprises du bâtiment occupant plus ou moins de dix salariés, rendant impossible le contrôle des conditions de validité de l'accord ; que les accords sont contraires à l'objectif de restructuration des branches puisqu'il aboutit à créer deux branches supplémentaires dans le bâtiment.

La Fédération Bati Mat TP CFTC conclut à l'infirmation au motif qu'il ne peut y avoir qu'une seule CPPNI par branche et que les entreprises du bâtiment occupant plus ou moins de dix salariés, ne constituent pas des branches professionnelles.

En droit, la compétence de la juridiction de référés est fondée sur l'existence d'un trouble manifestement illicite qui résulte, selon la FFB, de la conclusion d'un accord collectif irrégulier en ce qu'il a été signé par des organisations syndicales représentatives dans un périmètre ne correspondant pas à leur sphère de représentativité.

La compétence du juge des référés est fondée sur la nécessité d'obtenir une décision provisoire portant sur les accords litigieux dont il est demandé la suspension, alors que ces accords constituent la première étape dans le renouvellement des accords de branche, suite au nouveau cadre législatif arrêté par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, modifiée par l'ordonnance n°2017-1385 du 22 septembre 2017, qui a notamment crée les commissions paritaires de négociation et d'interprétation, devant être mises en place dans chaque branche, et dont les missions sont définies par l'article L.2232-9 du code du travail qui leur confère un rôle essentiel dans l'organisation de la négociation, de veille et d'appui aux entreprises dans la branche qu'elle représente.

Ainsi le premier accord contesté, relatif aux thèmes et calendrier des négociations 2019 dans le bâtiment, qui organise le calendrier des réunions entre septembre et décembre 2019, fixe un objectif large, puisqu'il prévoit la restructuration des branches du bâtiment et la mise en place de deux conventions collectives nationales : une convention collective nationale pour les entreprises occupant jusqu'à dix salariés (ouvriers, Etam, et cadres) et une convention collective nationale pour les entreprises occupant plus de dix salariés (ouvriers, Etam, et cadres).

Le deuxième accord, conforme au même objectif, met en place deux CPPNI en indiquant dans son article 1er qu'il est applicable aux employeurs dont l'activité relève de chacun des champs d'activité définis par les quatre conventions collectives nationales : celle des ouvriers des entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés ; celle des ouvriers des entreprises du bâtiment occupant plus de 10 salariés ; celle des Etam du bâtiment et celle des cadres du bâtiment.

L'article 1er précise que pour ces deux CPPNI qui sont constituées, l'une se rapporte à la branche des entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés et l'autre à la branche des entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés.

La FFB et les Fédérations FO et CFTC contestent la régularité de ces accords en ce qu'ils ont été signés par des organisations syndicales dont la représentativité ne correspond pas aux champs conventionnels existants.

Or la négociation collective s'inscrit dans un principe de liberté contractuelle.

L'article L.2232-5 du code du travail donne une définition légale très limitée de la convention de branche, en énonçant que ces termes désignent la convention collective et les accords de branche, les accords professionnels et les accords interbranches.

La loi précise ensuite les missions de la convention de branche et son organisation dans les articles L.2232-5-1 et suivants.

La régularité doit s'apprécier à ce stade au niveau de la capacité des parties signataires à négocier l'accord de branche, en conformité avec les dispositions des articles L.2231-1, L.2232-5-2 et L.2232-5-2 du code du travail.

Les accords litigieux du 14 mai 2019 ont été signés par des organisations représentatives tant du côté patronal que du côté des syndicats de salariés, puisque la CAPEB a été reconnue représentative dans le secteur des entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés par arrêté du 21 décembre 2017, et dans le secteur des entreprises du bâtiment employant plus de dix salariés par arrêté du 12 juillet 2017.

Pour les organisations syndicales de salariés signataires, leur représentativité a été reconnue pour la CGT et la CFDT par les arrêtés des 22 juin 2017 et 20 juillet 2017 dans les quatre conventions collectives nationales du secteur du bâtiment.

L'UNSA n'est représentative que dans la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à dix salariés, suivant l'arrêté du 20 juillet 2017.

Mais sa participation à la signature des accords du 14 mai 2019 ne remet pas en cause leur validité dès lors que les accords contestés sont d'un niveau supérieur, global, organisant la négociation au niveau des deux branches définies par les signataires, pour les entreprises du bâtiment de plus ou moins de dix salariés, l'UNSA ayant vocation à participer à la négociation de l'accord dans ce deuxième périmètre d'activité.

S'agissant de l'arrêté du 21 décembre 2017 concernant la représentativité de la CAPEB dans les entreprises du bâtiment employant jusqu'à dix salariés, l'arrêt du 12 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris n'a pas d'impact sur cette représentativité puisque la décision d'annulation porte seulement sur l'article 2 de l'arrêté qui a fixé les poids respectifs de la CAPEB et de la FFB, l'article 1er qui reconnaît sa représentativité n'étant pas remis en cause par cette décision.

S'agissant de l'annulation des arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018, qui avaient fixé la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le bâtiment, leur annulation par un deuxième arrêt du 12 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Paris n'a pas d'impact sur la représentativité des organisations syndicales signataires des accords du 14 mai 2019.

D'une part ces organisations syndicales tirent leur représentativité, dans les quatre conventions collectives nationales du bâtiment, des arrêtés des 22 juin 2017 et 20 juillet 2017.

D'autre part la décision d'annulation de la cour administrative d'appel est fondée sur l'absence de base légale des arrêtés pris par la ministre qui n'avait pas le 'pouvoir de restructurer la branche du bâtiment' et d''agréger les résultats d'audiences obtenus dans le cadre de plusieurs conventions collectives du secteur du bâtiment pour définir un cadre de négociation élargi qualifié de 'périmètre assimilable à une branche' et arrêter la liste des organisations syndicales reconnues représentatives admises à y prendre part'.

Cette décision reconnaît implicitement que les partenaires sociaux sont seuls habilités à définir le périmètre de négociation de la branche, ce que les accords du 14 mai 2019 ont précisément pour objet.

Par ailleurs, l'argumentation selon laquelle les accords seraient irréguliers en ce qu'ils conduisent à scinder en deux le champ des conventions catégorielles des Etam et cadres du bâtiment, selon la taille des entreprises, n'est pas fondé pour le même motif tiré de la liberté conventionnelle des partenaires sociaux, alors que la représentativité des Fédérations CGT et CFDT a été reconnue dans les conventions collectives nationales des cadres du bâtiment et des Etam, par les arrêtés des 22 juin 2017 et 20 juillet 2017.

Il ne saurait être tiré argument de l'arrêté du 27 décembre 2013 qui fixe la liste des organisations syndicales reconnues représentatives dans le bâtiment, auquel s'était substitué les arrêtés des 22 décembre 2017 et 25 juillet 2018 annulés par la cour administrative d'appel de Paris, alors que le secteur d'activité du bâtiment est scindé en quatre conventions collectives nationales qui couvrent les quatre champs conventionnels actuels.

Au vu de ces éléments, l'argumentation de la FFB et des Fédérations FO et CFTC contestant la régularité des accords en fonction du périmètre de la nouvelle négociation de branche, n'est pas fondée, ni par voie de conséquence, les contestations portant sur la constitution de deux CPPNI ou sur les thèmes et calendrier de la négociation, qui résultent du même choix des partenaires sociaux de placer la négociation au sein de deux cadres distincts dans le secteur du bâtiment, selon la taille des entreprises de ce secteur d'activité.

S'agissant de la contestation portant sur la loyauté de la négociation, la CAPEB produit diverses pièces résultant de messages adressés aux partenaires sociaux et de déclarations liminaires faites lors des réunions de négociation engagées depuis le début 2008, dont il ressort qu'elle n'a jamais caché son opposition au projet de la FFB de mettre en place une CPPNI unique dans le secteur du bâtiment, correspondant à une branche unifiée de tous les champs conventionnels actuels.

La FFB ne dément pas que l'opposition des organisations patronales et syndicales s'est cristallisée sur cette question du choix du périmètre de la négociation, ce qui ne peut pas lui permettre de mettre en cause la loyauté de la négociation, alors que la signature des accords qu'elle conteste démontre au contraire que les deux accords ont été soumis aux organisations syndicales qui ont manifesté leur accord respectif sur chacun des deux projets, après débat sur cette question.

En définitive, il ressort de l'ensemble de ces éléments que les accords du 14 mai 2019 ne méritent pas d'être suspendus, l'ordonnance du premier juge devant être confirmée en ce qu'elle a rejeté les demandes de suspension.

Par ailleurs, l'ordonnance du 17 septembre 2019 sera également confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée par la Fédération FNSCBA CGT qui ne démontre ni la mauvaise foi ni l'abus dans l'exercice de l'action par la FFB.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

L'ordonnance du 17 septembre 2019 comporte une erreur en ce qu'elle condamne aux dépens l'UFIC-UNSA, au même titre que la FFB, FO et la CFTC, alors que cette condamnation n'était pas demandée.

Au vu des circonstances du litige, la FFB supportera seule les entiers dépens, de première instance et d'appel, et devra verser à la CAPEB et aux Fédérations FNSCBA CGT, FNSCB CFDT, et à l'UFIC-UNSA, chacune la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

Les demandes dirigées contre les Fédérations FO Construction et Bati Mat TP CFTC seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La COUR,

STATUANT par arrêt réputé contradictoire, mis à disposition au greffe,

Ecarte comme tardives les conclusions transmises les 26 et 27 février 2020 par la FFB et la CAPEB, et les pièces communiquées par la CPEB le 26 février 2020,

Confirme l'ordonnance du 17 septembre 2019 sauf en ce qui concerne ses dispositions relatives aux dépens de l'instance,

Statuant à nouveau sur ce seul point et y ajoutant,

Condamne la FFB aux entiers dépens de l'instance en référé, de première instance et d'appel,

Condamne la FFB à payer à la CAPEB et aux Fédérations FNSCBA CGT, FNSCB CFDT, et à l'UFIC-UNSA, chacune la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel,

Rejette les autres demandes des parties.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 19/19063
Date de la décision : 11/06/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K2, arrêt n°19/19063 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-11;19.19063 ?
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