Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 24 NOVEMBRE 2020
(n° , 16 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/12097 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6UV7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Septembre 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°
APPELANT
Monsieur [N] [O]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représenté par Me Anne QUENTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0381
INTIMÉES
SAS HOTEL LE BRISTOL
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représentée par Me Cédric GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149
Société [V] HOTEL MANAGEMENT COMPANY GMBH
[Adresse 6]
[Localité 4] / ALLEMAGNE
Représentée par Me Cédric GARNIER, avocat au barreau de PARIS, toque : D2149
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Sylvie HYLAIRE, Présidente de chambre,
Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : M. Fabrice LOISEAU
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Sylvie HYLAIRE, Présidente et par Mathilde SARRON, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Hôtel Le Bristol qui gère un hôtel de luxe à [Localité 7], fait partie du groupe [V] et plus spécialement de sa branche hôtelière désignée sous l'enseigne [V] Collection, branche constituée d'hôtels soit propriétés du groupe soit propriétés de tiers qui confient au groupe la gestion de leurs établissements.
Le groupe comporte une société de gestion hôtelière de droit allemand, la société [V] Hôtel Management Company GmbH, ci-après dénommée société OHMC, qui assure soit des missions de management d'hôtels dont le groupe est propriétaire, soit des prestations de service à destination d'autres hôtels.
A l'époque des faits objets du présent litige, cette société comportait deux directeurs généraux, Messieurs [K] [W] et [UE] [E].
Le 17 décembre 2009, M. [N] [O], né le [Date naissance 2] 1953, a signé un contrat de travail à durée déterminée du 1er avril 2010 au 30 juin 2010 en qualité de directeur général avec la société Hôtel Le Bristol.
Le même jour, était conclu entre les parties « un contrat de présidence », devant prendre effet au 1er juillet 2010 sous réserve qu'une décision collective du comité de surveillance de la société nomme M. [O] à ces fonctions.
Il était stipulé que la société s'engageait à participer aux frais de notaire dus par M. [O] pour l'acquisition d'un appartement à proximité de l'Hôtel Le Bristol à [Localité 7], à hauteur de 60.000 euros.
Ce mandat social de président devait prendre effet au 1er juillet 2010 pour se terminer au plus tard au terme du mois de son 65ème anniversaire.
A compter du 1er juillet 2010, M. [O] a exercé la fonction de président directeur général de l'hôtel Le Bristol.
Le contrat prévoyait une rémunération forfaitaire composée d'une partie fixe de 30.000 euros bruts par mois et d'une rémunération variable, d'un montant déterminé par le comité de surveillance de la société, fixé pour la première année d'exercice du mandat à 180.000 euros.
Au titre de sa rémunération variable, M. [O] a ensuite perçu les sommes suivantes :
- 240.000 euros pour 2011 (versés en 2012),
- 260.000 euros pour 2012 (versés en 2013),
- 320.000 euros pour 2013 (versés en 2014),
- 380.000 euros pour 2014 (versés en 2015).
A compter du 15 avril 2013, M. [O] a été engagé par la société OHMC par contrat de travail à durée indéterminée, en qualité de Senior Vice Président Opérations, Ventes et Marketing.
Le contrat prévoyait notamment que M. [O] relève de la catégorie des cadres dirigeants, qu'à ce titre, il était exclu de la réglementation de la durée du travail et qu'il bénéficierait d'une rémunération forfaitaire de 1.500 euros bruts, outre le remboursement de ses frais professionnels.
Il était indiqué que « pour des raisons de commodité », cette rémunération serait versée mensuellement par l'Hôtel Le Bristol, au nom et pour le compte de la société OHCM, avec la mention sur le bulletin de paie « mission OHCM ».
Il était prévu que M. [O] exercerait ses fonctions depuis ses bureaux de l'Hôtel Le Bristol et que, compte tenu de la nature de ses fonctions, il serait amené à effectuer de fréquents déplacements dans le monde en fonction de l'implantation des établissements de [V] Collection.
Le contrat précisait que les mandats sociaux de M. [O] se poursuivant sans changement, la relation de travail avec la société OHCM était « accessoire et additionnelle ».
En septembre 2015, M. [O] a été promu Chief Operation Officer (ci-après COO) de la collection [V].
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.
Le 9 mars 2016, M. [O] a eu un entretien avec M. [K] [W], l'un des deux directeurs de la société OHMC.
Le 16 mars 2016, le comité de surveillance de la société Hôtel Le Bristol a révoqué le mandat social de président de M. [O].
Cette résiliation à effet immédiat a été notifiée à M. [O] par lettre recommandée avec avis de réception datée du 16 mars, ainsi rédigée :
« (...)
Votre révocation a été décidée à effet immédiat en raison des fautes graves portées à notre connaissance dans le cadre de l'exercice de votre mandat de président, notamment :
- Harcèlement de salariés ;
- Utilisation des fonds et des moyens de la société dans des conditions contraires à la réglementation, notamment :
' prélèvements sans droit entre février 2015 et janvier 2016 pour une somme totale de 138.000 € nets au titre d'un éventuel bonus pour 2015, dont le montant n'a pas encore été arrêté (cette décision devant être prise au mois de mars 2016). Instruction réitérée le 14 mars 2016 pour un montant de 27.000 € d'où urgence d'agir ;
' paiement de congés payés au titre de votre mandat de présidence de 2010 à 2014 pour un montant total de 76.320 € bruts sur le bulletin de paie de décembre 2015 ;
' paiements de factures de cabinets d'avocats et de traduction (notamment des cabinets JURICA, UGGC et Europa) pour des consultations personnelles ;
' réalisation en janvier 2016 de documents (avenant au contrat de travail ; convocation à entretien préalable ; lettre de licenciement ; simulations de coût, etc.) par le personnel de la société pour votre garde à domicile Mme [EK] [C] [D] [Z] ».
Par lettre recommandée du même jour, la société OHMC a notifié à M. [O] son licenciement pour faute grave.
De même que le courrier de résiliation de son mandat auquel était joint le procès-verbal de la réunion du comité de surveillance, la lettre de licenciement, reçue par M. [O], a été retournée par son épouse, par lettre recommandée avec avis de réception du 17 mars 2016, le courrier de réexpédition envoyé par celle-ci évoquant qu'il s'agit certainement d'une erreur par inadvertance car les documents ont été envoyés « du [Localité 5] sans expéditeur spécifique ».
La société OHMC a fait signifier ces documents à M. [O] par acte d'huissier du 25 mars 2016.
Entre temps, par courrier du 23 mars 2016, M. [O] a pris acte de la rupture de son contrat de travail.
Par deux requêtes du 21 mars 2016, visant la société Hôtel Le Bristol et la société OHMC, M. [O] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, sollicitant d'une part, la requalification de son « contrat de présidence » en contrat de travail à durée indéterminée et des indemnités consécutives à la rupture de ce contrat, d'autre part que la prise d'acte de la rupture de son contrat avec la société OHMC produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre le paiement de divers rappels de salaires et indemnités.
Par jugement rendu le 20 septembre 2018, le conseil de prud'hommes :
- a ordonné la jonction entre les instances portant les n° RG 16/03 060 et 16/03093,
- a dit qu'il n'y a pas lieu à requalification du contrat de présidence en contrat de travail,
- s'est déclaré incompétent sur les demandes relatives à ce contrat au profit du tribunal de commerce de Paris ;
- a fixé le salaire de M. [O] au titre de son contrat [V] à la somme de 4.827 euros par mois ;
- a condamné la société [V] Hôtel Management Company à payer à M. [O] les sommes suivantes :
* 95 524,00 euros à titre de rappel de salaire,
* 9.552,40 euros au titre des congés payés afférents,
* avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement, rappelant qu'en vertu de l'article R. 1454- 28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, fixée à la somme de 4.827 euros ;
- s'est déclaré incompétent pour les demandes reconventionnelles liées au mandat social,
- a débouté la société [V] Hôtel Management Company de ses demandes reconventionnelles et l'a condamnée au paiement des dépens.
Par déclaration du 26 octobre 2018, M. [O] a relevé appel de cette décision notifiée par lettre adressé le 28 septembre.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 1er septembre 2020, M. [O] demande à la cour de :
A titre principal,
- fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 50.000 euros,
- juger nul son licenciement pour faute grave,
-condamner la société OHMC à lui payer la somme de 1.746.000 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 174.600 euros à titre de congés payés afférents,
- condamner la société OHMC à le réintégrer sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
- condamner la société OHMC au paiement des salaires jusqu'à sa réintégration,
- condamner la société OHMC à lui payer la somme de 300.000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination en raison de l'âge (6 mois),
A titre subsidiaire,
- fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 50.000 euros,
- juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement pour faute grave,
- condamner la société OHMC à lui payer les sommes de :
* 1.746.000 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 174.600 euros à titre de congés payés afférents,
* 29.600 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
*150.000 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 15.000 euros à titre de congés payés afférents
* 500.000 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
A titre infiniment subsidiaire,
- fixer sa rémunération mensuelle brute à la somme de 23.400 euros,
- condamner la société OHMC à lui payer les sommes suivantes :
* 282.000 euros à titre de rappel sur bonus 2015,
* 788.400 euros bruts à titre de rappel de salaire outre 78.840 euros de congés payés afférents,
* 13.852,80 euros nets à titre d'indemnité de licenciement,
* 70.200 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 7.020 euros à titre de congés payés afférents,
* 280.800 euros nets à titre d'indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause,
- constater que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,
- juger nul et, en tout état de cause sans cause réelle et sérieuse, le licenciement pour faute grave,
- juger que les conditions de la rupture du contrat de travail ont été particulièrement vexatoires,
- juger que M. [O] a fait l'objet de harcèlement moral de la part de sa direction,
- condamner la société OHMC à lui payer les sommes suivantes :
* 150.000 euros nets à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
* 300.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions vexatoires,
* 300.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
* 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juillet 2020 la société [V] Hôtel Management Company demande à la cour de :
A titre liminaire,
- rejeter la demande de nullité du licenciement de M. [O] au titre d'une discrimination liée à l'âge, au motif qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en cause d'appel,
- débouter M. [O] de ses demandes de réintégration et de rappels de salaire afférents,
A titre principal,
- prononcer la mise hors de cause de la société Hôtel Le Bristol,
- infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fixé la rémunération fixe mensuelle de M. [O] à la somme de 4.827 euros pour un temps plein,
- débouter M. [O] de ses demandes de rappel de salaires et de congés payés afférents,
Statuant à nouveau,
- fixer à la somme de 18.000 euros le montant de la rémunération annuelle brute de M. [O] au sein de la société OHMC, accessoire et additionnelle de la rémunération perçue au sein de l'Hôtel Le Bristol,
- confirmer que le licenciement de M. [O] par la société OHMC repose sur une faute grave,
En conséquence,
- débouter M. [O] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la société OHMC,
En tout état de cause,
- débouter M. [O] de ses demandes au titre d'un harcèlement moral de la part de sa direction,
- débouter M. [O] de ses demandes au titre d'un licenciement vexatoire,
- condamner M. [O] au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites ainsi qu'au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aucune demande n'est présentée à l'encontre de la société Hôtel Le Bristol, M. [O] ne sollicitant plus en cause d'appel la requalification en contrat de travail à durée indéterminée de « son contrat de présidence ».
La société Hôtel Le Bristol sera donc déclarée hors de cause.
Sur la rémunération prévue au contrat de travail liant M. [O] à la société OHMC
M. [O], invoquant son statut de cadre dirigeant, soutient que sa rémunération aurait dû se situer parmi les plus hautes rémunérations de l'entreprise et que, malgré la sommation de communiquer délivrée à la société, celle-ci s'est refusée à produire les bulletins de paie de Messieurs [W] et [E], ne versant aux débats que les bulletins de paie de M. [P], salarié à temps partiel.
S'agissant de Messieurs [W] et [E], M. [O] conteste l'affirmation de la société selon laquelle ceux-ci occuperaient des postes plus élevés et seraient les salariés exclusifs de la société OHMC : il soutient en effet que M. [W] gère l'hôtel Brenners Park et Spa, « dissimulant frauduleusement son salaire dans la colonne loyer, et ce contrairement aux règles comptables UNIFORM SYSTEM OF ACCOUNT, ce qui est parfaitement incohérent pour une société de droit international » au visa de la pièce 120 produite par la société OHMC qui est un organigramme de ladite société.
M. [O] ajoute que M. [R] [président du comité de surveillance de la société] rappelait dans un courrier du 26 janvier 2016 que les gérants d'hôtel au sein du groupe OHMC disposent d'un mandat social.
Il fait également valoir le fait qu'en octobre 2015, il a été promu COO de la collection [V], exposant que la rémunération moyenne pour ce type de poste est égale à 400.000 euros bruts annuels en sus d'un bonus de 50%, soit 600.000 euros par an et 50.000 euros en moyenne par mois, salaire qu'il revendique.
Il souligne enfin que M. [H], qui occupait un poste de qualification inférieure, percevait un salaire mensuel de 23.400 euros, sollicitant à titre subsidiaire la fixation de sa rémunération à cette somme.
En réponse à l'argumentation de la société OHMC, il soutient avoir travaillé à temps plein pour le compte de celle-ci, relevant que le contrat conclu entre les parties n'était pas un contrat à temps partiel, en tout état de cause incompatible avec son statut de cadre dirigeant.
Il invoque la durée des déplacements effectués (160 jours en 2015) dans le seul but de promouvoir la collection de la société [V] et non pour le compte de la société Hôtel Le Bristol et soutient que, même en dehors de ces déplacements, il consacrait l'essentiel de son temps à des missions pour le compte de la société OHMC, ce que celle-ci avait d'ailleurs reconnu en première instance, admettant que c'était une autre salariée qui assurait la gestion quotidienne de l'hôtel, ce que démontrent également l'embauche de M. [H] pour le remplacer en octobre 2015, l'attestation de Mme [A] et la clause d'exclusivité figurant à son contrat de travail.
M. [O] formule en conséquence une demande de rappel de salaires :
- à titre principal de 1.746.000 euros, sur la base d'un salaire mensuel de 50.000 euros,
- à titre subsidiaire de 788.400 euros sur la base d'un salaire mensuel de 23.400 euros (celui de M. [H]).
*
La société OHMC rappelle que l'article L. 3111-2 du code du travail, invoqué par M. [O] a seulement pour objet de définir un cadre dérogatoire aux règles relatives à la durée légale du travail et de permettre au salarié qui ne remplirait pas les conditions prévues par ce texte de solliciter le cas échéant le paiement des heures supplémentaires accomplies.
Elle fait valoir que la commune intention des parties était que la rémunération prévue constitue un tout entre le mandat social et le contrat de travail et expose que soit l'on estime que les mentions portées au contrat ne traduisent pas cette volonté commune, et alors, M. [O] ne peut revendiquer le statut de cadre dirigeant, et aurait pu seulement solliciter le paiement d'heures supplémentaires outre éventuellement un rappel de salaire au regard de la convention collective ; soit au contraire, on estime que les mentions traduisent cette volonté commune mais alors, la demande de rappel de salaire n'est pas fondée.
Au soutien de son analyse de la volonté commune des parties, elle fait valoir que le contrat spécifiait expressément le caractère accessoire et additionnel des missions confiées au salarié.
La société OHMC développe ensuite une argumentation sur l'évolution de la position de M. [O] quant au temps respectif passé pour le compte des deux sociétés, temps plein pour la société Hôtel Le Bristol en première instance, mais 50% dans un mail du 7 mars 2015 puis 70% au profit d'OHMC dans un courrier du 16 janvier 2016 et désormais un double temps plein au profit de chaque société.
Elle conteste l'analyse faite par M. [O] quant à ses déplacements prétendus au profit de [V] Collection.
Enfin, elle estime que les comparaisons revendiquées par M. [O] avec d'autres salariés sont dépourvues de pertinence, soulignant notamment que Messieurs [W] et [E] occupent des postes plus élevés de directeur général et étaient salariés exclusifs de la société.
Selon la société, la seule personne à laquelle M. [O] pourrait être comparé est M. [Y] [P], qui cumulait le statut de président de la SAS Hôtel du Cap Eden Roc et de salarié de la société OHMC depuis avril 2013 en qualité de Senior Vice Président Opérations et Développement de Projets et dont la rémunération est identique à celle de M. [O].
Enfin, critiquant l'analyse faite par la juridiction prud'homale, la société OHMC fait valoir qu'en retenant un temps de travail à son profit de l'ordre de 33% et, compte tenu du bonus versé à M. [O] en mars 2015 (20.000 euros), la rémunération servie durant la relation contractuelle a été supérieure au minimum conventionnel.
***
En premier lieu, ainsi que le fait observer la société intimée, l'article L. 3111-2 du code du travail et la jurisprudence subséquente auxquels se réfère M. [O] s'inscrivent dans la réglementation relative à la durée du travail et n'ont été édictées que pour permettre d'écarter les dispositions impératives de cette réglementation à la catégorie des « cadres dirigeants » définie pour les besoins de cette exclusion par la réunion de trois conditions cumulatives qui n'ont vocation à être mises en oeuvre que dans ce cadre.
En second lieu, il ressort expressément du contrat de travail librement conclu entre les parties que celui-ci s'intégrait dans le contexte des mandats de président directeur général de l'Hôtel Le Bristol exercés par M. [O], cette situation faisant l'objet dans le contrat d'un rappel liminaire de cette situation en ces termes :
« Monsieur [N] [O] exerce à ce jour les mandats de Président et Directeur Général de l'Hôtel Le Bristol depuis le 1er avril 2010.
L'Hôtel Le Bristol est une propriété du groupe [V], relevant de [V] Collection et à ce titre lié à OHMC par un contrat de service.
Compte tenu du développement de [V] Collection et au regard des compétences reconnues de Monsieur [N] [O] comme de son excellente connaissance des standards de la Collection, il est apparu souhaitable de lui confier des prérogatives particulières pour le développement de [V] Collection.
C'est dans ce cadre qu'intervient le présent contrat de travail, étant précisé que les mandats sociaux de Monsieur [N] [O] avec l'Hôtel Le Bristol se poursuivent sans changement, de telle sorte que la présente relation de travail est accessoire et additionnelle ».
Il ressort de ce rappel liminaire du contrat de travail la volonté commune des parties d'une relation de travail imbriquée avec le mandat social dont disposait le salarié au sein de la société Hôtel Le Bristol, imbrication renforcée par le lieu de travail, fixé dans les bureaux de l'hôtel ainsi que par le fait que le paiement de la rémunération soit effectué par la société Hôtel Le Bristol.
Quant au montant de celle-ci, le contrat prévoyait expressément que « la rémunération qui lui est versée, telle que définie ci-après, est donc forfaitaire, totalement indépendante du temps que Monsieur [N] [O] passera effectivement pour la bonne réalisation de sa mission, étant rappelé encore une fois le caractère accessoire et additionnel de la présente mission compte tenu des fonctions exercées par ailleurs par Monsieur [N] [O]. »
Ainsi, il y a lieu de considérer que le montant de la rémunération a été contractuellement défini et librement accepté par les deux parties en lien avec la rémunération que percevait M. [O] dans le cadre du mandat social qu'il exerçait au sein de la société Hôtel Le Bristol, s'élevant à 30.000 euros bruts outre un variable dont le montant rappelé à l'exposé du litige, aboutissait en dernier lieu à une rémunération annuelle brute de 61.666 euros bruts (hors avantages en nature et bonus versé en 2015 inclus), soit un total toutes rémunérations confondues (bonus 2015 de 20.000 euros accordé au titre du contrat de travail inclus) de 64.832 euros bruts par mois, cette rémunération constituant, selon la volonté commune des parties telle qu'exprimée au contrat de travail, une rémunération globale de l'ensemble des prestations accomplies par M. [O] que ce soit pour le compte de la société Hôtel Le Bristol que pour celui de la société OHMC.
L'incidence fiscale de ce mode de rémunération que M. [O] a invoquée par la suite n'est pas de nature à remettre en cause cet accord initial librement consenti des parties.
M. [O] remet en cause le caractère accessoire de la prestation accomplie pour le compte de la société OHMC, en prétendant qu'il consacrait un temps plein aux missions accomplies pour celle-ci.
Il en veut pour preuve un tableau des voyages effectués à l'étranger pour le compte d'[V] Collection (OC) au visa de sa pièce 62.
Cette pièce est dépourvue de pertinence pour les années 2013 et 2014 puisqu'il en ressort
un décompte de 11 jours sur 98 jours de déplacement en 2013 et de 10 jours sur 76 en 2014.
Ce tableau fait en revanche apparaître une nette augmentation des déplacements réalisés pour le compte d'[V] Collection en 2015, les jours de déplacement dans l'année, soit 133 jours, étant très majoritairement ciblés « OC ».
Ce tableau est cependant en contradiction avec l'attestation de Mme [A] (pièce 30 produite par M. [O]) qui évalue à deux jours par mois les voyages de M. [O] pour le compte de la société OHMC qu'elle était chargée d'organiser et si ce témoin évoque des conversations journalières du salarié liées à OHMC, il ne saurait en être déduit que l'activité de celui-ci y était entièrement consacrée.
En outre, si M. [O] évoque des nombreux rapports et comptes-rendus établis pour la société OHMC, aucune pièce n'est produite à ce sujet alors qu'ainsi que le relève la société, M. [O] a été autorisé par ordonnance du président du tribunal de grande instance du 18 avril 2017 à faire saisir par huissier la copie de sa messagerie professionnelle (pièce 114 et 163 société).
Enfin, il ressort des écritures de M. [O] qu'il était remplacé dans la gestion quotidienne de l'Hôtel par Mme [B], en sorte que l'équilibre général de la convention n'était pas compromis et qu'il ne peut être valablement soutenu qu'il travaillait à temps plein à la fois pour l'Hôtel Le Bristol et pour la société OHMC.
Au surplus, M. [O] ne saurait utilement se comparer ni à Messieurs [W] et [E] qui n'étaient pas dans une situation identique, pour occuper un poste plus élevé de directeur général et auxquels M. [O] était hiérarchiquement soumis, ni à M. [H] qui ne cumulait pas deux emplois, occupant seulement le poste de Senior Vice Président des Ventes et du Marketing.
En considération de l'ensemble de ces éléments, M. [O], ayant perçu une rémunération largement supérieure au salaire de 50.000 euros ou de 24.300 euros qu'il revendique, doit être débouté de sa demande de rappel de salaires et congés payés afférents ainsi que de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé.
***
A titre subsidiaire, M. [O] sollicite l'attribution du bonus 2015 qui avait été provisionné et approuvé à hauteur de la somme de 420.000 euros et la condamnation de la société OHMC à lui payer la somme de 282.000 euros à titre de rappel de bonus, déduction faite de l'avance de 138.000 euros reçue par anticipation.
Seule la société Hôtel Le Bristol étant éventuellement tenue au paiement de ce bonus, M. [O] sera débouté de sa demande à ce titre.
Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral
En cause d'appel, M. [O] sollicite la somme de 300.000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi.
Selon les dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1154-1 prévoit, qu'en cas de litige, si le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Au soutien de ses prétentions, M. [O] invoque les éléments suivants :
- des agissements de dénigrements répétés :
* la société OHMC a, à de nombreuses reprises, refusé ses demandes légitimes de manière non fondée : ainsi, sa promotion au poste de COO n'a jamais fait l'objet d'un avenant malgré ses demandes répétées et ce, alors qu'on lui demandait de signer le contrat de son remplaçant dans le poste qu'il occupait précédemment, ce qu'il a refusé (pièce 35 : contrat de travail de M. [H]) ;
* ses demandes de revalorisation de salaires ont été refusées alors qu'il occupait son poste à temps plein au sein de la société OHMC, M. [R] lui écrivant que ses propos l'irritaient puis, en 2015, la société a expressément indiqué que sa demande était fondée pour revenir sur cette décision (courrier du 26 janvier 2016 de M. [R] - pièce 8) ;
* pendant une réunion du comité de surveillance, Mme [V] lui a intimé violemment l'ordre de se taire sans que personne ne la contredise ;
* le 19 février 2016, Mme [J] [V] a tenu des propos dénigrants et peu élogieux à son égard devant des membres du personnel de la direction de l'Hôtel Le Bristol, déclarant que dans un an et demi, elle serait débarrassée de toute la direction qui se prenait pour le propriétaire alors que c'est elle le propriétaire (pièce 27 - courriel des assistants de direction du 19 février 2016 et pièce 28 courriel de « Félipe » du 22 février 2016) ;
* il a alors sollicité une réunion auprès de son supérieur hiérarchique mais M. [W] n'a pris aucune mesure (pièce adverse 115 : compte rendu de l'entretien du 9 mars 2016) ;
- ces faits ont incontestablement dégradé sa santé et son avenir professionnel :
* ils ont conduit à son licenciement (pièce 6 : lettre de licenciement) ;
* son état de santé s'est dégradé (pièces 14 et 15 - arrêt de travail du 15 mars 2016 et ordonnance médicale du 16 mars 2016).
Les propos tenus par Mme [V] au cours d'une réunion non datée ne reposent que sur les affirmations de M. [O].
Il en est de même du refus opposé par la direction « à ses nombreuses demandes de régularisation d'un avenant lors de sa promotion au poste de COO », aucune demande ni refus n'étant justifiés alors même que la société OHCM établit que cette promotion a été officialisée par un écrit de M. [W] (courriel adressé le 1er septembre 2015- pièce 28) et que cette qualification figure expressément sur le certificat de travail qui a été délivré à M. [O] lors de la rupture du contrat.
Les autres faits laissent présumer une situation de situation de harcèlement.
La société OHMC conteste l'existence d'une telle situation et fait valoir que :
- concernant le refus de modifier les conditions des mandats et du contrat de travail, elle pouvait légitimement s'y opposer puisque ces conditions résultaient de l'accord librement convenu entre les parties, ce que rappelait M. [R] dans son courrier du 26 janvier 2016 ;
- les propos tenus par Mme [J] [V] le 19 février 2016 s'expliquaient par son état d'ébriété avancé ainsi qu'il ressort des documents produits par M. [O] et celle-ci a été mise en demeure de présenter ses excuses aux personnes visées par ces propos.
En considération des pièces et explications fournies, la cour retient les éléments suivants :
- contrairement à ce que soutient M. [O], la direction de la société OHMC n'a jamais acquiescé à sa demande de modification des conditions contractuelles de répartition de sa rémunération entre ses mandats sociaux et son contrat de travail, demande motivée par des considérations purement fiscales auxquelles la société n'était pas obligée d'adhérer ; il lui a d'ailleurs été répondu à plusieurs reprises à ce sujet dans des termes courtois et mesurés (pièce 68 société - courrier du 18 octobre 2013, pièce 72 société - courrier du 26 janvier 2016) ;
- de ce dernier courrier, il ne résulte pas que M. [R] exprime une irritation au regard des doléances du salarié, M. [R] se plaignant seulement de ce que la lettre du 19 janvier de M. [O] soit rédigée en français et non en anglais, contrairement à la pratique habituelle de leurs échanges ;
- dans ce courrier, M. [R] fait part de manière motivée de son point de vue sur la question du statut de M. [O] en opposant aux revendications de celui-ci que les conditions de leur collaboration tant au niveau des mandats sociaux que du contrat de travail ont été acceptées par lui et qu'il n'entend pas les voir modifiées selon les exigences sollicitées par le salarié ;
- par ailleurs, il résulte très clairement des pièces produites à la fois par M. [O] et par la société OHMC à propos de l'incident du 19 février 2016, que Mme [J] [V] était dans un état d'ébriété avancé, expliquant, sinon excusant, la vulgarité et le caractère injurieux des propos tenus qui, au demeurant, ne concernaient pas seulement la direction de l'Hôtel Le Bristol mais l'ensemble du personnel ;
- la société OHMC justifie avoir, par la voix de son président, M. [G] [V], mis en demeure Mme [V] de présenter ses excuses auprès du personnel concerné, le contenu du courrier adressé par M. [V] ayant été communiqué le 11 mars 2016 à M. [O] (pièce 35 société) en sorte qu'il ne peut être soutenu qu'aucune mesure n'a été prise ;
- enfin, le compte-rendu de l'entretien entre M. [O] et M. [W], certes sollicité par M. [O], démontre que si celui-ci se plaignait d'un manque de respect, c'était suite à une réunion du 25 février 2016 et non suite aux propos tenus par Mme [V] ; or, au cours de cet entretien, M. [W] reprochait à M. [O] d'avoir lui-même accusé M. [E] de mensonge, ou du moins d'avoir travesti la réalité et d'avoir failli à son obligation de tenir confidentiels les propos tenus au cours de cette entrevue, M. [W] concluant à la nécessité de mettre fin à une telle situation caractérisant un déficit de confiance faisant peser une réelle menace sur le bon fonctionnement de l'entreprise (pièce 115 société).
Il ressort de ces éléments que les éléments invoqués par M. [O], pour ceux qui sont établis et même pris dans leur ensemble, sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
M. [O] doit donc être débouté de ses demandes à ce titre.
Sur la rupture du contrat
La lettre de licenciement du 16 février 2016 adressée par la société OHCM de 6 pages fait état des manquements suivants :
- tendance à outrepasser ses droits : malgré le refus opposé par M. [R] à sa demande visant à voir modifier, pour des raisons fiscales, la répartition de sa rémunération de mandataire au profit de celle de salarié, M. [O] n'aurait eu de cesse entre juin 2015 et janvier 2016 de tenter de faire modifier cette décision et a monopolisé le service paie pour effectuer des simulations, a sollicité une étude par l'avocat de la société et aux frais de celle-ci, a fait corriger et traduire un courrier personnel adressé le 22 janvier 2016 à M. [R], sollicitant même une salariée en congé de maternité pour voir traiter son dossier personnel ;
- instructions données à ses collaborateurs pour gérer des éléments liés à sa vie privée (changement d'horaire de sa garde d'enfant à domicile) ;
- demandes de paiement anticipé de son bonus 2015 auprès de la direction financière,
- abus de sa position auprès de ses collaborateurs : en février 2016, propos déplacés voire injurieux tenus lors d'une réunion avec un propriétaire, en relation à un subordonné, et ce, malgré une précédente mise en garde en août 2015 lors d'une altercation similaire ;
- ce comportement reflète un manque important de compréhension de son niveau de responsabilité et met en péril les relations avec les propriétaires ;
- refus de respecter les consignes : comportement agressif et déplacé, dénigrement de l'un des directeurs de la société, M. [E], traité de « menteur » au cours d'une réunion du 25 février 2016, dont l'ordre du jour avait dû être modifié pour traiter en urgence « du manque de cohérence dans les actions décidées en commun, des constantes déviations des objectifs fixés au salarié, du manque de confidentialité et de la déstabilisation des équipes » ;
- non-respect du lien de confidentialité à la suite de cette réunion qui a généré un vent de panique au sein des équipes ;
- manque de mesure et de retenue vis à vis de ses interlocuteurs, comportement générant un profond malaise au sein des équipes notamment féminines par l'usage de fortes pressions psychologiques et, ce malgré une mise garde le 22 septembre 2015 ;
- persistance de cette attitude agressive et méprisante à l'égard de ses collaborateurs.
« Il ressort de tout ce qui précède, que vous avez profité de vos fonctions au sein de l'entreprise, des pouvoirs qui vous étaient confiés et les facilités qui vous étaient offertes à ce titre ainsi que de l'éloignement géographique de vos supérieurs hiérarchiques non seulement pour promouvoir vos intérêts personnels, mais encore pour mettre à risque la santé morale et physique de vos collègues, agissant, ce faisant, chaque fois au détriment de la société (...) ».
La société OHMC fait valoir que, même si certains des manquements sont liés au cumul des mandats sociaux de M. [O] avec son contrat de travail, ces fautes commises au sein de l'Hôtel Le Bristol sont néanmoins contraires au code de bonne conduite du groupe et caractérisent plus particulièrement une atteinte au principe de séparation des intérêts personnels et des intérêts de la société et aux règles de gestion « avec soin et de manière responsable » des biens de la société et de leur utilisation à des fins professionnelles autorisées.
Parmi les griefs invoqués, la société OHMC souligne que M. [O] n'a cessé de demander le changement de la qualification de sa rémunération de mandataire et que, malgré le refus opposé par M. [R], il n'a pas hésité à faire étudier ses préoccupations fiscales par le service paie de l'Hôtel Bristol ainsi que par les conseils de celle-ci, demandant même à une salariée, Mme [T] [F], directrice administrative et financière de l'Hôtel Le Bristol, alors en congé de maternité de travailler sur sa situation personnelle, ce dont atteste celle-ci (pièces 53, 58 à 62, 89, 90, 96 et 157 société).
La société OHMC reproche également à M. [O] d'avoir sollicité les 10 et 11 janvier 2016 la responsable du service paie de l'Hôtel Le Bristol pour la gestion d'un dossier personnel relatif au licenciement de sa garde d'enfants à domicile, soutenant qu'à la date de l'entretien même informel du 9 mars 2016, ces faits n'étaient pas prescrits (pièces 91 et 115).
Enfin, la société OHMC fait valoir que M. [O] a sollicité par courriers des 4 et 25 janvier, 16 février et 14 mars 2016, le versement d'avances sur son bonus 2015 représentant un montant de 139.000 euros, alors que le principe du versement de sa rémunération variable n'avait pas encore été voté par le conseil de surveillance de la société et a également demandé le versement de certaines de ces avances sur le compte de son épouse, Mme [T] [F] attestant de la situation délicate dans laquelle elle se trouvait pour s'opposer aux directives de son supérieur (pièces 46 à 50 et 157).
La société OHMC ajoute que ces faits ne sont pas prescrits car M. [O] ne démontrerait pas que cette information était nécessairement transmise à la société et produit les attestations de Messieurs [W] et [E], qui témoignent d'une part, ne pas avoir été sollicités à ce sujet, d'autre part, que les avances étaient contraires à la politique du groupe (pièces 155 et 156).
Elle soutient que ces différents manquements au code de bonne conduite avaient des répercussions directes sur la collaboration de M. [O] en son sein.
La société OHMC fait également valoir que M. [O] a eu une attitude inappropriée et déplacée avec des tiers mais aussi avec les membres du comité de surveillance, contrairement à l'obligation de courtoisie et de loyauté prévue par le code de bonne conduite du groupe.
Il aurait ainsi fait part de son opposition à des collaborateurs de la société (pièce 72- lettre de M. [R] du 26 janvier 2016) et exprimé une position contraire à celle préconisée par le comité de surveillance, M. [E] étant contraint de lui rappeler le 7 février 2016 la nécessité de donner par une seule voix une direction et orientation claire aux employés (pièce 77 mail de M. [E]).
Enfin, lors de la réunion de stratégie commerciale du 25 février 2016, M. [W] a été contraint de modifier l'ordre du jour pour consacrer cette réunion aux problèmes de dissensions existant entre M. [E] et M. [O], ce qu'a reconnu celui-ci dans un courriel du 10 mars 2016 (pièces 78 et 80) en s'excusant bien tardivement de son comportement.
Enfin, il est reproché à M. [O] d'avoir fait preuve de pressions psychologiques, agressivité et abus de langage à l'encontre du personnel féminin, ce que dénonçait Mme [X] dans un mail du 28 septembre 2015 adressé à Mme [KI] [S] [M] épouse [HK], directrice des ressources humaines, (pièce 99), faits qu'elle relate dans une attestation de 34 pages (pièce 160), dont témoignent un tract syndical qualifiant M. [O] de tyran (pièce 98) mais aussi Mme [T] [F] (pièces 96,100 et 157) et Mme [I] (pièce 161).
*
M. [O] fait tout d'abord observer que l'ensemble des griefs, qu'il conteste, s'inscrivent dans le cadre de son mandat social avec la société Hôtel Le Bristol et sont étrangers à son contrat de travail avec la société OHMC, faisant valoir que les missions lui incombant dans le cadre de son contrat de présidence (direction de l'Hôtel Le Bristol) et de son contrat de travail avec la société OHCM (développement des ventes et marketing) étaient différentes et clairement identifiées.
Dès lors, les manquements liés à ses fonctions de président de la société Hôtel Le Bristol ne peuvent être invoqués à l'appui de son licenciement par la société OHMC et notamment ceux reposant sur ses demandes de modification de sa rémunération, de traitement de son dossier personnel pendant le congé de maternité de Mme [T] [F], au sujet du dossier
de licenciement de sa garde d'enfants et de versements anticipés de son bonus.
Il prétend par ailleurs que certains des faits invoqués sont prescrits et en particulier :
- celui relatif à la demande faite à Mme [T] [F] de travailler sur son dossier qui repose sur un courriel du 26 août 2015 dont Mme [KI] [S] [M] épouse [HK], directrice des ressources humaines, était en copie, M. [O] ajoutant qu'il n'avait pas demandé à Mme [T] [F] de travailler sur son dossier, l'ayant seulement mise en copie d'un courriel destiné à une autre personne, Mme [L], celle-ci étant salariée de l'Hôtel Le Bristol ;
- celui relatif au traitement du dossier de sa garde d'enfant qui repose sur des mails du 11 et 12 janvier 2016 dont Mme [S] [M] était également en copie, le licenciement étant intervenu le 16 mars 2016.
Concernant le versement anticipé de son bonus, M. [O] prétend qu'il s'agissait d'une pratique courante au sein de la société et qu'il avait déjà bénéficié d'un versement anticipé en 2013 et 2015.
Quant aux prétendus propos déplacés et injurieux qu'il aurait tenus en août 2015 et en février 2016, il souligne que ce grief qu'il conteste n'est étayé par aucune pièce probante, de même que celui selon lequel il aurait communiqué des informations à ses collaborateurs.
Enfin, s'agissant du comportement inapproprié, il fait valoir qu'en première instance, la société ne produisait que le courriel du 28 septembre 2015 (consultation de la vice-présidente des ressources humaines - pièce 99 société) auquel aucune pièce n'était jointe, le rapport du 27 septembre 2015 (en annexe avec la pièce 99) non signé de Mme [X] ayant manifestement été établi pour les besoins de la cause.
Au demeurant, le courriel et ce rapport seraient en contradiction avec sa promotion concomitante au poste de CCO ainsi qu'avec l'attestation de Mme [L] qui s'est étonnée de se voir citée alors qu'elle ne s'est jamais plaint de M. [O] (attestation Mme [L]-pièce 59 salarié).
Il ajoute que malgré ces prétendus éléments, il n'a été procédé à aucune enquête interne.
M. [O] conteste par ailleurs le caractère probant de autres attestations versées aux débats, émanant de salariées placées sous la subordination de la société.
***
L'employeur ayant choisi de se placer sur le terrain d'un licenciement pour faute grave doit rapporter la preuve des faits allégués et démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise, étant en outre rappelé qu'aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de 2 mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.
En premier lieu, ainsi que le soutient à juste titre M. [O], il était investi de missions différentes dans le cadre du mandat social qu'il exerçait au sein de la société Hôtel Le Bristol et dans le cadre du contrat de travail conclu avec la société OHMC.
Dès lors et nonobstant les règles du code de bonne conduite applicables à l'ensemble des salariés du groupe [V], la société OHMC ne peut utilement reprocher à M. [O] les éventuels manquements commis au titre de son mandat social au préjudice de la société Hôtel Le Bristol au soutien du licenciement.
Ainsi, ne peuvent être retenus comme de nature à justifier le licenciement les griefs tenant à ses demandes réitérées de modification de la nature de sa rémunération au sein de la société Hôtel Le Bristol, aux avances sur son bonus 2015 et aux demandes adressées au personnel et/ou aux conseils de cette société au sujet de dossiers personnels.
S'agissant de la modification le 9 février 2016 de l'agenda de la réunion du 25 février 2016 à raison des dissensions entre M. [O] et M. [E], les pièces 78, 80 et 81 visées par la société dans ses écritures sont constituées :
- d'un mail adressé par M. [W] à Messieurs [O], [E], [P] et [H] ainsi qu'à Mme [S] [M] épouse [HK] dans lequel M. [W] explique qu'il préfère que la réunion du 25 février 2016 soit limitée aux trois premiers destinataires pour discuter avec lui des accords et divergences ;
- d'un mail adressé le 10 mars 2016 par M. [O] où celui-ci indique que la discussion au sujet du désaccord avec M. [E] quant au Palacio Tangara a été très désagréable mais qu'il ne voit rien d'offensant à ce qu'il aurait dit, le verbe utilisé,« to tweak the truth », à l'égard, semble-t'il, de M. [E], signifiant « tordre légèrement ... retoucher » ;
- d'un résumé de la rencontre établi le 11 mars 2016 par M. [E] dans lequel celui-ci s'estime gravement blessé d'avoir été traité de menteur par M. [O] au sujet d'une réunion de la fin de l'année 2015.
Le comportement reproché au salarié au cours de cette réunion que l'on retienne le terme de mensonge ou la traduction moins agressive revendiquée par M. [O] était inapproprié.
En revanche, le grief tiré de la violation du caractère confidentiel de cette réunion n'est pas développé dans les écritures de la société et n'est étayé par aucune pièce.
S'agissant du harcèlement moral reproché à M. [O], la cour relève que le document figurant dans la pièce 98 visée par la société ne se présente pas sous la forme d'un tract syndical mais d'une sorte de lettre ouverte adressée à M. [O], établi de manière anonyme à une date non précisée mais, eu égard à son contenu, postérieure au licenciement, ne peut être retenu comme un élément probant.
Le courriel de Mme [X], ayant été communiqué le 28 septembre 2015 à la DRH, Mme [S] [M] épouse [HK], les faits dénoncés sont prescrits.
Le recadrage verbal de M. [O] que la société prétend avoir mis en oeuvre à cette même date n'est étayé par aucune pièce et M. [O] justifie que les faits dénoncés par Mme [X] au sujet de doléances de Mme [NI] [L] sont démentis par celle-ci qui, dans un courrier qu'elle a adressé le 24 août 2020 à son ancien supérieur hiérarchique, s'étonne d'avoir été citée comme victime d'un harcèlement dont elle n'a jamais été l'objet (pièce 59 salarié).
Le grief tenant « à des propos déplacés voire injurieux tenus lors d'une réunion avec un propriétaire en relation à l'un de ses subordonnés, directeur général d'un hôtel de la collection », n'est pas développé dans les écritures de la société.
La cour relève que ce grief est dénoncé dans l'attestation de Mme [KI] [S] [M] épouse [HK] (pièce 162 société page 7/19) mais, compte tenu de la date de cet incident survenu au cours de l'été 2015, et faute pour la société de s'expliquer sur la date à laquelle elle en a eu connaissance, ce fait ne peut être retenu au regard des règles régissant la prescription.
Les éléments relatés par Mme [XE] [I], assistante du président de la société Hôtel Le Bristol, (pièce 161 société) ne peuvent être retenus comme ayant été commis dans le cadre du mandat social de M. [O] au sein de ladite société et n'étant pas rattachables à son contrat de travail avec la société OHMC.
Cependant, la cour relève que le comportement dénoncé par Mme [I] converge avec le témoignage particulièrement précis et détaillé que fait Mme [KI] [S] [M] épouse [HK] qui, après avoir exercé uniquement les fonctions d'adjointe de la directrice des ressources humaines de l'Hôtel Le Bristol à partir de février 2011, a également été affectée au sein de la société OHMC à temps partiel puis à temps plein à compter de 2015, comme directrice des ressources humaines.
Or, Mme [S] [M] fait état, outre d'une attitude totalement inadaptée de M. [O] au cours du mois de septembre 2015, également décrite par Mme [X], d'un autre incident survenu avec M. [O] le 6 février 2016 à propos du dossier de l'hôtel Palacio Tangara, incident ayant amené à la modification de l'ordre du jour de la réunion du 25 février 2016.
Elle évoque les échanges téléphoniques avec M. [O] ayant suivi cette réunion, la remise en cause de son travail, mais aussi les pressions exercées par M. [O] pour qu'elle reste solidaire avec lui et se désolidarise de « [UE] » [M. [E]], relatant également le même type de pressions exercées sur d'autres personnes.
Un tel comportement, au regard du niveau hiérarchique occupé par M. [O] ne peut qu'être qualifié d'inapproprié et ne peut se justifier même par des divergences éventuelles de points de vue avec M. [E].
M. [O] remet en cause la fiabilité du témoignage de Mme [S] [M] en invoquant à la fois le lien de subordination de celle-ci et l'attestation de Mme [U] (sa pièce 17).
Cependant, le seul fait que Mme [S] [M] soit encore salariée de la société n'est pas suffisant pour remettre en cause les faits précis et circonstanciés qu'elle dénonce, pas plus que le contenu de l'attestation de Mme [U].
Le mode de management tout à fait critiquable décrit par Mme [S] [HK] [M], outre qu'il est étayé par le témoignage de Mme [I], est également stigmatisé par les déclarations de Mme [X] qui évoque par exemple avoir constaté, en janvier 2016, les craintes du personnel à l'annonce de l'arrivée de M. [O] indiquant: « Les femmes se précipitaient pour mettre des chaussures à hauts talons et des vestes. Les hommes s'assuraient d'avoir une cravatte bien ajustée et un costume bien propre. A son arrivée, le « Bonjour Monsieur [O] » debout à côté de son bureau était de rigueur».
Mme [X] relate également dans des termes similaires aux propos tenus par Mme [KI] [S] [M] la réaction de M. [O] suite à la rencontre qu'elles avaient eu avec le consultant du dossier du Palacio Tangara le 6 février 2016 et le dénigrement du travail qu'elles avaient réalisé.
Elle confirme le désarroi de plusieurs collaborateurs, ayant eux-même reçu des appels téléphoniques de M. [O].
Mme [X] ajoute n'avoir jamais été confrontée à un tel niveau de stress, de manipulations, souffrance morale et physique durant ses 20 ans d'expérience antérieure ; elle stigmatise « l'omerta » ambiante, déclarant : « Les personnes étaient à la fois reconnaissantes envers lui car il leur avait permis de gravir les échelons, et en même temps, elles le craignaient. Ces personnes étaient en souffrance. (...) ».
En considération de l'ensemble de ces éléments, la cour estime que le comportement reproché à M. [O] par la société OHMC est établi et caractérise une faute grave justifiant l'impossibilité de maintenir son contrat de travail au sein de la société.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. [O] de ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail, la cour ajoutant que le lien entre le licenciement et l'âge du salarié n'est étayé par aucun élément.
***
M. [O] sollicite la somme de 300.000 euros nets en réparation du préjudice subi du fait du non-respect de la procédure de licenciement.
La société OHMC conclut au rejet de cette demande soutenant que M. [O] a bénéficié d'un entretien informel le 9 mars 2016.
*
Il ne saurait être valablement soutenu que l'entretien informel du 9 mars 2016, organisé à la demande de M. [O], traduirait le respect de la procédure de licenciement telle qu'elle est prévue par les articles L. 1232 et suivants du code du travail.
Aux termes des dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail, il sera alloué à M. [O] la somme de 1.500 euros à titre d'indemnité.
***
M. [O] sollicite la somme de 150.000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire aux motifs qu'il a été convoqué le 16 mars 2016, alors qu'il était en arrêt de maladie, à une réunion où lui ont été signifiés la révocation de son mandat et son licenciement dans le but avéré de lui interdire de se défendre, ainsi qu'en atteste Mme [U], que dès le 16 mars 2016, la société mandatait un huissier pour bloquer des messageries et saisir les documents de son coffre-fort, que l'accès à son bureau lui était interdit, même pour pouvoir y récupérer ses affaires personnelles dont il n'a pu obtenir la restitution que partielle et encore que le 26 avril 2016.
La société OHMC conclut au rejet de cette demande, soutenant que celle-ci est seulement en lien avec les circonstances de la révocation de son mandat social et non avec son licenciement.
***
Les circonstances du licenciement de M. [O], telles qu'il les évoque au soutien de sa demande indemnitaire, sont établies et la distinction de ces circonstances quant au lien entre son mandat social et celles de son licenciement n'est objectivement pas démontrée.
Il lui sera en conséquence alloué la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi.
Sur les autres demandes
La société OHMC, condamnée en paiement, supportera les dépens de l'instance et sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
DÉCLARE hors de cause la société Hôtel Le Bristol,
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [O] de ses demandes au titre du motif de son licenciement,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DÉBOUTE M. [N] [O] de ses demandes
- au titre du harcèlement moral,
- à titre de rappel de salaire et congés payés afférents,
- au titre du travail dissimulé,
CONDAMNE la société [V] Hôtel Management Company GmbH à payer à M. [N] [O] les somme suivantes :
- 1.500 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des circonstances vexatoires du licenciement,
- 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,
CONDAMNE la société [V] Hôtel Management Company GmbH aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT