REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 14 OCTOBRE 2020
(n°2020/ , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01699 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B46VC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Décembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F14/11536
APPELANT
Monsieur [K] [J]
[Adresse 1]
Représenté par Me Anne-sophie HETET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0220
INTIMEE
SA SAFRAN représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
Représentée par Me Manuelle PUYLAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2452
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juillet 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX Greffière, présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [J] a été engagé le 1er mai 2013 à Grand Prairie au Texas (USA) par la société SAFRAN USA, en tant qu'international HR manager, Responsable Mobilité Internationale zone Amérique du Nord, Zone 2, indice 100.
Avant la signature de la lettre d'embauche par SAFRAN USA, M. [J] était déjà salarié du Groupe SAFRAN. En effet, il avait été embauché en 2010 par contrat à durée indéterminée par MORPHO SA INTERNATIONAL, filiale de SAFRAN SA, en qualité de HR manager puis par SAFRAN SA.
Ce contrat de travail a été suspendu par avenant du 17 mai 2013, afin que M. [J] puisse être employé par SAFRAN USA.
Au titre de son emploi dans la société américaine, M. [J] était en charge de la structure SHRS, filiale de SAFRAN USA, ayant pour mission de gérer les employés expatriés et impatriés en Amérique du Nord.
Son ancienneté au sein du groupe SAFRAN était reprise depuis le 19 juillet 2008.
La convention collective applicable était celle des Ingénieurs et Cadres des Industries des Métaux du 13 mars 1972.
La rémunération mensuelle de brute de M. [J] était de 3 576,94 €.
Par courriel adressé le 7 avril 2014 à SAFRAN SA, M. [J] s'est plaint de harcèlement et de discrimination de la part de son supérieur hiérarchique en raison de son orientation sexuelle. Il a été en arrêt maladie du 7 avril au 23 juillet 2014 .
M. [J] a écrit à SAFRAN USA le 24 juillet 2014, et a transmis cet écrit à SAFRAN FRANCE par courriel du même jour, aux termes duquel il prenait acte de la rupture de sa relation contractuelle avec cette société aux torts exclusifs de celle-ci. Il précisait que rien n'avait été entrepris localement pour remédier aux faits graves qu'il avait dénoncés et qui avaient rendu inenvisageable la reprise de son poste à la fin de son arrêt maladie.
En l'absence de reprise du travail de M. [J] à l'issue de son arrêt maladie le 23 juillet 2014, SAFRAN USA lui a indiqué par courriel du 2 août 2014 qu'il le considérait en congé personnel jusqu'à la date du 8 septembre 2014, et ce afin de lui donner le temps nécessaire de reprendre son travail et éviter ainsi de mettre fin à ses fonctions.
Constatant que M. [J] n'avait pas repris son travail à cette date, SAFRAN USA lui a adressé un courrier le 10 septembre 2014 lui indiquant qu'elle mettait fin à son emploi.
Consécutivement à cette lettre, SAFRAN SA indiquait à M. [J] par courrier du 11 septembre 2014 qu'elle assurait son rapatriement et recherchait un poste susceptible de lui convenir afin de pouvoir l'y affecter dès son retour.
A la même date, M. [J] saisissait le conseil de prud'hommes de Paris d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de SAFRAN SA avec toutes les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l'allocation à son profit de diverses indemnités et remboursements de frais.
En dépit de cette saisine, les échanges se poursuivaient entre les parties sur les conditions de réintégration et le poste proposé ainsi que sur les modalités d'organisation du rapatriement de M. [J] et de sa famille.
Par courrier du 12 décembre 2014, M. [J] prenait acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur et indiquait maintenir sa procédure auprès du conseil des prud'hommes.
Par jugement du 16 octobre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté M. [J] de l'intégralité de ses demandes.
M. [J] a interjeté appel le 17 janvier 2018 .
Aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 13 avril 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [J] demande à la cour de :
- requalifier sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en rupture aux torts exclusifs de l'employeur
- dire et juger que la rupture du contrat de travail en rupture est imputable à la société SAFRAN SA et doit être considérée comme un licenciement aux torts de l'employeur.
En conséquence, condamner la société SAFRAN SA à verser à M. [J] les sommes suivantes :
Indemnité de préavis de 3 mois........................................................................ 15 275,01 €Congés payés sur préavis.................................................................................... 1 527,50 € Indemnité conventionnelle de licenciement....................................................... 6 110,00 Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse................................50 000,00 €
Remboursement de frais selon politique du groupe et avenant de suspension :
- Frais de voyage :....................................................................................................2 600 €
- Prime d'installation pour retour en France :.....................................................4 250,00 €
- Prime de relocalisation :.................................................................................19 200,00 €
- Frais de déménagement : .................................................................................7 160,00 €
- Assistance fiscale :...........................................................................................1 500,00 €
- Frais de logement temporaire :.........................................................................4 485,00 €
- Véhicule temporaire :.......................................................................................1 488,00 €
Remboursement de notes de frais :
- Février 2014 :..................................................................................................... 500,00 €
Rappel de salaire :............................................................................................. 25 458,35 €
Congés payés sur rappel de salaire :....................................................................2 545,83 €
Dommages et intérêts pour mauvaise foi de l'employeur dans l'exécution du contrat de travail :.............................................................................................................. 30 000,00 €
Article 700 du Code de procédure civile :...........................................................2 000,00 €
Intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts »
Aux termes de ses conclusions notiifées par RPVA le 11 juillet 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, la SA SAFRAN demande à la cour de confirmer le jugement rendu le 16 octobre 2017 par le conseil de prud'hommes de Paris à l'exception du débouté de la demande de SAFRAN SA au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. Formant appel incident, SAFRAN SA demande d'une part que M. [J] soit condamné à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et d'autre part qu'il soit condamné au paiement d'une indemnité de 10.730,82 € pour non respect du préavis, dès lors que la prise d'acte s'analyse en démission.
Par message RPVA du 24 février 2020, le conseiller de la mise en état a demandé aux parties, en application des dispositions combinées tirées des articles 765 et 907 du code de procédure civile, de bien vouloir compléter sous huitaine leurs conclusions adressées à la cour au sujet de l'effet dévolutif de l'appel (article 562 et 901 4° du code précité) dès lors qu'en l'espèce, la déclaration d'appel portait sur un appel total.
Par conclusions du 28 février 2020 notifiées par RPVA auxquelles la cour se réfère expressément, M. [J] a conclu sur ce point ainsi qu'il suit :
Il a interjeté appel le 17 janvier 2018 du jugement du conseil des prud'hommes en date du 14 décembre 2017, lequel lui avait été notifié le 28 décembre 2017. A la rubrique « objet / portée de l'appel », il est mentionné « appel total », le choix à l'époque devant se faire entre deux rubriques « appel total » ou « appel limité aux chefs du jugement expressément critiqués ». Il souhaitait faire appel de l'entier jugement. Il expose ensuite avoir conclu le 13 avril 2018 dans le délai de l'article 908 du code procédure civile, en explicitant de nouveau la portée de son appel et en déterminant ainsi les moyens dont la cour était saisie. Selon lui, le jugement l'ayant débouté de toutes ses demandes, la mention « appel total » était sans ambiguïté et ne pouvait que signifier qu'il entendait reprendre devant la cour d'appel toutes ses prétentions qui ont été globalement rejetées en première instance. Si par extraordinaire, la cour estimait irrégulière la déclaration d'appel de M. [J] et estimait devoir considérer que cette dernière n'aurait opéré aucun effet dévolutif, il conviendrait de préciser que la cour est nécessairement saisie de l'appel incident de la Sté SAFRAN SA qui a déposé ses écritures dans le délai de l'article 909. Les conclusions de M. [J] répondent nécessairement à ces conclusions incidentes de telle sorte que l'effet dévolutif de l'appel est préservé.
Aux termes de conclusions notifiées le 6 mars 2020 par RPVA auxquelles la cour se réfère expressément, la société SAFRAN SA expose que l'appel « total » de M. [J], qui ne vise pas l'annulation du jugement entrepris, et qui n'a pas repris les chefs du jugement critiqués n'a aucun effet dévolutif. La cour n'est donc pas saisie et ne peut statuer sur le fond, peu important l'appel incident formé par SAFRAN SA. L'appel n'est pas soutenu et la cour ne peut statuer sur les demandes de M. [J].
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2020.
MOTIFS :
En vertu de l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s'opérant pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
En outre, seul l'acte d'appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Il en résulte que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.
Par ailleurs, l'obligation prévue par l'article 901 4° du code de procédure civile, de mentionner, dans la déclaration d'appel, les chefs de jugement critiqués, dépourvue d'ambiguïté, encadre les conditions d'exercice du droit d'appel dans le but légitime de garantir la bonne administration de la justice en assurant la sécurité juridique et l'efficacité de la procédure d'appel.
Enfin, la déclaration d'appel ne peut être régularisée que par une nouvelle déclaration d'appel, dans le délai imparti à l'appelant pour conclure au fond conformément à l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile.
En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [J] se borne à mentionner en objet que l'appel est « total » et n'a pas été rectifiée par une nouvelle déclaration d'appel.
Cette simple mention ne peut être regardée comme emportant la critique de l'intégralité des chefs du jugement ni être régularisée par des conclusions au fond prises dans le délai requis énonçant les chefs critiqués du jugement.
Elle ne peut davantage être régularisée par l'appel incident de l'intimé qui est pourvu d'un effet dévolutif qui lui est exclusivement attaché.
En outre, ce n'est pas parce que l'appelant a répliqué par conclusions à cet appel incident que cela aurait pour effet de restituer par ricochet un effet dévolutif à sa déclaration d'appel qui en est définitivement privée.
Ainsi, en l'absence d'indication expresse dans l'acte d'appel des chefs de jugement critiqués, aucun chef de jugement n'est déféré à la cour par la déclaration l'appel formée par M. [J] et tous moyens contraires opposés par ce dernier seront rejetés.
La cour n'a donc pas à statuer sur cet appel total.
En revanche, l'appel incident demeure et il convient de statuer sur les demandes formées dans ce cadre par la société SAFRAN SA.
Il sera constaté à cet égard que M. [J] n'a pas effectué son préavis - ce qui n'est au demeurant pas contesté par ce dernier - et dès lors il est redevable d'une indemnité de ce chef, au profit de son employeur, SAFRAN SA, correspondant à 3 mois de salaire, soit la somme de 10.730,82 € (3.576,94 € x 3). Il sera donc condamné à paiement à cet égard.
Il sera également condamné au paiement d'une somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
CONSTATE que l'appel principal de M. [K] [J] est dépourvu d'effet dévolutif et qu'en conséquence la cour n'est nullement saisie de cet appel.
Statuant néanmoins sur l'appel incident de la société SAFRAN SA,
CONDAMNE M. [K] [J] à verser à cette société les sommes suivantes :
- 10.730,82 € au titre de l'indemnité pour non respect du préavis.
- 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE M. [K] [J] aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE