Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 8
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2020
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/21632 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBMH
Décision déférée à la cour : jugement du 12 novembre 2019 -juge de l'exécution de Paris - RG n° 19/82163
APPELANTE
Mme [B] [F]
née le [Date naissance 2] 1960 à [Localité 7]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Jeanne Baechlin de la SCP Jeanne Baechlin, avocat au barreau de Paris, toque : L0034
ayant pour avocat plaidant Me Laure Boutron-Marmion de l'Aarpi Akorri & Boutron-Marmion Associés, avocat au barreau de Paris, toque : E0848
INTIMÉE
SCI SIDE SHORE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
siret n°484 022 918 00029
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric Lallement de la Selarl Bdl Avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0480
ayant pour avocat plaidant Me Mathieu Roger-Carel, selarl Mrc avocat, toque D0901
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 09 septembre 2020, en audience publique, devant la cour composée de :
Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre, chargée du rapport
Gilles Malfre, conseiller,
Bertrand Gouarin, conseiller,
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Juliette Jarry
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Emmanuelle Lebée, conseillère faisant fonction de présidente de chambre et Par Juliette Jarry, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu la déclaration d'appel en date du 22 novembre 2019 ;
Vu les conclusions récapitulatives de Mme [F], en date du 1er juillet 2020, tendant à voir la cour infirmer le jugement attaqué, prononcer la rétractation de l'ordonnance du 28 mai 2019 rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris sur la requête de la société civile immobilière Side Shore enregistrée sous le n°19/783, ordonner la mainlevée de la saisie conservatoire du 7 juin 2019, condamner la société civile immobilière Side Shore à lui payer la somme de 10 000 euros pour abus de saisie, celle de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Vu les conclusions récapitulatives de la société civile immobilière Side Shore, en date du 29 juin 2020, tendant à voir la cour confirmer le jugement attaqué, débouter Mme [F] de ses demandes, la condamner à lui payer la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Pour plus ample exposé du litige, il est fait renvoi aux écritures visées.
SUR CE :
La société civile immobilière Side Shore compte pour associés Mme [F] à hauteur de 49 % et M. [E], gérant, à hauteur de 51 %, étant précisé que ceux-ci ont été définitivement divorcés par arrêt de cette cour en date du 6 décembre 2018 et que la liquidation de leur régime matrimonial, à savoir la séparation de bien avec participation aux acquêts, est en cours, a fait l'acquisition d'un bien immobilier situé à [Localité 6] dont le prix a été intégralement financé au moyen d'un prêt bancaire toujours en cours.
L'arrêt du 6 décembre 2018 a condamné M. [E] à payer à Mme [F] une prestation compensatoire d'un montant de 3 152 000 euros, versée le 6 juin 2019 sur le compte de Mme [F] ouvert dans les livres de la société Bnp.
Aux termes d'une ordonnance sur requête en date du 28 mai 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a autorisé la société civile immobilière à pratiquer auprès de la société Bnp, au préjudice de Mme [F], des saisies conservatoires, en garantie d'une créance évaluée provisoirement à la somme de 1 818 090,79 euros, correspondant, selon la requérante, au solde débiteur du compte courant d'associé de Mme [F] à la date du 31 décembre 2018. Cette saisie a été pratiquée le 7 juin 2019 et dénoncée le 13 juin 2019.
Par acte du 9 juillet 2019, Mme [F] a assigné la société civile immobilière devant le juge de l'exécution aux fins d'obtenir la rétractation de l'ordonnance sur requête précitée et la mainlevée de la saisie conservatoire diligentée le 7 juin 2019, outre la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'abus de saisie ainsi qu'une indemnité de 6 000 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 12 novembre 2019, le juge de l'exécution a rejeté les demandes tendant à la rétractation de l'ordonnance sur requête rendue le 28 mai 2019 et à la mainlevée de la saisie conservatoire diligentée sur le fondement de ladite ordonnance, débouté également Mme [F] de ses autres demandes,l'a condamnée à payer à la société civile immobilière une indemnité de 1 200 euros en vertu de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, outre les frais d'exécution.
C'est la décision attaquée.
Sur la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la saisie :
Cet examen est préalable à celui du moyen tiré de la nullité de la saisie portant sur des fonds insaisissables, dès lors que le montant total des fonds appréhendés est supérieur à celui des fonds dont l'insaisissabilité est alléguée.
Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter l'autorisation du juge de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.
À cet égard, une apparence de créance est suffisante pour justifier une mesure conservatoire sans qu'il soit exigé que la créance soit certaine, ni même non sérieusement contestable, et exigible.
En vertu de l'article L. 512-1 du même code, la cour statuant avec les pouvoirs du juge de l'exécution peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas pas réunies, étant rappelé que la charge de la preuve de ces conditions cumulatives incombe au créancier.
Sur le principe de créance :
Pour retenir l'existence d'une créance fondée en son principe de la société civile immobilière à l'encontre de Mme [F], le premier juge a relevé que celle-ci avait reconnu, dans le cadre de la procédure de divorce entre les associés, l'existence une dette résultant du solde débiteur de son compte courant d'associée à hauteur de la somme de 1 652 674,63 euros et que ce compte était débiteur au 31 décembre 2018 de la somme de 1 818 090,79 euros.
L'intimé s'approprie les motifs du premier juge.
Cependant, comme le soutient l'appelante dans ses conclusions, d'une part, l'obligation des associés à répondre des dettes sociales prévue à l'article 1857 du code civil, ne s'exerce qu'à l'égard des tiers, d'autre part, si, aux termes de l'article 1832 du code civil, les associés sont tenus à la contribution aux pertes de la société, en l'absence de disposition contraire des statuts, non alléguée en l'espèce, cette contribution s'effectue uniquement à la dissolution de la société et si l'actif ne permet pas de couvrir le passif.
La créance alléguée par la société civile immobilière à l'encontre de Mme [F] est donc purement hypothétique. En l'absence d'un principe de créance, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'insaisissabilité des fonds saisis, il convient de rétracter l'ordonnance autorisant les mesures conservatoires et d'ordonner la mainlevée des saisies.
Sur les dommages-intérêts':
L'appelante sollicite, sur le fondement de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour pour saisie abusive.
Le droit d'exercer une voie d'exécution ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne, une erreur grossière ou une légèreté blâmable dans l'appréciation de ses droits. Tel n'apparaît pas le cas en l'espèce, un tel abus de la part de la société civile immobilière ne pouvant se déduire de l'échec de son action.
La demande de dommages-intérêts n'est par conséquent pas justifiée.
Sur les dépens et les frais irrépétibles':
L'intimé qui succombe doit être condamné aux dépens, débouté de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné à payer à l'appelante, en application de ces dernières dispositions, la somme dont le montant est précisé au dispositif.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement attaqué sauf en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de dommages-intérêts ;
Statuant à nouveau,
Rétracte l'ordonnance du 28 mai 2019 rendue par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris sur la requête de la société civile immobilière Side Shore enregistrée sous le n°19/783 ;
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire en date du 7 juin 2019 à 10 h 10 mn ;
Condamne M. [E] à payer à Mme [F] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel;
Rejette toutes autres demandes ;
La greffière La présidente