Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 23 SEPTEMBRE 2020
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02899 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B47SD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Octobre 2017 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 16/03047
APPELANT
Monsieur [M] [F]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 4]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Rémy BARADEZ de la SELARL BREMARD-BARADEZ & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMÉE
SAS FRANCE CARRELAGES DIFFUSION agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS d'EVRY sous le numéro 310 359 914
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me François MICHELET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0962
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Elisabeth GOURY, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre
Madame Sandrine GIL, conseillère
Madame Elisabeth GOURY, conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Agnès THAUNAT, présidente de chambre et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
*****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte en date du 1er février 1977, M. [M] [F] a donné à bail commercial, pour une durée de 9 ans, à la SAS FRANCE CARRELAGES DIFFUSION, un ensemble immobilier sis à [Adresse 3], comprenant un bâtiment à usage commercial, des bureaux, un show-room ainsi qu'un dépôt, le tout sur un terrain avec aire de stockage et parking, l'ensemble étant destiné à l'exploitation d'un fonds de commerce d'exposition et de vente de carrelages, sanitaires, cheminées et leurs accessoires.
Le bail a été renouvelé par acte du 14 février 1986 puis s'est tacitement reconduit.
Le 26 février 2013, un incendie s'est déclaré sur un transformateur sis dans l'enceinte des lieux loués, à l'extérieur des bâtiments, provoquant une coupure du réseau ERDF.
Une déclaration de sinistre a été régularisée auprès des assureurs du locataire et du bailleur.
La société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION a procédé à la location d'un groupe électrogène.
Les travaux de remplacement du transformateur ont été réalisés en août 2013 par le bailleur.
Par acte d'huissier de justice en date du 17 février 2016, la SAS FRANCE CARRELAGE DIFFUSION a fait assigner M. [M] [F] devant le tribunal de grande instance d'Evry en réparation du préjudice subi.
Par jugement en date du 27 octobre 2017, le tribunal de grande instance d'Evry a :
- Condamné M. [M] [F] à payer à la SAS FRANCE CARRELAGES DIFFUSION la somme de trente neuf mille six cent dix sept euros et sept cents (39.617,07 euros) en réparation du préjudice causé par le retard dans le remplacement du transformateur ;
- Condamné M. [M] [F] à payer à la SAS FRANCE CARRELAGES DIFFUSION la somme de mille cinq cents euros (1.500 euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [M] [F] aux dépens, avec distraction au profit de l'avocat qui en a fait la demande ;
- Ordonné l'exécution provisoire de la présente décision ;
- Rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.
Par déclaration en date du 1er février 2018, M. [M] [F] a interjeté appel de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 20 juillet 2018, M. [M] [F] demande à la Cour de :
- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Evry le 27 octobre 2017 ,
Statuant à nouveau,
Vu l'article 1733 du Code civil,
- Débouter la société FRANCE CARRELAGES de l'ensemble de ses demandes.
- La condamner à payer à M. [F] la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés directement par Me Rémy BARADEZ, Avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 16 juillet 2018, la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION demande à la Cour de :
- CONFIRMER purement et simplement le jugement entrepris en ce qu'il a jugé M. [F] responsable du préjudice subi par la concluante et l'a en conséquence condamné à indemniser la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION,
- INFIRMER le jugement en ce qu'il a minoré les sommes représentant le préjudice de la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION et en ce qu'il a rejeté sa demande de dommages et intérêt au titre des désagréments endurés,
Statuant à nouveau,
- CONDAMNER M. [F] à payer à la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION les sommes suivantes :
o 45.769,68 € représentant les frais d'installation, de transport, de location et de
fonctionnement du groupe électrogène du 20 mars 2013 au 31 juillet 2013;
o 5.000 € a titre de dommages et intérêts pour les désagréments pour la période
comprise entre Ie mois de mars 2013 et le mois de juillet 2013;
o 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- DÉBOUTER M. [F] de son appel et de toutes ses demandes fins ou conclusions plus amples ou contraires,
- CONDAMNER M. [F] aux entiers dépens et dire et juger que les dépens pourront être directement recouvrés par Me Francois MICHELET, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La clôture a été prononcée le 5 mars 2020 et l'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 4 mai 2020 puis renvoyée à l'audience du 29 juin 2020 en raison de l'état d'urgence sanitaire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, M. [M] [F] conteste avoir pris l'engagement sur lequel le premier juge a fondé sa condamnation. Il se prévaut des dispositions de l'article 1733 du code civil posant le principe de la responsabilité du locataire en cas d'incendie dans les lieux loués et fait valoir que la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION ne peut se prévaloir d'aucune cause exonératoire de responsabilité, le branchement sauvage à l'origine de l'incendie mettant en évidence un défaut de surveillance du preneur.
La société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION reproche pour sa part à M. [M] [F] d'avoir tardé à entreprendre les travaux de remplacement auxquels il s'était engagé et pour lesquels il a perçu une indemnisation. Elle conteste l'application des dispositions de l'article 1733 du code civil en faisant valoir qu'il n'y a eu aucun incendie dû à son activité dans les lieux loués et invoque le manquement du bailleur à son obligation de délivrance et d'entretien du transformateur qui constitue un élément de l'installation électrique elle-même nécessaire à la jouissance des lieux et dont elle soutient qu'il était vieux et usé pour n'avoir jamais fait l'objet d'un entretien de la part du bailleur.
La cour relève que le grief fait à M. [M] [F] d'un retard dans l'exécution l'engagement qu'il aurait pris de procéder au remplacement du transformateur repose sur le seul rapport d'expertise amiable établi le 22 juillet 2013 par la société EUREXO, mandatée par la compagnie GENERALI IARD assureur de la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION mentionnant que 'lors du rendez-vous du 20 mars 2013, il a été convenu que le bailleur devait procéder au remplacement du transformateur'. Ces mentions ne valent pas engagement par M. [M] [F] de procéder au remplacement du transformateur ni reconnaissance de responsabilité de sa part. S'il a perçu de son assureur une indemnité afin de procéder au remplacement du transformateur, aucun élément du dossier ne permet d'établir la date à laquelle elle lui a été versée. Aucun élément ne permet non plus d'établir qu'il avait pris l'engagement de procéder au remplacement du transformateur au 15 avril 2013 au plus tard comme le retient le premier juge, la société EUREXO indiquant seulement dans son rapport avoir adressé le 8 avril 2013 une lettre au cabinet ANTHORE (expert mandaté par GROUPAMA, assureur de M. [F]) 'confirmant l'obligation du bailleur de procéder au remplacement du transformateur au 15 avril 2013 au plus tard', le paragraphe du rapport relatif à la responsabilité mentionnant d'ailleurs que 'M. [F] a déclaré que le transformateur devait être remplacé le 8 juillet 2013".
Il résulte de ce qui précède que la responsabilité de M. [M] [F] ne peut être recherchée sur le fondement du retard apporté à l'exécution d'un engagement souscrit.
Les parties s'opposent sur l'application à l'espèce de l'article 1733 du code civil aux termes desquelles le locataire répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine.
Ces dispositions font peser ainsi une présomption de responsabilité du locataire lorsque la dégradation de la chose louée résulte d'un incendie. Tel est bien le cas en l'espèce dès lors qu'un incendie ayant pris naissance dans le transformateur est à l'origine du préjudice invoqué et qu'il n'existe pas de dispositions supplétives prévues dans le bail en cas d'incendie. Il s'en suit que la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION ne peut fonder sa demande sur les dispositions des articles 1719 et 1720 du code civil. A cet égard, il sera relevé que la vétusté alléguée du transformateur ne résulte d'aucun élément du dossier. En effet, si le rapport d'expertise amiable impute la cause de l'incendie du transformateur à une surchauffe, il la lie à des branchements 'sauvages', la société locataire n'invoquant d'ailleurs aucun dysfonctionnement antérieur au sinistre en cause qui aurait été révélateur de la vétusté alléguée. Il sera enfin relevé sur ce point que les jurisprudences invoquées par la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION ne visent pas des cas similaires à la présente espèce dès lors que deux d'entre elles concernent des défauts de conformité de transformateur hors le cas d'un incendie et que la dernière est rendue dans le cadre d'une location-gérance alors que les dispositions de l'article 1733 du code civil sont limitées aux rapports entre bailleur et locataire.
Il résulte du rapport d'expertise amiable que l'incendie a pris naissance sur le transformateur situé en hauteur d'un poteau électrique dans l'enceinte des locaux loués mais à l'extérieur des bâtiments et qu'il a pour cause un branchement sur ce transformateur opéré depuis plusieurs mois sans autorisation par des gens du voyage installés sur le terrain mitoyen.
Si la surchauffe est ainsi due au fait de tiers, le fait que ce branchement existe depuis plusieurs mois sans avoir donné lieu à un signalement de la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION met en évidence une négligence de sa part ou pour le moins un défaut de surveillance. Elle ne peut dès lors se prévaloir d'un cas fortuit ou de la force majeure.
Faute pour elle de justifier d'une cause exonératoire, le vice de construction n'étant pas allégué, elle sera déboutée de ses demandes à l'égard de M. [M] [F] et le jugement entrepris sera infirmé.
Sur les demandes accessoires :
La société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION qui succombe supportera les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par mise à disposition, contradictoirement,
Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société FRANCE CARRELAGES DIFFUSION aux dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Rémy BARADEZ, avocat, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE