REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 10 NOVEMBRE 2020
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/19033 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6GGE
Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Mai 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/00253
APPELANTE
Société KRAYDON LTD société de droit irlandais
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 2]
[Localité 4] - IRLANDE
représentée par Me Bernard CAHEN de l'AARPI AARPI CCVH, avocat au barreau de PARIS, toque : P0584
INTIMEE
LA CHAMBRE DE COMMERCE INTERNATIONALE DE PARIS CCI
prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0018
assistée de Me Sacha WILLAUME, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : T03
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre
M. François MELIN, conseiller
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Anne BEAUVOIS, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière présente lors du prononcé.
Le 17 février 2012, la société Kraydon Ltd (ci-après dénommée société Kraydon), société de droit irlandais, a déposé une demande d'arbitrage auprès du secrétariat de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de commerce internationale à l'encontre de plusieurs sociétés du Groupe Foster Wheeler, conformément à la clause compromissoire figurant au contrat de consultant du 30 mars 1993 conclu entre la société Kraydon et les sociétés du Groupe Foster Wheeler.
Faute d'accord entre les parties sur la nomination d'un arbitre unique, la Chambre de commerce internationale a désigné M. [O] en qualité d'arbitre unique.
La sentence arbitrale finale a été rendue le 17 novembre 2014. La société Kraydon qui sollicitait notamment une indemnité de 500.000 dollars en raison des manquements des sociétés du groupe Foster Wheeler, a été déboutée de ses demandes.
Estimant que les fautes commises par l'arbitre engageaient la responsabilité de la Chambre de commerce internationale, la société Kraydon l'a, par acte du 23 décembre 2016, assignée devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme de 38 616 208,10 euros en réparation de son préjudice et à titre subsidiaire en paiement de la somme de 27 031 345,67 euros au titre de la perte de chance.
Par jugement rendu le 28 mai 2018, le tribunal de grande instance de Paris a rejeté les demandes de la société Kraydon, l'a condamnée aux dépens et à verser à la Chambre de commerce internationale la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a retenu que l'arbitre avait été régulièrement désigné, qu'il n'avait commis aucune atteinte au principe de la contradiction et à son obligation d'information et que la sentence arbitrale ne pouvait pas engager la responsabilité de la Chambre de commerce internationale mais pouvait faire l'objet d'un recours en annulation devant cette cour pour être remise en cause.
Le 26 juillet 2018, la société Kraydon a interjeté appel de cette décision.
Par dernières conclusions notifiées le 5 juin 2020, la société Kraydon demande à la cour de juger recevables et bien fondés son appel et ses demandes, d'infirmer en conséquence le jugement du 28 mai 2018 en toutes ses dispositions ; et statuant à nouveau, de condamner la Chambre de commerce internationale à réparer le préjudice qu'elle a subi en la condamnant à lui verser la somme de 38.616.208,10 euros, à titre subsidiaire, de la condamner à réparer la perte de chance qu'elle a subie en la condamnant à lui verser une somme qui ne saurait être inférieure à 27.031.345,67 euros et en tout état de cause de la condamner à lui verser la somme de 50.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens de la procédure.
Elle soutient que la responsabilité de la CCI est engagée en raison des fautes commises par l'arbitre unique dès lors qu'elle était tenue de la conduite de l'arbitrage qui devait être conforme au règlement de la CCI et notamment à l'article 22.4. Elle estime que l'arbitre a manqué d'impartialité et a violé le principe de la contradiction en refusant certaines communications de la société Kraydon et en ne prévoyant pas d'audience. Elle argue ainsi que l'arbitre ne l'a pas informée qu'il aurait à statuer sur la loi applicable dans la sentence finale et que la seconde phase d'arbitrage avait un caractère conditionnel. Elle estime que l'arbitre devait déterminer la loi applicable dans le cadre de la sentence partielle puis ouvrir la seconde phase de l'arbitrage en accueillant les écritures des parties, fondées sur cette loi choisie, et enfin organiser une audience. Elle fait enfin valoir que les contradictions de motivation de la sentence arbitrale sont contraires au principe de conduite de l'arbitrage de manière équitable et impartiale.
Par dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2020, la CCI demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, de condamner la société Kraydon aux dépens et à lui verser la somme de 60 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la société Kraydon ne rapporte pas la preuve d'une faute qui lui est imputable. Elle rappelle que les actes du tribunal arbitral ne sauraient se confondre avec ceux de l'institution d'arbitrage qui ne fait que participer à l'administration de la procédure arbitrale, sans être investie d'une mission juridictionnelle. Elle argue que sa responsabilité ne peut être engagée que pour des fautes lourdes ou dolosives commises dans la mise en 'uvre de son Règlement et qu'elle n'est tenue que d'une obligation de moyens quant à la garantie des qualités essentielles de l'arbitre. Elle fait valoir au surplus que l'arbitre unique n'a commis aucune faute comme l'a relevé le tribunal.
MOTIFS
La CCI, en qualité de centre d'arbitrage, choisi par les parties, a conclu avec celles-ci un contrat d'organisation de l'arbitrage régi par son Règlement d'arbitrage. Il ressort de celui-ci que la Cour exerce des fonctions d'organisation de l'arbitrage, la fonction juridictionnelle étant dévolue aux seuls arbitres, la Cour n'ayant aucun pouvoir juridictionnel.
Comme le relève la CCI, sa responsabilité ne saurait se confondre avec celle de l'arbitre unique.
Concernant la désignation de l'arbitre, il ressort de la sentence qu'en l'absence d'accord des parties, la Cour internationale d'arbitrage a désigné M. [J] [O] à titre d'arbitre unique, sur proposition du comité national belge, conformément l'article 13(3) après s'être assuré que ce denier avait effectué sa déclaration d'indépendance et d'impartialité, laquelle a été, le 26 juin 2012, transmise aux parties qui n'ont émis aucune contestation. La Cour, a ainsi respecté les termes de l'article 13 de son Règlement et n'a commis aucune faute dans la désignation de l'arbitre.
Pour soutenir que l'arbitre et la CCI ont commis différentes fautes, la société Kraydon invoque l'article 22 du Règlement aux termes duquel « dans tous les cas, le tribunal arbitral conduit la procédure de manière équitable et impartiale et veille à ce que chaque partie ait eu la possibilité d'être suffisamment entendue ». Or, cette disposition ne concerne pas la CCI mais seulement le tribunal arbitral dans sa mission juridictionnelle. L'obligation d'indépendance et d'impartialité de l'arbitre ainsi que celle de respecter le principe de la contradiction, invoquées par la société Kraydon, sont donc inopérantes pour engager la responsabilité de la CCI mais relèvent du contrôle du juge de la régularité de la sentence.
En conséquence, la responsabilité de la CCI ne saurait être retenue et le jugement est confirmé sans qu'il ne soit besoin d'examiner les autres griefs invoqués par la société Kraydon à l'encontre de la CCI relatifs à de prétendues fautes de l'arbitre qui échappent au contrôle de l'institution d'arbitrage et qu'elle ne peut se voir reprocher, l'action de la société Kraydon ne visant en réalité qu'à obtenir de la CCI la prise en charge des indemnités dont elle a été déboutée dans la procédure d'arbitrage, alors qu'elle n'a pas exercé la voie de recours qui lui était ouverte contre la sentence.
La société Kraydonn succombant à l'instance, est condamnée aux dépens. En équité, il convient d'allouer à la CCI la somme de 50 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement,
Condamne la société Kraydon Ltd à verser à la Chambre de Commerce Internationale la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Kraydon Ltd aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE