Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2020
(n° / 2020 , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/21687 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6O6Q
Décision déférée à la cour : Jugement du 31 Mai 2018 - Tribunal de Grande Instance de Meaux - RG n° 16/03315
APPELANTE
Madame [Y] [P] épouse [E]
Née le [Date naissance 1] 1952 à [Localité 10]
Demeurant [Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée et assistée de Me Solène BERTAULT de la SELARL LEMYS AVOCATS, avocat au barreau de MEAUX
INTIMÉS
Madame [T] [L] née [R]
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 8]
Monsieur [I] [B]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 9]
Non constitués
SCI FLEUR BLEUE, représentée par son administrateur provisoire, Maître [W] [H]-[O], administrateur judiciaire, dont l'étude est sise à [Adresse 7],
Immatriculée au RCS de MEAUX sous le numéro 352 123 913
Ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 8]
Représentée et assistée de Me Philippe THOMAS COURCEL de la SELARL CABINET THOMAS-COURCEL BLONDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0165
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l' article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Décembre 2019, en audience publique, devant la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère, chargée du rapport,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
Par acte sous seing privé enregistré le 31 août 1989, Mme [P] et Mme [L] ont constitué la société civile immobilière Fleur bleue (la SCI) ayant pour objet l'achat, la vente, la location et l'exploitation de tout immeuble, fonds ou terrain.
Le capital était divisé en 90 parts détenues pour moitié par chacun des associés.
A la demande de M. [B], qui invoquait une cession de 36 parts à son profit par Mme [P] intervenue par acte du 31 août 1989 enregistré le 26 juillet 1999 et signifié à la SCI le 3 août suivant, Me [H]-[O] a été désignée en qualité d'administrateur provisoire de la SCI par ordonnance du 4 janvier 2006.
Contestant la cession de parts alléguée par M. [B], Mme [P] a, le 17 octobre 2006, déposé plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Meaux pour faux, usage de faux, falsifications et détournements de biens.
Suivant acte sous seing privé du 5 novembre 2006, M. [B] a cédé 6 parts de la SCI à Mme [P].
C'est dans ce contexte que, les 18 et 20 octobre 2009, Mme [P] a assigné Mme [L], M. [B] et la SCI, représentée par son administrateur provisoire, afin, notamment, de voir annuler les actes de cession de parts des 31 août 1989 et 5 novembre 2006.
Par un premier jugement du 20 mars 2014, confirmé par un arrêt de la cour d'appel de Paris du 24 novembre 2015, le tribunal de grande instance de Meaux a annulé les actes de cession de parts de la SCI des 31 août 1989 et 5 novembre 2006 entre Mme [P] et M. [B], dit que M. [B] n'avait jamais été propriétaire d'aucune part de la SCI et que le capital de celle-ci était réparti par moitié entre Mmes [P] et [L], chacune étant propriétaire de 45 parts, avant dire droit sur les demandes relatives à la répartition entre associés des bénéfices nets de la société et au remboursement de sommes indûment perçues, ordonné une expertise judiciaire pour y procéder et sursis à statuer sur les demandes de Mme [P] tendant à la condamnation de M. [B] et de Mme [L] à lui payer la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts, jusqu'à ce qu'intervienne une décision définitive sur l'action publique mise en mouvement par la plainte avec constitution de partie civile de Mme [P].
L'expert judiciaire désigné a déposé son rapport le 20 novembre 2014.
Par jugement du 16 septembre 2016, le tribunal correctionnel de Meaux a renvoyé des fins de la poursuite Mme [L] et condamné M. [B] pour faux et usage de faux à une peine d'amende de 2 000 euros ainsi qu'à verser à Mme [P] une somme de 800 euros au titre de son préjudice moral.
Après rétablissement de l'affaire devant le tribunal de grande instance de Meaux, Mme [P] a demandé l'affectation au paiement de ses droits de la somme de 54 260 euros déposée sur un compte séquestre, la condamnation de M. [B] à restituer à la SCI la somme de 218 181 euros au titre des distributions indûment perçues et l'affectation de celle-ci au paiement de ses droits, la condamnation de la SCI à lui payer la somme 265 055 euros au titre des produits de la vente des biens immobiliers et des loyers qu'elle aurait dû percevoir et la condamnation de M. [B] et de Mme [L] au paiement de 20 000 euros de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices matériel et financier, outre celle de Mme [L] au paiement de 5 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral.
Mme [L] a conclu au déblocage à son profit exclusif des fonds séquestrés (54 260 euros), à la condamnation de la SCI à lui payer la somme de 8 703,34 euros sur les fonds disponibles, à la condamnation de M. [B] à lui payer la somme de 21 307 euros et au rejet des demandes de dommages et intérêts de Mme [P].
M. [B] a formé des demandes en paiement à l'encontre de Mmes [P] et [L].
Par jugement du 31 mai 2018, le tribunal a :
- dit que Mme [P] aurait dû percevoir une somme supplémentaire de 265 055 euros lors des « distributions » effectuées par la SCI,
- dit que Mme [L] aurait dû percevoir une somme supplémentaire de 84 271 euros au titre des mêmes « distributions »,
- condamné la SCI à payer :
. à Mme [P], la somme de 65 572,30 euros, dont 27 130 euros du compte séquestre, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
. à Mme [L], la somme de 35 806,34 euros, dont 27 130 euros du compte séquestre, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
- rejeté les prétentions plus amples ou contraires de Mmes [P] et [L] au titre de « la distribution » des fonds,
- rejeté les prétentions de Mme [P] au titre du préjudice matériel et financier ainsi qu'au titre du préjudice moral,
- condamné M. [B] à payer à Mme [L] la somme de 21 307 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
- rejeté les prétentions de M. [B] au titre des 30 parts sociales (255 000 euros), de la fiscalité sur les sommes perçues (32 727 euros) et du préjudice moral (100 000 euros),
- laissé aux parties la charge des dépens qu'elles ont respectivement exposés,
- rejeté les prétentions fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a notamment retenu, en son fondant sur le rapport de l'expert judiciaire, qu'en considération d'une détention du capital à parts égales par Mmes [P] et [L] (soit 45 parts chacune), ces dernières avaient perçu, sur les distributions effectuées par la SCI, des sommes inférieures de, respectivement, 265 055 et 84 271 euros à celles qu'elles auraient dû percevoir et qu'elles pouvaient chacune prétendre à la moitié des fonds séquestrés entre les mains de la SCI (54 260 euros : 2 = 27 130 euros) ainsi qu'à la moitié des autres fonds disponibles de la SCI (76 884,60 euros : 2 = 38 442,30 euros) mais que Mme [L] ayant limité sa demande relative aux fonds disponibles à 8 703,34 euros, la condamnation prononcée à l'encontre de la SCI à ce titre ne pouvait excéder ce montant.
Mme [P] a relevé appel du jugement selon déclaration du 3 octobre 2018 en intimant Mme [L], M. [B] et la SCI.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 28 décembre 18, Mme [P] demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1135 anciens du code civil, du jugement du tribunal de grande instance du 20 mars 2014 et des statuts de la SCI :
- d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau :
- de rejeter les demandes de Mme [L],
- de dire qu'elle détient sur la SCI une créance de 265 055 euros au titre des produits de la vente des biens immobiliers et des loyers qu'eIIe aurait dû percevoir ;
- de dire que le compte séquestre de 54 260 euros fait partie des actifs de la SCI et d'ordonner l'affectation des fonds séquestrés au paiement de ses droits ;
- d'ordonner l'affectation des sommes disponibles pour un montant de 76 884 euros au paiement de ses droits,
- de condamner, en tout état de cause, la SCI à lui payer la somme de 265 055 euros au titre des produits de la vente des biens immobiliers et des loyers qu'eIle aurait dû percevoir, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
- de condamner M. [B] et Mme [L] à lui payer la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts au titre de son préjudice matériel et financier,
- de condamner Mme [L] à lui payer la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- de condamner M. [B] et Mme [L] à lui payer 12 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les dépens.
Dans ses conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 6 août 2019, la SCI, représentée par Me [H]-[O], demande à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il est entré en voie de condamnation à son encontre et, statuant à nouveau,
- au visa des articles 1844-14 du code civil et de l'article 122 du code de procédure civile, de juger Mme [P] irrecevable et mal fondée en ses demandes,
- subsidiairement, au visa des statuts de la SCI, de rejeter ses prétentions formées contre la SCI,
- très subsidiairement, de condamner Mme [L] et M. [B] à la relever et garantir de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre,
- de rejeter les demandes formées contre elle,
- de condamner toute partie succombante à lui payer 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les dépens.
Mme [L], à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions s'appel ont été signifiées les 3 décembre 2018 et 28 janvier 2019 par remise des actes à étude et M. [B], qui s'est vu signifier les mêmes actes selon procès-verbaux de recherches infructueuses des 5 décembre 2018 et 30 janvier 2019, n'ont pas constitué avocat.
La cour ayant invité les parties à apporter des précisions sur les sommes séquestrées, la SCI a, le 4 décembre 2019, déposé et notifié par voie électronique une note en délibéré sur ce point, accompagnée de deux pièces, précisant que le séquestre d'une somme de 52 500 euros résultait d'une décision de l'assemblée générale des associés de 2008 et que les fonds étaient disponibles sous réserve de la décision de la cour.
SUR CE,
- Sur l'étendue de la saisine de la cour
La déclaration d'appel de Mme [P] critique le jugement en ce qu'il a :
- condamné la SCI à lui payer seulement la somme de 65 572,30 euros, dont 27 130 euros du compte séquestre, alors qu'elle avait conclu en première instance à la condamnation de la SCI à lui payer la somme 265 055 euros, dont 54 260 euros par affectation de la totalité des fonds séquestrés,
- condamné la SCI à payer à Mme [L] la somme de 35 806,34 euros, dont 27 130 euros du compte séquestre,
- rejeté ses demandes de dommages et intérêts au titre des préjudices financier et moral,
- rejeté sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et laissé les dépens à la charge des parties les ayant exposés.
Par ailleurs, la SCI ne demande l'infirmation du jugement qu'en ses dispositions prononçant des condamnations à son encontre, lesquelles sont déjà visées par la déclaration d'appel.
Il s'en déduit que n'ont pas été déférés à la cour, qui n'en est pas saisie, les chefs de dispositif par lesquels le tribunal a :
- dit que Mme [P] aurait dû percevoir une somme supplémentaire de 265 055 euros lors des « distributions » effectuées par la SCI,
- dit que Mme [L] aurait dû percevoir une somme supplémentaire de 84 271 euros au titre des mêmes « distributions »,
- en rejetant les prétentions plus amples ou contraires de Mmes [P] et [L] au titre de « la distribution » des fonds, débouté, d'une part, Mme [P] de sa demande tendant à voir condamner M. [B] à restituer à la SCI la somme de 218 181 euros, au titre des sommes indûment perçues et, d'autre part, Mme [L], de sa demande d'attribution des fonds séquestrés à concurrence d'un montant supérieur à 27 130 euros,
- condamné M. [B] à payer à Mme [L] la somme de 21 307 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
- rejeté les prétentions de M. [B] au titre des 30 parts sociales (255 000 euros), de la fiscalité sur les sommes perçues (32 727 euros) et du préjudice moral (100 000 euros).
- Sur les demandes de condamnation dirigées contre la SCI
Pour considérer que la SCI lui est redevable de la somme de 265 055 euros, Mme [P] se fonde sur le rapport de l'expert judiciaire qui évalue à ce montant le différentiel entre la fraction des produits de la vente de biens immobiliers et des loyers qu'elle a perçue (107 035 euros) et celle qu'elle aurait dû recevoir sur la base d'une répartition des parts par moitié entre elle-même et Mme [L] (372 090 euros).
Elle prétend également que doivent être affectés à son profit exclusif, en paiement de ses droits, d'une part, les fonds déposés sur le compte séquestre constitué en 2008 (54 260 euros), en application du « principe d'équité » et au motif que ces fonds figurent parmi les actifs de la SCI et ont été bloqués dans l'attente d'une décision définitive sur la propriété des parts, et, d'autre part, les fonds disponibles de la SCI (76 884 euros) en vertu du « principe d'équité ».
Pour conclure à l'irrecevabilité et au mal fondé des demandes en paiement dirigées contre elle, la SCI réplique que la remise en cause des distributions de bénéfices, qui sont intervenues en exécution de décisions d'assemblées générales auxquelles Mme [P] a d'ailleurs participé, suppose l'annulation de ces décisions, qui n'est plus possible en raison de l'acquisition de la prescription. Elle ajoute que les répartitions des bénéfices, effectuées conformément aux statuts, au prorata de la participation des associés au capital telle que résultant de ces statuts et des actes de cession publiés au greffe, sont opposables à Mme [P] sans pouvoir être remises en cause en conséquence des annulations des cessions de parts, elle-même ne pouvant d'ailleurs régler une seconde fois des sommes distribuées. Elle en conclut que les demandes de Mme [P] sont mal dirigées, faute de l'être contre ceux qui auraient perçu à tort des dividendes, et, en tout état de cause, mal fondées.
A titre subsidiaire, s'agissant de l'affectation des sommes de 76 884 et 54 260 euros, la SCI fait valoir qu'en vertu de l'article 41 des statuts, il appartient à l'assemblée des associés, et non à la cour, de se prononcer sur le montant des bénéfices, qui ne se confond pas avec la trésorerie disponible, ainsi que sur leur distribution éventuelle aux associés.
Sur les fins de non-recevoir opposées par la SCI
En contestant être débitrice de Mme [P] au motif que les sommes ont été distribuées conformément aux décisions des assemblées générales des associés et aux statuts et ne sont plus en sa possession, la SCI ne soulève pas des fins de non-recevoir mais des moyens de défense au fond.
La cour constatera donc que les fins de non-recevoir soulevées par la SCI sont improprement qualifiées.
Sur les demandes concernant les fonds séquestrés
Aux termes de l'article 1956 du code civil, « le séquestre conventionnel est le dépôt fait par une ou plusieurs personnes d'une chose contentieuse, entre les mains d'un tiers qui s'oblige à la rendre, après la contestation terminée, à la personne qui sera jugée devoir l'obtenir ».
En l'espèce, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale des associés de la SCI du 10 octobre 2006 que ces derniers ont décidé de répartir entre eux la somme de 200 000 euros en attribuant 66 666 euros à M. [B], 20 000 euros à Mme [P] et 100 000 euros à Mme [L], en considération d'une détention du capital par chacun d'eux de, respectivement, un tiers (30 parts), 10 % (9 parts) et 50 % (45 parts) et en affectant le reliquat, correspondant à 6 parts, à Mme [P] dès que cette dernière aurait transmis à la SCI l'enregistrement de la cession à intervenir à son profit de 6 parts appartenant à M. [B].
Le procès-verbal de l'assemblée générale des associés de la SCI du 31 janvier 2008 mentionne que « compte tenu d'une part des sommes déjà réparties selon décisions de l'assemblée générale du 12 [lire 10] octobre 2006 et d'autre part du litige existant sur la répartition des parts respectives de Mmes [P] et [L], les associés confirment leur décision de consigner les sommes correspondant aux parts litigieuses (15 parts : 16,67 %) soit 52 500 euros et de répartir en conséquence la somme de 115 000 euros selon détail dans le tableau annexé au présent procès-verbal ».
Il résulte de ces procès-verbaux et des tableaux annexés à celui du 31 janvier 2008, qui détaillent le calcul des sommes séquestrées, que l'assemblée générale des associés a décidé, à cette dernière date, de répartir la somme de 115 000 euros mise en distribution ainsi que, rétroactivement, celle de 200 000 euros distribuée à la suite de l'assemblée générale du 10 octobre 2006 sur la base d'une détention de 30 parts pour M. [B], de 30 parts pour Mme [L] et de 15 parts (9 + 6) pour Mme [P] et de séquestrer le surplus, correspondant à 15 parts.
Il ressort par ailleurs du « relevé de compte étude » produit par Me [H]-[O] que, le 31 janvier 2008, cette dernière a viré une somme de 52 500 euros sur un compte à terme « compte séquestre » qui, selon le grand livre comptable de la SCI remis à l'expert judiciaire, s'élevait à 54 260,40 euros au 31 décembre 2013 (rapport de l'expert, p. 4).
Il s'ensuit que l'assemblée générale des associés de la SCI du 31 janvier 2008 a décidé de laisser entre les mains de la SCI, à titre de séquestre, une somme de 52 500 euros prélevée sur les distributions décidées le même jour et le 10 octobre 2006 et ce, en raison d'un différend sur « la répartition des parts respectives de Mmes [P] et [L] » concernant 15 parts.
Il s'en déduit, d'une part, que la somme de 52 500 euros - montant porté à 54 260,40 euros au 31 décembre 2013 compte tenu des intérêts produits - est détenue par la SCI à titre de dépôt et, partant, ne fait pas partie de l'actif de celle-ci et, d'autre part, que la SCI est tenue de libérer les fonds séquestrés au profit de la personne qui, une fois tranché le différend sur « la répartition des parts respectives de Mmes [P] et [L] », portant sur 15 parts, aura été jugée propriétaire de ces parts.
Il reste à déterminer quel était le différend en cause, dont il est seulement précisé qu'il concernait Mmes [P] et [L] - et non M. [B] - et portait sur 15 parts. Les tableaux de répartition annexés au procès-verbal de l'assemblée du 30 janvier 2008 révèlent qu'à l'issue de l'assemblée du 30 janvier 2008, Mme [L] ne s'est vue attribuer que 5 000 euros, à savoir un tiers (correspondant à 30 parts) de la distribution de 115 000 euros décidée le même jour (38 333,33 euros), sous déduction de l'excédent de 33 333,33 euros, correspondant à 15 parts, perçu par elle au titre de la distribution de 200 000 euros décidée en 2006. Il ressort des mêmes documents que, parallèlement, sur la distribution décidée en 2006, une somme de 33 333,33 euros, correspondant à 15 parts, a été affectée à un compte séquestre et que, sur la distribution décidée en 2008, une somme de 19 166,67 euros, correspondant à 15 parts, a reçu la même affectation.
Il est ainsi établi que les fonds séquestrés proviennent de la réduction de 45 à 30 du nombre de parts comptabilisées pour Mme [L] au titre des distributions décidées les 10 octobre 2006 et 30 janvier 2008, ainsi que le prétendait l'avocat de cette dernière dans un dire adressé à l'expert judiciaire faisant valoir que la somme séquestrée « correspondait à des parts sociales dont la propriété était contestée à Mme [L] ».
Dès lors qu'il a désormais été irrévocablement jugé que Mme [L] était propriétaire de 45 parts, les fonds séquestrés (54 260 euros) doivent être libérés par la SCI au profit exclusif de cette dernière. Faute d'appel incident formé par Mme [L], il conviendra toutefois de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la SCI à lui payer la somme de 27 130 euros seulement sur les fonds séquestrés, celui-ci devant par ailleurs être infirmé en ce qu'il a condamné la SCI à payer à Mme [P] une somme de 27 130 euros sur ces mêmes fonds.
Sur les autres demandes de condamnation dirigées contre la SCI
Mme [P] se place sur le terrain contractuel (statuts de la SCI et articles 1134 et 1135 anciens du code civil) et fonde la créance de 265 055 euros qu'elle revendique à l'égard de la SCI sur l'existence d'un différentiel à hauteur de ce montant entre les sommes qui lui ont été distribuées en tant qu'associé sur les produits des ventes de biens immobiliers et les loyers et celles qu'elle aurait dû percevoir en la même qualité sur la base d'une détention de 45 parts.
Le fait qu'il ait été irrévocablement jugé que les cessions de parts de la SCI des 31 août 1989 et 5 novembre 2006 entre Mme [P] et M. [B] étaient nulles, que Mmes [P] et [L] étaient chacune propriétaires de 45 parts de la SCI et que, sur la base d'une détention de 45 parts, Mme [P] aurait dû percevoir une somme supplémentaire de 265 055 euros lors des distributions effectuées par la SCI, n'emporte pas obligation pour la SCI de payer cette somme.
Par ailleurs, Mme [P] n'établit pas, ni même n'allègue, que les sommes perçues par elle à titre de dividendes n'étaient pas conformes aux décisions prises par les assemblées générales des associés, dont l'annulation n'a pas été prononcée à ce jour, et/ou à la règle de répartition au prorata des droits respectifs des associés dans le capital - prévue par l'article 41 des statuts - tels qu'ils résultaient de ces statuts et des cessions de parts rendues opposables dans les conditions de l'article 1865 du code civil.
En d'autres termes, Mme [P] ne justifie ni de l'existence de sommes qui ne lui auraient pas été payées par la SCI au titre des dividendes distribués en exécution des décisions des assemblées générales des associés et/ou des statuts, ni, à supposer même qu'elle invoque une créance de dommages et intérêts, de fautes commises par la SCI lors de la mise en paiement des dividendes.
Dès lors, Mme [P] échoue à rapporter la preuve d'une créance détenue sur la SCI au titre des distributions de dividendes opérées par cette dernière entre les mains des associés.
L'absence de créance de Mme [P] à l'égard de la SCI rend inopérante sa demande d'affectation des fonds disponibles de cette dernière (soit 76 884 euros) au « paiement de ses droits ».
De surcroît, les fonds disponibles de la SCI sont la propriété de cette dernière, et non celle des associés, dont le droit à perception de dividendes suppose, conformément à l'article 41 des statuts, l'existence d'un bénéfice distribuable résultant des comptes approuvés par l'assemblée générale ou de réserves ainsi qu'une décision prise par cette assemblée de distribuer tout ou partie de ce bénéfice et/ou de ces réserves. Or, Mme [P] n'établit pas que l'assemblée générale des associés a décidé la distribution des fonds disponibles dont elle demande l'attribution.
S'agissant de Mme [L], qui n'a pas conclu, elle est réputée, en application de l'article 954 du code de procédure civile, s'être appropriée les motifs du jugement.
Pour juger que la SCI était redevable à Mme [L] d'une somme de 8 703,34 euros en sus de celle prélevée sur les fonds séquestrés, le tribunal a d'abord considéré que Mme [L] aurait dû percevoir une somme supplémentaire de 84 271 euros au titre des « distributions » effectuées par la SCI puis a retenu que, déduction faite des fonds séquestrés, il restait à la SCI des fonds disponibles de 76 884,60 euros, à partager à parts égales entre les deux associées, de sorte qu'une somme de 38 442,30 euros revenait à Mme [L], qu'il convenait de réduire à 8 703,34 euros conformément à la demande de cette dernière.
La simple constatation de l'existence, au regard du nombre de parts détenues par Mme [L], d'un moins perçu de 84 271 euros au titre des dividendes distribués par la SCI ne suffit pas à établir, hors de tout examen des décisions prises par les assemblées générales des associés et de leur exécution par la SCI, que cette dernière est débitrice de la somme en cause. Par ailleurs, comme il a été dit, la qualité d'associé d'une société ne confère pas le droit de percevoir les fonds disponibles de celle-ci.
Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la SCI à payer à Mme [L] la somme de 8 703,34 euros en sus de celle de 27 130 euros correspondant aux fonds séquestrés.
Il résulte de l'ensemble des éléments qui précèdent que la SCI n'est redevable d'aucune somme à Mme [P] et qu'elle est débitrice envers Mme [L] d'une somme de 54 260 euros au titre des fonds séquestrés, qu'elle sera condamnée à payer à hauteur de seulement 27 130 euros, correspondant au montant retenu par le jugement dont appel.
- Sur la demande de la SCI tendant à voir condamner Mme [L] et M. [B] à la relever et garantir de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre
La SCI, qui sera seulement condamnée à libérer une partie des fonds séquestrés entre ses mains au profit de Mme [L], n'établit pas en quoi M. [B] et Mme [L] seraient débiteurs de la somme en cause.
La demande de garantie présentée par la SCI contre M. [B] et Mme [L] doit donc être rejetée.
- Sur les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [P] contre M. [B] et ou Mme [L]
Mme [P] fait valoir que M. [B] a été condamné de manière irrévocable pour faux et usage de faux et qu'il ressort du dossier pénal que Mme [L] connaissait ces faits. Elle soutient avoir subi, en raison de « tous ces agissements », un préjudice financier évalué à 20 000 euros, tenant à la perception indue par M. [B], à son détriment, des dividendes distribués par la SCI et à l'impossibilité de récupérer les sommes concernées en l'absence d'action en remboursement engagée par la SCI à l'encontre de M. [B]. Elle ajoute que les mêmes agissements lui ont causé une dépression et, partant, un préjudice moral que M. [B] a été condamné à réparer par le tribunal correctionnel à hauteur de 800 euros et dont elle réclame l'indemnisation à Mme [L] à concurrence de 5 000 euros.
Mme [L] ayant été relaxée du chef de faux dans l'affaire ayant donné lieu à la condamnation de M. [B], c'est vainement que Mme [P] se prévaut des déclarations de ce dernier devant le juge d'instruction affirmant que Mme [L] avait participé à la rédaction des faux.
Par ailleurs, en se bornant à produire les déclarations faites par M. [B] devant le juge d'instruction et les services de police et à invoquer la convocation d'une assemblée générale par Mme [L] - gérante de la SCI - aux fins d'évoquer « la cession de parts sociales », Mme [P] échoue à établir la connaissance, par Mme [L], de la fausseté des actes de cession et, a fortiori, le caractère fautif d'une telle connaissance.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [P] contre Mme [L].
Mme [P] n'invoque pas d'autre préjudice financier que la privation de dividendes dont la restitution, compte tenu de l'annulation des faux actes de cession de parts, relève des articles 549 et 550 du code civil, qui déterminent les règles applicables au remboursement des fruits dans le cas où le bien qui les a produits doit être restitué à son véritable propriétaire.
Par ailleurs, l'absence d'action engagée par la SCI en vue d'obtenir le remboursement des dividendes versés à M. [B], à la supposer fautive, n'est pas imputable à ce dernier.
La demande de réparation de son préjudice financier formée par Mme [P] contre M. [B] doit donc être rejetée.
Il résulte de ce qui précède que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formées par Mme [P].
- Sur les dépens et frais irrépétibles
Les chefs de dispositif du jugement concernant les dépens et frais irrépétibles seront confirmés et Mme [P], qui succombe en appel, sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SCI la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d'appel, les demandes formées à ce titre par Mme [P] étant quant à elle rejetées.
PAR CES MOTIFS,
Dit que les fins de non-recevoir soulevées par la SCI Fleur bleue s'analysent en des moyens de défense au fond,
Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Fleur bleue à payer à Mme [T] [L] née [R] la somme de 27 130 euros sur les fonds séquestrés, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement, rejeté les demandes de Mme [Y] [P] au titre du préjudice matériel et financier et du préjudice moral, rejeté les demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile et laissé aux parties la charge des dépens qu'elles ont respectivement exposés,
Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la SCI Fleur bleue à payer à Mme [T] [L] née [R] la somme de 8 703,34 euros en sus de celle de 27 130 euros à prélever sur les fonds séquestrés et à Mme [Y] [P] la somme de 65 572,30 euros, dont 27 130 euros du compte séquestre, outre les intérêts au taux légal à compter du jugement,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Rejette les demandes de Mme [Y] [P] tendant à voir condamner la SCI Fleur bleue à lui payer la somme de 265 055 euros au titre des produits de la vente des biens immobiliers et des loyers qu'eIle aurait dû percevoir, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, et à voir ordonner l'affectation des fonds séquestrés et des fonds disponibles de la SCI Fleur bleue au paiement de ses droits,
Dit n'y avoir lieu à condamnation de la SCI Fleur Bleue à payer à Mme [T] [L] née [R] la somme de 8 703,34 euros en sus de celle de 27 130 euros à prélever sur les fonds séquestrés,
Rejette la demande de la SCI Fleur bleue tendant à voir condamner Mme [T] [L] née [R] et M. [I] [B] à la relever et garantir de toutes les condamnations financières éventuellement prononcées à son encontre,
Condamne Mme [Y] [P], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à la SCI Fleur bleue la somme de 3 500 euros au titre de frais irrépétibles exposés par cette dernière à hauteur d'appel,
Condamne Mme [Y] [P] aux dépens d'appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT