Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 24 Juin 2020
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03411 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5GTA
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MEAUX - RG n° 15/00457
APPELANTE
SAS [D]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier SAVIGNAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0297
INTIME
Monsieur [P] [J]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Denis MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre
Madame Françoise AYMES-BELLADINA, Conseillère
Madame Florence OLLIVIER, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 06 Janvier 2020
Greffier : M. Julian LAUNAY, lors des débats
ARRET :
- Contradictoire
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Véronique PAMS-TATU, Présidente de Chambre et par Monsieur Julian LAUNAY, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu les conclusions notifiées par voie électronique le 14 janvier 2019 par la société SAS [D] et celles notifiées par courrier reçu au greffe social de la cour d'appel de Paris le 3 décembre 2018 par Monsieur [P] [J] et évoquées à l'audience du 4 décembre 2019.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [J] a été engagé le 2 janvier 2008 par la société BLV (Brasserie les Vosges) devenue [D], en qualité de directeur d'établissement, catégorie cadre dirigeant, niveau 9 en charge de l'établissement secondaire Jacquier situé à [Localité 3], moyennant une rémunération annuelle brute d'un montant de 78.000 euros ; à cette somme s'ajoutait une prime annuelle conventionnelle et une rémunération variable (bonus annuel et super bonus au bout de 3 ans) à condition d'être présent dans l'entreprise au moment de son versement, sans prorata temporis selon avenant du 28 avril 2014, lequel a aussi augmenté le pourcentage du bonus.
La société [D] a pour activité principale la distribution de boissons et produits alimentaires aux professionnels des cafés, hôtels, restaurants et applique la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
La direction générale de la société [D] a décidé de procéder au regroupement de toutes les activités de la société sur le site principal de celle-ci et a déménagé l'établissement de [Localité 3] à [Localité 4], siège social de la société, le 3 février 2014. Monsieur [J] en a été avisé par courrier du 4 novembre 2013.
Le 30 mai 2014, le salarié a été félicité et récompensé par une prime de 15.000 euros brut.
À compter du 9 février 2015, Monsieur [J] a été placé en arrêt maladie de manière continue. Aucun accident du travail n'a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie selon son courrier de notification de refus de prise en charge du 10 septembre 2015 et aucune demande de maladie professionnelle n'a été sollicitée par le salarié.
Le 9 mars 2015, le conseil de Monsieur [J] a écrit à la société [D] invoquant le non-respect des obligations contractuelles par l'employeur, et notamment la modification unilatérale des missions conduisant à sa dépossession, et une situation de malaise ayant entraîné un arrêt de travail pour « burn out », courrier auquel le conseil de la société [D] a répondu le 30 mars 2015.
Le 28 avril 2015, Monsieur [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Meaux pour demander que la prise d'acte de la rupture de son contrat de travail produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et solliciter les sommes suivantes :
- Rappel de salaire du 9 février au 21 avril 2015 en complément des IJSS : 8.828,16 euros brut,
- Congés payés sur rappel de salaire : 882,82 euros brut,
- Heures supplémentaires du 26 février 2014 au 8 février 2015 : 19.927,93 euros brut,
- Congés payés sur heures supplémentaires : 1.992,79 euros brut,
- Indemnité de préavis 3 mois (3/12 du salaire brut reconstitué) : 34.979,25 euros brut,
- Congés payés sur préavis : 3.731,12 euros brut,
- Indemnité pour travail dissimulé : 69.958,50 euros brut,
- Indemnité de licenciement : 23.513,83 euros brut,
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 279.834 euros brut,
- Harcèlement moral (dénigrement) : 50.000 euros brut,
- Article 700 du code de procédure civile : 5.000 euros brut.
Il a ensuite modifié ses demandes, telles que portées devant la Cour.
Par jugement du 7 janvier 2016, le conseil de prud'hommes a ordonné le renvoi des parties devant le bureau de conciliation et d'orientation considérant que Monsieur [J] ne justifiait pas avoir pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par jugement en date du 25 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Meaux a :
prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J] aux torts exclusifs de l'employeur ;
condamné la SAS [D] à payer à Monsieur [J] les sommes suivantes :
- 23.258,01 euros à titre de rappel de préavis ;
- 2.325,80 euros à titre de congés payés afférents ;
Lesdites sommes portant intérêt au taux légal à compter de la réception de la convocation devant le bureau de conciliation ;
- 16.578,11 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 60.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision ;
ordonné à la SAS [D] de faire parvenir à Monsieur [P] [J] une attestation Pôle emploi conforme ;
débouté la SAS [D] de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et Monsieur [J] du surplus de ses demandes ;
condamné la SAS [D] aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution du présent jugement par voie d'huissier de justice.
Monsieur [J] a cessé de justifier ses absences le 31 janvier 2018 malgré les demandes de la société.
Par courrier du 7 mars 2018, la société [D] a pris acte du refus de Monsieur [J] de se rendre à la visite médicale de reprise et lui a indiqué qu'elle serait contrainte d'en tirer les conséquences.
Le 8 mars 2018, la société l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 20 mars 2018 et l'a licencié pour faute grave le 28 mars 2018 pour refus de justifier ses absences depuis le 31 janvier 2018.
La société [D] avait interjeté appel du jugement du conseil de prud'hommes de Meaux le 23 février 2018.
Elle demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [J] aux torts exclusifs de l'employeur,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [J] de ses demandes de licenciement nul, de dommages et intérêts pour harcèlement moral, d'indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de résultat, d'heures supplémentaires et de congés payés afférents, des rappels de bonus et congés payés afférents,
- dire que le licenciement pour faute grave en date du 28 mars 2018 est fondé,
En conséquence,
- débouter Monsieur [J] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Monsieur [J] à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Monsieur [J] a formé un appel incident.
Il demande de :
Confirmer le jugement sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur, mais dire qu'il emporte un licenciement nul à la date du jugement du conseil de prud'hommes,
Infirmer le jugement sur les conséquences pécuniaires,
Condamner la société [D] « les établissements Jacquier » à lui verser les sommes de :
-279.384 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
-29.392,29 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-34.979,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-3.731,12 euros à titre de congés payés afférents,
-69.958,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-69.958,50 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
A titre subsidiaire, si la cour ne retenait pas la qualification de harcèlement moral, dire que la résiliation judiciaire emporte les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du 27 avril 2015,
Condamner la société [D] « les établissements Jacquier » à lui verser les sommes de :
-29.392,29 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-34.979,25 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-3.731,12 euros à titre de congés payés afférents,
-69.958,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-69.958,50 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
-25.000 euros à titre de violation de l'obligation de sécurité,
Dans tous les cas,
Juger qu'il a perdu la qualité de cadre dirigeant et qu'il lui est dû des heures supplémentaires majorées sur 45 semaines à hauteur de 8 heures minimum soit :
- 19.927,93 euros à titre d'heures supplémentaires,
- 1.992,79 euros à titre de congés payés afférents,
Juger que la société [D] n'a pas versé les bonus dus à titre contractuel sur les années 2010 à 2014 et qu'il lui est dû les sommes de :
- 131.048 euros au titre des bonus,
- 13.104,80 euros au titre des congés payés afférents,
Juger que le licenciement pour faute grave survenu après la résiliation judiciaire doit produire les effets d'un licenciement sans cause et qu'il doit recevoir les sommes de :
- 69.958,50 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 6.995,85 euros à titre d'indemnité de congés payés,
- 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la demande de résiliation judiciaire
Monsieur [J] a sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur lors de la saisine du conseil de prud'hommes en 2015, puis a été licencié par lettre du 28 mars 2018.
Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail est justifiée et notamment si les manquements de l'employeur sont suffisamment graves pour que la résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée à ses torts ; ce n'est que dans le cas contraire, que le juge doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Sur les manquements de l'employeur
Monsieur [J] prétend que l'employeur a commis plusieurs manquements :
- il a découvert, par hasard, dans un mail du PDG, Monsieur [G] [D] du 26 février 2014, que le directeur opérationnel était devenu son responsable hiérarchique alors qu'avant il dépendait directement du PDG Monsieur [D] et soutient avoir été écarté de ses fonctions.
Mais son placement hiérarchique était sans préjudice d'une évolution ultérieure de l'organigramme comme le rappelle l'article 2 de son contrat de travail ; il entrait dans le pouvoir de direction de l'employeur de recruter un directeur des opérations du groupe, Monsieur [J] étant directeur d'établissement, ce qui plaçait nécessairement le directeur opérationnel du groupe entre le PDG et Monsieur [J] sans que ce dernier puisse prétendre, conserver un organigramme identique durant toute la durée de son emploi dans l'entreprise, et avoir été, de ce fait, écarté de ses fonctions. Ce manquement sera écarté.
- son affectation a été modifiée de [Localité 3] à [Localité 4].
Mais là encore, celà résulte du pouvoir de direction de l'employeur qui n'a fait qu'user de ses prérogatives lors du regroupement des services pour des raisons d'économie ou de meilleure organisation de la société ; le salarié n'a d'ailleurs fait valoir aucune remarque au moment du déménagement ; de plus, l'article 12 du contrat de travail prévoit que Monsieur [J] était affecté à [Localité 3] mais s'engageait à travailler dans les différents établissements actuels et/ou futurs de l'entreprise au fur et à mesure des affectations qui lui seraient données et en fonction de l'intérêt de l'entreprise, étant précisé que les deux lieux d'affectations sont dans le même bassin d'emploi et distant de 11 kilomètres ; enfin Monsieur [J] se voyait géographiquement rattaché à l'équipe de direction du Groupe, ce qui n'était pas le cas avant et ce qui pouvait être considéré comme un meilleur positionnement dans l'entreprise. Ce manquement ne sera pas retenu.
- il a subi des faits de harcèlement moral et était épuisé par les incessantes convocations depuis le 30 mai 2014 de son PDG Monsieur [D], et a été arrêté pour « burn out ».
Toutefois, malgré sa déclaration d'accident du travail pour « état dépressif réactionnel à un harcèlement professionnel sur le lieu du travail », aucun accident du travail n'a été reconnu par la caisse primaire d'assurance maladie, selon son courrier de notification de refus de prise en charge du 10 septembre 2015 et aucune demande de maladie professionnelle n'a été sollicitée par le salarié ; il n'a de plus jamais saisi le médecin du travail, ni les représentants du personnel, ni l'inspection du travail ; enfin les courriels échangés révèlent que le salarié n'a pas accepté la nouvelle organisation, a envoyé des messages critiques et agressifs, et était en désaccord avec la direction, et que de ce fait, il a subi des reproches justifiés de l'employeur sans que ceux-ci puissent caractériser un harcèlement moral, d'autant que les messages de Monsieur [D] étaient cordiaux ; il n'est donc pas justifié de la réalité de ce harcèlement moral, le salarié sera débouté de cette demande et de celles subséquentes sur le licenciement nul et la violation de l'obligation de sécurité, laquelle n'est en tout état de cause pas développée.
- n'étant plus cadre dirigeant, il doit être payé de ses heures supplémentaires à hauteur de 8 heures par semaine sur 43 semaines et l'employeur doit être condamné en outre à une indemnité au titre du travail dissimulé.
Mais sa qualité de cadre dirigeant n'a pas été modifiée, peu important qu'il existât aussi un directionnel opérationnel, car il participait à la direction de l'entreprise, avait une des rémunération les plus élevées, se voyait confier des responsabilités importantes, bénéficiait d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps, et prenait des décisions de façon autonome même si dans les derniers temps, il s'est opposé au PDG sur les choix fait par lui ; en outre, il ne produit aucun décompte et pièce sur ces heures supplémentaires permettant à l'employeur de répondre ; il sera donc débouté de ces demandes au titre des heures supplémentaires et du travail dissimulé.
- il n'a pas été payé des bonus entre 2010 et 2014, et Monsieur [J] fait valoir que les objectifs non négociés étaient irréalisables.
Mais il les a signés, ne les a jamais contestés et il n'est pas établi qu'il étaient hors de portée ; surtout, de manière contradictoire, il indique qu'il n'a jamais été rappelé à l'ordre pour ne pas avoir atteint les objectifs fixés reconnaissant ainsi qu'il ne pouvait recevoir le paiement des bonus ; en outre, l'établissement secondaire a connu des pertes au vu des documents produits, excepté en 2014, motivant la résiliation du bail en 2013 et le déménagement au siège social ; en tout état de cause, même si la demande n'est pas prescrite en raison du délai de 5 ans puis de 3 ans applicable, le salarié ne propose aucun décompte sur les sommes réclamées et l'employeur justifie que les demandes chiffrées du salarié sont fantaisistes et qu'il a omis de déduire le paiement des primes d'objectif comme le 30 mai 2014 où il s'est vu allouer une prime d'un montant de 15.000 euros, comme il a reçu des primes de 6.600 euros en décembre 2012, 13.000 euros en mai 2010 et de 11.500 euros en 2008 ; les primes de 6.600 euros versées en novembre représentaient la prime annuelle conventionnelle et non un bonus ; Monsieur [J] sera débouté de cette demande de paiement des bonus.
- son contrat de travail a été modifié substantiellement sans accord de sa part et sans avenant et il a été mis progressivement à l'écart de ses fonctions et de la direction de l'établissement dès 2014 ; il fait notamment valoir qu'il a perdu la partie logistique de ses fonctions au profit du directeur des opérations et se serait heurté à lui sur une organisation satisfaisante décidée par lui lorsqu'il était à [Localité 3] et qu'il y a eu plusieurs incidents en février, avril, mai, juin 2014 et que la logistique lui a été rendue lorsqu'on a eu besoin de lui mais que finalement il a été évincé par Monsieur [M] en juin 2014.
Si une certaine tension est observée à cette époque entre les deux hommes et que les propos tenus par Monsieur [J] dans un mail du 26 février 2014 à l'encontre du directeur des opérations sont particulièrement désagréables, force est de reconnaître que ces incidents interviennent au sujet des livraisons du samedi matin et de la poursuite des produits surgelés que Monsieur [J] avait mis en place sur le site de [Localité 3], mais que le PDG ne souhaitait pas poursuivre ; il importe peu que le salarié trouve cette organisation efficiente si la direction considérait que le surcoût était trop important pour perdurer ; Monsieur [J] dirigeait un établissement secondaire sans personnalité juridique dont il n'était pas le représentant légal et ne peut raisonnablement prétendre que Monsieur [D], PDG n'avait pas à s'immiscer dans ses pouvoirs, méconnaissant ainsi totalement la hiérarchie et le rôle de chacun.
Aucune modification de son contrat de travail ou de sa qualité de cadre dirigeant n'est intervenue mais il apparaît clairement que la proximité géographique et physique nouvellement intervenue après le déménagement de [Localité 3] à [Localité 4] a modifié l'équilibre entre les parties.
Sans qu'on puisse qualifier les faits de harcèlement moral, il résulte toutefois des courriels échangés et d'attestations précises et circonstanciés produites par Monsieur [J] que ses difficultés avec la direction et le rôle joué par Monsieur [M], direction des opérations en 2014, puis par Madame [U] en 2015 ont atteint son autorité, et les directives qu'il pouvait donner tant à ses équipes qu'à la clientèle et ont conduit à un partage, voire une éviction partielle et momentanée d'attributions qu'il exerçait seul auparavant et ce, sans qu'il ait démérité au vu de la prime conséquente allouée par la société en mai 2014 et sans que le PDG soit intervenu pour conforter Monsieur [J] dans son rôle ; ce manquement est suffisamment grave pour que la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail soit prononcée au torts de l'employeur.
Sur les effets de la résiliation judiciaire du contrat de travail
En l'absence de harcèlement moral reconnu par la cour, la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la date du prononcé du jugement soit le 25 janvier 2018, puisqu'il est antérieur au licenciement intervenu le 28 mars 2018.
Monsieur [J] prétend à tort que son salaire mensuel doit être fixé à la somme de 11.659,75 euros comprenant le bonus de 2013 non payé et en retenant une base théorique de 2013 ; la résiliation judiciaire est intervenue en 2018 et les derniers mois travaillés avant d'engager la procédure devant le conseil de prud'hommes se situent en 2015, de sorte que la rémunération de 7.752,67 euros retenue par le jugement déféré sera confirmée.
Le salarié réclame une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse équivalent à six mois de salaire sur la base d'un salaire mensuel de 11.659,75 euros ; cette demande est justifiée par son ancienneté et le nombre de salariés dans l'entreprise et le fait qu'il ait retrouvé un emploi en mai 2018.
Sur la base du salaire retenu de 7.752,67 euros, il sera alloué à Monsieur [J] la somme de 46.516,02 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; les sommes allouées par les premiers juges au titre de l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement seront confirmées.
Sur le licenciement
La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur ayant été prononcée par jugement du 25 janvier 2018, et confirmé par la cour de céans, le licenciement intervenu postérieurement le 28 mars 2018 est sans effet et ne peut recevoir la qualification de licenciement sans cause réelle et sérieuse générant une nouvelle indemnité ; les parties seront déboutées des demandes faites à ce titre.
Succombant en son appel, la société [D] supportera les dépens et l'équité commande qu'il soit alloué à Monsieur [J] une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement sur la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de l'employeur à la date du prononcé du jugement soit le 25 janvier 2018, et les sommes allouées, excepté sur le montant des dommages et intérêts,
Statuant à nouveau,
Condamne la société SAS [D] à payer à Monsieur [P] [J] la somme de 46.516,02 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la société SAS [D] à payer à Monsieur [P] [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Ordonne le remboursement par la SAS [D] aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié depuis la rupture jusqu'à l'arrêt dans la limite de 2 mois,
Déboute les parties de leurs autres demandes,
Condamne la société SAS [D] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE