RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2020
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/11331 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAB3J
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Mai 2019 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG n° 2017F00148
APPELANTE
SASU RESTONIS
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 6]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Yves CLAISSE de la SELARL CLAISSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500
Représentée par Me Ludovic LANDIVAUX de la SELARL CLAISSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0500
INTIMEES
SAS SOGERES
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me David LUSTMAN de la SELARL BUREAU D'ETUDES JURIDIQUES PEYRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0040
SASU RESTALLIANCE
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SASU RESTAPPRO
Ayant son siège social [Adresse 2]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
Représentée par Me Alain JAKUBOWICZ, du Cabinet JAKUBOWICZ et Associés, avocat au barreau de LYON, toque : 350, substitué par Me Jonathan DELVECCHIO, avocat au barreau de LYON, toque : 350
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Octobre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date du 18 janvier 2012, la société Restonis et la société Sogeres ont conclu un contrat de conseil et d'approvisionnement en denrées pour la restauration de 42 établissements médico-sociaux, pour une durée de cinq ans à compter du 1er septembre 2011.
Le 15 juin 2015, la société Restonis a lancé un appel d'offres pour des services et l'approvisionnement desdits établissements médico-sociaux à compter du 1er septembre 2016 et pour une durée de cinq ans.
La société Restalliance et la société Sogeres ont répondu à cet appel d'offres.
Par acte sous seing privé en date du 1er septembre 2016, la société Restonis a conclu le contrat projeté avec la société Restappro, filiale de la société Restalliance.
Par acte du 2 février 2007 la société Sogeres a fait assigner la société Restonis et la société société Restalliance devant le tribunal de commerce de Créteil considérant qu'un contrat avait été définitivement formé entre elle et la société Restonis. La société Restappro est intervenue volontairement à l'instance ainsi introduite.
* * *
Vu le jugement prononcé le 21 mai 2019 par le tribunal de commerce de Créteil qui a :
- donné acte à la société Restappro de son intervention volontaire ;
- dit qu'un contrat a été formé entre les sociétés Sogeres et Restonis à la date du 15 mars 2016 portant sur l'approvisionnement en denrée alimentaires et de conseils pour la restauration pour une durée de 5 ans et débouté la société Restonis de ses demandes tendant à contester la formation dudit contrat ;
- dit que la société Restonis a résilié unilatéralement le contrat qu'elle avait formé le 15 mars 2016 avec la société Sogeres ;
- débouté la société Sogeres de sa demande de juger que l'entreprise Restappro s'est rendue complice en lui succédant en violation de ses droits ;
- condamné la société Restonis à payer à la société Sogeres la somme de 2 641 401 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la résiliation unilatérale du contrat formé le 15 mars 2016 et débouté la société Sogeres de sa demande de condamnation in solidum de la société Restappro ;
- condamné la société Restonis à payer à la société Sogeres la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et débouté la société Restonis de sa demande formée de ce chef ;
- condamné la société Sogeres à payer à chacune des sociétés Restalliance et Restappro la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté les sociétés Restalliance et Restappro du surplus de leurs demandes et débouté la société Sogeres de sa demande formée de ce chef ;
- dit mal fondée la société Restalliance et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts à l'encontre de la société Sogeres ;
- ordonné l'exécution provisoire de ce jugement sous réserve qu'en cas d'appel, il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;
- condamné la société Restonis aux dépens .
Vu le jugement rectificatif prononcé le 17 septembre 2019 par le tribunal de commerce de Créteil qui a dit que le dispositif du jugement prononcé le 21 mai 2019 devait comporter la mention suivante:
- Prend acte du désistement de la société Sogeres de sa demande de condamnation solidaire à l'encontre des sociétés Restalliance et Restappro ,
- déboute la société Sogeres de sa demande de juger que l'entreprise Restappro s'est rendue complice en lui succédant en violation de ses droits
Vu l'appel déclaré le 29 mai 2019 par la société Restonis à l'encontre du jugement prononcé le 21 mai 2019,
Vu les conclusions signifiées le 6 mars 2020 par la société Restonis,
Vu les conclusions signifiées le 6 mars 2020 par la société Sogeres
Vu les conclusions signifiées le 4 mars 2020 par les sociétés Restalliance et Restappro,
La société Restonis demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les articles 1108, 1129, 1134, 1147, 1149, 1150 et 1151 anciens du code civil, et l'article L.227-6 du code de commerce,
A titre principal ,
- Juger qu'aucun contrat n'a été formé le 15 mars 2016 entre les sociétés Restonis et Sogeres à défaut de d'habilitation de Madame [B] pour conclure un tel contrat et à défaut de rencontre des volontés ;
Par suite,
- Infirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Créteil le 21 mai 2019 en ce qu'il a :
* Dit que la société Restonis a résilié unilatéralement le contrat qu'elle avait formé le 15 mars 2016 avec la société Sogeres ;
* - Condamné la société Restonis à payer à la société Sogeres la somme de 2.841.401,00 euros à titre de dommages et intérêts du fait de la résiliation unilatérale du contrat formé le 15 mars 2016 ;
* Condamné la société Restonis à payer à la société Sogeres la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du cpc et débouté la société Restonis de sa demande de ce chef.
A titre subsidiaire, si la Cour devait considérer qu'un contrat a été conclu entre les sociétés Restonis et Sogeres le 15 mars 2016, elle devra toutefois :
- Infirmer le jugement rendu le 21 mai 2019 par le Tribunal de commerce de Créteil en ce qu'il a évalué le préjudice qu'aurait subi Sogeres du fait de la résiliation unilatérale de ce contrat à la somme de 2.841.401,00 euros.
Trés subsidiairement,
- Juger que la société Restonis, en lançant un appel d'offres, a valablement signifié à la société Sogeres que le contrat du 18 janvier 2012 ne serait pas reconduit à son terme ;
En conséquence,
- Débouter la société Sogeres de toute demande tendant à voir constater la responsabilité de la société Restonis pour une prétendue rupture fautive du contrat du 18 janvier 2012.
Infiniment subsidiairement,
- Juger que la société Restonis n'a pas abusé de son droit de rompre les pourparlers engagés dans l'appel d'offres,
En conséquence,
- Débouter la société Sogeres de toute demande portant sur la prétendue rupture abusive des pourparlers.
- Condamner la société Sogeres à payer à la société Restonis la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens.
La société Sogeres demande à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
A titre principal,
Confirmer le jugement déféré du 21 mai 2019 tel que rectifié par jugement du 17 septembre 2019 en toutes ses dispositions ;
En conséquence :
Constater qu'un contrat s'est bien formé le 15 mars 2016 entre la société Sogeres et la société Restonis pour 5 ans à compter du 1er septembre 2016 ;
Juger que le contrat formé le 15 mars 2016 a été unilatéralement résilié à l'initiative de la société Restonis ;
En conséquence :
Condamner la société Restonis à verser la somme de 2.841.401 euros à la société Sogeres
à titre de dommages intérêts à ce titre ;
Subsidiairement,
Juger que la société Restonis a mis unilatéralement fin au contrat du 18 janvier 2012 reconduit jusqu'au 31 août 2017 ;
En conséquence :
Condamner la société Restonis à verser la somme de 779.167 euros à la société Sogeres à titre de dommages intérêts à ce titre ;
A titre infiniment subsidiaire,
Juger que la société Restonis a rompu abusivement des discussions et pourparlers en cours
En conséquence :
Condamner la société Restonis à verser la somme de 42.493,40 euros à la société Sogeres à titre de dommages intérêts à ce titre ;
En toutes hypothèses,
Condamner la société Restonis à verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamner les sociétés Restalliance et Restappro à verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du cpc au titre des frais irrépétibles engagés en appel ;
Juger irrecevable en application de l'article 564 du cpc la demande de dommages intérêts formulée par la société Restappro comme étant nouvelle en appel ;
Débouter les sociétés Restonis, Restalliance et Restappro de leurs demandes ;
Condamner , en outre, la société Restonis aux entiers dépens d'instance dont distraction direct au bénéfice du Cabinet PEYRE en application de l'article 699 du cpc.
Les sociétés Restalliance et Restappro demandent à la cour de statuer ainsi qu'il suit :
Vu les articles 1134, 1165, 1382 et 1383 anciens du code civil, et l'article 32-1 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
* donné acte à la société Restappro de son intervention volontaire ;
* pris acte du désistement de la société Sogeres de sa demande formée à titre principal de condamnation solidaire des sociétés Restalliance et Restappro ;
* débouté la société Sogeres de sa demande de juger que les société Restalliance et Restappro se sont rendues complices en lui succédant en violation de ses droits ;
* débouté la société Sogeres de sa demande de condamnation in solidum des sociétés Restalliance et Restappro
* condamné la société Sogeres à payer à chacune des sociétés Restalliance et Restappro la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Restalliance de sa demande de condamnation de la société Sogeres à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau,
- donner acte à la société Sogeres de l'abandon et de son désistement de l'intégralité de ses demandes, principales et subsidiaires, formées à l'encontre des sociétés Restalliance et Restappro ;
- juger que la procédure engagée par la société Sogeres à l'encontre des sociétés Restalliance et Restappro revêt un caractère abusif ;
- en conséquence, débouter la société Sogeres de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre des sociétés Restalliance et Restappro ;
- condamner la société Sogeres à payer à la société Restalliance la somme de 15 000 euros et à la société Restappro la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts compte tenu du caractère abusif de la procédure engagée à leur encontre ;
- condamner la société Sogeres à payer à chacune des sociétés Restalliance et Restappro la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE,
a) Sur le contrat du 15 mars 2016
La société Restonis soutient, à titre principal, l'absence de contrat valablement conclu entre elle et la société Sogeres à la date du 15 mars 2016 dès lors, d'une part, que Mme [B] ne disposait pas du pouvoir d'engager la société Restonis à l'égard de la société Sogeres, que le mandat dont elle disposait était strictement limité à la négociation, limitation dont la société Sogeres avait été expressément informée et dès lors, d'autre part, que les discussions relatives aux conditions financières et aux prestations du contrat projeté, éléments essentiels, n'ont jamais donné lieu à une rencontre des volontés des sociétés Restonis et Sogeres ; à titre subsidiaire, la société Restonis soutient que le préjudice de la société Sogeres ne saurait être évalué en se fondant sur la durée ou sur la marge brute réalisée au moyen du contrat du 18 janvier 2012 alors que ce contrat a été résilié et que le contrat projeté devait en être bien différent ; qu'au demeurant, les chances de gains de la société Sogeres liées au contrat projeté étaient très aléatoires puisque le prix, la durée et les prestations de ce contrat restaient à être déterminés ;
La société Sogeres soutient, à titre principal, l'existence d'un contrat valablement conclu entre elle et la société Restonis à la date du 15 mars 2016 et pour une durée de cinq ans dès lors, notamment, que nonobstant son absence de formalisation, il existait un accord des parties sur le prix et sur l'objet du contrat, que cet accord n'a jamais été remis en cause ultérieurement, que Mme [B] disposait du pouvoir, au moins apparent, d'engager la société Restonis, et qu'en tout état de cause, M. [W] a accepté, même tacitement, l'offre de la société Sogeres et ratifié le prétendu excès de pouvoir de Mme [B] ; qu'en conséquence, le 13 juin et le 25 juillet 2016, la société Restonis a engagé sa responsabilité contractuelle en résiliant unilatéralement le contrat formé le 15 mars 2016, et doit réparer le préjudice qui a été causé à la société Sogeres de ce fait ;
Ceci étant exposé, les sociétés Restonis et Sogeres ont conclu le 18 janvier 2012 un contrat d'approvisionnement de denrées et de conseil pour la restauration d'une durée de 5 ans à compter du 1er septembre 2011 .
Le 15 juin 2015, la société Restonis a lancé un appel d'offre d'approvisionnement de denrées et assistance technique . Des négociations se sont ainsi engagées entre les sociétés Restonis et Sogeres. A l'issue de la procédure d'appel d'offres le nouveau contrat a été conclu avec la société Restappro à compter du 1er septembre 2016.
Par courrier électronique adressé le 14 mars 2016 à M. [O] , intervenant pour le compte de la société Sogeres , M. [W] , président de la société Restonis, indique qu'il a été informé des négociations en cours entre les 2 sociétés et prècise :
« J'invite Madame [B] es qualité de Directrice de Restonis à vous contacter préalablement à notre échange.
Madame [B] dispose d'une délégation de ma part, conformément au principe d'autonomie qui préside au fonctionnement de notre groupe pour mener cette négociation dans le respect des contraintes économiques qui pèsent sur notre activité mais aussi de nos valeurs (...) ».
Par courrier électronique du 14 mars 2016 également adressé à M. [O], Mme [B], rappelant sa qualité de directrice d'exploitation , prècise :
' Suite au mail de M. [W] , je reste disponible pour aborder avec vous tous les éléments relatifs à la négociation en cours pour l'approvisionnement de nos restaurants. (...)'.
Par courrier électronique du 15 mars 2016 adressé à M. [O] , Mme [B] indique :
'Suite à nos différents échanges , je vous confirme la volonté de maintenir notre collaboration dans les conditions financières annoncées à ce jour et vous réitère notre satisfaction de continuer l'aventure Restonis/Sogeres sur les 5 années à venir, avec bien sûr des ajustements à réaliser sur un certain nombre de sujets.
M. [W] et moi même serint ravis d'en échanger avec vous, au cours d'une rencontre à 4, prochainement. Il ne reste qu'à organiser nos agendas en ce sens.(...).'
Il se déduit de ce qui précède que la société Sogeres a été parfaitement informée que Mme [B] n'avait aucun pouvoir pour engager la société Restonis, sa mission étant limitée à la seule négociation. La société Sogeres était formellement avisée que seul M. [W] pouvait juridiquement engager la société.
La société Sogeres se trouve dés lors mal fondée à se prévaloir d'un quelconque mandat apparent et ne peut pas utilement soutenir avoir cru que Mme [B] avait le pouvoir d'engager la société Restonis.
La société Sogeres est également mal fondée à soutenir que M. [W] aurait 'tacitement' accepté les engagements pris par Mme [B].
Si effectivement M. [W] a reçu copie des courriers électroniques échangés entre M. [O] et Mme [B] , il n'est pas intervenu et n'a aucunement donné son accord ni ratifié les offres réciproques pris lors de cette phase initiale de ' négociations'. Son consentement nécessairement expresse ne saurait se déduire de son absence d'opposition.
Dans ces conditions, en l'absence de tout accord des parties , le jugement doit être infirmé en ce qu'il a dit qu'un contrat avait été conclu le 15 mars 2016 entre la société Restonis et la société Sogeres.
La société Sogeres doit être déboutée de toutes ses demandes de dommages et intérêts au titre la rupture du contrat dont elle prétend de manière infondée qu'il aurait été formé le 15 mars 2016.
b) Sur les demandes au titre de la rupture abusive du contrat du 18 janvier 2012.
A titre subsidiaire, la société Sogeres fait valoir, que le contrat en date du 18 janvier 2012 a été reconduit jusqu'au 31 août 2017 faute pour la société Restonis de l'avoir expressément résilié dans les formes et délais prévus, qu'à ce titre, elle doit réparer le préjudice qui en est résulté pour la société Sogeres.
La société Restonis fait valoir l'absence de rupture fautive du contrat en date du 18 janvier 2012 dès lors que la société Sogeres a été informée du lancement d'un appel d'offres dès le 15 juin 2015, et qu'au surplus le contrat du 18 janvier 2012 a été expressément résilié par lettre recommandée avec avis de réception remise à la société Sogeres le 16 juin 2016, en sorte que ledit contrat a valablement pris fin le 31 août 2016.
Ceci étant exposé, les sociétés Restonis et Sogeres ont conclu le 18 janvier 2012 un contrat d'approvisionnement de denrées et de conseil pour la restauration d'une durée de 5 ans à compter du 1er septembre 2011 venant ainsi à terme le 31 août 2016. L'alinéa 1 du contrat stipule que :
' Le présent contrat est confié au Prestataire pour une durée de 5 ans, à compter du 1er septembre 2011, à l'issue de laquelle il se poursuivra tacitement pour une durée d'un an renouvelable une fois pour la même durée, sauf dénonciation expresse d'une des parties par lettre recommandée avec accusé de réception reçue 3 mois avant la fin de la période ferme.'
Le 15 juin 2015, donc plus d'une année avant l'expiration de la période initiale, la société Restonis a avisé la société Sogeres de l'appel d'offres en lui adressant le cahier des charges.
L'appel d'offres reçu par la société Sogeres mentionne que 'Ces contrats sont prévus pour une durée de 5 ans à compter du 1er septembre 2016.' Le jour même la société Sogeres a confirmé en avoir pris connaissance et a ensuite concouru sans être retenue , un contrat ayant été conclu à compter du 1er septembre 2016 entre la société Restonis et la société Restappro, filiale de la société Restalliance. Si effectivement le courrier recommandé adressé le 10 juin 2016 par la société Restonis à la société Sogeres confirmant la résiliation du contrat du 18 janvier 2012 à la date du 31 août 2016 ne respecte pas le délai de 3 mois prévu à l'article 11 précité , ce courrier vient seulement confirmer une résiliation dont la société Sogeres a été informée dès le 15 juin 2015 pour les motifs ci dessus exposés.
Il s'en déduit que que la société Sogeres a été parfaitement avisée dès le 15 juin 2015 que le contrat ne serait pas renouvelé à compter du 1er septembre 2016 et qu'un nouveau contrat suivrait avec l'entreprise retenue à l'issue de la procédure d'appel d'offres. Contrairement à ce que soutient la société Sogeres, le contrat n'a pas été reconduit jusqu'au 31 août 2017.
La société Sogeres doit être déboutée de sa demande subsidiaire au titre de la rupture abusive du contrat conclu le 18 janvier 2012 .
c) Sur la rupture de pourparlers
A titre infiniment subsidiare, la société Sogeres invoque la rupture abusive ds pourparlers ayant conduit la société Restonis à rompre ses engagements pris le 15 mars 2016.
La société Restonis soutient l'absence de faute dans la rupture des pourparlers relatifs au contrat projeté dès lors, notamment, qu'elle pouvait parfaitement conduire des pourparlers avec plusieurs intervenants de manière simultanée, et que la société Restonis et la société Sogeres ne sont pas parvenues à un accord sur les éléments essentiels du contrat projeté.
Ceci étant exposé, ainsi que ce dessus rappelé , les positions de la société Restonis ont été formulées par Mme [B] dans le cadre de sa mission limitée à la négociation, élément expressément porté à la connaissance de la société Sogeres . Aucun engagement n'a été pris par la société Restonis en la personne de son représentant légal, seul autorisé à engager la société.
De plus les négociations sont intervenues dans le cadre de l'appel d'offres auquel la société Sogeres a concouru parmi d'autre candidats . Elle ne pouvait se méprendre sur la portée des pourparlers engagés entre les divers candidats mis en concurrence et sur le fait qu'aucun engagement ne pouvait être pris dans l'attente de la sélection du candidat finalement retenu . Par courrier recommandé du 13 juin 2016 Mme [B] a avisé la société Sogeres qu'elle n'était pas retenue.
La société Sogeres doit ainsi être déboutée de ses demandes au titre de la rupture abusive des pourparlers.
d) Sur les autres demandes
Les sociétés Restalliance et Restappro font valoir, d'une part, qu'en cause d'appel, la société Sogeres ne forme plus aucune demande, principale ou subsidiaire, à leur encontre ; et d'autre part, que la société Sogeres a abusé de son droit d'agir en justice les concernant et doit, de ce fait, être condamnée à leur verser des dommages et intérêts.
La société Sogeres soutient que la demande de la société Restappro tendant à ce que lui soit allouées des dommages et intérêts pour procédure abusive est irrecevable comme nouvelle sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile ; qu'en tout état de cause, cette demande et celle formée aux mêmes fins par la société Restalliance devront être rejetées dès lors qu'une partie à un procès ne peut solliciter l'application de l'article 32-1 du code de procédure civile, que la société Sogeres n'a pas interjeté appel contre ces sociétés et s'est désistée en première instance des demandes qu'elle formait contre elles, en sorte que l'abus du droit d'agir en justice de la société Sogeres n'est pas caractérisé.
Ceci étant exposé , la demande de dommages et intérêts présentée par les sociétés Restalliance et Restappro n'est pas nouvelle puisqu'elle se fonde sur le fait qu'elles sont encore attraites dans la procédure pendante devant la cour d'appel .
La société Restalliance a été attraite en première instance par la société Sogeres avec pour conséquence l'intervention volontaire de la société Restappro . La société Sogeres ne s'est pas désistée de toutes ses demandes à leur encontre puisque le jugement rectificatif du 17 septembre 2019 a débouté la société Sogeres de sa demande tendant à juger que l'entreprise Restappro s'était rendue complice en lui succédant en violation de ses droits.
En raison de l'appel formé par la société Restonis , les sociétés Restalliance et Restappro ont été intimées en cause d'appel , la société Sogeres pouvant encore maintenir ses demandes au titre de la complicité dont elle ne s'était pas désistée. En cause d'appel , si la société Sogeres ne présente plus de demandes principales contre les sociétés Restalliance et Restappro, elle sollicite néanmoins leur condamnation à lui verser 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .
Les sociétés Restalliance et Restappro sont bien fondées à soutenir avoir été victimes d'une procédure abusive puisque la société Sogeres a assigné la société Restalliance pour des motifs en réalité dirigés contre la société Restappro qui est intervenue volontairement a la procédure de première instance . La société Sogéres s'est finalement désistée d'une partie de ses demandes et n'a plus maintenu le surplus en cause d'appel . Cette procédure est justement qualifiée d'abusive par ces deux sociétés qui ont été inutilement parties tant en premiere instance qu'en cause d'appel .
La société Sogeres sera condamnée à verser à chacune d'elles la somme de 5 000 euro à titre de dommages et intérêts.
Il est équitable de condamner la société Sogeres à verser à la société Restonis et aux sociétés Restalliance et Restappro une indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement déféré ;
Statuant de nouveau :
DÉBOUTE la société Sogeres de l'intégralité de ses demandes;
CONDAMNE la société Sogeres à verser 5 000 euros à la société Restalliance et 5 000 euros à la société Restappro à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE la société Sogeres à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile 10 000 euros à la sociéré Restonis, 2 500 euros à la société Restalliance et 2 500 euros à la société Restappro .
REJETTE toutes autres demandes;
CONDAMNE la société Sogeres aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS