Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 3
ARRET DU 16 DECEMBRE 2020
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/03541 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5HDO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 16/10927
APPELANTE
SELAS PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES
[...]
[...]
Représentée par Me Philippe TREHOREL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0254
INTIMEE
Madame W... O... épouse O...
[...]
[...]
Représentée par Me Karima SAID, avocat au barreau de PARIS, toque : E0446
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence SINQUIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, Président de Chambre
Monsieur Daniel FONTANAUD, Président de Chambre
Madame Laurence SINQUIN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Nasra ZADA
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- Signé par Fabienne ROUGE, Présidente de chambre et par Nasra ZADA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Madame W... O... a été engagée par la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES, à compter du 3 décembre 2012 par un contrat à durée indéterminée à temps partiel modifié par plusieurs avenants ( en dernier lieu 112,67 heures mensuelles). Embauchée en qualité d'employée administrative, elle est devenue assistante de direction statut cadre, avec un salaire mensuel brut de 2171,50 euros. Le 21 juillet 2016, elle a remis sa démission.
La lettre de rupture était rédigée dans les termes suivants :
'Madame,
Salariée dans votre entreprise en qualité d'assistante de direction depuis le 3/12/12 en CDI. Par la présente lettre je souhaite vous informer de ma démission immédiate qui prendra effet à ce jour sans préavis. Consciente qu'en cas de départ volontaire je suis tenue d'effectuer un préavis néanmoins je vous saurais gré de bien vouloir m'en dispenser en contrepartie je renonce à tous mes droits (STC')
Veuillez agréer, Madame, l'expression de mes sentiments distinguées ».
Le lendemain elle a transmis un nouveau courrier de rétractation de sa démission mais l'employeur n'a pas voulu la réintégrer.
Madame O... a saisi le conseil de prud'hommes.
Par jugement du 25 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Paris a dit que la rupture du contrat de travail de Madame O... s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES au paiement de :
- 15.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 6514,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 651,45 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférent ;
- 2345,22 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 2713 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
- 1000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Il a aussi ordonné la remise des documents sociaux conformes et a rejeté la demande reconventionnelle de la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES a relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la démission de Madame W... O... devait s'analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de débouter Madame O... de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes, de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fixé le salaire mensuel moyen à la somme de 2 171,50 €, en ce qu'il a débouté Madame O... du surplus de ses demandes. Elle réclame la condamnation de la salariée à 3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.
Par conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, Madame O... demande la confirmation du jugement et la condamnation de la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES aux dépens ainsi qu'au paiement de:
- 6514,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférent;
- 2345,22 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 2713 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;
Elle réclame l'infirmation pour le surplus et la condamnation de la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES au paiement de :
- 35.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 3841,89 euros correspondant aux 46 jours de congés payés déduits du solde de tout compte ;
- 4800 euros au titre des procédures judiciaires devant le Conseil de prud'hommes de Paris et la Cour d'appel de céans, et ce conformément
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
Sur la rupture du contrat de travail
La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur et lorsqu'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée, celle-ci était équivoque, le juge doit l'analyser en une prise d'acte qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.
Madame O... a déposé le lendemain de sa démission une lettre de rétractation faisant valoir des circonstances particulières contemporaines à sa décison et caractériser par un excès d'émotions et des pressions au travail.
La Cour constate que ce court délai entre la démission et sa rétractation, le lien entre la décision et une fragilité émotionnelle ainsi que des difficultés dans le cadre de la relation de travail suffisent à caractériser une démission équivoque et cette démission sera donc requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail.
La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail. Lorsque le salarié prend acte de la rupture, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués le justifient, soit d'une démission dans le cas contraire.
Il appartient donc à Madame O... de justifier de manquements suffisamment graves de l'employeur, empêchant la poursuite du contrat de travail.
En l'espèce, au vu des pièces produites au débat, ni les problèmes de santé du père de Madame O..., ni son épuisement émotionnel ne sont le fait de l'employeur.
S'il est constant que l'époux de Madame O... était engagé dans un conflit avec la responsable de la pharmacie, aucun manquement à ce titre n'est personnellement établi à l'égard de Madame O.... Même s'il peut être admis que le conflit et l'avertissement subi par Monsieur B... O... ont affecté Madame O..., cela ne constitue pas un manquement de l'employeur suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En conséquence, à défaut pour la salariée de justifier de manquements de l'employeur d'empêcher la poursuite du contrat de travail, la prise d'acte doit s'analyser en une démission.
La décision prud'hommale sera donc infirmée et les demandes indemnitaires de Madame O... rejetées.
Sur la demande de congés payés
En application de l'article L 3141-1 du code du travail, tout salarié du secteur privé a droit chaque année un congé payé à la charge de l'employeur et il appartient à ce dernier de prendre les mesures nécessaires pour permettre à l'intéressé d'en bénéficier. En cas de litige il incombe à l'employeur de prouver qu'il a bien satisfait à ses obligations d'information des salariés sur la période de prise de congés et sur l'ordre des départs.
Le salarié est également dans l'obligation de prendre ses congés et à défaut de le vouloir il ne peut en réclamer indemnisation. De la même manière des congés non pris par le salarié sont perdus lorsque ce dernier a régulièrement été informé par son employeur des obligations lui incombant en matière de congés, qu'il n'a pas été fait obstacle à la prise de congés.
Madame O... sollicite 46 jours de congés payés pour 2016. L'employeur qui produit l'agenda des congés pour Monsieur O... ne justifie pas de la prise de congé de Madame O....
Néanmoins, au regard des dispositions précitées, Madame O... ne peux prétendre qu'aux congés payés afférents à la période du 1er juin 2016 au jour de la rupture du contrat de travail, soit 4,5 jours de congés payés.
Il lui sera alloué la somme de 407,14 euros .
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement ;
Et statuant à nouveau ;
DIT que la prise d'acte de Madame O... s'analyse en une démission ;
CONDAMNE la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES à payer à Madame O... la somme de 407,14 euros au titre des congés payés afférents à la période de congés s'ouvrant à compter du 1er juin 2016 ;
DEBOUTE Madame O... de ses autres demandes ;
Y ajoutant ;
ORDONNE la remise par la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES à Madame O... du bulletin de paye et autre documents sociaux rectifiés conformes au présent arrêt ;
VU l'article 700 du code de procédure civile ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties du surplus des demandes ;
CONDAMNE la PHARMACIE DE LA PORTE DE VINCENNES aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE