Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 9
ARRÊT DU 02 JUILLET 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/19227 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA2BH
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Septembre 2019 -Tribunal de commerce de BOBIGNY - RG n° 2019L01919
APPELANT :
Monsieur [S] [O]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 8]
né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 9] (SRI LANKA)
représenté par Me Marion CHARBONNIER de la SELARL ALEXANDRE BRESDIN CHARBONNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0947
INTIMÉS :
Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL - SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL
[Adresse 4]
[Localité 7]
SELARL BALLY M.J, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL EUROPE PETROL STATION, domiciliée [Adresse 5]
Ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 8]
défaillante, régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR :
En application :
- de l'article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;
- de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;
- de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;
L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 11 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;
La cour composée comme suit en a délibéré :
Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre
Madame Patricia GRANDJEAN, Présidente de chambre
Madame Isabelle ROHART, Conseillère.
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Michèle PICARD, Présidente de chambre et par Madame Hanane AKARKACH, Greffière présente lors du prononcé.
*****
FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL Europe Pétrole Station, créée en 2012, exploitait un fonds de commerce d'exploitation de station-service. M. [S] [O] en était le gérant.
Par jugement en date du 2 mai 2017, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Europe Pétrole Station et fixé la date de cessation des paiements le 2 août 2016 , soit 15 mois avant le prononcé du redressement. Le redressement a été converti en liquidation judiciaire par jugement en date du 5 juillet 2017 qui a désigné la Selarl Bally M.J. en qualité de liquidateur judiciaire.
Le passif s'élevait à 1.630.486,66 euros et aucun actif n'a pu être recouvré.
Saisi par requête du ministère public en date du 17 août 2018, le greffe a fait citer M. [O] à comparaître à l'audience du 26 septembre à l'adresse [Adresse 5], aux fins de sanction personnelle, lui reprochant d'avoir sciemment omis de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai légal, de n'avoir remis aucun document comptable laissant apparaître que la comptabilité a été soustraite ou inexistante et d'avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.
Le tribunal de commerce de Bobigny, a, par jugement en date du 26 septembre 2019, en l'absence du gérant, prononcé la faillite personnelle de M. [O] pour une durée de 12 ans et ordonné l'exécution provisoire.
Par déclaration en date du 15 octobre 2019, M. [O] a interjeté appel en intimant le ministère public et la Selarl Bally M.J. en qualité de mandataire liquidateur.
Par conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 décembre 2019, M. [O] demande à la cour de dire que l'huissier n'a pas procédé aux diligences nécessaires pour délivrer l'acte et rechercher son adresse, de dire que la non délivrance de la citation dans les conditions de la loi a lui causé un préjudice, dire que le défaut de diligences de l'huissier a causé un grief à M. [O] qui n'a pas été en mesure d'organiser sa défense en première instance, en conséquence, prononcer la nullité de l'assignation en date du 20 mai 2019, déclarer nulle l'assignation délivrée et en conséquence le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Bobigny en date du 26 septembre 2019, très subsidiairement faire injonction à l'intimée de communiquer ses pièces, en l'état réformer le jugement du 26 septembre, dire qu'il n'y a pas lieu à sanction à l'encontre de M. [O] et condamner les intimés aux dépens.
Le liquidateur judiciaire n'a pas constitué avocat.
Dans un avis communiqué par RPVA le 20 janvier 2020, le ministère public fait valoir que le grief relatif à la comptabilité incomplète est caractérisé, il s'en rapporte à justice sur le grief de détournement ou augmentation du passif, sollicite de la cour qu'elle rejette la demande de nullité de l'assignation et qu'elle prononce une interdiction de gérer de 12 ans.
SUR CE,
Sur la demande de nullité de l'assignation
M. [O] soutient que l'huissier de justice n'a pas n'a pas effectué toutes les diligences nécessaires pour retrouver son adresse et qu'il aurait eu connaissance de son adresse si il avait consulté les documents suivants :
L'état d'endettement de la société Europe Pétrole Station sur lequel figure son adresse [Adresse 3], mis à jour le 10 octobre 2019.
Les statuts modifiés de la société qui ont été déposés au greffe du tribunal de commerce de Bobigny le 31 mai 2019 qui mentionnent l'adresse de M. [O], [Adresse 3].
Il indique que le préjudice subi est sa non comparution à l'audience du 26 septembre 2019, le tribunal l'ayant condamné à la faillite personnelle.
Le ministère public fait valoir qu'il appartenait à M. [O] de modifier son Kbis en cas de déménagement et que l'huissier de justice a effectué un certain nombre de diligences mentionnées dans le procès verbal.
L'article 659 du code de procédure civile dispose que «'Lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l'huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l'acte objet de la signification. Le jour même, l'huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l'accomplissement de cette formalité. Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d'un acte concernant une personne morale qui n'a plus d'établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés».
En l'espèce, le, procès verbal du 20 mai 2019 établi par l'huissier de justice indique que le dernier domicile connu de M.[O] est [Adresse 5] soit l'adresse de la société Europe Pétrole Station. Un clerc assermenté a constaté que le nom ne figurait pas sur la boîte aux lettres et a fait état des diligences effectuées:
Il a consulté les pages blanches, google, 118218, 118000, societe.com, annu.fr et Infogreffe;
Il a consulté son correspondant qui n'a pu lui fournir de nouveaux éléments.
Il convient de relever que l'huissier instrumentaire a effectué des diligences précises et aucun élément dans les documents pertinents consultés par celui-ci ne lui ont permis de trouver l'adresse de M.[O].
Par ailleurs ce dernier n'avait pas coopéré avec les organes de la procédure puisqu'il avait été placé, pendant la période d'observation, en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 10] et il n'a communiqué à aucun moment son adresse aux organes de la procédure, ni au greffe du tribunal de commerce.
Compte tenu des diligences ainsi effectuées par l'huissier, conformes à l'article 659 du code de procédure civile, les demandes de nullité de l'assignation et du jugement seront rejetées
Sur le fond
Sur le caractère incomplet de la comptabilité
Le ministère public fait valoir que ce grief est caractérisé compte tenu qu'aucun élément n'a été produit à l'exception du seul le bilan de l'année 2015.
Selon l'article L653- 6 du code de commerce, la faillite personnelle peut être prononcée à l'encontre de tout dirigeant qui a tenu une comptabilité manifestement incomplète ou irrégulière ou qui a fait disparaître la comptabilité.
Tel est le cas en l'espèce, aucune comptabilité n'ayant été publiée ni remise aux organes de la procédure. De surcroît, lors de la présente instance aucun document comptable n'a davantage été remis. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu ce grief.
Sur l'omission d'effectuer une déclaration de cessation des paiements dans le délai légal
M.[O] fait valoir que le ministère public ne lui a pas communiqué ses pièces justifiant de sa demande conformément aux articles 132 et suivants du code de procédure civile et fait valoir aucun argument sur le fond de ce grief. Il convient de relever que le ministère public a communiqué par RPVA ses pièces les 10 et 24 janvier 2020, de sorte que le principe du contradictoire a bien été respecté.
Selon l'article L653-8 du code de commerce, le tribunal peut prononcer une interdiction de gérer à l'encontre de tout dirigeant qui a omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements.
En l'espèce, la société débitrice a fait l'objet d'une assignation par l'URSSAF et c'est ainsi que par jugement du 2 mai 2017 la date de cessation des paiements a été fixée au 4 février 2016, soit 15 mois antérieurement à l'ouverture de la procédure collective. La date de cessation des paiements ainsi fixée s'impose au juge de la sanction.
Ainsi que l'a relevé le ministère public, le nombre et l'ancienneté de certaines créances démontre que M.[O] avait nécessairement connaissance de l'état de cessation des paiement. Plus particulièrement, par jugement du 4 novembre 2016, le tribunal de grande instance de Bobigny avait constaté l'acquisition de la clause résolutoire faute de paiement des loyers du local où était exploité le fonds de commerce, ce qui démontre que celui-ci ne pouvait ignorer que la société qu'il dirigeait et se trouvait en état de cessation des paiements.
Il s'ensuit que c'est à juste titre que ce grief a été retenu, étant précisé cependant que ce grief ne peut entraîner qu'une sanction d'interdiction de gérer et non de faillite personnelle.
Sur la sanction
Compte tenu des griefs retenus à l'encontre de M.[O], de leur nature, mais également en considération de l'importance du passif qui s'est élevé à plus de 1.600'000 €, il apparaît proportionné de prononcer à son encontre une interdiction de gérer pour une durée de 12 ans.
Sur les dépens
M.[O] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
DÉBOUTE M.[O] de ses demandes de nullité de l'assignation et du jugement,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a retenu les griefs d'omission consciente de procéder à la déclaration de cessation des paiements dans le délai de 45 jours et d'absence de comptabilité régulière,
L'INFIRME sur le surplus,
Statuant à nouveau,
PRONONCE à l'égard de M.[O] une mesure d'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, pour une durée de 12 ans,
CONDAMNE M.[O] aux dépens.
La Greffière La Présidente
Hanane AKARKACH Michèle PICARD