Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020
(n° / 2020 , 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/10206 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BYX7I
Décision déférée à la cour : Jugement du 14 Avril 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/05233
APPELANT
Monsieur [K] [N] [I]
Né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 6]
Demeurant [Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Martine LEBOUCQ BERNARD de la SCPA HUVELIN & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque R 285
Assisté de Me Sylvain NIORD, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE
INTIMÉE
La société civile LES MOUSQUETAIRES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social,
Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 789 169 323
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Marie-Laure BONALDI, avocat au barreau de PARIS, toque B 936
Assistée de Me Stéphanie MASKER plaidant pour la SELAFA JEAN CLAUDE COULON & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque K 0002
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er avril 2019, en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente,
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Carole TREJAUT
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente, et par Madame Liselotte FENOUIL, greffière, lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE:
Le groupement des Mousquetaires a constitué la société ITM Entreprises (en sa dernière appellation) pour être le franchiseur des différentes enseignes du groupe Intermarché/Bricomarché.
La société ITM est intégralement détenue par la société des Mousquetaires, constituée en 1986 sous forme de SA à capital variable, puis de société civile à capital variable. Seuls peuvent être associés de la société des Mousquetaires les personnes physiques exploitant un fonds de commerce fonctionnant sous l'une des enseignes de la marque, les adhérents étant liés par un contrat d'enseigne ou de franchise à ITM.
M.[I], qui exploitait via sa société Somag un magasin Intermarché dans l'Ain, en vertu d'un contrat d'enseigne conclu avec ITM le 18 octobre 1988, a été agréé comme associé de la société des Mousquetaire en 1996, dont il a acquis, le 13 mars 1996, 27 parts au prix unitaire de 10.740 francs (1.637,30 euros) soit au total 289.980 francs ( 44.207,16 euros ).
Suite à la cession des actions qu'il détenait dans la société Somag, M.[I] a notifié son retrait de la société des Mousquetaires le 7 décembre 1997, ce retrait conduisant la société à lui racheter ses parts puis à procéder à une réduction de son capital social.
Par assemblée générale du 16 juin 1998, la société des Mousquetaires a fixé la valeur de la part pour l'année à 14.990 francs (2.285 euros) et ratifié la démission de M.[I]. La société a en conséquence fixé la valeur de rachat des parts de M.[I] au montant de 404.730 francs ( 61.700,69 euros ) outre intérêts de 16.189 francs (2.467,99 euros). Cette somme lui a été versée en quatre échéances, la dernière au cours de l'année 2002.
Tout en encaissant ces sommes, M.[I] a contesté la valorisation de ses parts.La procédure de conciliation ayant échoué, M.[I] a demandé sa réintégration dans la société des Mousquetaires et saisi le juge des référés aux fins de désignation d'un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil pour voir fixer la valeur de ses parts.
Par ordonnance du 17 mars 2009, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a désigné M.[Y] avec mission d'évaluer les parts sociales de M.[I] dans la société des Mousquetaires. Le rapport, déposé le 20 février 2012, a fixé la valeur unitaire de la part à 48.546 euros.
C'est dans ce contexte, que sur le fondement du rapport de M.[Y] M.[I] a, le 20 mars 2012, assigné la société civile Les Mousquetaires devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement du complément de la somme lui restant due sur ses parts, telles qu'évaluées par l'expert.
Par jugement du 14 avril 2016, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M.[I] de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, déclaré M.[I] recevable en ses demandes, annulé le rapport d'expertise de M.[Y], débouté M.[I] de l'intégralité de ses demandes en paiement, partagé par moitié les frais d'expertise, et condamné M.[I] au surplus des dépens et à payer à la société Les Mousquetaires 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour statuer ainsi, le tribunal a fait application de l'article 1843-4 du code civil en sa version antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, jugée seule applicable à la cause, et retenu que l'expert avait commis une erreur manifeste en se plaçant au jour de l'expertise pour évaluer le montant des parts sociales, en ce que les dispositions de l'article 1869 du code civil selon lesquelles la valeur des droits sociaux de l'associé retrayant est évaluée à la date la plus proche de celle du remboursement, n'avaient vocation à s'appliquer que pour autant que l'associé n'ait pas d'ores et déjà perdu sa qualité d'associé, qu'en l'espèce aux termes des statuts la démission était acquise dès que le rachat des parts sociales est opéré par la société dans les conditions prévues aux statuts, que la démission de M.[I] avait été actée le 16 juin 1998 et la valeur des parts sociales fixée par l'assemblée générale à la même date, que M [I] avait encaissé le prix de cession, pour le dernier règlement, le 28 janvier 2002, soit avant sa première demande en justice, de sorte qu'il n'avait plus la qualité d'associé au jour de l'expertise et plus aucun droit aux bénéfices postérieurement à sa démission.
M.[I] a relevé appel de cette décision le 3 mai 2016.
Par conclusions n°2 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 19 octobre 2017 M.[I] demande à la cour, de confirmer le jugement en ce qu'il l'a dit recevable en ses prétentions et en ce qu'il a partagé par moitié les frais d'expertise, de le réformer pour le surplus, en ce qu'il a annulé le rapport d'expertise de M.[Y], l'a débouté de ses demandes en paiement et l'a condamné au paiement de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en conséquence, constater le caractère obligatoire du rapport du tiers-évaluateur qui s'impose au juge et aux parties, juger que ce rapport n'est affecté d'aucune erreur grossière, constater que le principe du contradictoire a été respecté, que le tiers-évaluateur a expliqué sa méthode d'évaluation et a répondu à l'exclusion des statuts et du règlement intérieur de la société des Mousquetaires pour l'évaluation des parts sociales, qu'il s'est placé à juste titre à la date la plus proche du remboursement pour en déterminer la valeur de remboursement et non au jour de sa démission, condamner, eu égard au montant déjà réglé, la société des Mousquetaires à lui payer 1.249.045,38 euros après déduction de l'acompte déjà perçu, dire que les intérêts moratoires courront à compter de l'assignation du 5 avril 2002 et seront capitalisés à compter du 5 avril 2003, condamner la société des Mousquetaires au paiement de 344.195,54 euros au titre des intérêts capitalisés arrêtés au 1er mars 2012, à parfaire à la date du paiement, ou subsidiairement à 308.592,11 euros à parfaire, condamner la société des Mousquetaires à supporter la moitié des frais d'expertise soit 11.960 euros, à lui payer 22.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.
Dans ses conclusions n°3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 septembre 2018, la société civile des Mousquetaires demande à la cour,
- à titre principal, de juger que l'article 1843-4 du code civil en sa version postérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014 est applicable à la cause, que la valeur des droits sociaux d'un associé démissionnaire ou exclu de la SCM ne peut être déterminée par un expert désigné par application de l'article 1843-4,II du code civil, dès lors que le prix de rachat est déterminé par le règlement intérieur auquel renvoient les statuts de la société, que l'expert était tenu d'appliquer les règles de détermination de la valeur des parts existant dans les statuts et le règlement intérieur, infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du rapport d'évaluation de M.[Y] au visa de l'article 1843-4 du code civil issu de l'ordonnance du 31 juillet 2014, statuant à nouveau annuler le rapport de M.[Y] et débouter M.[I] de l'ensemble de ses prétentions,
- subsidiairement:
-en premier lieu, dire M.[I] irrecevable en sa demande en paiement d'une somme supérieure à ce qui a été décidé par l'assemblée générale, faute de demander l'annulation de cette assemblée générale et des dispositions statutaires fixant les droits de l'associé démissionnaire ou exclu, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'exception d'irrecevabilité et déclarer M.[I] irrecevable en l'état,
-en deuxième lieu, constater le défaut d'impartialité de M.[Y], en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du rapport sur ce fondement et statuant à nouveau, annuler le rapport de M.[Y],
-en troisième lieu, juger que la société des Mousquetaires a commis une erreur sur la personne de M.[K] [I], qui a vicié son consentement aux apports, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation des contrats d'apports conclus entre elle et M.[I], annuler les contrats d'apports et par voie de conséquence le rapport d'évaluation de M.[Y],
- en quatrième lieu, constater qu'en violation de l'exigence du droit à un procès équitable, la décision désignant l'expert n'a pas fait l'objet d'un contrôle effectif dans le cadre de son recours à l'encontre de cette décision, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du rapport d'évaluation sur ce fondement et annuler le rapport de M.[Y],
- subsidiairement, juger que chacune des erreurs ci-après commises par l'expert doit conduire à l'annulation du rapport sans égard pour le fait que ces erreurs présentent ou non le caractère d'une erreur grossière, juger que le rapport de M.[Y] porte une atteinte excessive au respect des biens (5ème lieu), que l'article 1843-4 du code civil est inapplicable à une société à capital variable, est inapplicable en ce que M.[I] avait pris l'engagement contractuel de fixer le prix de toutes futures transactions concernant les parts sociales au montant fixé par l'article 6 du règlement intérieur et inapplicable en ce qu'il avait accepté la valeur de remboursement de ses parts ( 6ème lieu), infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'annulation du rapport en raison de l'inapplicabilité de l'article 1843-4 du code civil et annuler le rapport de M.[Y] sur ce fondement,
- en septième lieu, juger que M.[Y] a commis une erreur grossière en évaluant les parts sociales à une date postérieure à la perte de la qualité d'associé de M.[I] et en s'estimant tenu d'évaluer les parts au 31 décembre 2009, en conséquence confirmer le jugement en ce qu'il a annulé le rapport de M.[Y] à raison de la date d'évaluation des titres,
- en huitième lieu, juger que l'expert a évalué les titres en violation de l'article L 231-1 du code de commerce et a commis de ce fait une erreur grossière, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du jugement sur ce fondement et annuler le rapport de M.[Y],
- en neuvième lieu, juger que l'expert a commis une erreur grossière en évaluant les titres à une valeur différente de celle fixée conformément à l'engagement contractuel préalable pris par M.[I], en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du jugement sur ce fondement et annuler le rapport de M.[Y],
- en dixième lieu, juger que l'expert a commis une erreur grossière en fixant la valeur des parts à un montant différent de celui qui a été versé et accepté par M.[I], en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du jugement sur ce fondement et annuler le rapport de M.[Y],
- en onzième lieu, juger que l'expert a commis des erreurs grossières en considérant qu'il ne lui appartenait pas de déterminer le prix que les parties auraient fixé, en recourant à une valeur économique fictive et non à leur valeur vénale réelle tenant compte des contraintes juridiques les affectant, en recourant à des méthodes d'évaluation grossièrement inadaptées à l'objet de l'évaluation, en ne tenant pas compte des conséquences de son évaluation sur le patrimoine de la société et donc sur la valeur de ses parts, en conséquence infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'annulation du jugement sur le fondement de ces erreurs grossières et annuler le rapport de M.[Y],
- à titre infiniment subsidiaire et reconventionnel, juger que M.[I] a méconnu ses obligations contractuelles telles qu'elle résultent des statuts et des articles 6 et 7 du règlement intérieur et qu'il a engagé sa responsabilité contractuelle, en conséquence condamner M.[I] à lui payer par compensation le montant des sommes qui lui seraient dues sur la base du rapport de M.[Y], que les sommes déjà versées à M.[I] en remboursement de ses parts sociales constitueraient un enrichissement sans cause, condamner en conséquence M.[I] à lui payer par compensation le montant des sommes qui lui seraient dues sur la base du rapport de M.[Y], dire M.[I] mal fondé en sa demande d'intérêts moratoires,
- en tout état de cause, juger M.[I] mal fondé en sa demande de partage de la moitié des frais d'expertise, le condamner à prendre à sa charge la totalité des frais d'expertise et à lui payer à ce titre la somme de 11.960 euros, à lui payer 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
Les statuts et le règlement intérieur de la société des Mousquetaires comportent les dispositions suivantes:
L'article 17, 7° des statuts stipule que d'agissant d'une société à capital variable chaque associé a la possibilité de démissionner et de demander le rachat de ses parts et qu'' En cas de démission, les parts sont achetées par la société par diminution du capital effectif et de ses réserves. La valeur retenue est celle déterminée par le Règlement Intérieur. A défaut, elle est fixée par l'Assemblée des Associés qui statue sur la démission ou qui ratifie l'acceptation donnée par la gérance. En cas de contestation, la valeur est déterminée à dire d'Expert, comme indiqué ci-dessus en matière de cession.'
L'article 19 des statuts précise que:
' Sur la base de l'inventaire établi au jour d'effet de la démission volontaire et dûment approuvée [....] la société rembourse à l'associé qui se retire la fraction libérée et non amortie de son apport. Le remboursement a lieu de la manière suivante:
- En ce qui concerne la somme représentant le nominal libéré et non amorti des parts, dans les trente jours qui suivent l'approbation des comptes de l'exercice et à la clôture duquel le retrait ou l'exclusion de l'associé est devenu définitif.
-En ce qui concerne s'il y a lieu, la quote-part des bénéfices mis en réserves ou non, dans les conditions fixées soit par le Règlement Intérieur, soit à défaut de l'existence dans celui-ci de telles dispositions, dans les conditions fixées par l'assemblée des associés ayant statué sur la démission ou l'exclusion'.
L'article 6 du règlement intérieur, à jour au 15 juin 1993, prévoit que chaque année au moment de l'assemblée générale annuelle, la gérance devra proposer aux associés la détermination d'une valeur indicative de chaque part composant le capital de la société des Mousquetaires, la gérance s'en tenant aux critères suivants:
- la valeur indicative de la part sera celle de l'année d'avant, majorée d'un pourcentage représentant une plus value de dix pour cent plus l'inflation. Pour ce faire l'indice retenu sera celui des prix à la consommation des ménages urbains dont le chef est ouvrier ou employé ' alimentation et boissons' base 100 en 1990 publié mensuellement par l'I.N.S.E.E. Il est rappelé pour mémoire que l'indice de décembre 1992 s'élève à 102,9.
- Toutefois, cette majoration n'interviendra seulement que dans la mesure où le résultat net cumulé et/ou consolidé d'ITM ENTREPRISES et de ses filiales sera au moins égal, en valeur absolue, à l'augmentation des parts, née de l'application de la formule ci-dessus.
- L'Assemblée Générale Extraordinaire pourra toujours modifier cette disposition et choisir d'autres modalités. Elle devra alors modifier le présent article.'
L'article 7 du règlement intérieur précise que chaque associé s'engage à respecter la valeur prévue à l'article 6, dans les termes suivants :
' Le présent règlement intérieur a été établi de bonne foi par les fondateurs. Il est clair que tous les associés qui sont venus se joindre à eux ont adhéré en toute sincérité, non seulement aux clauses statutaires, mais également aux clauses dudit règlement. Par conséquent, pour toutes transactions concernant les parts qui viendraient à intervenir entre associés ou entre associés et la société , la valeur retenue sera celle fixée comme indiqué ci-dessus ainsi que chaque associé s'y engage définitivement.'
Il n'est pas contesté que M.[I] a souscrit à ces engagements en adhérant à la société.
Il résulte de ces dispositions, l'existence de méthodes d'évaluation destinées à être mises en oeuvre lors du rachat des parts de l'associé retrayant.
- Sur l'application de l'article 1843-4 du code civil en sa rédaction issue de l'ordonnance 2014-863 du 31 juillet 2014
M.[I] ayant contesté la valorisation de ses parts arrêtée par la société en application des dispositions statutaires, M.[Y] a été désigné en qualité d'expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil avec pour mission de fixer la valeur des dites parts.
La rédaction de l'article 1843-4 du code civil a été modifiée par l'ordonnance 2014-863 du 31 juillet 2014 ( l'ordonnance), postérieurement au dépôt du rapport de M.[Y] en 2012. Les parties étant contraires sur la version applicable au litige, il convient tout d'abord de rechercher si comme le soutient à titre principal la société des Mousquetaires, la rédaction issue de l'ordonnance est applicable à la cause.
L'article 1843-4 du code civil en sa version antérieure à l'ordonnance, dont se prévaut M.[I], dispose 'Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible'.
Dans sa version issue de l'ordonnance, entrée en vigueur le 3 août 2014, invoquée par la société des Mousquetaires, l'article 1843-4 du code civil prévoit:
I- Dans les cas où la loi renvoie au présent article pour fixer les conditions de prix d'une cession des droits sociaux d'un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à défaut d'accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme des référés et sans recours possible.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par les statuts de la société ou par toute convention liant les parties.
II- dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d'un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa.
L'expert ainsi désigné est tenu d'appliquer, lorsqu'elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties.'
La nouvelle rédaction impose à l'expert chargé de déterminer la valeur des parts de faire application, lorsqu'elles existent, des modalités d'évaluation fixées par les statuts ou la convention des parties, alors que la jurisprudence qui s'était développée sous l'ancien texte laissait à l'expert le libre choix de la méthode d'évaluation, y compris en présence de modalités d'évaluation figurant dans les statuts.
Pour soutenir l'application de la nouvelle version au présent litige, la société des Mousquetaires fait valoir qu'en l'absence de disposition transitoire la nouvelle ordonnance s'applique immédiatement conformément à l'article 1er du code civil, que l'ordonnance du 31 juillet 2014 présentant un caractère interprétatif seules les situations juridiquement constituées avant son entrée en vigueur demeurent soumises à la loi ancienne dans la seule mesure où ces situations auraient fait naître ce que la jurisprudence considère comme des droits acquis, et qu'en l'espèce ni l'ordonnance désignant l'expert, ni le rapport qui peut être contesté, n'ont fait naître de droit acquis au profit de M.[I].
M.[I] réplique que le principe de non rétroactivité de la loi nouvelle s'oppose à l'application de l'ordonnance, tant la démission, la désignation de l'expert, que le rapport d'expertise étant antérieurs à son entrée en vigueur et que l'ordonnance ayant consacré un principe nouveau ne peut être considérée comme interprétative, de sorte que les effets de contrats conclus antérieurement à la loi nouvelle demeurent régis par les dispositions sous l'empire desquelles ils ont été passés.
L'ordonnance du 31 juillet 2014, qui en son article 37 a réécrit l'article 1843-4 du code civil, ne comportant pas de disposition transitoire quant à l'application de cet article, est entrée en vigueur le lendemain de la publication de l'ordonnance, soit le 3 août 2014, en application de l'article 1er du code civil.
