Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 5
ARRÊT DU 18 NOVEMBRE 2020
(no /2020, 13 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 15/22310
No Portalis 35L7-V-B67-BXPCD
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2015 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - 7ème chambre - 1ère section - RG no 14/13686
APPELANTE
SAS ENTREPRISE J...,
agissant en la personne de ses représentants légaux
[...]
[...]
No SIRET : 450 873 211 00020
représentée par Me Bruno SAUTELET, avocat au barreau de Paris, toque : E1344
ayant pour avocat plaidant Me Stéphane CHAGNAUD, avocat au barreau de Limoges
INTIMES
Monsieur L... F...
[...]
[...]
né le [...] à ORANGE ((84100)
représenté par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de Paris, toque : K0111,
assisté par Me Aurélien ZILBERMAN, avocat au barreau de Paris, toque : J001
Madame Q... V... épouse F...
[...]
[...]
née le [...] à REIMS (51100)
représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocat au barreau de Paris, toque : K0111,
assistée par Me Aurélien ZILBERMAN, avocat au barreau de Paris, toque : J001
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Septembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Bénédicte PRUVOST, présidente de chambre, et devant Mme Valérie MORLET, conseillère, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Bénédicte PRUVOST, présidente de chambre
Mme Valérie MORLET, conseillère
Mme Valérie GUILLAUDIER, conseillère
Greffière lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
Greffier lors de la mise à disposition : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Bénédicte PRUVOST, présidente de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, greffier, présent lors de la mise à disposition auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS et PROCEDURE
Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., ont courant 2013 entrepris des travaux de réhabilitation et d'extension de leur maison à [...].
Sont intervenus à cette opération :
- la SARL VOUS ETES ICI (VEI), architecte maître d'œuvre,
- la SAS ENTREPRISE J..., entreprise générale, selon acte d'engagement du 18 octobre 2013, pour un prix de 291.228,64 euros HT, soit 324.458,21 euros TTC,
- d'autres entreprises pour les divers autres lots.
Les travaux ont connu des vicissitudes (travaux supplémentaires, retards, etc.) et ont à plusieurs reprise été interrompus.
La société J..., reprochant notamment aux époux F... le défaut de fourniture d'une caution de garantie de paiement et l'absence de règlement de ses situations, a par courrier du 4 juin 2014 résilié son marché de travaux "dès ce jour".
Arguant d'un retard de travaux et d'un préjudice en raison de l'abandon du chantier, les époux F... ont alors par acte du 25 septembre 2014 assigné la société J... en indemnisation devant le tribunal de grande instance de Paris.
Les époux F... ont par acte signé le 7 octobre 2014 accepté la réception des travaux, achevés par une entreprise tierce, avec réserves.
*
Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 19 octobre 2015, a :
- dit que la société J... était mal fondée à procéder à la résiliation du marché la liant aux époux F...,
- condamné la société J... à payer aux époux F... la somme de 87.607 euros au titre des pénalités de retard,
- condamné la société J... à payer aux époux F... la somme de 19.294,70 euros au titre des préjudices matériels additionnels subis,
- débouté les époux F... du surplus de leur demande formée au titre du préjudice moral,
- débouté la société J... de ses demandes reconventionnelles en paiement formées au titre des situations impayées et du préjudice économique subi,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- condamné la société J... aux dépens,
- condamné la société J... à payer aux époux F... la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société J... a par acte du 3 novembre 2015 interjeté appel de ce jugement, intimant les époux F... devant la Cour.
*
Par arrêt du 21 juin 2017, la Cour de céans a :
- confirmé le jugement en ce qu'il a dit que la société J... était mal fondée à procéder à la résiliation du marché la liant aux époux J...,
- dit cependant que les époux F... n'ont pas respecté leurs obligations contractuelles en s'abstenant de fournir la garantie de caution prévue par le contrat, de sorte que la résiliation de ce contrat par la société J... ne caractérise pas de sa part une faute lourde ou dolosive de nature à justifier le cas échéant le déplafonnement des pénalités de retard réclamées par les époux F...,
- avant dire droit sur le surplus des demandes, ordonné une expertise, confiée à Monsieur E... C...,
- sursis à statuer sur le litige jusqu'au dépôt de son rapport par l'expert,
- laissé provisoirement à la charge de chacune des parties les dépens par elle exposés.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 14 septembre 2018 et l'instance a été reprise.
*
Dans ses dernières conclusions signifiées le 7 juin 2019, la société J..., appelante, demande à la Cour de :
- condamner solidairement Monsieur et Madame F... à lui payer la somme de 173.307,54 euros, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,
- ordonner la restitution des sommes versées aux époux F... en exécution du jugement prononcé avec exécution provisoire,
- condamner solidairement les époux F... au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance, incluant les frais d'expertise judiciaire.
Monsieur et Madame F..., intimés, dans leurs dernières conclusions signifiées le 15 avril 2019, demandent à la Cour de :
- constater que la société J... a manqué à ses obligations contractuelles, a abandonné le chantier de rénovation et d'extension et a résilié à tort le marché de travaux,
En conséquence,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société J... à leur payer la somme de 87.607 euros au titre des pénalités de retard, débouté l'entreprise de toutes ses demandes reconventionnelles en paiement et indemnisation, condamné celle-ci à leur payer la somme de 19.294,70 euros en réparation de leurs préjudices matériels complémentaires relatifs à leurs frais de relogement et à la nécessité d'installer un nouvel échafaudage,
- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société J... à leur payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- infirmer le jugement en ce qu'il les a déboutés de leurs demandes au titre des autres préjudices matériels complémentaires relatifs notamment à la fourniture des menuiseries extérieures et de leur préjudice moral,
Et statuant à nouveau,
- condamner la société J... à leur verser une somme de 58.083,78 euros au titre des préjudices matériels additionnels subis en raison du défaut de la société J...,
- condamner la société J... à leur verser une somme de 20.000 euros au titre du préjudice moral subi,
En tout état de cause,
- débouter la société J... de toutes ses demandes,
- condamner la société J... à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société J... aux entiers dépens, avec distraction au profit de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU.
*
La clôture de la mise en état du dossier a été ordonnée le 22 octobre 2019, l'affaire plaidée le 29 septembre 2020 et mise en délibéré au 18 novembre 2020.
MOTIFS
La Cour de céans, dans son arrêt du 21 juin 2017, a d'ores et déjà statué sur un certain nombre de points, confirmant le jugement dont appel écartant le défaut de fourniture d'une garantie de paiement comme cause légitime de résiliation du marché de la société J... et estimant l'entreprise non fondée à procéder à la résiliation unilatérale de son marché, mais considérant néanmoins que les époux F... n'ont eux-mêmes pas respecté leurs obligations en s'abstenant de fournir une caution, de sorte que la résiliation, fautive, ne constitue pas une faute lourde ou dolosive de nature à justifier un déplafonnement des pénalités de retard.
Il n'y a donc pas lieu, dans le cadre de ce second arrêt après expertise judiciaire, d'examiner à nouveau avec les époux F... le caractère fautif de la résiliation du contrat de la société J..., la reconnaissance judiciaire par cette dernière de cette résiliation fautive, l'absence de manquement des maîtres d'ouvrage à leurs obligations.
*
Dans l'impossibilité de déterminer le solde restant dû à l'entreprise au titre de ses travaux ou d'imputer à l'une ou l'autre partie le retard des travaux, la Cour a dans son premier arrêt du 21 juin 2017, ordonné une expertise. L'expert a rendu son rapport et la Cour doit désormais examiner les demandes chiffrées des parties, en paiement ou indemnitaires.
Sur les demandes indemnitaires des époux F...
Les premiers juges ont relevé le caractère incontestable du retard de chantier et ont soumis la société J... au paiement d'intérêts de retard sur le fondement de l'article 4.1 du CCAP du marché à hauteur de 87.607 euros sans application du plafond prévu au vu de la gravité du comportement de l'entreprise. Ils ont ensuite retenu le préjudice des époux F... au titre de frais locatifs (10.400 + 2.155 euros), de l'échafaudage (6.739,70 euros TTC), mais ont rejeté leurs demandes du chef des menuiseries extérieures et de leur préjudice moral.
La Cour, considérant qu'il n'était pas clairement établi que le retard allégué par les époux F... soit, même partiellement, imputable à la société J..., a ordonné une expertise aux fins, notamment, d'établir la chronologie des prestations de l'entreprise, de se prononcer sur le respect des délais par celle-ci, l'importance du retard et leur imputabilité, puis de fournir les éléments permettant d'établir les éventuels manquements de l'entreprise aux règles de l'art, la réalité de malfaçons ayant généré des frais, les responsabilités encourues et le coût des travaux de reprise nécessaires.
L'expert a clos et déposé son rapport le 14 septembre 2018.
Les époux F... considèrent que la société J... n'a pas respecté ses engagements contractuels ni les règles de l'art, a exercé un chantage afin de "faire passer" un avenant et a abandonné le chantier. Ils réclament en conséquence l'allocation de pénalités de retard à hauteur de 87.607 euros, l'indemnisation de préjudices matériels additionnels à hauteur de 64.823,48 euros (échafaudages : 7.739,70 euros TTC, surcoûts de ravalement : 9.914 euros, de menuiseries extérieures : 36.574,78 euros, de plomberie : 3.592 euros, de peinture : 4.039 euros et de revêtements de sol : 3.964 euros), de préjudices financiers à hauteur de 12.555 euros (frais locatifs de 10.400 et 2.155 euros) et ainsi que de leur préjudice moral à hauteur de 20.000 euros.
La société J..., s'appuyant sur l'avis de deux experts amiables, critique le rapport d'expertise judiciaire. Elle estime que l'expert désigné par la Cour s'est livré à un raisonnement théorique sans considération pour les éléments réels du chantier, s'est mépris sur les étapes d'avancement de ce chantier, n'a pas répondu à l'ensemble des questions qui lui étaient posées. L'entreprise affirme n'être pas à l'origine des retards de chantier et fait valoir l'erreur de conception du cabinet VOUS ETES ICI et ses incidences sur le délai des travaux. Elle considère le compte entre les parties de l'expert judiciaire erroné.
Sur ce,
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution par le débiteur de son obligation (articles 1134 et 1147 anciens du code civil).
Les époux F... reprochent à la société J... d'avoir abandonné le chantier et d'avoir à tort résilié son marché, le retard pris dans ses travaux et des prestations non satisfaisantes.
1. sur la résiliation du marché et le préjudice lié à cette résiliation
La Cour a d'ores et déjà statué sur la résiliation par la société J... de son marché.
La Cour a ainsi constaté que les époux F... n'avaient pas fourni à l'entreprise la garantie de paiement prévue au plus tard le 12 novembre 2013 par l'article 13 du CCAP, mais que l'entreprise ne s'était prévalu de ce défaut - sans pour autant réclamer ladite garantie - qu'à la fin du mois de mai 2014 alors que les travaux étaient en cours, de sorte que ce défaut de garantie n'a pas été considéré comme une cause légitime de résiliation par l'entreprise de son marché, qui a donc été déclarée non fondée (fautive).
Mais estimant que les époux F... n'avaient eux-mêmes pas respecté leurs obligations contractuelles leur imposant de fournir une telle garantie, la Cour a considéré que la résiliation fautive ne constituait pas une faute lourde ou dolosive de nature à justifier un déplafonnement éventuel des pénalités de retard telles que réclamées par les maîtres d'ouvrage.
Il n'en demeure pas moins que la résiliation de son marché par la société J..., fautive, a pu causer un préjudice indemnisable aux époux F..., qui ont dû poursuivre le chantier avec une autre entreprise et supporter des coûts supplémentaires.
Ainsi, les premiers juges ont à juste titre retenu au titre de ces préjudices le retrait prématuré par la société J... de l'échafaudage et la nécessité, pour terminer les travaux, de poser un nouvel échafaudage, entraînant pour les époux F... de nouveaux frais qui auraient pu être évités à hauteur de 6.127 euros HT, soit 6.739,70 euros TTC (avec une TVA au taux de 10%) selon facture de la société ENTREPRISE SP du 14 novembre 2014. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société J... à payer aux époux F... ladite somme de 6.739,70 euros TTC.
Les époux F... font également valoir un surcoût lié au poste des menuiseries extérieures. Mais ainsi que l'ont justement observé les premiers juges, il n'est pas démontré que les travaux prévus au devis no20141059 du 10 juin 2014 de la SAS [...], dont les maîtres d'ouvrage se prévalent, correspondent aux prestations qui étaient effectivement prévues par la société J.... Il n'est pas établi non plus que les époux F..., qui ne présentent pas de facture, aient effectivement payé les sommes prévues au devis. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté les époux F... de leur demande formulée au titre des menuiseries extérieures.
Les époux F... font ensuite valoir d'autres surcoûts liés au départ prématuré de la société J... au titre des prestations de ravalement, plomberie, peinture et revêtements de sols. Ils n'ont formulé aucune demande de ces chefs devant le tribunal. Il n'est devant la Cour pas solidement établi que les prestations en cause telles que présentées dans la facture du 14 novembre 2014 de la société ENTREPRISE SP aient exactement correspondu aux prestations effectivement prévues par la société J.... Le surcoût n'étant pas démontré, les époux F... seront déboutés de leur demande de ce dernier chef.
2. sur le retard des travaux et les préjudices liés à ce retard
L'article 5 du CCAP applicable au chantier en cause énonce que "le délai global d'exécution de l'ensemble des lots est fixé dans l'acte d'engagement". L'article 3 de l'acte d'engagement du 18 octobre 2013 de la société J... prévoit que, "conformément à l'article 5 du CCAP, le délai global d'exécution des travaux est de 6 mois et 2 semaines à compter de la date fixée par l'ordre de service, HT".
Le cabinet VOUS ETES ICI, maître d'œuvre représentant alors les maîtres d'ouvrages, a le 18 octobre 2013 signé l'ordre de service no1 pour le démarrage de la période de préparation et des travaux, dont la société J... a accusé réception le même jour. Cet acte mentionne que "le 21 octobre 2013 forme l'origine du délai contractuel d'exécution des travaux conformément à l'article 3 de l'acte d'engagement du 18 octobre 2013". Compte tenu du délai de préparation du chantier, de 16 jours, il est ainsi prévu que "le 4 novembre 2013 formera l'origine du délai prévu pour la réalisation des travaux". Les travaux devaient donc se terminer six mois plus tard, le 5 mai 2014.
Les époux F... ont le 7 octobre 2014, en présence du cabinet VOUS ETES ICI maître d'œuvre et de diverses entreprises, dont celle qui a pris la suite de la société J... après son départ au mois de juin 2014, accepté la réception des travaux et émis des réserves, à lever avant le 1er novembre 2014.
Le chantier a ainsi accusé un retard de cinq mois sur les prévisions contractuelles.
La société J... ne conteste pas avoir, parallèlement au chantier des époux F..., dû conduire un gros chantier pour la rénovation de l'hôtel du Golf à Deauville. Mais les affirmations des époux F... sur la présence d'ouvriers en situation irrégulière sur ce dernier (étayée par une publication non datée du site d'Ouest France sur Internet, qui ne peut suffire à prouver les faits y relatés) ou encore la concentration des équipes de l'entreprise sur le site de Normandie (là encore non prouvée), sont sans incidence démontrée sur les délais d'exécution du chantier des époux F....
L'expert judiciaire a été désigné au mois de juin 2017, plusieurs années après le départ de la société J... du chantier en cause au mois de juin 2014 et l'achèvement du chantier par une autre entreprise au mois d'octobre 2014. Il n'a donc pas pu porter ses observations sur place, mais uniquement sur pièces, examinant les comptes-rendus de réunions de chantier du cabinet VOUS ETES ICI, maître d'œuvre, les situations de la société J... et les procès-verbaux de constat d'huissier dressés à la requête des maîtres d'ouvrage les 12 mai, 5 et 11 juin 2014 et à la requête de l'entreprise le 5 juin 2014. L'expert a relevé des incohérences dans le recoupement de ces documents et estimé en conséquence nécessaire une "normalisation", pour "raccorder les constats des comptes-rendus de l'architecte, aux situations de l'entreprise, en les ramenant en coïncidence aux mêmes dates, ou aux dates les plus proches". L'expert a tenu compte de l'apparition en cours de chantier d'une difficulté de conception qui a entraîné une nécessaire intervention dans l'appartement voisin (appartenant aux époux B...). "L'insertion (
) de la prestation se chevauchant avec les volumes voisins appartenant à B..." a selon l'expert impliqué "un décalage de 2 semaines complémentaires à celui qui était déjà né (
)", imposant à l'entreprise un "impact de 2 semaines". Au terme de son travail de "normalisation", l'expert tient cependant compte d'un "recalage de 1 semaine après le 07/02/2014 du fait de la contrainte voisine B..." et finalement corrige le retard cumulé qu'il retient par une déduction de 20 jours. Au terme de cette mise en parallèle et de ses observations, l'expert conclut en effet à "un retard cumulé de 115 jours qu'il convient de corriger également d'une incidence des travaux supplémentaires, proportionnellement de - 20 jours. Soit un retard global techniquement imputable à l'entreprise de 95 jours calendaires".
Le processus de "normalisation" de l'expert, qui prend certes en considération les difficultés de conception du projet, a cependant l'inconvénient de prendre appui sur une approche théorique - et non concrète- et une analyse linéaire des faits, parfois éloignée de la réalité.
Le juge n'est cependant pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien (article 246 du code de procédure civile). Celles-ci, qui tirent leur force de la compétence reconnue de l'expert judiciaire, de son serment, du suivi d'une procédure contradictoire, peuvent être amendées, contrariées ou complétées, à charge pour celui qui les critique d'apporter la preuve des faits qu'il allègue, conformément aux dispositions de l'article 9 du code de procédure civile.
Or les éléments concrets du dossier révèlent que la conception du projet en cause a rencontré des complications non initialement prévues, étrangères aux prestations confiées à la société J... et à ses missions, qui ont généré un retard d'exécution des travaux qui ne lui est pas imputable.
Le dossier du marché de la société J..., et notamment son devis no18697 du 17 octobre 2013 accepté par les époux F... stipule expressément, en fin de document, qu'"aucune prestation n'est prévue chez les voisins (
)".
Une difficulté de conception du projet a cependant nécessité une intervention sur le bien voisin, appartenant aux époux B....
Cette difficulté a été signalée par le cabinet VOUS ETES ICI dès une fiche d'observation no1 émise le 28 novembre 2013 et transmise à la société J..., au terme de laquelle le maître d'œuvre indique, concernant le plancher haut du 2ème étage ("PH R+2") que "le HEA [poutrelle en acier de section en H] 140 prévu au droit de la trémie de l'escalier n'est [pas] possible dans le projet", qu'il faut "prévoir un fer pour porter le mur-pignon Est", que "le plancher haut du R+2 se prolonge au dela de la limite de propriété au niveau du mitoyen ouest" et pose la question de la prolongation de la structure en conséquence. Il apparaissait ainsi que l'extension et les travaux tels que conçus posaient problème d'interpénétration avec la maison voisine.
La société VOUS ETES ICI n'a pas, au début du chantier, dressé de comptes-rendus réguliers, chaque semaine, mais a dressé un compte-rendu unique et synthétique no1 à 8 pour les réunions des 5, 19 et 26 novembre, 3, 10 et 17 décembre 2013, 7 et 14 janvier 2014, n'émettant alors aucune remarque particulière et ne mentionnant aucun jour de retard sur le planning de travaux. Le compte-rendu de réunion no9 du 28 janvier 2014 n'est communiqué que partiellement à la Cour et ne laisse entrevoir aucune remarque sur un retard de chantier. Le compte-rendu no10 n'est pas produit aux débats.
La difficulté de conception évoquée au mois de novembre 2013 n'apparaît pas avoir reçu de solution avant plusieurs semaines (voire mois). La société J... a le 3 février 2014 reçu un e-mail du cabinet VOUS ETES ICI dans lequel celui-ci indique qu'"à ce jour le détail du raccord d'étanchéité entre la toiture terrasse projetée et la construction en bois des voisins B... n'est toujours pas résolu, au contraire il se complexifie". Au problème d'étanchéité s'ajoutent un problème d'empiètement, la dalle des époux F... montant plus haut que le sol de l'appartement voisin créant ainsi "un vide d'environ 40 x 80 cm !!!", et des interrogations sur le mode de fermeture de ce vide, sur le lieu et la manière de fixation sans risquer l'empiètement
Les plans et coupes dressés par le cabinet VOUS ETES ICI et datés du 20 novembre 2013, laissent comprendre que ce vide n'était pas initialement prévu et qu'il nécessitait des travaux adaptatifs techniquement complexes et importants (démolition de poutres et supports de toiture, création de poutres supplémentaires, décalage d'un bac acier : prestations requérant un phasage précis et des mesures de stabilisation provisoires).
L'expert judiciaire a relevé qu'une réunion s'était tenue le 7 février 2014 "pour étudier les solutions adaptatives des travaux de chevauchement avec la propriété voisine B...", regroupant le maître d'œuvre, les propriétaires voisins et les maîtres d'ouvrage en cause. Il n'est pas établi que la société J... y ait participé ni même qu'elle y ait été conviée (et aucun des éléments du dossier des époux F... n'en apporte la preuve). Au terme de cette réunion, des travaux sur le bien voisin ont été décidés, prestations exclues du marché originaire de la société J... et non comprises dans le planning de travaux établi par le maître d'œuvre, que les propriétaires voisins ont souhaité voir se réaliser pendant les vacances scolaires, dans la semaine du 14 avril 2014.
Le cabinet VOUS ETES ICI, dans ses comptes-rendus de réunions de chantier, n'a acté aucun retard dans les travaux avant son compte-rendu no11 du 11 février 2014, dans lequel il note que "le chantier est aux ralentis, voir à l'arrêt depuis le vendredi 20 Décembre 2013 [sic]". Le maître d'œuvre ne fait cependant mention d'aucun jour de retard sur le planning de travaux.
Mais sans direction concernant les travaux à entreprendre pour régler la difficulté de liaison avec le bien voisin, la société J... a légitimement dû ralentir, sinon interrompre, ses travaux.
Or dans son compte-rendu de réunion de chantier no12 du 24 février 2014, le maître d'œuvre qui n'avait jamais encore signalé de retard de travaux, indique alors un retard sur le planning de "5 semaines pour le lot Gros Œuvre".
Dans son compte-rendu no13 du 11 mars 2014, le maître d'œuvre indique que "lors des travaux de scellement et de sectionnement des pannes et faîtière du R2, commune aux lot voisin B..., l'entreprise J... devra prévoir et avertir de la date et l'heure d'intervention exacte", ce qui, contrairement à ce qu'affirment les époux F..., n'est en contradiction ni avec l'absence de l'entreprise lors de la réunion précitée du 7 février 2014, ni avec le fait que la semaine de travaux (et non la date exacte) dans la chambre du bien voisin lui ait été imposée.
Le cabinet VOUS ETES ICI a par e-mail du 4 avril 2014 adressé à la société J... un planning des travaux reprenant le détail des interventions chez les voisins, qui confirme la complexité des travaux mis en place. Il ressort de ce nouveau planning qu'une phase préalable est nécessaire sur le chantier des époux F... pour la mise en œuvre de la toiture (dépose de bardage, découpe et fermeture du garde-corps, fabrication et pose d'une ossature en bois pour fermer un balcon, pose d'un échafaudage, rehausse de murs périphériques, mise en place d'une poutre pour supporter le porte-à-faux, mise en œuvre d'un poteau, de poutres et de fers, mise en place d'un bac acier, coulage de la dalle du côté du bien voisin, coulage d'un acrotère) avant la mise en place de la phase de travaux dans la chambre du fonds voisin (dépose du faux-plafond, du tympan en carreaux de plâtre, des tuiles et éléments de charpente résiduelle, prolongement et remplissage des murs périphériques de la chambre, prolongement du mur de carreaux de plâtre, isolation sous dalle et plafond, mise en place d'une cloison). Au vu de ces éléments, les époux F... ne peuvent affirmer que "l'intervention de la Société J... sur ce « sujet technique » (
) était tout à fait marginale". Le nouveau planning établi par le maître d'œuvre révèle que la société pouvait reprendre ses propres prestations, telles que prévues dans son marché initial, à partir du 21 avril 2014, reportant la fin du chantier à la fin du mois de juin 2014.
La société J... a le 22 avril 2014 adressé aux époux F... un courrier leur adressant "toutes [ses] excuses quant à l'arrêt des travaux de Gros-Œuvre", évoquant les refus et lenteurs de la Ville de Paris pour accorder les autorisations administratives nécessaires, notamment pour les échafaudages. A cette date, le chantier avait d'ores et déjà pris un retard de deux mois du fait de l'erreur de conception imposant de lourds travaux supplémentaires non prévus au marché initial de l'entreprise. La pose de l'échafaudage, pour les seuls travaux résultant de la difficulté de chevauchement des deux biens voisins, était prévue le 4 avril 2014 sur le planning rectificatif adressé le 4 avril 2014 par le maître d'œuvre à l'entreprise. Le chantier a pu prendre de nouveau du retard si l'échafaudage n'a pu être posé ce jour-là, sans que les époux F... puissent le reprocher à l'entreprise, avertie tardivement de la nature des travaux supplémentaires à entreprendre et en tout état de cause non tenue de l'obtention des autorisations administratives (exclues de son lot), et sans que ce retard d'échafaudage ne soit à l'origine du retard général du chantier, dont la cause était acquise à cette date.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'incidence de l'erreur de conception du cabinet d'architectes VOUS ETES ICI sur le chantier des époux F... a entraîné des travaux supplémentaires importants - et non marginaux - et a été supérieure aux deux semaines retenues par l'expert judiciaire, sans que la responsabilité de la société J... ni l'inertie de ses équipes ne puissent être mises en cause.
Alors qu'il a été démontré que l'entreprise n'était pas à l'origine du retard des travaux, affectés par une erreur de conception qui ne lui est pas imputable, les époux F... ne peuvent réclamer aucune indemnisation à l'entreprise du chef de préjudices liés à ce retard.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné la société J... à payer aux époux F... des pénalités de retard à hauteur de 87.607 euros ainsi que des dommages et intérêts en réparation de préjudices additionnels liés à ce retard à hauteur de 10.400 + 2.155 = 12.155 euros (frais locatifs). Cette décision emporte l'obligation pour les époux F... de restituer à la société J... lesdites sommes réglées en exécution du jugement infirmé.
3. sur les malfaçons
Il entrait dans la mission de l'expert désigné par la Cour de céans dans son précédent arrêt de fournir les éléments utiles permettant d'établir d'éventuels manquements de la société J... aux règles de l'art ou des malfaçons ayant généré pour les époux F... des frais.
Mais l'expert, désigné plusieurs années après l'achèvement par une tierce entreprise des travaux, n'a pas pu, au vu des documents qui lui ont été communiqués et des allégations des parties, constater des manquements de la société J... aux règles de l'art en l'état de ses travaux au moment où elle a quitté le chantier au mois de juin 2014.
Aucune indemnisation ne saurait donc être imposée à l'entreprise du chef de malfaçons non établies.
4. sur le préjudice moral des époux F...
L'indemnisation d'un préjudice doit être intégrale et inclure l'indemnisation de préjudices immatériels, tel le préjudice moral subi.
Il n'est certes pas justifié du "harcèlement" de la société J... dont les époux F... font état. Le courrier recommandé de l'entreprise du 10 septembre 2014, portant mise en demeure de régler ses factures, ne peut à lui-seul constituer ce harcèlement. Aucun autre élément n'est apporté au soutien de cette affirmation.
La résiliation fautive par la société J... de son marché a cependant certainement entraîné une désorganisation du chantier et des travaux prévus par les époux F... dans leur maison d'habitation principale, ainsi que des perturbations dans leur vie quotidienne pendant plusieurs mois avec leurs deux jeunes enfants nés en 2010 et 2012 (pièces d'identité produites aux débats). La situation compliquée après le départ de l'entreprise et la nécessité de se retourner rapidement pour trouver de nouvelles entreprises ont causé aux époux F... un préjudice moral certain, indemnisable.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté les époux F... de leur demande d'indemnisation de ce chef. Statuant à nouveau, la Cour condamnera la société J... à leur payer la somme raisonnable de 15.000 euros en réparation de leur préjudice moral.
Sur les demandes de la société J...
Les premiers juges ont relevé que la société J... ne justifiait ni du respect des termes des CCAP et CCAG relatifs à la procédure de paiement de ses situations, ni de sa créance réelle, et ont rejeté sa demande en paiement du solde de son marché.
La Cour de céans a ordonné une expertise aux fins, notamment, de chiffrer le coût des travaux effectivement réalisés par la société J... et déterminer le montant des acomptes versés par les époux F....
L'expert a clos et déposé son rapport le 14 septembre 2018.
La société J... s'appuie non sur ce rapport d'expertise judiciaire mais sur un rapport d'expertise amiable pour solliciter le paiement du solde de son marché à hauteur de 116.067,54 euros TTC. Elle réclame également l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait d'une perte de 20% de son chiffre d'affaire de 53.000 euros HT pendant 4,5 mois, soit 47.700 euros HT (57.240 euros TTC).
Les époux F... rappellent qu'aucune des situations de la société J... n'a été validée par le maître d'œuvre et estiment que l'avancement des travaux au jour de l'abandon du chantier par l'entreprise n'avait pas consommé l'acompte qu'ils ont versé. L'entreprise n'a donc selon eux subi aucun préjudice. Ils considèrent ensuite que l'entreprise ne justifie de son préjudice de "perte d'industrie" ni dans son principe ni dans son montant.
Sur ce,
1. sur le solde du marché de la société J...
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi (article 1134 du code civil en sa version applicable en l'espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations).
Après avoir présenté ses devis aux époux F... et obtenu leur accord, la société J... s'est par acte du 18 octobre 2013 engagée "à exécuter les travaux concernant tous lots sauf lot Démolition " (caractères gras de l'acte), moyennant un prix global, ferme et définitif de 291.228,64 euros HT, outre le coût des échafaudages (8.260 euros HT), de la pose de la cuisine (1.460 euros HT), soit une somme totale de 324.458,21 euros TTC (avec un taux de TVA de 7% pour partie et 19,6% pour le reste).
Le chantier a été terminé par une entreprise tierce après le départ au mois de juin 2014 de la société J... et l'expert judiciaire désigné par la Cour trois ans après n'a donc pas pu personnellement constater l'état des travaux lors de ce départ. En outre, aucune des situations de travaux de la société J... n'a été présentée ni, a fortiori, validée en cours de chantier par la société VOUS ETES ICI, maître d'œuvre, conformément aux dispositions sur ce point du CCAP applicable au marché.
L'expert judiciaire, pour remplir sa mission et évaluer les travaux effectivement réalisés, a examiné les situations de travaux présentées par l'entreprise, les comptes-rendus de réunions de chantiers dressés par la société VOUS ETES ICI, maître d'œuvre, et les procès-verbaux de constats d'huissiers, opérant une "normalisation" pour "ramener [les travaux] en coïncidence aux mêmes dates, ou aux dates les plus proches". Il n'a donc pas tenu pour acquises les situations de travaux de l'entreprise non validées par le maître d'œuvre, mais a procédé à une étude comparative et une mise en parallèle des éléments qu'il avait à sa disposition. L'expert indique à l'issue de ses opérations que l'avancement à la fin du mois de mai 2014 "s'établit ainsi à 33% de la production globale sur marché de l'entreprise J..., affichant :
- Un total de production de HT 122.805,16 € (Soit avancement 37% en intégrant les TS)", somme qu'il retient comme étant le coût des travaux effectivement réalisés "comprenant les prestations du marché initial et des travaux supplémentaires confirmés". L'expert explique que "ce montant traduit l'avancement de la production telle que constatée dans les éléments d'informations recoupés suivant les situations à l'avancement de l'entreprise, les comptes-rendus du maître d'œuvre, et certaines images des constats d'huissier". Cette somme de 122.805,16 euros HT porte une TVA au taux de 20% sur 6.036,49 euros et une TVA au taux de 10% sur le solde, et s'élève donc à hauteur de 135.689,33 euros TTC, sans considération des acomptes versés par les époux J....
Il a cependant été retenu plus haut, au titre de l'examen du retard de chantier, qu'il n'était pas établi qu'aux 7 février 2014 (date d'une réunion tenue entre le maître d'œuvre, les maîtres d'ouvrage et leurs voisins concernant l'erreur de conception du projet) ou 11 février 2014 (date du compte-rendu de réunion de chantier no11), les travaux de la société J... accusaient un retard. Le cabinet VOUS ETES ICI, maître d'œuvre, ne faisait à ces dates aucune mention d'un tel retard.
Il a également été retenu que le retard pris ensuite par les travaux, évalué à deux mois, était imputable non à la société J... mais au maître d'œuvre de l'opération en raison d'une erreur de conception ayant entraîné la mise en place de travaux supplémentaires structurels lourds.
L'analyse linéaire basée sur une approche théorique du chantier de l'expert judiciaire n'a donc pas pu être retenue.
L'expert judiciaire a procédé à une "normalisation" selon ses propres termes de la situation du chantier grâce à une mise en parallèle des comptes-rendus de réunions de chantier du maître d'œuvre, des situations de l'entreprise et de "certaines images des constats d'huissier". Mais il apparaît à la lecture de son rapport que ces dernières n'ont que peu été exploitées. Pourtant, dès le 5 juin 2014, lendemain de la résiliation par l'entreprise de son marché, les époux F... d'un côté et la société J... de l'autre ont, chacune, requis les services d'un huissier de justice pour constater l'état des lieux à ce moment. Les deux procès-verbaux alors dressés, très complets, se recoupent et donnent une image réelle et non plus théorique de l'avancement des travaux à cette date.
L'expert requis par la société J... à titre privé, également inscrit sur la liste des experts auprès de la présente Cour, a quant à lui dans un rapport daté du 17 janvier 2019 analysé les deux procès-verbaux de constats d'huissier dressés dès le 5 juin 2014.
Le décompte général définitif dressé le 27 mars 2018 par la société J..., au regard des procès-verbaux de constats d'huissier du 5 juin 2014, laisse apparaitre des prestations entièrement réalisées au titre des démolitions (sauf ravalement et quelques scellements), de l'étanchéité de la terrasse et de la couverture (hors prestations au rez-de-chaussée et au niveau R+1), des états d'avancement différenciés au titre des travaux de menuiseries extérieures (ceux-là pour la plupart non effectués), serrurerie, menuiseries intérieures, électricité, plomberie et VMC ainsi qu'une absence de réalisation des travaux de peinture, revêtements de sols durs et faïences, revêtement de sols minces. Il fait état de travaux réalisés à hauteur de la somme totale de 194.347,37 euros HT, soit 210.284,89 euros TTC (avec une TVA aux taux de 7, 10 ou 20%). Ce décompte, certes dressé de la main même de la société J..., est compatible avec l'état d'avancement de ses travaux tel qu'observé par les deux huissiers intervenus sur place le 5 juin 2014.
La Cour retiendra en conséquence le décompte général définitif établi par la société J... qui, par référence aux constatations de deux officiers ministériels assermentés, apparaît plus concret, plus proche de la réalité du chantier tel qu'il a été laissé par l'entreprise lors de la résiliation de son marché le 4 juin 2014, que les comptes dressés par l'expert judiciaire en application d'une méthodologie linéaire théorique.
Les époux F... sont en conséquence tenus à paiement au profit de la société J... à hauteur de ladite somme de 210.284,89 euros TTC.
Les époux F... ne font pas état, dans leurs écritures, des acomptes versés à la société J.... Celle-ci admet avoir perçu une "avance de démarrage" de 94.217,35 euros, somme également retenue par l'expert judiciaire dans son rapport au titre des acomptes reçus par l'entreprise de la part des maîtres d'ouvrage. Cette somme, non contredite, sera retenue.
Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a rejeté la demande en paiement du solde de son marché présentée par l'entreprise. Statuant à nouveau, la Cour condamnera les époux F... à payer à la société J... la somme de 210.284,89 - 94.217,35 = 116.067,54 euros TTC.
La société J... ne sollicite pas le cours des intérêts, sur cette somme, à compter de sa première mis en demeure de payer adressée aux époux F..., mais à compter "de l'assignation". L'entreprise n'ayant pas elle-même assigné les débiteurs en paiement devant les premiers juges et ne justifiant pas de la date de signification de ses premières conclusions devant le tribunal portant sa demande en paiement, la condamnation à paiement des maîtres d'ouvrage portera intérêts au taux légal à compter des dernières conclusions de l'entreprise devant ledit tribunal, dont le jugement fait état au 25 mars 2015.
2. sur la demande indemnitaire de la société J...
Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l'inexécution ou de la mauvaise exécution par le débiteur de son obligation (articles 1134 et 1147 anciens du code civil, applicables en l'espèce).
La société J... ne peut se contenter de réclamer la réparation d'un préjudice pour perte d'industrie sans démontrer les manquements des époux F... ayant engendré ce préjudice et établir celui-ci dans son montant en s'appuyant sur des éléments tangibles et solides.
Or l'entreprise ne rattache sa demande indemnitaire à aucun manquement prouvé, ni même aucune faute, des maîtres d'ouvrage. Elle se contente ensuite d'évoquer une perte qui "peut être arrêtée à 4,5 mois (c'est-à-dire de mi-janvier à mi-avril 2014 et entre mi-mai et fin juin 2014)" sans expliciter plus avant la durée ainsi retenue, puis fait état d'un "chiffre d'affaire à retenir de 53.000 euros HT (soit 291.000/5.5 mois)", sans s'expliquer plus avant ni appuyer ses affirmations sur des éléments de preuve établissant la réalité de ce chiffre d'affaire. Elle réclame enfin, "sur cette base", la somme de "53.000 € x 4,5 mois x 20% = 47.700 € HT, soit 57.240 € TTC", sans éclairer les époux F... ni la Cour sur le pourcentage retenu, ni en justifier.
Dans ces conditions, la Cour, faute de tout élément, déboutera la société J... de l'intégralité de sa demande indemnitaire formulée contre les époux F....
Sur les comptes entre les parties
Au terme des développements qui précèdent et après restitution des causes du jugement réglées au titre de l'exécution provisoire mais infirmées par la Cour, les époux F... sont tenus in fine de payer à la société J... le somme de 116.067,54 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2015 au titre du solde de son marché, l'entreprise étant déboutée du surplus de sa demande au titre de l'indemnisation d'un préjudice de perte d'industrie. La société J... est quant à elle in fine tenue de payer aux époux F... les sommes de 6.739,07 euros TTC au titre de frais d'échafaudage et 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral, les maîtres d'ouvrage étant déboutés de leurs autres prétentions au titre du surcoût des travaux de menuiseries, ravalement, plomberie, peinture et revêtement de sols et de leur demande de d'indemnisation de leur préjudice financier (frais locatifs).
Ces obligations réciproques pourront être compensées en application des articles 1347 et suivants du code civil.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les termes de la présente décision entraînent l'infirmation des dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles.
Sur ce, statuant à nouveau et y ajoutant,
Les époux F..., succombant pour la majeure partie de leurs prétentions formulées devant la Cour, seront solidairement condamnés aux dépens de première instance et d'appel, incluant les frais d'expertise judiciaire, conformément aux dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile. La société J... ne réclame pas la distraction à son profit des dépens. Il en est pris acte.
Tenus aux dépens, les époux F... seront également solidairement condamnés à payer à la société J... la somme équitable de 2.500 euros en indemnisation des frais engagés en première instance et en cause d'appel pour faire valoir ses droits et non compris dans les dépens, en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La COUR,
Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 19 octobre 2015 (RG no14/13696),
Vu l'arrêt de la Cour d'appel de Paris du 21 juin 2017 (RG no15/22310),
Vu les articles 1134 et 1147 du code civil en sa version antérieure au 1er octobre 2016,
Vu les articles 696 et suivants et 700 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en ce qu'il a :
- condamné la SAS J... à payer à Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., la somme de 6.739,70 euros au titre de frais d'échafaudages,
- débouté Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., de leur demande d'indemnisation relative au surcoût concernant les menuiseries extérieures,
Y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F... de leurs demandes d'indemnisation relatives aux surcoûts de chantier concernant des frais de ravalement, plomberie, peinture et revêtements de sol,
INFIRME le jugement en ses autres dispositions,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F... de leurs demande de paiement de pénalités de retard à hauteur de 87.607 euros,
CONDAMNE la SAS J... à payer à Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., la somme de 15.000 euros en indemnisation de leur préjudice moral,
CONDAMNE solidairement Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., à payer à la SAS J... la somme de 116.067,54 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 25 mars 2015 et jusqu'à parfait paiement, en paiement du solde de son marché,
DIT que les sommes dues de part et d'autres pourront être compensées,
CONDAMNE solidairement Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., aux dépens de première instance, incluant les frais d'expertise judiciaire, et d'appel,
CONDAMNE solidairement Monsieur L... F... et Madame Q... V... , épouse F..., à payer à la SAS J... la somme de 2.500 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE