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09/09/2020 | FRANCE | N°17/00719

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 8, 09 septembre 2020, 17/00719


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8



ARRÊT DU 09 Septembre 2020

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00719 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2NEY



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/13319







APPELANTE



SAS APISERVICES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localit

é 2]



représentée par Me Olivier MASI, avocat au barreau de Paris, toque : K0069





INTIMÉ



M. [Y] [J]

chez M. [N] [J], [Adresse 1]

[Localité 3]



assisté de M. [W] [E], défenseur sy...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 8

ARRÊT DU 09 Septembre 2020

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/00719 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B2NEY

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Juin 2016 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 14/13319

APPELANTE

SAS APISERVICES

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Olivier MASI, avocat au barreau de Paris, toque : K0069

INTIMÉ

M. [Y] [J]

chez M. [N] [J], [Adresse 1]

[Localité 3]

assisté de M. [W] [E], défenseur syndical

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Pascale MARTIN, présidente

M. Benoît DEVIGNOT, conseiller

Mme Corinne JACQUEMIN, conseillère

Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Pascale MARTIN, présidente et par Madame Nolwenn CADIOU, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon contrat de travail à durée indéterminée et à temps partiel, la société Apiservices a embauché à compter du 1er octobre 2009 à raison de soixante cinq heures par mois M. [Y] [J] en qualité d'agent de propreté, classe AS, échelon 1, moyennant une rémunération de 583,05 euros brut par mois.

La convention collective des entreprises de propreté a été applicable à la relation de travail.

Le 12 mars 2010, l'employeur a délivré un avertissement à M. [J], en raison de propos inacceptables, d'un comportement intolérable à l'égard de ses collègues de travail en criant, ainsi que de propos insultants.

Un premier avenant a réduit la durée de travail mensuelle à 43,30 heures à compter du 1er juillet 2010.

Un second avenant du 1er février 2012 a porté la durée mensuelle de travail à 97,51 heures, étant stipulé que M. [J] serait affecté du lundi au vendredi de 18H00 à 20H30 sur le site Volvo à [Localité 4].

Par courriers des 19 mars 2012 et 18 juin 2012, M. [J] a sollicité de la société Apiservices la régularisation d'heures complémentaires, ainsi que d'heures de nuit.

Par lettre du 06 juillet 2012, il a demandé à cette même société de procéder à l'organisation d'élections professionnelles.

M. [J] est rentré de congé au début du mois d'août 2012.

Par courrier du 23 août 2012 assorti d'une mise à pied à titre conservatoire, l'employeur a convoqué M. [J] le 03 septembre 2012 à un entretien préalable au licenciement.

Par lettre du 10 septembre 2012, le salarié a été licencié pour faute grave pour les motifs suivants:

- « (...) Le 08/08/12, Madame [O], Chargée d'Exploitation, s'est présentée sur votre lieu de travail Erco Lumières à 6h55 pour effectuer un contrôle qualité et vous remettre des produits pour le stock. Force est de constater que vous n'étiez pas sur votre site.

- Le 09/08/12, Madame [O], Chargée d'Exploitation, s'est à nouveau présentée sur votre lieu de travail Erco Lumières à 6h50 pour effectuer un contrôle qualité, vous transmettre des consignes suite à une demande de notre client et déposer des produits pour le stock. Force est de constater que vous n'étiez pas sur votre site.

- Le même jour, à la lecture du sms que Madame [O] vous a envoyée, vous lui avez téléphoné à 9h49 pour demander des explications. Elle vous a clairement expliqué que vous deviez respecter votre horaire contractuel de travail sur votre site, qu'elle avait pour mission d'effectuer des contrôles qualités, de transmettre toutes les consignes liées à la bonne exécution de nos prestations et d'approvisionner le site en produit d'entretien.

- Le 10/08/12 à 6h41, vous avez appelé Madame [O] pour lui demander si elle passait sur le site, qu'elle devait vous prévenir avant et prendre rendez-vous. Surprise par vos propos, elle vous a répondu, eu égard à son statut, qu'elle n'était pas à votre disposition, que vous deviez être sur votre lieu de travail aux horaires contractuels, que vous n'étiez pas le seul salarié de l'entreprise, qu'elle gérait ses plannings de visite en fonction des besoins de la société, de son organisation et que vous n'aviez pas à exiger quoique ce soit, ni à ordonnancer son poste de travail.

- Le 20/08/12 à 6h50, Madame [O] s'est rendu sur votre site Erco Lumière, toujours pour vous déposer des produits et faire un contrôle qualité, force est de constater votre absence, elle vous a envoyé un sms pour vous le signaler et vous informer que les locaux étaient allumés. (...) A 14h55, vous avez rappelé Madame [O] et de manière très énervée, vous l'avez menacé en lui disant que vous aviez le pouvoir de nous faire perdre le client.

- Le 22/08/12, Madame [O] s'est rendu sur votre site pour livrer des produits, force est de constater votre absence. Après avoir pris des renseignements auprès de la gardienne de l'immeuble, celle-ci nous a informé que vous étiez venu la veille au soir pour faire votre prestation, ce que nous vous refusons depuis des mois.

- Le 23/08/12, à 6H30, vous avez appelé Madame [O] pour lui demander si elle passait sur le site d'Erco Lumière. Elle vous a dit non, qu'elle n'était pas à la disposition de Monsieur [J] [Y], vous a salué et a pris congé.

- A 9h00, vous vous êtes présenté au bureau au moment où Madame [O] revenait d'une tournée. A cet instant, vous l'avez agressé verbalement en la menaçant avec les propos suivants :

Vous n'êtes rien le patron c'est Monsieur [X], vous n'aimez pas les noirs, vous êtes raciste, vous ne me connaissez pas, vous allez me connaitre, je ne savais même pas que vous existiez, vous n'êtes pas vivante, vous me manquez de respect, vous me laissez tranquille, vous n'êtes pas mon chef, vous êtes raciste avec les noirs, on va régler ça vous allez voir.

- Au regard de votre agressivité et de vos menaces, Madame [O] vous a demandé de sortir du bureau et suite à votre refus, elle a fait appel aux forces de l'ordre.

- Force est de constater ce jour votre insubordination, votre agressivité et vos menaces. (...) »

Contestant la mise à pied et considérant abusive la rupture du contrat, M. [J] a saisi, le 10 décembre 2012, la juridiction prud'homale.

Après radiation le 04 juin 2014, M. [J] a sollicité par courrier du 24 juin 2014 la remise au rôle de l'affaire.

Par décision du 23 juin 2016, la formation paritaire de la section commerce du conseil de prud'hommes de Paris a notamment :

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société Apiservices à payer à M. [J] les sommes suivantes :

* 1 676,03 euros de majoration d'heures complémentaires,

* 167,60 euros de congés payés y afférents,

* 1 257,88 euros d'heures complémentaires,

* 125,79 euros de congés payés y afférents,

* 161,10 euros de majoration d'heures de nuit,

* 16,11 euros de congés payés y afférents,

* 254,07 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,

* 25,41 euros de congés payés y afférents,

* 1 835,14 euros au titre du préavis,

* 183,51 euros de congés payés y afférents,

* 796,66 euros d'indemnité légale de licenciement, `

avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de

la convocation devant le bureau de conciliation.

* 5 505,42 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 900 euros sur le fondement des dispositions de 1'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [J] du surplus de ses demandes,

- débouté la société Apiservices de sa demande reconventionnelle,

- condamné la société Apiservices aux dépens.

Pour estimer le licenciement infondé, les premiers juges ont souligné que la mesure était intervenue après plusieurs demandes du salarié, que celui-ci n'avait pas d'antécédent disciplinaire et que les relations tendues entre Mme [O] et un certain nombre de salariés laissaient planer un doute sur la réalité des reproches formulés ultérieurement par celle-ci à l'encontre de M. [J].

Le conseil a, par ailleurs, estimé que, par une attestation et un calcul non contesté par la partie adverse, le salarié justifiait des sommes réclamées à titre d'heures complémentaires, de majoration de celles-ci et d'heures de nuit.

L'avocat de la société Apiservices a interjeté appel total par voie électronique le 11 janvier 2017, soit dans le délai légal d'un mois à compter de la notification à elle faite le 12 décembre 2016.

L'ordonnance, visant l'article 905 du code de procédure civile, de fixation de calendrier et de clôture a été rendue le 24 juillet 2017.

En l'état de ses conclusions écrites déposées par voie électronique le 1er mars 2018, la société Apiservices requiert la cour de :

- déclarer recevable son appel et ses conclusions en cause d'appel ;

- infirmer le jugement déféré, en ce qu'il a considéré que le licenciement était sans cause réelle ni sérieuse et l'a condamnée à payer la somme de 1 673,03 euros de majoration d'heures complémentaires, la somme de 167,60 euros de congés payés y afférents, la somme de 1 257,88 euros de majoration d'heures complémentaires, la somme de 125,79 euros de congés payés y afférents, la somme de 161,10 euros de majoration d'heures de nuit, la somme de 16,11 euros de congés payés y afférents, la somme de 254,07 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, la somme de 25,41 euros de congés payés y afférents, la somme de 1 835,14 euros de préavis, la somme de 183,51 euros de congés payés y afférents, la somme de 796,66 euros d'indemnité légale de licenciement, la somme de 5 505,42 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que la somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a écarté la nullité du licenciement et débouté M. [J] du surplus de ses demandes ;

- débouter M. [J] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [J] à lui rembourser, avec intérêts au taux légal à compter du 15 février 2017, la somme de 5 727,07 euros correspondant au règlement effectué le 14 février 2017 par la société Apiservices des condamnations de première instance dont l'exécution provisoire était de droit ;

- condamner M. [J] à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses conclusions écrites, M. [J], représenté par un défenseur syndical, sollicite :

- à titre principal, que l'appel de la société Apiservices soit déclaré caduc et les conclusions de celle-ci irrecevables ;

- à titre subsidiaire, l'infirmation partielle du jugement, ses demandes étant :

* la somme de 1 676,03 euros de majoration d'heures complémentaires ;

* la somme de 167,60 euros de congés payés y afférents ;

* la somme de 1 257,88 euros d'heures complémentaires ;

* la somme de 125,79 euros de congés payés y afférents ;

* la somme de 161,10 euros de majoration d'heures de nuit ;

* la somme de 16,11 euros de congés payés y afférents ;

* la nullité du licenciement ;

* la somme de 723,41 euros de salaire pendant la mise à pied conservatoire ;

* la somme de 72,34 euros de congés payés y afférents ;

* la somme de 5 578,32 euros de salaire de la période de protection du 16 septembre 2012 au 15 mars 2013 ;

* la somme de 558,73 euros de congés payés y afférents ;

* la somme de 1 862,44 euros de préavis ;

* la somme de 186,24 euros de congés payés y afférents ;

* la somme de 796,66 euros d'indemnité de licenciement ;

* la somme de 5 502,42 euros d'indemnité pour licenciement nul et/ou sans cause réelle et sérieuse ;

* la somme de 1 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (900 euros en première instance et 1 000 euros en cause d'appel).

L'affaire a été appelée à l'audience du 24 février 2020 tenue en formation de conseiller rapporteur. La cour a autorisé les parties à procéder par dépôt de dossiers.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il est constaté que la demande en rappel de salaire 'machiniste' n'a pas été présentée en cause d'appel.

1°/ Sur la caducité de l'appel et l'irrecevabilité des conclusions de la société Apiservices :

M. [J] expose que la société Apiservices ne lui a pas signifié ses conclusions dans le délai prévu à l'article 911 du code de procédure civile, alors qu'il n'avait constitué ni avocat ni défenseur syndical.

La société Apiservices réplique que :

- elle avait pris soin d'adresser ses conclusions à celui qui s'est constitué ensuite défenseur syndical de M. [J] ;

- conformément à l'ordonnance du 24 juillet 2017 et au calendrier de procédure, elle a fait procéder le 20 septembre 2017 à la signification de l'assignation ;

- la procédure ayant été régie par les dispositions de l'article 905 du code de procédure civile, les dispositions du 'décret Magendie' n'étaient pas applicables.

A peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois prévu pour la remise de ses conclusions au greffe, pour les signifier aux parties qui n'ont pas constitué avocat.

En l'espèce, la cour, par ordonnance du 24 juillet 2017, a fait application de l'article 905 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable, en laissant jusqu'au 1er octobre 2017 inclus à l'appelant, la société Apiservices, pour assigner l'intimé, M. [J], en lui signifiant ladite ordonnance, la déclaration d'appel, ses conclusions et pièces, et ce uniquement à peine de radiation d'office.

La société Apiservices, au vu de l'acte d'huissier du 20 septembre 2017 (pièce n° 59), a procédé à cette diligence en temps utile et n'encourt donc aucune sanction.

En conséquence, l'incident est rejeté.

2°/ Sur la nullité du licenciement :

M. [J] expose qu'il ne pouvait être licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail, en sa qualité de demandeur à l'organisation d'élections professionnelles avec son syndicat CGT les 03 et 06 juillet 2012.

La société Apiservices réplique que :

- le courrier du 06 juillet 2012 n'a pas été signé par M. [J], lequel était au Mali au moment de l'envoi ;

- M. [J] était en congés payés, puis en congé sans solde du 13 avril 2012 au 1er août 2012 ;

- le syndicat CGT a formulé sa demande en premier le 03 juillet 2012.

Le salarié demandant l'organisation d'élections de sa propre initiative n'est protégé que si aucun syndicat n'a formé une demande identique avant lui.

En l'espèce, le syndicat CGT, par courrier du 03 juillet 2012 reçu le 05 par l'employeur (pièce n° 36 de l'appelante) a demandé à la société Apiservices de procéder rapidement à la convocation d'une réunion pour organiser, dans les plus brefs délais, des élections professionnelles des délégués du personnel et du comité d'entreprise.

Le salarié -dont il n'est pas établi qu'il aurait été mandaté par un syndicat- n'a demandé à l'employeur que postérieurement, le 06 juillet 2012, l'organisation d'élections professionnelles et la 'mise en place' d'institutions représentatives du personnel.

Il s'ensuit que M. [J] n'avait pas le statut de salarié protégé et que l'autorisation de l'inspection du travail n'était pas nécessaire pour procéder à son licenciement.

En conséquence, la demande en nullité du licenciement est rejetée.

3°/ Sur la faute grave :

La société Apiservices expose que :

- le fait que M. [J] ait sollicité, à plusieurs reprises, le paiement de rappels de salaire au titre d'heures complémentaires, de majoration d'heures complémentaires et d'heures de nuit, ainsi que sa demande de nouvelles élections, sont sans lien avec le comportement particulièrement fautif et grave que le salarié a adopté et qui ne pouvait pas être toléré par l'entreprise ;

- M. [J] avait déjà un lourd antécédent disciplinaire ;

- de nombreuses pièces justifient des fautes graves commises par l'intéressé ;

- il est reproché à M. [J] de ne pas avoir été présent à son poste durant les heures de travail les 08, 09, 10, 20 et 22 août 2012, d'avoir agressé verbalement et menacé sa supérieure hiérarchique, Mme K, et d'avoir refusé d'obtempérer aux demandes de celle-ci ;

- Mme [O] a déposé une main courante le 23 août 2012 au commissariat de police ;

- M. [J] ne pouvait pas être maintenu à son poste, compte tenu de la gravité de son comportement.

M. [J] réplique que :

- la preuve des fautes commises n'est pas rapportée ;

- le licenciement est intervenu en représailles de ses réclamations ;

- il n'avait jamais reçu le moindre avertissement depuis son embauche et les clients étaient satisfaits de son travail ;

- l'enregistrement fait à son insu ne pourra pas servir de preuve, car obtenu de façon malicieuse, sans son autorisation.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis.

Il appartient à l'employeur d'apporter la preuve de la gravité des faits fautifs retenus et de leur imputabilité au salarié.

En l'espèce, le procès-verbal de constat d'huissier du 17 janvier 2013 (pièce n° 27 de l'appelante) consistant en la retranscription de deux conversations téléphoniques prétendument entre M. [J] et sa supérieure hiérarchique, les 09 août 2012 et 23 août 2012, ne sera pas pris en considération par la cour, s'agissant d'un enregistrement fait à l'insu de l'auteur des propos tenus rendant sa production irrecevable à titre de preuve.

L'employeur verse, par ailleurs, aux débats (pièce n° 26) un procès-verbal de constat d'huissier du 17 janvier 2013 détaillant six sms adressés à M. [J] par sa supérieure hiérarchique, Mme [O], dont quatre pour lui reprocher ses absences, les 08 août 2012, 09 août 2012, 20 août 2012 et 22 août 2012.

Le 23 août 2012, cette même supérieure hiérarchique a déposé une main courante auprès de la police du Kremlin-Bicêtre. Elle a indiqué que, le jour même, à 09h00, alors qu'elle rentrait à son bureau, M. [J] s'était présenté, ne l'avait pas laissée parler, s'était énervé et avait élevé la voix en la traitant de raciste, et ce pendant cinq minutes. Elle a ajouté que M. [J] était parti quand elle avait décidé de faire appel à la police, étant toutefois précisé qu'il n'avait pas commis de violence physique (pièce n° 4).

L'attestation de Mme [P], secrétaire aide-comptable (pièce n° 23), confirme que, lors de l'incident au bureau de la société, Mme [O] était très respectueuse, alors que M. [J] était lui très en colère et très désagréable. Le témoin ajoute que Mme [O] a dû demander à M. [J] de sortir et a appelé les forces de l'ordre.

La société a déjà délivré le 12 mars 2010 un avertissement pour des faits similaires (pièce n° 40) au salarié qui ne l'a pas contesté. Il lui était reproché d'avoir eu, malgré des observations verbales à plusieurs reprises, un comportement particulièrement agressif à l'égard de ses collègues de travail, notamment le 11 mars 2010, date à laquelle il a tenu des propos inacceptables et insultants, ainsi que crié.

M. [J] produit une unique attestation émanant de son beau-frère qui travaillait aussi au sein de l'entreprise, M. [C] (pièce n° 20), et qui ne concerne directement ni les absences de M. [J] ni l'incident du 23 août 2012.

Aucun élément précis ne permet d'établir un quelconque lien entre les doléances émises par M. [J] auprès de son employeur et la mesure de licenciement.

La succession d'absences de M. [J] et l'incident survenu avec sa supérieure hiérarchique au mois d'août 2012 rendaient impossible son maintien au sein de l'entreprise pendant la durée d'un préavis.

En conséquence, la mesure de licenciement n'était pas abusive et une faute grave pouvait même être retenue à l'encontre de M. [J].

La demande tendant à ce que le licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse, ainsi que les demandes subséquentes en indemnisation et en rappel de salaire de la période de mise à pied conservatoire sont donc rejetées.

4°/ Sur la majoration des heures complémentaires :

M. [J] sollicite le bénéfice de la majoration de 25% de l'article L. 3123-19 du code du travail et expose que les heures complémentaires étant mentionnées comme telles sur les bulletins de paie jusqu'au mois de décembre 2011, aucune contestation n'est possible.

La société réplique, après examen des deux avenants, que la durée de travail a bien été augmentée du nombre d'heures complémentaires effectuées en moyenne chaque mois, si bien qu'aucune majoration des heures complémentaires ne saurait dès lors être due.

L'article L.3123-19, dans sa rédaction alors applicable, dispose que lorsque la limite dans laquelle peuvent être accomplies des heures complémentaires est portée au-delà du dixième de la durée hebdomadaire ou mensuelle fixée au contrat de travail calculée, le cas échéant, sur la période prévue par un accord collectif conclu sur le fondement de l'article L. 3122-2, chacune des heures complémentaires accomplies au-delà du dixième de cette durée donne lieu à une majoration de salaire de 25%.

En l'espèce, il ressort des bulletins de paie produits que, pendant la période litigieuse allant du mois d'avril 2009 au mois de décembre 2011, M. [J] a accompli des heures complémentaires au-delà du dixième de la durée contractuelle, sans percevoir pour autant la majoration de 25%.

Il produit un décompte précis du montant sollicité.

En conséquence, la société Apiservices est condamnée à lui payer une somme de 1 676,03 euros de rappel de majoration, outre la somme de 167,60 euros de congés payés y afférents.

5°/ Sur les heures complémentaires :

M. [J] expose que, pendant la période allant du mois de novembre 2011 au mois de mars 2012, il a effectué deux fois par semaine, les mercredis et les vendredis en travaillant jusqu'à 23 heures sur le site Volvo, 2,5 heures complémentaires pour accomplir des tâches effectuées précédemment par un collègue, soit 21,67 heures pendant cinq mois.

La société réplique que :

- il n'y a jamais eu que trois salariés sur le site, si bien que M. [J] ne peut pas prétendre qu'il remplaçait quelqu'un d'autre ;

- les salariés affectés sur le site n'ont jamais eu d'horaires de travail dépassant 20h30 ;

- un décompte de la durée du travail est produit.

Les heures complémentaires sont celles effectuées au-delà de la durée du travail prévue au contrat de travail à temps partiel.

En l'espèce, l'attestation de M.[C] confirme que sur le site Volvo 'depuis le 1er septembre 2011 Monsieur [Y] [J] n'a plus bénéficié de l'aide d'un salarié supplémentaire trois fois par semaine pour faire les ponts, les rampes et le niveau inférieur alors que monsieur [H] [X] le lui exigeait (...)' et que '(...) M. [X] ne paye pas les heures supplémentaires de ses salariés (...)'

Toutefois, l'employeur produit :

- une attestation de M. B. (pièce n° 38), salarié de la société Apiservices depuis l'année 2004, laveur de vitres, qui précise qu'il n'a jamais vu de salarié travaillant sur le chantier Volvo après 21h00 ;

- une attestation (pièce n° 43) de la société Actena Automobiles dont il ressort que les salariés d'Apiservices quittent le site Volvo bien avant 21h30 ;

- une attestation (pièce n° 42) de M. T. qui intervient pour la société Apiservices sur le site Volvo du lundi au vendredi de 18h à 20h30 et indique que l'organisation du travail ne nécessite pas d'heures complémentaires.

Ainsi, la preuve d'heures complémentaires accomplies par M. [J] pendant la période allant du mois de novembre 2011 au mois de mars 2012 et non mentionnées sur les bulletins de paie n'est pas rapportée.

En conséquence, la demande est rejetée.

6°/ Sur la majoration pour heures de nuit :

M. [J] expose qu'il effectuait deux fois par semaine deux heures de nuit de 21 heures à 23 heures, soit 4 heures par semaine, et ce pendant la période allant du mois de novembre 2011 au mois de mars 2012.

La société Apiservices réplique que M. [J] n'avait pas le statut de travailleur de nuit et n'a pas effectué d'heures de travail entre 21 heures et 5 heures.

Il ressort de l'article 6.3.4. de la convention collective applicable que, pour les salariés n'ayant pas la qualité de travailleur de nuit, les heures de travail effectuées entre 21 heures et 5 heures sont majorées à raison de 20% pour les travaux réguliers et de 100% pour les travaux occasionnels.

En l'espèce, dès lors que le salarié ne s'est pas vu reconnaître des heures complémentaires (voir 5°) ci-dessus, il n'y a pas lieu de lui accorder la majoration calculée sur celles-ci, en raison d'heures de nuit.

En conséquence, la demande est rejetée.

7°/ Sur le remboursement :

La société Apiservices considère que M. [J] lui doit remboursement d'un montant de 5 727,07 euros qu'elle a réglé le 14 février 2017 en exécution des condamnations de première instance assorties de l'exécution provisoire de droit.

L'obligation de restitution partielle résultant de plein droit de l'infirmation du jugement déféré, la cour d'appel n'a pas à statuer sur la demande en remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire de droit du jugement.

8°/ Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

La société Apiservices est condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Les parties sont déboutées de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

INFIRME le jugement déféré ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REJETTE la demande de caducité de l'appel ;

DIT que le licenciement pour faute grave était fondé ;

CONDAMNE la S.A.S. Apiservices à payer à M. [Y] [J] la somme de 1 676,03 euros de majoration d'heures complémentaires, ainsi que la somme de 167,60 euros de congés payés y afférents ;

REJETTE les autres demandes des parties ;

CONDAMNE la S.A.S. Apiservices aux dépens de première instance comme d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 8
Numéro d'arrêt : 17/00719
Date de la décision : 09/09/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K8, arrêt n°17/00719 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-09;17.00719 ?
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