Toutefois, si une loi nouvelle s'applique immédiatement aux effets à venir des situations juridiques non contractuelles en cours au moment de son entrée en vigueur sous réserve des droits acquis, le principe de non rétroactivité des lois édicté par l'article 2 du code civil s'oppose à ce qu'il soit fait application d'une loi nouvelle aux situations issues de conventions lesquelles demeurent régies par la loi en vigueur au moment où elles ont été passées.
En l'espèce, tous les éléments du débat sont intervenus antérieurement à l'entrée en vigueur de l'ordonnance: M.[I] a notifié son retrait le 7 décembre 1997, l'assemblée générale de la société des Mousquetaires a fixé la valeur de la part sociale et ratifié l'acceptation de sa démission le 16 juin 1998, l'expert a été désigné le 17 mars 2009 et a rendu son rapport fixant la valeur des parts le 20 février 2012.
Il s'ensuit que le moyen pris de ce que l'entrée en vigueur de l'ordonnance le 3 août 2014 rend l'ordonnance applicable à la cause n'est pas fondé.
S'agissant du moyen tiré du caractère interprétatif des nouvelles dispositions, lequel ne résulte d'aucune mention de l'ordonnance, il sera relevé, au vu du rapport adressé au Président de la République, que l'objectif de l'ordonnance (article 37) était, en imposant à l'expert évaluateur de prendre en compte, lorsqu'elles existent, les dispositions statutaires ou conventionnelles relatives aux modalités d'évaluation des parts, de répondre à une exigence de sécurité juridique, de mettre un terme à l'interprétation jurisprudentielle de l'article 1843-4 du code civil, qui sous l'empire de l'ancienne rédaction laissait à l'expert la possibilité de s'affranchir des modalités conventionnelles d'évaluation s'il les jugeait inappropriées.
L'ordonnance, en imposant à l'expert de prendre en compte les critéres d'évaluation prévus par les parties, alors qu'en vertu d'une jurisprudence bien établie, celui-ci était jusqu'alors libre de recourir aux méthodes d'évaluation qu'il jugeait les plus appropriées, a instauré un principe nouveau, ce dont il résulte que les nouvelles dispositions ne peuvent être qualifiées d'interprétatives.
La circonstance que ces nouvelles dispositions ont été adoptées afin de sécuriser certaines opérations dans lesquelles les sociétés peuvent être impliquées, notamment la valorisation des droits sociaux en cas de cession ou de rachat, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un motif impérieux d'intérêt général permettant de déroger au principe de non rétroactivité.
Il s'ensuit que le jugement sera confirmé en ce qu'il a écarté l'application au présent litige de l'article 1843-4 du code civil en sa version issue de l'ordonnance du 31 juillet 2014.
Il convient en conséquence d'examiner les demandes des parties au regard de l'article 1843-4 du code civil en sa version antérieure à l'ordonnance.
- Sur la recevabilité de la demande en paiement fondée sur l'évaluation de l'expert
La société des Mousquetaires soulève l'irrecevabilité de la demande en paiement d'une somme supérieure à celle décidée en assemblée générale, faute pour M.[I] d'avoir poursuivi l'annulation de cette assemblée générale et des dispositions statutaires fixant les droits de l'associé démissionnaire. Elle fait valoir que l'opération litigieuse n'est pas une simple cession de parts, mais une réduction de capital par l'effet d'une délibération d'assemblée générale, prise en application des dispositions statutaires qui s'imposent à la société et à ses associés, que si M.[I] pouvait faire désigner un expert sur le fondement de l'article 1843-4 du code civil sans annulation préalable, la désignation d'un expert ne le dispense pas en revanche de poursuivre ces annulations dans le cadre de sa demande en paiement.
M.[I] réplique qu'il était sans intérêt de solliciter ces annulations alors que l'assemblée générale du 16 juin 1998 ne fixe pas, par une résolution qui lui est spécifique, le montant du rachat de ses parts, la valeur de remboursement étant aussi celle fixée pour la souscription des nouveaux associés, qu'il importe peu que la réduction de capital ne soit pas attaquée, l'opération de réduction découlant de l'annulation des parts n'ayant pas à être confondue avec l'évaluation de ses parts, et que les dispositions d'ordre public de l'article 1844-3 du code civil ne déterminent aucun préalable à la contestation de la valeur de rachat et à la décision judiciaire faisant suite au rapport du tiers-évaluateur.
L'assemblée générale mixte du 16 juin 1998 réunie en assemblée générale extraordinaire, a décidé de fixer 'à compter de ce jour' la valeur de la part sociale de la Société civile des Mousquetaires à la somme de 14.990 francs (5ème résolution), donné tout pouvoir à la gérance de verser aux actionnaires démissionnaires ou exclus les sommes qui leur reviennent, portant intérêts au taux de 8% l'an, dans un délai n'excédant pas quatre ans (8ème résolution) et réunie en assemblée générale ordinaire, a ratifié la décision prise par la gérance d'accepter la démission de divers associés, parmi lesquels M. [K] [I]( 5ème résolution).
La fixation de la valeur de la part par l'assemblée générale a été faite pour l'année de façon générale, et s'appliquait aux souscriptions des associés entrants comme au remboursement des parts des associés retrayants pour l'année considérée, de sorte qu'elle ne constituait pas une décision spécifique à M.[I].
La variation permanente du capital social, qui découle du retrait d'un associé ou à l'inverse d'une nouvelle souscription, est inhérente au fonctionnement des sociétés à capital variable et n'interfère pas avec la contestation de la valeur des parts de l'associé sortant, qui est distincte.
Ainsi que l'a retenu le tribunal, l'article 17 des statuts, qui stipule qu'en cas de démission, la valeur des parts devant être remboursées à l'associé retrayant est celle déterminée par le règlement intérieur et, à défaut, celle fixée par l'assemblée des associés qui statue sur la démission, prévoit aussi expressément, qu'en cas de contestation la valeur sera déterminée à dire d'expert, désigné par les intéressés ou à défaut d'accord entre eux par le président du tribunal de grande instance statuant en la forme des référés sans recours possible.
Ces dispositions qui autorisent le recours à un expert ne subordonnent aucunement sa désignation à l'annulation préalable de la résolution de l'assemblée générale ayant fixé la valeur de la part pour l'année considérée, ce que la société des Mousquetaires ne conteste pas.
Rien ne justifie d'appliquer ensuite un régime différent à la demande en paiement qui se fonde sur le rapport d'expertise ainsi déposé. La désignation d'un expert évaluateur a pour but de mettre un terme à la contestation des parties, la valeur retenue par l'expert, qu'elle soit ou non mieux-disante que la valorisation résultant des dispositions statutaires, s'imposant au cédant comme au cessionnaire, et l'office du juge se limitant lorsqu'il est saisi d'une contestation du rapport à apprécier l'existence d'une erreur grossière et à annuler le rapport si tel est le cas, sans pouvoir lui substituer sa propre évaluation.
Les dispositions d'ordre public de l'article 1844-3 du code civil ne subordonnent pas davantage l'évaluation à dire d'expert à l'annulation préalable de résolutions d'assemblée générale ou des statuts, l'expert ayant la faculté de ne pas les prendre en compte.
En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit M.[I] recevable en ses demandes.
- Sur la demande d'annulation du rapport de M.[Y]
Il résulte des dispositions impératives de l'article 1843-4 du code civil en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 31 juillet 2014, telles qu'interprétées par la Cour de cassation, qu'il appartient à l'expert de déterminer lui-même, selon les critères qu'il juge appropriés à l'espèce, la valeur des droits sociaux litigieux et qu'il ne commettait pas d'erreur grossière du seul fait qu'il écartait les modalités d'évaluation contenues dans les statuts et le règlement intérieur. L'évaluation ainsi faite par l'expert s'impose aux parties, l'office du juge, ainsi qu'il a été dit, se limitant lorsqu'il est saisi d'une contestation du rapport à apprécier l'existence d'une erreur grossière et à annuler le rapport si tel est le cas, sans pouvoir lui substituer sa propre évaluation
L'expert a fixé la valeur de la part à 48.546 euros, représentant pour 27 parts une valeur totale de 1.310.742 euros
Pour retenir ce montant l'expert, après avoir rappelé qu'il était libre en application de la jurisprudence sur l'article 1843-4 du code civil du choix de sa méthode, a considéré que la méthode d'évaluation statutaire qui consiste en une indexation forfaitaire annuelle ( 10% + l'inflation) de la valeur historique que constitue l'apport par les fondateurs de leurs titres d'ITM Entreprises, réévaluation qui n'est effective que dans la limite des résultats acquis sur l'année, ne constituait pas pour des parts sociales conduisant au contrôle d'un groupe, avec de surcroît un paramètre purement conventionnel, une méthode d'évaluation permettant d'aboutir au prix susceptible d'être obtenu dans une transaction libre sur un marché, les acteurs d'une telle transaction prenant nécessairement en considération des données objectives, telles que le chiffre d'affaires, les performances, les perspectives économiques et financières, les capitaux propres, la trésorerie, l'endettement. Il a écarté comme non pertinent le fait que la valeur d'entrée au capital de la SCM était également déconnectée de la valeur réelle des parts.
Relevant qu'il n'était pas allégué que les statuts comportaient une clause relative à la date de l'évaluation, l'expert a considéré devoir estimer la valeur de la part à la date la plus proche possible de celle de son estimation. Il a en conséquence mené ses travaux sur la base des derniers comptes disponibles, soit ceux du 31 décembre 2009 pour la société des Mousquetaires et ceux du 31 décembre 2010 pour ITM Entreprises. Il précise que l'approche qu'il a adoptée à titre principal revient à restituer à l'associé les bénéfices non distribués.
La société des Mousquetaires soutient que le rapport doit être annulé en ce que les sociétés à capital variable sont exclues du domaine de l'article 1843-4 du code civil, dès lors qu'à la différence des sociétés à capital fixe, le retrait d'un associé dans une société à capital variable ne lui ouvre droit qu'à la reprise de ses apports. Elle ajoute que même à supposer applicable l'article 1843-4 du code civil l'expert ne pouvait sans commettre une erreur grossière, faire autrement que de restaurer le jeu de l'article L 231-1 du code de commerce dans son évaluation.
M.[I] objecte qu'en dehors des règles qui leur sont propres, les sociétés à capital variable restent soumises aux dispositions de droit commun, dont fait partie l'article 1843-4 du code civil.
Les parties, en prévoyant à l'article 17 des statuts le recours à un expert pour déterminer la valeur des parts en cas de contestation, n'ont manifestement pas entendu exclure l'application de l'article 1843-4 du code civil, lequel est d'ordre public.
Un tel recours à l'article 1843-4 du code civil n'est pas prohibé dans les sociétés à capital variable. L'article L 231-1 du code de commerce relatif aux sociétés à capital variable, invoqué par la société des Mousquetaires dispose : 'Il peut être stipulé dans les statuts des sociétés qui n'ont pas la forme de société anonyme ainsi que dans toute société coopérative que le capital social est susceptible d'augmentation par des versements successifs des associés ou l'admission d'associés nouveaux et de diminution par la reprise totale ou partielle des apports effectués.
Les sociétés dont les statuts contiennent la stipulation ci-dessus, sont soumises, indépendamment des règles générales qui leurs sont propres suivant leur forme spéciale, aux dispositions du présent chapitre.'
Ainsi, il résulte seulement de ce texte, que l'associé d'une société à capital variable a droit au remboursement de son apport lorsqu'il se retire de la société, sous réserve des pertes auxquelles il serait tenu de contribuer, mais nullement qu'il n'a droit qu'à son apport, la jurisprudence admettant, sous réserve de disposition statutaire contraire limitant le droit de l'associé retrayant, que celui-ci a aussi droit à sa quote-part des réserves.
La cour, à la suite des premiers juges écartera, le moyen d'annulation tiré de l'article L 231-1 du code de commerce.
La société des Mousquetaires soutient ensuite que le rapport est entaché de plusieurs erreurs grossières, et reproche notamment à l'expert d'avoir évalué les parts sociales à une date postérieure à la perte de la qualité d'associé de M.[I], intervenue en 1998, s'étant estimé tenu d'évaluer les parts au 31 décembre 2009.
Elle argue que cette évaluation est incompatible avec le respect du droit de propriété protégé par l'article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et au principe d'égalité entre associés, l'évaluation à une date postérieure à la perte de la qualité d'associé permettant à l'intéressé de se voir attribuer des profits alors qu'il ne prenait plus aucun risque dans l'entreprise, privant ainsi les autres associés de l'accroissement de la valeur de leurs parts, et encourageant le comportement frauduleux de l'associé retrayant. Elle ajoute, que l'expert s'est à tort attaché au fait que les statuts ne comportaient pas de clause relative à la date d'évaluation alors qu'il importe de déterminer si les statuts prévoient la date à laquelle les associés démissionnaires perdent la qualité d'associé, et qu'en l'occurrence selon les dispositions statutaires M.[I] a perdu sa qualité d'associé à l'issue de l'assemblée générale du 16 juin 1998 ayant ratifié sa démission, soulignant que M.[I] a été remboursé de ses droits sociaux après son retrait.
M.[I] réplique qu'il est de principe que l'associé retrayant a droit au remboursement de ses parts à la date la plus proche de ce remboursement, ne perdant ses droits patrimoniaux sur les résultats et les réserves de la société qu'à cette occasion, qu'il est indifférent que la démission de M.[I] n'ait pas été remise en cause dès lors que seul le remboursement fait perdre au retrayant sa qualité d'associé s'agissant des droits patrimoniaux attachés à cette qualité, que d'autre part, les statuts ne stipulent nulle part que la valeur des droits de l'associé retrayant sera fixée au jour de l'acceptation de sa démission, qu'au contraire l'article 17 prévoit en cas de contestation que la valeur sera déterminée à dire d'expert sans que l'expert se voit imposer une date d'évaluation, ce dont elle déduit qu'en cas de contestation le rachat et le paiement du prix sont renvoyés à la date à laquelle l'expert a notifié son rapport, qu'ainsi M.[I] ne perdra sa qualité d'associé qu'au jour où la société lui aura remboursé l'intégralité de ses 27 parts telles qu'évaluées par M.[Y] .
L'expert a évalué les parts à la date la plus proche possible de son estimation, se fondant sur les résultats des exercices 2009 et 2010.
Ni l'article 1869 alinéa 2 du code civil, selon lequel ' A moins qu'il ne soit fait application de l'article 1844-9 (3ème alinéa), l'associé qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, fixés à défaut d'accord amiable, conformément à l'article 1843-4", ni l'article 1843-4 du code civil ne fixent la date à laquelle doit être appréciée la valeur des droits sociaux de l'associé retrayant.
Il est toutefois admis, qu'en l'absence de dispositions statutaires, la valeur des droits sociaux de l'associé qui se retire doit être déterminée à la date la plus proche de celle du remboursement de la valeur de ses droits.
Si la démission de M.[I] ne peut, à elle seule, être retenue comme date d'évaluation des parts sociales, il en va différemment si les dispositions statutaires ont prévu de fixer l'évaluation des parts de l'associé retrayant à la date de sa démission.
Le moyen de M.[I] pris de ce que seul le remboursement des parts au montant fixé par l'expert fait perdre au retrayant sa qualité d'associé n'est pas opérant à ce stade, puisqu'il convient en premier lieu de rechercher s'il existe ou non des dispositions statutaires fixant la date d'évaluation des droits sociaux, étant relevé que cette date ne doit pas être confondue avec la méthode d'évaluation elle-même, qui s'entend des outils comptables ou financiers propres à déterminer la valeur d'une part, seule cette méthode étant laissée à l'appréciation de l'expert.
En prévoyant que l'assemblée générale statuant sur l'acceptation de la démission fixera également les conditions et les délais de paiement de la valeur des parts, l'article 17-7 des statuts a entendu lier les deux opérations. C'est en pratique ce qui s'est passé, puisque la valeur des parts a été fixée le 16 juin 1998 concomitamment à l'acceptation de la démission de M.[I] à 14.990 francs ( pièce n° 54 de la société intimée). Ce prix est fixé en fonction des critères définis à l'article 6 du règlement intérieur, à savoir la valeur de l'année précédente majorée d'un pourcentage représentant une plus-value de 10% plus l'inflation
Il s'en déduit que la date à laquelle est statutairement fixée l'évaluation des parts est nécessairement celle du jour où est officiellement acté le retrait de l'associé, soit en l'espèce en 1998.
Contrairement à ce qu'indique M.[I], le recours à un expert prévu par l'article 17 en cas de contestation sur la valeur des parts ne vient pas contredire cette analyse, dès lors que la possibilité pour l'expert désigné de modifier la valeur intrinsèque de la part est indépendante de la date à laquelle cette appréciation doit intervenir.
C'est encore vainement qu'il est soutenu que cette situation permet à la société, en acceptant le retrait, de priver M.[I] des résultats jusqu'au remboursement intégral de ses droits, dès lors que la société a procédé, avant la saisine de l'expert, au paiement des parts telles qu'évaluées en application des dispositions statutaires.
La date ainsi fixée par les statuts et le règlement intérieur pour l'appréciation de la valeur des droits sociaux de M.[I] s'imposait à M.[Y].
Dès lors, le rapport qui évalue les parts à la date de son estimation en 2012 en s'appuyant sur les derniers résultats comptables obtenus en 2009 et 2010, ce qui représente un décalage important, est entaché d'une erreur grossière justifiant son annulation
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a annulé le rapport de M.[Y] pour erreur grossière dans la détermination de la date d'appréciation de la valeur des parts et en ce qu'il a par voie de conséquence débouté M.[I] de sa demande en paiement le juge n'ayant pas le pouvoir de se substituer à l'expert pour fixer la valeur des parts.
- Sur les demandes accessoires et les dépens
Si M.[I], partie perdante, doit supporter les entiers dépens de première instance et d'appel; les frais d'expertise de M.[Y] seront, comme l'a jugé le tribunal, partagés par moitié, cette mesure ayant été ordonnée en application des dispositions statutaires du fait d'un désaccord sur la valeur des parts sociales. Il s'ensuit, chacune des parties ayant fait l'avance de la moitié des frais d'expertise que tant la société des Mousquetaires que M.[I] ont été à juste titre déboutés de leur demande de remboursement de ce chef.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné M.[I] à verser à la société des Mousquetaires une indemnité de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Y ajoutant, la cour le condamnera à payer à la société intimée 5.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Déboute M.[I] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M.[I] à payer à la société des Mousquetaires 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M.[I] aux dépens d'appel, qui pourront être recouvrés directement par Maître Bolnadi-Nut, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT