RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 17 Juin 2020
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/02683 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5DNL
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Janvier 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS CEDEX 10 RG n° F 17/04467
APPELANTE
SA DASSAULT AVIATION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège [...]
[...]
N° SIRET : 712 042 456
représentée par Me Frédéric LALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480 substitué par Me Christophe JEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0751
INTIME
Monsieur Q... G...
[...]
[...]
[...]
né le [...] à ARGENTEUIL
représenté par Me Sabine GUEROULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1491 substitué par Me Pauline GEORGES, avocat au barreau de VERSAILLES
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère
Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 06 Janvier 2020
Greffier, lors des débats : M. Julian LAUNAY
ARRET :
- Contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
La société Dassault Aviation a engagé M. Q... G... à compter du 29 octobre 1999. Il occupait, en dernier lieu, un poste de professionnel de fabrication de niveau III, échelon II.
Le 3 novembre 2016, M. G... a été convoqué à un entretien préalable à un licenciement, fixé au 16 novembre 2016 et licencié pour cause réelle et sérieuse par lettre du 9 décembre 2016 invoquant les griefs suivants :
'endommagement avec risque de devoir détruire des pièces de production, car les tubes destinés au cors de chasse ne doivent comporter aucun défaut, même minime
'manque total de respect envers son responsable hiérarchique
'accusations mensongères proférées lors de l'entretien préalable à l'encontre du management dénotant une incapacité flagrante à ne pas assurer les conséquences de ses actes.
Le 13 juin 2017, M. G... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris lequel, par jugement du 18 janvier 2018, a :
-dit son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
-condamné la société Dassault Aviation à lui verser les sommes suivantes :
-23 167,20 euros net de CSG, de CRDS et de charges sociales, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté M. G... du surplus de ses demandes,
-débouté la société Dassault Aviation de ses demandes et l'a condamnée aux dépens.
Ayant constitué avocat, la société Dassault Aviation a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise au greffe de la cour d'appel de Paris le 9 février 2018.
Par ses dernières écritures transmises au greffe le 9 octobre 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des faits et des moyens, la société Dassault Aviation demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et :
-à titre principal, de juger que M. G... n'a pas fait l'objet d'un licenciement verbal, que son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et le débouter de l'intégralité de ses demandes,
-à titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions le montant des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-en tout état de cause,
*débouter M. G... de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,
*condamner M. G... à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
*condamner M. G... aux entiers de la présente instance et de ses suites, dont distraction pour les dépens d'appel au profit de la SELARL BDL Avocats en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ses écritures transmises au greffe le 12 juillet 2018, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des faits et des moyens, M. G... demande à la cour de :
-confirmer le jugement déféré en ce qu'il a :
*jugé que son licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse,
*condamner la société Dassault Aviation à lui verser une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*condamner la société Dassault Aviation au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-infirmer le jugement déféré :
*s'agissant du montant des sommes qui lui ont été allouées,
*en ce qu'il l'a débouté de sa demande formulée au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail,
-et, statuant à nouveau :
-condamner la société Dassault Aviation à lui verser la somme de 70 000 euros, net de CGS, de CRDS et de charges sociales, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-condamner la société Dassault Aviation à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,
-fixer la moyenne des salaires à 2 895,90 euros,
-condamner la société Dassault Aviation à lui verser la somme de 4 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,
-condamner la société Dassault Aviation aux entiers dépens y compris les frais d'exécution de la décision à intervenir.
La société Dassault Aviation fait valoir que :
-M. G... a été licencié par un écrit du 30 novembre 2016 dont les termes sont identiques à ceux de la lettre recommandée du 9 décembre 2016,
-il est établi que M. G... a dégradé volontairement des pièces de production, manqué de respect envers son supérieur hiérarchique direct et prononcé des accusations mensongères à son encontre,
-ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement,
-les conditions de travail de M. G... ont été adaptées à son état de santé et ne lui ont causé aucun mal-être.
M. G... fait valoir que :
-il a fait l'objet d'un licenciement verbal le 30 novembre 2016 qui doit être requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-les griefs invoqués au soutien de son licenciement son infondés,
-la sanction disciplinaire prononcée à son encontre le 19 février 2010 était infondée et ne pouvait être invoquée à l'appui de son licenciement survenu plus de 3 ans après,
-il n'a pas été mis en garde en 2014 à propos de ses relations avec son agent de maîtrise,
-il a en réalité été licencié en raison de considérations économiques,
-il a connu des difficultés financières et une perte de rémunération suite à son licenciement,
-les conditions d'exécution de son contrat révèlent un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté.
MOTIFS
Sur le licenciement
L'entretien préalable à un éventuel licenciement s'est déroulé le 16 novembre 2016. Le 30 novembre 2016, un nouvel entretien a eu lieu.
Selon l'employeur, Monsieur E..., directeur des ressources humaines, lui a lu intégralement la lettre de licenciement et la lui a remise pour signature ce qu'il a refusé de faire.
Selon Monsieur G..., Monsieur E... lui a notifié oralement son licenciement et ordonné de rendre son badge puisque l'accès à l'entreprise lui a été interdit dès le lendemain, qu'il a été alors escorté par un agent de sécurité pour vider son casier et raccompagné jusqu'à son véhicule afin de quitter définitivement l'entreprise.
Monsieur G... produit une attestation de Monsieur R... qui l'accompagnait :
« Nous sommes arrivés vers 16h05 ; Monsieur E... a donné une lettre à Monsieur G... en lui expliquant qu'il était licencié. Monsieur G... a refusé de signer la lettre sous l'emprise d'une grande émotion. Le gardien en chef l'a amené à son poste de travail pour qu'il vide son placard, et il l'a ensuite accompagné sur le parking jusqu'à sa voiture et s'assurer de sa sortie définitive de l'entreprise ».
En appel, la société verse aux débats une attestation de Monsieur E..., datée du 2 mai 2018, indiquant qu'il a lu à Monsieur G... la lettre de licenciement dans son intégralité et lui en a expliqué les implications, que Monsieur G... a refusé la remise en main propre de cette lettre et que son envoi ne s'est pas fait le lendemain mais 8 jours plus tard du fait de l'intervention musclée d'une délégation CGT qui l'a contraint à réorganiser une nouvelle entrevue avec Monsieur G....
Il n'y a pas lieu d'accorder de valeur probante à cette attestation, produite seulement en cause d'appel, et surtout en raison de la qualité de son auteur, directeur des ressources humaines et directement impliqué dans les faits litigieux. En tout état de cause, l'attestation circonstanciée de Monsieur R... ayant assisté à l'entretien, démontre l'existence d'un licenciement verbal.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le montant des dommages-intérêts tenant compte de la rémunération du salarié et des circonstances de la rupture.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
Monsieur G... soutient notamment qu'en 17 ans de relations contractuelles, il a bénéficié d'un unique entretien d'évaluation alors que les autres salariés en bénéficiaient chaque année, qu'il n'a pas eu d'entretien professionnel en vertu de l'article L. 6315'1 du code du travail.
Si Monsieur G... a bénéficié de 15 formations, il n'a eu qu'un entretien annuel d'évaluation en 2010 alors qu'il aurait dû en bénéficier chaque année. Par ailleurs, il n'a pas eu d'entretien professionnel conformément à l'article L. 6315'1 du code du travail. Ayant été privé de la possibilité d'envisager une évolution professionnelle, il convient de lui accorder une somme de 1500 euros en réparation de son préjudice.
Il est équitable de lui allouer une somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Monsieur G... de sa demande de dommages-intérêts au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;
Statuant à nouveau,
Y ajoutant,
Condamne la société Dassault Aviation à payer à Monsieur G... les sommes de :
'1500 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
'2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que les sommes allouées par le jugement porteront intérêts de droit à compter du jugement et celles allouées par l'arrêt à compter de l'arrêt ;
Ordonne le remboursement par la société Dassault Aviation aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié du jour de son licenciement au jour de l'arrêt dans la limite de 2 mois ;
Condamne la société Dassault Aviation dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE