RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2020
(n° , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/13032 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGYO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Mai 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 - RG n° 2017039635
APPELANTES
SAS A.P.G. INC.
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 2]
N° SIRET : 524 192 507
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
SAS AIR PROMOTION GROUP
Ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 2]
N° SIRET : 412 545 428
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentées par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477
Représentées par Me Betty ADDA, avocat au barreau de PARIS, toque : R225
INTIMEE
SA HELI-AIR [Localité 4], société de droit Monégasque
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 4]
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Jean-jacques FANET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0675
Représentée par Me Dominique ANASTASI, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 Novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
qui en ont délibéré,
Un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Stanislas de CHERGÉ dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La Sas Air Promotion Group (APG) fournit des services commerciaux et de distribution aux compagnies aériennes. La Sas APG Inc a été créée par apport partiel d'actif le 06 août 2010. Sises à [Localité 6], ces deux sociétés sont présidées par Mme [D].
La Sa Heli Air [Localité 4], créée en 1976 et de droit monégasque, sise à [Localité 4], a pour objet tant en principauté de [Localité 4] qu'à l'étranger le transport aérien de passagers et de marchandises, le travail aérien sous toutes ses formes. Elle est présidée par M. [E].
À compter du 1er janvier 2008, l'association internationale du transport aérien (Iata) n'émettant plus de billets en support papier, seuls des billets électroniques ont été utilisés par les agences de voyages. Le produit « APG Interline Electronic Ticketing » (APG Iet), destiné à faciliter les accords « interline'' électroniques entre compagnies, nécessite un équipement réseau «hub interline » compatible, un code «airline designator'' et un code financier, attribués par l'Iata aux compagnies aériennes régulières. La société APG, n'étant pas une compagnie aérienne, s'est rapprochée de la Sa Helia Air [Localité 4].
Par acte sous seing privé du 1er juin 2006, les sociétés APG et Heli Air [Localité 4] ont signé une convention de location des codes Iata pour une durée de 5 ans renouvelable tacitement, notamment le 30 novembre 2010. La société Heli Air [Localité 4] s'est engagée à mettre à la disposition de la société APG les codes YO et 747 et à les maintenir en opération. Elle lui a donné l'autorisation de signer et exploiter les accords interlignes électroniques.
En 2010, la filiale APG Inc a repris le produit « APG Interline Electronic Ticketing » (APG Iet).
Le 13 juillet 2015, l'État monégasque a retiré à la société Heli Air [Localité 4] l'exploitation de la ligne aérienne [Localité 4] [Localité 5] pour la confier à une autre compagnie aérienne. La société Heli Air [Localité 4] a ainsi perdu l'attribution des codes Iata à compter du 1er janvier 2016.
Les sociétés APG et APG Inc demandent réparation du préjudice subi du fait de l'arrêt de la mise à disposition des codes par la société Heli Air [Localité 4].
Par acte du 16 mai 2017 les sociétés APG Inc et APG ont assigné la société Heli Air [Localité 4] devant le tribunal de commerce de Paris.
Par jugement du 31 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a :
- dit la Sa de droit monégasque Heli Air [Localité 4] recevable, mais mal fondée en son exception d'incompétence, et s'est déclaré compétent ;
- dit que les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group ont intérêt à agir dans la présente instance ;
- débouté les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group de leurs demandes d'indemnisation pour perte de revenus ;
- débouté les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group de leurs demandes relatives à la gestion des billets électroniques ;
- débouté les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group de leur demande de dommages et intérêts pour perte d'image ;
- condamné la Sas Air Promotion Group à payer à la Sa de droit monégasque Heli Air [Localité 4] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ;
- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif du présent jugement ;
- condamné la Sas Air Promotion Group aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 100,59 euros dont 16,55 euros de TVA.
Par déclaration du 27 juin 2019, les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 21 février 2020, les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 31 mai 2019 par le tribunal de commerce de Paris en ce qu'il a retenu sa compétence pour trancher le litige ;
- infirmer le jugement rendu le 31 mai 2019 par le tribunal de commerce de Paris ;
- juger que la société Heli Air [Localité 4] a manqué à ses obligations de maintien des codes loués à la société Air Promotion Group Inc ;
- condamner la société Heli Air [Localité 4] à régler à la société Air Promotion Group Inc une somme arrêtée au 20 décembre 2016 à la somme de 16.624.486 euros pour la perte de revenus à compter de la cessation de la mise à disposition des codes ;
- condamner la société Heli Air [Localité 4] à régler à Air Promotion Group Inc les frais de gestion liés à la perte de l'accès au système Iata et à la nécessité de récupérer les créances dues à la société Heli Air [Localité 4], pour la période antérieure à la perte des codes, soit à la somme de 139.860 euros ;
- juger que les sociétés Air Promotion Group et Air Promotion Group Inc. subissent un préjudice lié à la perte d'image du fait de la cessation brutale de l'accès au système Iata généré par l'absence de mise à disposition des codes par la société Heli Air [Localité 4] ;
- condamner la société Heli Air [Localité 4] au paiement de la somme de 395.545 euros au profit de la société Air Promotion Group Inc. pour la création de la compagnie Air Promotion Group Airlines ;
- condamner la société Heli Air [Localité 4] à régler à Air Promotion Group et Air Promotion Group Inc une somme de 500 000 euros au titre du préjudice d'image ;
- juger que les intérêts seront capitalisés chaque année pour produire à leur tour intérêts, conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
- condamner la société Heli Air [Localité 4] à régler aux sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la Selarl Lexavoue Paris Versailles en ce qui la concerne.
Par conclusions signifiées le 23 avril 2020, la société Heli Air [Localité 4] demande à la cour de :
- dire les sociétés Air Promotion Group Inc Sas et Air Promotion Group irrecevables et en tout cas mal fondées en leur appel, les en débouter.
- recevant la société Heli Air [Localité 4] en son appel incident :
- infirmer le jugement du 31 mai 2019 rendu par le tribunal de commerce de Paris, en ce que celui-ci s'est déclaré compétent au lieu du tribunal de première instance de [Localité 4] ;
- infirmer ledit jugement en ce que celui-ci n'a pas tranché le différend selon le droit monégasque ;
À titre subsidiaire :
- accueillir la société Heli Air [Localité 4] dans sa fin de non-recevoir au motif d'une atteinte au principe de bonne foi et de loyauté dans le procès ;
- accueillir la société Heli Air [Localité 4] dans sa fin de non-recevoir au motif d'une atteinte à la règle d'estoppel ;
- accueillir la société Heli Air [Localité 4] dans sa fin de non-recevoir au motif du défaut de qualité pour agir des sociétés Air Promotion Group et/ou Air Promotion Group Inc ;
- déclarer en conséquence les sociétés Air Promotion Group Inc Sas et Air Promotion Group irrecevables en toutes leurs conclusions.
À titre plus subsidiaire :
- juger que le droit applicable entre les parties est le droit monégasque ;
- juger que la réalité du retrait des codes Iata loués par la société Heli Air [Localité 4] intervenu à la date du 16 février 2016 n'est pas contestée ;
- juger que le contrat du 1er juin 2006 conclu entre les parties a pris fin en exécution de l'article 11 dudit contrat Sans que la responsabilité de la société Heli Air [Localité 4] puisse être engagée ;
- débouter en conséquence les sociétés Air Promotion Group Inc Sas et Air Promotion Group de toutes leurs conclusions.
À titre infiniment plus subsidiaire :
- juger que les sociétés Air Promotion Group Inc Sas et Air Promotion Group ne rapportent pas la preuve de l'étendue des préjudices qu'elles invoquent ;
- confirmer le jugement en ce qu'il les a déboutées de l'intégralité de leurs demandes ;
En toute hypothèse,
- débouter la société Air Promotion Group Inc Sas de l'intégralité de ses demandes ;
- débouter la société Air Promotion Group de l'intégralité de ses demandes ;
- condamner la société Air Promotion Group au paiement d'une indemnité de 9 000 euros en faveur de la société Héli Air [Localité 4] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
Sur la compétence des juridictions françaises et l'intérêt à agir
Les sociétés APG et APG Inc font valoir, sur le fondement des articles 8 et 9 de la loi monégasque N1.448 du 28 juin 2017, que l'exception d'incompétence doit être rejetée dans la mesure où les parties qui pouvaient choisir la juridiction compétente ont stipulé dans leur convention que seuls les tribunaux de Paris sont compétents pour résoudre un éventuel litige ou désaccord. Le droit français est applicable en l'espèce et, en tout état de cause, ne diffère pas du droit monégasque sur l'indemnisation du préjudice subi du fait des manquements contractuels. La société APG Inc fait valoir un intérêt à agir puisqu'elle a subi un préjudice du fait de la suspension des codes Iata attribués à la société Heli Air [Localité 4] et qui lui permettaient d'obtenir des redevances sur lesquelles Heli Air [Localité 4] percevait des commissions.
La société Heli Air [Localité 4] fait valoir, sur le fondement des articles 8 et 9 de la loi monégasque N1.448 du 28 juin 2017, que la clause attributive de compétence ne respecte pas la règle selon laquelle il doit exister un lien suffisant entre la juridiction désignée par les parties, en l'espèce les tribunaux de Paris, et le pays dans lequel cette juridiction se situe. Les obligations ont pour lieu d'exécution la principauté de [Localité 4] : le tribunal de première instance de la Principauté de [Localité 4] doit être déclaré compétent. La société Heli Air [Localité 4] oppose une fin de non-recevoir aux demandes de la société APG Inc, sur le fondement du principe de l'estoppel et de la loyauté dans le procès, les demandes de la société APG Inc étant en contradiction avec les demandes de première instance fondées sur la caducité de la convention litigieuse, et sur le fondement de l'article 122 du code de procédure civile, la société APG Inc se prévalant d'un préjudice qui n'appartient qu'à la société E-Héli-air, société de droit monégasque constituée par les parties en vertu de l'addendum n°2.
Ceci étant exposé,
A/ Sur l'exception d'incompétence
La convention signée le 1er juin 2006 par les sociétés APG et Heli Air [Localité 4] stipule en son article 13 « juridiction » qu'en « cas de litige ou de désaccord qui ne pourraient pas être résolu de façon amiable, seuls les Tribunaux de Paris seront jugés compétents ». Les addendums successifs signés par les parties n'ont pas remis en cause cette clause.
La société Heli Air [Localité 4] revient sur son engagement contractuel en invoquant notamment un lieu d'exécution des prestations qui serait situé à [Localité 4] et une loi « d'ordre public » pour déterminer la compétence d'une juridiction monégasque et l'application du droit monégasque.
Mais il n'est pas stipulé d'exécution contractuelle sur le seul territoire de l'Etat monégasque. En effet, la convention du 1er juin 2006, se référant au réseau « APG GA présent dans plus de 60 pays » et à l'Iata « regroupant tous les principaux transporteurs aériens », a pour objet l'utilisation de codes par la société APG, sise à [Localité 2], dépassant largement le cadre monégasque. Les modalités définies à l'article 1 de la convention le confirment : « signer des accords Interline avec d'autres transporteurs, gérer ces accords, effectuer le travail administratif qui en découle, l'utilisation des dits codes ne donnant aucun droit de regard à la société APG sur la gestion et l'exploitation actuelle d'Heli Air [Localité 4] » ; « APG utilisera ses compétences propres et son réseau » ; « la gestion des flux financiers sera totalement indépendante de la gestion de Heli Air [Localité 4] ». Selon cette convention, la société Heli Air [Localité 4] « devient une compagnie complètement E Ticket », signera des « accords Interline avec nombre de compagnies aériennes de toute origine » et « les charges d'exploitation seront à la charge d'APG ».
Par ailleurs, la société Heli Air [Localité 4] se réfère dans ses conclusions à un règlement européen du 12 décembre 2012, un arrêt de la Cour de Cassation du 20 mai 2014 et une loi monégasque du 28 juin 2017, tous postérieurs à la convention et contraires au principe de sécurité juridique prévu notamment à l'article 2 du code civil. L'intimée reconnaît le droit applicable en France, notamment en se référant au droit administratif pour le délai de validité d'une convention bilatérale franco-monégasque (page 7). L'intervention du juge reste subordonnée à l'absence de stipulations contractuelles : « dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits » (Bruxelles I, Rome II et Convention de Rome de 1980 alors applicable, visant les règles de droit international privé en matière d'obligations contractuelles de nature commerciale, article 4§1), c'est-à-dire la loi française.
En ce qui concerne la dérogation à la compétence territoriale définie à l'article 43 du code de procédure civile, il y a lieu de relever, sur le fondement de l'article 48 du code de procédure civile, que les parties ont la qualité de commerçant, qu'elles ont convenu de la clause dérogatoire de compétence et qu'elle est spécifiée de façon très apparente dans leur engagement. De fait, le choix des parties, exprès, résulte de façon certaine des dispositions du contrat, selon une clause au caractère valable, et des circonstances de la cause.
C'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que les premiers juges ont dit la société de droit monégasque Heli Air [Localité 4] mal fondée en son exception d'incompétence et se sont déclarés compétents.
Le jugement sera confirmé sur ce chef.
B/Sur la fin de non-recevoir (intérêt à agir)
La société Heli Air [Localité 4] fait valoir une fin de non-recevoir sur le fondement du principe de la loyauté dans le procès et du fait que, selon elle, la société APG Inc se prévaut d'un préjudice en réalité subi par la société E-Héli-Air.
Mais, d'une part, la société Heli Air [Localité 4] invoque une « instance pendante » qui concernerait sur le territoire monégasque la société E-Héli-Air, non attraite dans la présente procédure. Elle en réutilise des éléments pour alléguer l'existence d'une « différence de lignes de défense » qui ne concerne aucunement la présente instance engagée devant le tribunal de commerce de Paris. En tout état de cause, il y a lieu de rappeler les dispositions de l'article 563 du code de procédure civile selon lequel « pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises aux premiers juges, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves ».
D'autre part, la société Heli Air [Localité 4] a formellement donné son accord à la société APG Inc pour l'exécution d'obligations stipulées dans la convention du 1er juin 2006 : la société Heli Air [Localité 4] a en effet signé le 30 novembre 2010 l'addendum 2 à la convention de service, selon lequel « la société APG DS est autorisée à faire apport du produit APG IET à la société APG inc ». En outre, la société Heli Air [Localité 4] a adressé à la société APG Inc des factures en 2015 « régularisation redevances GDS » et « 6 % ISC août 2015 » (569 145 euros le 13 avril 2015, 105 865 euros le 30 septembre 2015 et « en votre faveur » 204 133 euros le 30 décembre 2015) et en 2016 « APG INC 16 % ISC » (130 829 euros le 30 novembre 2016). La société APG Inc est donc en mesure de faire valoir un éventuel préjudice.
Ces constats infirment les allégations de la société Heli Air [Localité 4]. Il conviendra de rejeter sa demande de fin de non-recevoir.
C'est donc à juste titre et par des motifs pertinents que les premiers juges ont dit que les sociétés Air Promotion Group Inc et Air Promotion Group ont intérêt à agir dans la présente instance.
Le jugement sera confirmé sur ce chef.
Sur l'exécution des obligations contractuelles
Les sociétés APG et APG Inc font valoir que la société Heli Air [Localité 4] a violé son obligation contractuelle car elle s'était engagée à mettre à sa disposition et à maintenir les codes YO et 747. Depuis le 9 février 2016, les codes ne sont plus en opération, ce qui ne relève pas d'un événement imprévisible, extérieur et irrésistible, dès lors qu'il suffisait que la société Heli Air [Localité 4] accepte l'offre des autorités monégasque ou trouve une solution pour que les codes soient remis en vigueur. Le refus ne relève pas d'un simple acte de gestion mais d'un comportement fautif et abusif de la société Heli Air [Localité 4] qui a à tort demandé à l'État de [Localité 4] 39.983.000 euros d'indemnités. Sur le fondement des articles 1104 et 1134 ancien du code civil (1103 nouveau) et L.442-6 du code de commerce, la société Heli Air [Localité 4] a violé son obligation d'exécuter et de négocier le contrat de bonne foi. Le préjudice qui en découle doit être indemnisé : 16.624.486 euros de dommages et intérêts pour l'impossibilité d'utiliser les codes, 139.860 euros de dommages et intérêts pour le règlement de factures par les compagnies membres de APG IET, 395.545 euros pour la constitution dans l'urgence d'une compagnie aérienne et 500.000 euros au titre de la perte d'image auprès des clients partenaires notamment.
La société Heli Air [Localité 4] fait valoir que seule sa responsabilité contractuelle peut être engagée devant les juridictions françaises. Sur le fondement de l'article 2 de la convention de Rome, le droit applicable au cas d'espèce est le droit monégasque sans disposition pour les demandes fondées sur l'article L. 446-6 du code de commerce. À titre subsidiaire, la décision de rompre la convention de service a un caractère d'intérêt général et correspond, sur le fondement de l'article 1234 du code civil et 1089 du code civil monégasque, à une perte de la chose du contrat de nature à éteindre son obligation contractuelle. Fondée à mettre fin au contrat dès lors qu'elle ne disposait plus des codes Yo et 747, les conditions de la rupture ne donnent pas droit à des dommages et intérêts contractuels. La décision de ne pas reprendre et exploiter la ligne proposée par les autorités monégasques est une décision de gestion dans laquelle Air Promotion Group Inc ne pouvait s'immiscer. La société Air Promotion groupe Inc ne prouve pas son préjudice et ne précise pas dans quelle mesure ses demandes sont fondées sur la responsabilité contractuelle ou délictuelle qu'elle invoque.
Ceci étant exposé,
La convention de services signée le 1er juin 2006 par les sociétés APG et Heli Air [Localité 4] stipule en son article 11 « début et fin » que la dénonciation en fin de période de 5 ans doit être faite avec un préavis de 180 jours, faute de quoi elle sera reconduite. Il pourra y être mis fin avant la date d'expiration pour les raisons suivantes : « (') dans le cas où HAM ne disposerait plus des codes YO et 747 ; dans le cas où un partenaire est en défaut manifeste vis-à-vis de l'autre dans le cadre de la présente convention ».
Si les contrats doivent être exécutés de bonne foi, les parties avaient contractuellement anticipé le retrait des codes YO et 747, sans pour autant prévoir une indemnisation en contrepartie ou l'exécution de sujétions alternatives par une partie. La seule conséquence liée à ce retrait des codes est l'expiration de la convention du 1er juin 2006 et de ses addendums.
De ce point de vue, l'État monégasque a formellement notifié le 3 décembre 2014 à la société Heli Air [Localité 4] le retrait de l'exploitation de la ligne régulière [Localité 4]-Nice, avec un délai de préavis jusqu'au 31 décembre 2015. Les conséquences pour la société Heli Air [Localité 4] ont été la suspension de l'attribution des codes YO et 747 Iata. Mais il ne peut exister de ce fait une quelconque violation contractuelle de la part de la société Heli Air [Localité 4], comme l'allèguent les sociétés APG et APG Inc.
En outre, l'État monégasque a fait référence à la « sécurisation des infrastructures aéroportuaires » et à « d'importants travaux sur l'Héliport», outre une remise à plat d'accords datant de 1996. Il apparaît ainsi difficile de considérer que les parties aient été prises au dépourvu par cette politique publique : « la crise était largement prévisible » (pièce 13, sociétés APG et APG Inc). De fait, le préavis laissé jusqu'au 31 décembre 2015 n'a pas été utilisé efficacement par les parties pour entreprendre la sortie de la convention signée le 1er juin 2006 et complétée en 2010. L'État monégasque s'est ainsi offusqué le 18 février 2016 que la société Heli Air [Localité 4] poursuive ses réservations sur la ligne [Localité 4]-[Localité 5].
Il en résulte que les demandes des sociétés APG et APG Inc relatives à l'exécution de la convention de services signée le 1er juin 2006 sont malfondées.
Sur le plan de l'éventuelle responsabilité délictuelle au soutien de leur demande de reconnaissance de préjudice, les sociétés APG et APG Inc reprochent à leur cocontractant le refus d'une offre des autorités monégasques, voire d'en négocier les conditions. Elles font valoir leur implication pour bâtir une « solution de remplacement », dont il est justifié de l'existence par un courrier et un courriel, voire créer leur propre compagnie aérienne.
Mais la candidature de la société Heli Air [Localité 4] pour exploiter la ligne aérienne a été rejetée le 13 juillet 2015 par l'État de [Localité 4], selon des critères propres à la consultation lancée. L'économie générale juridique et financière des dossiers examinés ne ressortit pas des présents débats. En l'état de sujétions techniques de niveau international et des conditions émises par les autorités française et monégasque notamment, les sociétés APG et APG Inc échouent à faire porter la responsabilité d'un quelconque refus par la société Heli Air [Localité 4].
De plus, le recours à un autre montage contractuel opaque, complexe et dénué d'anticipation, utilisant depuis 2009 la société de droit monégasque E-Heli-Air pour assurer « l'étanchéité des importants flux financiers », accentue la responsabilité de chacune des parties dans l'incapacité de « sortir d'une terrible situation ».
Par ailleurs, les sociétés APG et APG Inc ont bénéficié depuis 2006 d'une forte autonomie pour conclure des accords Interline avec un grand nombre de transporteurs, gérer ces accords et les divers flux financiers. Elles avaient de ce fait la responsabilité de prévoir le cas où la société Heli Air [Localité 4] ne disposerait plus des codes YO et 747, ce dont elles ne justifient pas, alors qu'elles en reconnaissent les conséquences et donc le préjudice à leur charge : « les considérables investissements financiers et commerciaux réalisés dans le monde entier se sont envolés en fumée » (pièce 13 ibid).
Enfin, constituant leurs propres preuves (« chantage, pression »), les sociétés APG et APG Inc échouent à faire valoir l'existence d'une rupture brutale de la part de leur cocontractant, alors que la convention a expiré d'elle-même le 31 décembre 2015 et qu'elles font état d'échanges tenus en 2016 et qui ont trait à de nouvelles formes de relations pré-contractuelles.
Il se déduit de ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes des sociétés APG et APG Inc.
Les sociétés APG et APG Inc ne justifiant pas de l'existence d'un préjudice sur le fondement d'une atteinte à l'image, leur demande de dommages et intérêts sera également rejetée.
C'est en conséquence par des motifs pertinents que les premiers juges ont débouté les sociétés APG et APG Inc de l'intégralité de leurs demandes.
Le jugement déféré sera confirmé sur ces chefs.
La solution du litige conduira à rejeter les demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE solidairement les sociétés Air Promotion Group et Air Promotion Group Inc aux dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS