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01/10/2020 | FRANCE | N°18/08282

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 01 octobre 2020, 18/08282


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 1er Octobre 2020

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08282 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AIK



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mai 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° F09/12036







APPELANT



M. [L] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représent

é par Me Alain ROCCHIETTA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2259





INTIMEE



SA AEROPORTS DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 1er Octobre 2020

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08282 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6AIK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Mai 2018 par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS section RG n° F09/12036

APPELANT

M. [L] [P]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Me Alain ROCCHIETTA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2259

INTIMEE

SA AEROPORTS DE [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Alexandra LORBER LANCE, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre, et Monsieur François MELIN, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats, entendus en leur rapport, ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre,

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de Chambre,

Monsieur François MELIN, Conseiller.

Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE,

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de Chambre et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Selon, contrat de travail à durée déterminée du 21 juin 2000, M. [P] a été engagé au sein de la société Aéroport de [Localité 5] en qualité de médecin du service d'urgence médicale (SMU).

Après une succession de contrats, le salarié a signé un nouveau contrat de travail à durée indéterminée le 22 septembre 2004 qui a exclu l'application des dispositions du statut du personnel de la société ADP. Le même jour, un accord transactionnel a été conclu entre les parties aux termes duquel M. [P] a renoncé à toute action concernant les obligations que la société ADP pouvait avoir envers lui du chef de l'exécution de son contrat de travail et en particulier à titre d'indemnisation des réclamations se rapportant à l'application du statut du personnel.

Souhaitant que le statut du personnel lui soit applicable, M. [P] a saisi le Conseil de prud'hommes de Paris le 21 septembre 2009 afin d'obtenir l'annulation du protocole et un rappel de salaire en application du statut revendiqué.

Par jugement du 14 mars 2014, le Conseil de prud'hommes s'est prononcé uniquement sur la compétence pour statuer sur les différentes demandes formées par M. [P], compétence qu'il a retenue.

La Cour d'appel de Paris a confirmé sa compétence par arrêt du 18 novembre 2014. Par un arrêt du 28 septembre 2016, la Cour de Cassation a rejeté le pourvoi formé par la société ADP.

Par jugement du 31 mai 2018, le Conseil de prud'hommes, en sa formation de départage a :

- annulé le protocole transactionnel intervenu entre les parties,

- condamné M. [P] à restituer à la société ADP la somme de 7 945,15 €,

- jugé applicable le statut de la société ADP à la relation de travail jusqu'au 1er janvier 2011,

- débouté M. [P] de sa demande tendant à se voir attribuer le coefficient 319 depuis son embauche,

- condamné la société la société ADP à verser à M. [P] la somme de 71 500€ au titre des réquisitions effectuées par le salarié depuis 2005 jusqu'au 31 décembre 2017,

- ordonné la compensation des sommes dues par chacune des parties,

- condamné la société la société ADP au paiement d'une somme de 1 200€ au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [P] du surplus de ses demandes,

- débouté la société ADP du surplus de ses demandes et la condamnée aux dépens

Le 2 juillet 2018, M. [P] a interjeté appel de ce jugement.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 23 juin 2020, M. [P] demande à la cour de :

- juger que depuis son embauche, il doit bénéficier du coefficient 319 de la catégorie III B et à tout le moins depuis le 1er octobre 2004,

- condamner en conséquence la société ADP à lui payer les sommes suivantes avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts :

* 95 233,66€ à titre de rappel de salaires de base, majoration pour ancienneté, prime de 13ème mois, prime complémentaire, gratification, supplément familial du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2010,

* 9 523,37 € au titre des congés payés afférents,

* 4 425,72 € à titre de rappel sur participation,

* 4 125,20 € à titre de rappel sur primes d'intéressement,

* 4 374,46 € au titre des frais kilométriques,

Avant dire droit,

Concernant, d'une part, le décompte des majorations au titre des heures de travail effectuées de nuit, les dimanches ou jours fériés du 1 er octobre 2004 au 31 décembre 2010, d'autre part, les rémunérations, avantages et accessoires à devoir depuis le 1 er janvier 2011, et subsidiairement, plus généralement, sur l'ensemble des rémunérations avantages et accessoires à devoir depuis le 1 er octobre 2004 :

- ordonner une mesure d'expertise et désigner à cette fin un expert avec mission d'usage en la matière et notamment de :

* entendre les parties ainsi que tous sachants, se faire communiquer toutes pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment les bulletins de paie des médecins du travail employés par ADP et ceux du Docteur [J],

* relever la catégorie et l'échelon auxquels sont classés les médecins du travail depuis le 1er janvier 2011,

* déterminer la différence de rémunération perçue entre les médecins du travail et le M. [P] depuis le 1 er janvier 2011, en ce compris la rémunération de base, les avantages et accessoires de la rémunération, ainsi que la participation et l'intéressement,

* établir le décompte des majorations au titre des heures de travail effectuées de nuit, les dimanches ou jours fériés du 1 er octobre 2004 au 31 décembre 2010,

* fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre à la Cour de statuer sur les demandes de rappel de salaire de M. [P],

- dire que l'expertise sera menée et que l'expert accomplira sa mission conformément aux articles 263 et suivants du Code de procédure civile et dans le délai qui sera fixé par la présente juridiction,

- ordonner à la société ADP de remettre au regard des condamnations prononcées des bulletins de paie conformes,

- débouter la société ADP de l'intégralité de ses demandes,

- condamner la société ADP à payer à M. [P] la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les dépens.

L'appelant fait valoir que le statut du personnel en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010 a été jugé applicable aux médecins urgentistes. Ainsi, il s'estime fondé à demander des rappels de salaires du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2010.

M. [P] soutient qu'il relève de la catégorie III du statut et il sollicite l'application de l'échelon 319 en raison de sa qualification et des missions et responsabilités assurées par les médecins du service des urgences : urgences, consultations de médecine générale, prévention des voyageurs, vaccinations et soins, consultation des personnels naviguant, contrôle et veille sanitaire aux frontières, réquisitions, plans de secours préfectoraux.

Il prétend qu'en vertu du principe d'égalité de traitement, il aurait dû bénéficier dès l'embauche de l'échelon 319, ayant apporté des éléments objectifs à l'appui de sa demande. Pour le salarié, le temps partiel ne peut être retenu comme critère de différenciation de l'échelon . Il soutient que le docteur [O] n'a pas été son supérieur hiérarchique. Il estime que les missions et les responsabilités des médecins urgentistes étaient équivalentes à celles des médecins du travail et qu'aucun motif pertinent ne justifiait la classification des médecins urgentistes à un échelon inférieur.

Il précise le calcul de la rémunération et le montant des rappels de salaires auxquels il estime avoir droit pour la période du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2010. Il souhaite par ailleurs que la société ADP communique les règlements en vigueur depuis 2004 concernant les heures de travail effectuées et il sollicite une mesure d'expertise à titre subsidiaire afin d'établir le décompte des sommes dues à titre de rappel sur la période considérée par application du statut du personnel à l'échelon 319.

Concernant les rappels de salaire depuis 1er janvier 2011, le salarié considère que le nouveau statut du personnel est applicable. Selon lui, il existe une différence de traitement injustifiée et il fait valoir que la clause l'excluant de l'application du statut du personnel est illégale, que l'arrêt rendu par le Conseil d'Etat n'est pas revêtu de l'autorité de la chose jugée et n'a pas eu d'effet erga omnes. M. [P] prétend que l'organisation du temps de travail sous forme de vacations continues et le temps de travail partiel ne constituent pas de motifs valables justifiant la mise en place d'un régime dérogatoire pour les médecins urgentistes.

Par ailleurs, le salarié soutient que l'application du principe d'égalité de traitement impose à l'employeur de maintenir une égalité de traitement entre les salariés au regard du travail, de l'ancienneté, de la formation et des qualifications. M. [P] prétend que la rémunération des praticiens hospitaliers est inférieure à celle auxquelles les médecins urgentistes auraient pu prétendre par application du nouveau statut du personnel d'ADP, ce désavantage n'étant pas été justifié objectivement par la société ADP.

Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 16 juin 2020, la société ADP conclut demande à la cour de :

A titre principal,

- confirmer dans toutes ses dispositions le jugement,

Et en conséquence

- rejeter l'intégralité des demandes de rappel de salaire présentées par M. [P] pour la période du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2010,

- juger que le statut du personnel de la société ADP en matière de rémunération n'est pas applicable à M. [P] à compter du 1er janvier 2011 et donc qu'aucune somme de nature salariale ne peut lui être due,

- juger qu'à compter du 1er janvier 2011, seules les dispositions du contrat de travail de M. [P] sont applicables,

- rejeter la demande d'expertise et toutes demandes de rappels de salaire pour la période postérieure au 1er janvier 2011,

- condamner M. [P] à lui verser la somme de 8000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire et reconventionnel, en cas d'application du statut du personnel à compter du 1 er janvier 2011 :

- déclarer nulles les dispositions du contrat de travail de M. [P] prévues par :

Le préambule du contrat pour les dispositions concernant la rémunération, les règles d'avancement et la durée du travail,

Article I cadre juridique du présent contrat

Article VI pour les dispositions relatives aux horaires de travail

Article VII pour les dispositions relatives à la rémunération

Article XX pour les dispositions relatives au préavis et à l'indemnité de rupture.

Sur le contrat de travail du 22 septembre 2004, la société précise que lors de sa conclusion, des négociations étaient en cours, que le médecin n'a pu croire que la convention avait été déjà signée, que l'objectif d'organiser un service d'urgence par la voie contractuelle a été clairement indiqué, que l'appelant n'a pas été trompé lors de la signature de son contrat de travail, qu'il était déjà titulaire d'un contrat à durée indéterminée et qu'il a accepté de signer ce nouveau contrat conduisant à une revalorisation de sa rémunération. Elle soutient qu'en ne sollicitant pas la nullité du contrat, le salarié ne peut pas conclure à l'existence de man'uvres dolosives de sa part, que la fonction de médecin SMU est compatible avec elle de praticiens hospitaliers. Elle précise qu'en application du nouveau contrat, la vacation en 2017 s'est élevée à 1 049,91 €, soit une rémunération annuelle de 75 108,61 €.

Ainsi, l'employeur considère que le contrat a été valablement conclu et ne peut justifier les demandes relatives au repositionnement du salarié dans le statut pour la période de 2005 à 2010, ni justifier une application du statut ou de tout autre dispositif à compter du 1er janvier 2011.

S'agissant des demandes liées à l'application du statut pour la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2010, la société ADP invoque la nullité de l'intégralité des clauses du contrat de travail dérogatoires au statut du personnel. Selon elle, il convient d'examiner si l'application du statut, en terme de rémunération, est davantage favorable au salarié que les dispositions de son contrat de travail.

Pour la société ADP, la catégorie professionnelle à laquelle a est intégré le salarié est pertinente mais pas l'échelon. En effet, elle prétend que les salariés de la catégorie III ne sont pas éligibles à la prime d'assiduité, aux primes de sujétions professionnelles, à la réglementation relative aux heures supplémentaires, aux majorations pour le travail de nuit, les jours fériés et le dimanche. Si les médecins relèvent de la catégorie III à compter de 2005, elle estime néanmoins qu'un recrutement s'effectue nécessairement aux 1er échelon de rémunération de la catégorie. La société ajoute que des exceptions ont été prévues par la note de service, mais sans permettre de positionner le salarié nouvellement embauché à l'échelon le plus élevé, que l'échelon n'est pas en lien avec la nature des responsabilités professionnelles ou le poste occupé, qu'en moyenne l'avancement des cadres III est de 36 mois et que les médecins urgentistes ont été embauchés à l'échelon 308.

La société estime que le salarié ne peut pas revendiquer l'application de l'échelon de rémunération 319 pour la période de 2005 à 2010 car cet échelon ne peut être atteint qu'en fin de carrière, qu'ainsi, son supérieur hiérarchique, ayant une ancienneté plus importante que celle de l'appelant, a atteint l'échelon 317. Elle précise que jusqu'à la fin de l'année 2009, le responsable hiérarchique était le médecin chef M. [N] (cadre IV n+2) puis le médecin chef de service M. [O], cadre catégorie III échelon 317. Elle soutient que le recrutement s'effectue nécessairement au 1er échelon de la rémunération de la catégorie sauf exceptions tenant à l'âge du collaborateur et son expérience professionnelle, ce qui est le cas de M. [O], urgentiste depuis 1972 et ayant intégré la société en 1989. Elle soutient qu'aucun collaborateur n'est immédiatement intégré à l'échelon de rémunération le plus élevé, que le passage s'effectue au choix pour le cadre et qu'en moyenne, le délai pour l'avancement est de 36 mois.

En outre, l'intimée considère que la situation du médecin du travail n'est pas comparable à celle des médecins urgentistes, de même en ce qui concerne les pompiers ou les infirmières car ils ne relèvent pas de la même catégorie et travaillent à temps plein.

S'agissant des demandes de rappels de salaire, elle considère qu'en cas d'application du statut du personnel, les dispositions contractuelles relatives à sa rémunération, qui ont été annulées, ne peuvent plus s'appliquer, que la prime d'ancienneté et les dispositifs relatifs à la participation et l'intéressement continueront d'exister mais avec les règles du statut , que certains dispositifs propres au statut devront être quant à eux appliqués. Par conséquent, selon la société, les dispositions contractuelles appliquées ont été plus favorables au salarié que s'il avait bénéficié du statut de sorte qu'aucune somme ne peut être due au salarié pour les années 2005 à 2010.

Concernant les demandes salariales présentées pour la période postérieure au 1er janvier 2011, la société ADP soutient que la légalité du statut a été reconnue par le juge administratif, que le Conseil d'Etat a jugé que les médecins urgentistes se trouvaient placés dans une situation différente de celle des autres membres du personnel. Ainsi, selon elle, le salarié ne peut revendiquer le bénéfice du statut et former des demandes de rappels de salaire portant à compter du 1er janvier 2011. Elle considère que la décision du Conseil d'Etat a nécessairement eu un effet erga omnes.

Elle soutient également qu'au regard de l'arrêt du Conseil d'Etat, le salarié ne peut pas invoquer d'exception d'illégalité.

Sur la demande subsidiaire de rappel de salaire relative à la période postérieure au 1er janvier 2011, la société ADP soutient que l'appelant ne peut pas considérer que les avantages dont il bénéficiait au titre du statut du personnel antérieur se sont incorporés à son contrat de travail, que les demandes de M. [P] sont fondées sur des éléments accessoires du statut personnel en sus de sa seule rémunération de base et qu'aucun rappel de salaire n'est dû au salarié.

Sur la demande de rappel de salaire sur le principe 'à travail égal, salaire égal', l'intimée estime que M. [P] ne peut pas se comparer à un médecin du travail qui n'a pas un rôle de soignant. Elle relève également le caractère fantaisiste de l'argumentation tendant à voir juger qu'il aurait conserver le bénéfice des dispositions de l'ancien statut a titre des avantages acquis individuels en raison de la méconnaissance des mécanismes juridiques excluant le maintien à des avantages résutant d'un statut.

A titre subsidiaire, dans le cas où la cour jugerait le statut applicable à compter du 1er janvier 2011, la société précise que les dispositions du contrat de travail traitant des mêmes thèmes que ceux relevant du statut seront nécessairement nulles comme celles concernant les horaires de travail, la rémunération, le préavis et les indemnités de rupture.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L'instruction a été déclarée close le 24 juin 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Le jugement est définitif sur plusieurs points : l'annulation du protocole transactionnel, la condamnation du salarié à restituer à la société ADP la somme convenue dans le cadre du protocole transactionnel, l'application du statut ADP à la relation de travail jusqu'au 1er janvier 2011 et la condamnation de la société ADP à verser au salarié la somme correspondant aux réquisitions effectuées de 2005 au 31 décembre 2017. En effet, M. [P] n'a pas formé appel du jugement du chef de ces dispositions et la société ADP a sollicité la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

Sur les demandes liées à l'application du statut ADP depuis le 1er janvier 2005 jusqu'au 31 décembre 2010

M. [P] relève de la catégorie des cadres de la grille III, ce qui n'est pas contesté par les parties.

Sur le bénéfice de l'échelon 319

Il est constant qu'il appartient au salarié qui demande le bénéfice d'une classification de démontrer qu'il a accompli de manière effective les tâches relevant de la classification sollicitée.

En l'espèce, M. [P] revendique l'application de l'échelon 319 depuis son embauche, celui-ci correspondant à l'échelon le plus élevé de la catégorie dont il relève.

L'article 28 du statut du personnel, qui traite de l'avancement, dispose que sauf exception justifiée par l'âge et l'expérience professionnelle du candidat, l'échelon de recrutement ou de la promotion est l'échelon minimum de la qualification.

L'organigramme produit par la société ADP dans le cadre d'une consultation du CHSCT en 2005 démontre que le service de médecine comprenait un médecin chef de service classé III B, un cadre infirmier et 23 médecins urgentistes. De 2005 à 2010, il n'est pas discuté que M. [P] appartenait à cette dernière catégorie.

M. [P] soutient qu'il est docteur en médecine depuis 1993, mais il ne verse aux débats qu'un curriculum qu'il a personnellement établi. De même, il évoque plusieurs qualifications au sujet desquelles il n'a produit aucune pièce ainsi que cela ressort de l'examen du bordereau de ses pièces. Il en est de même lorsqu'il soutient avoir passé le concours de praticien hospitaliser en 2002.

Il se fonde sur deux arrêts rendus par la cour d'appel de Versailles le 7 avril 2004 qui ne démontrent en rien qu'il a assumé des responsabilités relevant de la classification 319 de la grille III du statut. Par ailleurs, il se compare à Mmes [M] et [K], médecin du travail, et qu'il ne démontre pas qu'il exerçait des fonctions similaires à ces dernières, ni qu'il bénéficiait d'une expérience professionnelle identique.

Pour prétendre à cet échelon, M. [P] détaille également tous les domaines dans lesquels il intervient dans le cadre de ses fonctions dont le nombre et la dangerosité ne sont toutefois pas suffisants pour lui permettre d'accéder au dernier échelon réservé, au regard de l'organigramme évoqué ci-dessus et du glossaire des qualifications et rémunérations produit par l'employeur, au médecin assumant la responsabilité d'un service et exerçant un pouvoir hiérarchique sur l'ensemble de l'équipe des médecins urgentistes.

Ainsi, la société ADP produit la fiche de M. [O] émise par le service des ressources humaines et dont il ressort que celui-ci a été embauché en 1973 et qu'ayant bénéficié d'un avancement en 2010 au poste de chef de service, l'échelon attribué a progressé tout au long de sa carrière jusqu'à atteindre 317 en 2008. M. [O] a bénéficié de cet échelon jusqu'en 2010. M. [P] ne peut pas contester que M. [O] était son supérieur hiérarchique ainsi que cela ressort de l'organigramme produit par la société. En revanche, il reconnaît que M. [N], cadre classé catégorie IV, échelon 401 à 408, était son supérieur hiérarchique jusqu'à la fin de l'année 2009. Il ne peut dès lors se comparer à celui-ci, l'appelant ne démontrant pas assumé les responsabilités organisationnelles découlant de l'exercice des fonctions occupées par un chef de service.

La comparaison effectuée avec d'autres catégories professionnelles, les infirmiers, les pompiers et les ambulanciers ne saurait justifier l'attribution de l'échelon revendiqué, l'appelant ne démontrant pas exercer des fonctions similaires à celles des catégories professionnelles citées, ni assumer ses fonctions dans des conditions similaires. En effet, l'appelant effectue 52 vacations de 24 heures par an et ne démontre pas que tel est le cas des catégories professionnelles auxquelles il se compare.

Enfin, M. [P] ne produit aucune pièce permettant de justifier que par son âge et son expérience professionnelle, il peut prétendre à l'attribution de l'échelon 319 dès son embauche.

En conséquence, sa demande est rejetée de même que toutes celles en découlant, y compris la demande d'expertise.

Sur l'application du statut ADP à compter du 1er janvier 2011

En premier lieu, M. [P] indique que la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du Conseil d'Etat du 5 février 2018 doit être écartée. Toutefois, la cour relève que la société ADP ne soulève pas une fin de non-recevoir à ce sujet.

Sur l'illégalité de la clause excluant le salarié de l'application du statut du personnel

En second lieu, M. [P] soutient que la cour est compétente pour statuer sur la légalité de la clause des statuts excluant les médecins du SMU quant à la durée du travail, la rémunération l'avancement et la promotion dès lors qu'elle introduit une source d'inégalité de traitement par rapport aux autres salariés, l'organisation du travail en vacations et la réalisation d'un travail à temps partiel n'étant pas des motifs valables justifiant la mise en place d'un régime dérogatoire.

Or, il est constant que le juge judiciaire doit surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle relative au bien-fondé des motifs invoqués par la personne publique soit tranchée par la juridiction administrative, à moins qu'il apparaisse manifestement au vu d'une jurisprudence établie, que ces motifs sont ou ne sont pas fondés (arrêt du 3 juillet 2017 du Tribunal des conflits C4091). Dès lors, le juge judiciaire peut statuer lorsqu'il apparaît manifestement au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation ne peut être accueilli par le juge saisi au principal.

Il s'en déduit que M. [P] peut juridiquement soulever une exception d'illégalité à condition qu'elle soit qualifiée de sérieuse et qu'elle ne porte pas sur les éléments déjà soumis au juge administratif, à savoir la légalité des dispositions du statut du personnel concernant les médecins urgentistes et plus particulièrement l'appréciation de la proportionnalité de la différence de traitement prévue par le statut pour cette catégorie de personnel.

Dans le cas présent, le juge administratif, à savoir le Conseil d'Etat, s'est déjà prononcé dans un arrêt du 5 février 2018 (n°403230) au regard du principe du d'égalité de traitement sur la légalité du nouveau statut du personnel de ADP excluant les médecins exerçant leur activité dans les services médicaux d'urgence de l'aéroport. Il a en effet constaté que la nature des fonctions exercées par les médecins urgentistes et que leurs conditions d'exercice appelant une organisation de travail particulière, inspirée des praticiens hospitaliers, sous forme de vacations de vingt-quatre heures dont le nombre était annualisé, et dont les congés et les modalités de rémunération tenaient compte, tout comme les possibilités d'avancement et les conditions de cessation d'activité, étaient de nature à écarter le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité. Il a retenu que leur situation était différente de celle des autres membres du personnel de la société dans les domaines précités et que l'application des dispositions actuelles, distinctes du statut dont ils étaient exclus, ne constituait pas une différence de traitement manifestement disproportionnée au regard de la différence de situation la justifiant.

Si cet arrêt n'a été rendu qu'à l'égard du syndicat des médecins d'urgence de France, l'Etat et la société ADP, il concerne directement les médecins urgentistes en ce qu'était poursuivie l'annulation pour excès de pouvoir la décision implicite du 7 décembre 2010 par laquelle le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de l'économie et des finances ayant approuvé le statut du personne de la société ADP et donc leur exclusion de ce statut. L'absence d'admission par le Conseil d'Etat s'agissant des recours exercés individuellement par les médecins urgentistes de la société ADP contre cette même décision ministérielle confirme le caractère identique du litige examiné dans les deux cas.

Or, devant la cour d'appel de Paris, M. [P] invoque des moyens identiques à ceux déjà soumis au Conseil d'Etat, à savoir, l'organisation du travail sous forme de vacations de vingt-quatre heures et dans le cadre d'un temps partiel, de même que l'atteinte au principe d'égalité de traitement et au principe de proportionnalité de sorte qu'il y a lieu de juger que l'exception soulevée ne peut être qualifiée de sérieuse et doit être rejetée.

Sont en conséquence rejetées les demandes tendant à ce qu'il soit jugé que le statut du personnel ADP du 1er janvier 2011 est intégralement applicable à M. [P] de même que celles formulées par l'appelant comme découlant de l'application du statut.

Sur l'application du principe d'égalité de traitement

M. [P] invoque de nouveau le principe d'égalité de traitement indépendamment de la question de la légalité des statuts.

Or, il ne procède à aucune comparaison et se contente de relever le caractère inique de sa situation. S'il relève in fine une différence de traitement avec les médecins du travail, ce moyen a déjà examiné ci-dessus et a fait l'objet d'un rejet en l'absence de comparaison pertinente entre les fonctions exercées par les médecins urgentistes et les médecins du travail.

En conséquence, la demande formée par M. [P] tendant à l'application du statut de la société ADP à compter du 1er janvier 2011 de même que toutes les demandes subséquentes sont rejetées.

           

PAR CES MOTIFS

                       

La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,

           

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;

           

CONDAMNE M. [P] à payer à la société ADP la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ; 

      

CONDAMNE M. [P] au paiement des dépens d'appel.

 

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 18/08282
Date de la décision : 01/10/2020

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°18/08282 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-01;18.08282 ?
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