REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 14 OCTOBRE 2020
(n°2020/ , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/02246 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5BP5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 17/01197
APPELANT
Monsieur [N] [D] [Y]
[Adresse 1]
Représenté par Me Joseph KENGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1681
INTIMEE
SAS [I] [T] PARTICIPATIONS (P.GP) représentée par son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
Représentée par M. [I] [T] (Délégué syndical patronal)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juillet 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Pauline MAHEUX, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Pauline MAHEUX Greffière, présente lors de la mise à disposition.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [N] [D] [Y] a été engagé par la société [I] [T] Participations (PGP) selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 21 avril 2015 en qualité de directeur d'exploitation de nuit.
Au dernier état de sa relation de travail avec la société PGP, M. [Y] percevait un salaire mensuel brut de 6764.97 €, en moyenne des trois derniers mois de travail.
La société PGP est soumise à la convention collective nationale des entreprises de propreté et emploie plus de 10 salariés.
Le 17 octobre 2016, la société PGP a convoqué M. [Y] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 25 octobre 2016.
La société lui a notifié son licenciement pour motif économique par lettre du 17 novembre 2016.
Le 17 mars 2017, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny en référé, aux fins de voir condamner la société PGP à lui payer un complément d'indemnité légale de licenciement en considération d'une ancienneté au 9 juillet 1992.
Le 24 avril 2017, le conseil de prud'hommes a été saisi au fond.
Par ordonnance du 28 juillet 2017, le conseil de prud'hommes a dit qu'il n'y avait lieu à référé.
Par jugement en date du 11 janvier 2018, statuant sur le fond, le conseil de prud'hommes a rejeté les demandes de M. [Y].
Celui-ci a interjeté appel le 31 janvier 2018.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe via le réseau privé virtuel des avocats le 1er juin 2018 et notifiées par lettre recommandée avec avis de réception à l'intimé le 9 mars 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, M. [Y] demande de :
1- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris
2- Dire dénué de cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique du 17 novembre 2016
3- Condamner la société PGP au paiement de la somme de :
o 45 854 € à titre de reliquat de l'indemnité légale de licenciement
o 81 179 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
o 3000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance de maintien des garanties de protection sociale complémentaire
o 3000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
5- La condamner :
a. aux entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution forcée de la décision à intervenir,
b. au paiement des sommes sollicitées avec intérêt au taux légal à compter de la date de la saisine du Conseil.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe par lettre recommandée avec avis de réception adressées reçu le 13 juillet 2018 et notifiées à l'intimé par lettre recommandée avec avis de réception le 13 juillet 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, la société [I] [T] Participations demande de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- débouter M. [Y] de ses demandes,
- condamner M. [Y] à lui payer la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [Y] aux dépens d'appel.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 24 février 2020.
La société [I] [T] Participations a remis de nouvelles conclusions au greffe le 25 février 2020.
MOTIFS :
Sur la recevabilité des conclusions :
La cour a relevé lors des débats le caractère tardif de la remise au greffe le 25 février 2020 de conclusions de l'intimée, notifiées à l'appelant le 29 janvier 2019, comme étant postérieure à la clôture de l'instruction.
Il en résulte que ces conclusions sont irrecevables et les pièces nouvelles visées au bordereau desdites conclusions écartées des débats.
Sur les pièces :
Selon l'article 954 du code de procédure civile, modifié par décret n°2017-891 du 6 mai 2017 - art. 34, les conclusions d'appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l'article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
La cour a constaté et soulevé lors des débats l'absence de concordance entre les pièces visées dans les conclusions au soutien des moyens et les pièces visées au bordereau, les pièces visées dans les conclusions ne correspondant pas à celles visées dans le bordereau et ayant le même numéro.
Il en résulte que les pièces visées dans les conclusions n'ont pas été régulièrement communiquées dès lors qu'elles sont non conformes au bordereau annexé et doivent être écartées des débats.
Sur la reprise d'ancienneté et la demande subséquente de rappel d'indemnité de licenciement :
Le contrat de travail de M. [Y] mentionne que celui-ci ' bénéficie d'une ancienneté dans le secteur à dater de 1992" mais ne stipule pas expressément de reprise d'ancienneté.
Les bulletins de paie comportent pour certains deux mentions relatives à l'ancienneté, l'une indiquant en année et mois l'ancienneté en cours à compter du 1er mars 2015, l'autre indiquant le 9 juillet 1992 comme date d'ancienneté au sens de l'article 7 de la convention collective sous la mention ' date anc.art.7 CCN 09/07/92".
L'article 7 de la convention collective nationale des entreprises de propreté en date du 26 juillet 2011 dispose qu'en vue d'améliorer et de renforcer la garantie offerte aux salariés affectés à un marché faisant l'objet d'un changement de prestataire, les partenaires sociaux ont signé un accord le 29 mars 1990, intégré dans l'article 7 de la présente convention, destiné à remplacer l'accord du 4 avril 1986 relatif à la situation du personnel en cas de changement de prestataire, dénoncé à compter du 23 juin 1989, en prévoyant la continuité du contrat de travail des salariés attachés au marché concerné dans les conditions stipulées par le présent texte.
Les 7.1 à 7.7 déclinent les obligations des employeurs entrants et sortants.
Selon l'article 2 de l'accord du 3 mars 2015 relatif à la prime annuelle, étendu par arrêté du 2 novembre 2015, 'la prime annuelle est versée aux salariés ayant une année d'expérience professionnelle à la date du versement.
L'expérience professionnelle s'apprécie dans la branche professionnelle en cas de changement d'entreprise, à la condition que sur présentation de justificatifs (tels que certificats de travail) il n'y ait pas eu entre l'embauche et la fin du contrat de travail précédent, effectué dans la profession, une interruption supérieure à 12 mois.'
Ainsi la convention collective prévoit, indépendamment de l'hypothèse d'une perte de marché emportant transfert conventionnel du contrat de travail, la prise en compte de l'ancienneté dans le secteur pour le calcul de la prime d'expérience.
Dès lors la mention sur le bulletin de paie d'une ancienneté au 9 juillet 1992 concerne le seul calcul de la prime d'expérience dans le secteur et ne saurait s'entendre d'une reprise d'ancienneté s'appliquant à l'ensemble de la relation de travail dans la mesure où le contrat ne la stipule et où le contrat de M. [Y] n'a pas fait l'objet d'un transfert conventionnel consécutif à une perte de marché.
La demande subséquente de rappel de prime de licenciement fondée sur une reprise d'ancienneté est donc rejetée et le jugement entrepris confirmé de ce chef.
Sur le motif économique du licenciement :
Constitue un licenciement pour motif économique sur le fondement de l'article L 1233-3 du code du travail, le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi, ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques, à des mutations technologiques ou à une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
La cause économique d'un licenciement s'apprécie au niveau de l'entreprise ou, si celle-ci fait partie d'un groupe, au niveau du secteur d'activité du groupe dans lequel elle intervient. Le périmètre du groupe à prendre en considération à cet effet est l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante dans les conditions définies à l'article L. 2331-1 du code du travail, sans qu'il y ait lieu de réduire le groupe aux entreprises situées sur le territoire national.
Il incombe à l'employeur d'établir la réalité d'une menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise et la nécessité de procéder à une réorganisation afin d'y procéder. Or, aucune des neuf pièces visées dans le bordereau de communication de pièces annexé aux conclusions n'est de nature à caractériser la concurrence accrue dans le secteur du nettoyage, la perte de 50% de l'effectif de nuit à la suite de l'arrêt d'un contrat de prestation tels qu'invoqués dans la lettre de licenciement.
La société PGP ne démontre pas avoir été contrainte de réduire ses coûts salariaux en se réorganisant aux fins de sauvegarder sa compétitivité.
Le motif économique invoqué n'est donc pas établi de sorte que le licenciement de M. [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.
Sur l'indemnité pour licenciement abusif :
En vertu de l'article L1235-5 du code du travail, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Eu égard à l'ancienneté de 19 mois de M. [Y] et au montant de son salaire mensuel brut, le préjudice par lui subi du fait du caractère abusif de son licenciement sera réparé par l'allocation de la somme de 15 000 euros.
En vertu de l'article 1231-7 du code civil, les dommages et intérêts alloués sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
Sur la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de maintien des garanties de protection sociale complémentaire :
Cette demande formulée dans le dispositif des conclusions n'est pas explicitée dans le corps de celle-ci et aucun moyen n'est développé à son soutien. Cette demande ne peut donc prospérer. Elle est rejetée et le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société PGP est condamnée aux dépens d'appel et au paiement de la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il n'y a pas lieu de statuer sur les frais d'exécution forcée lesquels sont régis par les règles qui leur sont propres.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
DÉCLARE irrecevables les conclusions de l'intimé remises au greffe le 25 février 2020 et notifiées à l'appelant le 29 janvier 2019 et écarte les pièces visées au bordereau annexé à ces conclusions,
ECARTE les pièces visées dans les conclusions mais non visées dans le bordereau annexé aux conclusions de l'intimé remises au greffe le 13 juillet 2018,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de complément d'indemnité légale de licenciement et la demande de dommages-intérêts pour perte de chance de de maintien des garanties de protection sociale complémentaire,
Statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M. [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société PGP à payer à M.[Y] la somme de 15000 euros de dommages-intérêts pour licenciement abusif,
DIT que les dommages et intérêts alloués sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
CONDAMNE la société PGP à payer à M.[Y] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DIT n'y avoir lieu à statuer sur les frais d'exécution forcée,
CONDAMNE la société PGP aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE