Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d'appel de Paris
Pôle 4 - Chambre 1
Arrêt du 08 janvier 2021
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/04060 -Portalis 35L7-V-B7D-B7L4D
Décision déférée à la cour : jugement du 22 janvier 2019 -tribunal de grande instance de Paris - RG 16/04333
APPELANTE
SCI [Adresse 1]
agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Ayant pour avocat plaidant, Me Me Edouard Caupert, avocat au barreau de PARIS, toque : P 0261
INTIMES
Monsieur [M] [A]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[D] [A]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
décédé
Madame [A] [A]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentés par Me Jean-Paul COMBASTET de la SCP COMBASTET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0455
INTERVENANTS
Monsieur [E] [A]
en qualité d'héritier de [D] [A]
[Adresse 6]
[Adresse 4]
Madame [K] [A]
en qualité d'héritière de [D] [A]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Madame [C] [A]
en qualité d'héritière de [D] [A]
intervenante volontaire
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentés par Me Jean-Paul COMBASTET de la SCP COMBASTET ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0455
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Claude Creton, président
Mme Christine Barberot, conseillère
Mme Monique Chaulet, conseillère
Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier
Arrêt :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition.
*****La société civile immobilière du [Adresse 8] (la SCI du [Adresse 8]), qui était propriétaire de l'immeuble situé à [Adresse 8], a été liquidée le 27 janvier 2012. Suite aux opérations de liquidation et partage de l'actif de la société, Mme [A] [A], M. [M] [A] et [D] [A] aujourd'hui décédé, se sont vus attribués un appartement qu'ils ont ensuite vendu par acte du 24 juin 2013 à la société civile [Adresse 1] (la SCI [Adresse 1]).
Ayant constaté à l'occasion de travaux de rénovation de l'appartement que le plancher haut présentait des désordres, la SCI [Adresse 1], après expertise, a assigné les vendeurs sur le fondement de la garantie des vices cachés en paiement de la somme de 87 475,44 euros correspondant au coût de reprise des désordres et, en application de l'article 700 du code de procédure civile, de la somme de 15 000 euros.
Les consorts [A] ont conclu au rejet des demandes et, formant une demande reconventionnelle, ont réclamé la condamnation de la SCI [Adresse 1] à leur payer la somme de 19 787,34 euros correspondant à leur quote-part de l'appel de charges de travaux, la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 22 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la SCI [Adresse 1] de sa demande principale et les consorts [A] de leurs demandes reconventionnelles et rejeté les différentes demandes formées en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Sur la demande de la SCI [Adresse 1], le tribunal a retenu d'une part que les vendeurs ne sont pas des professionnels de l'immobilier et qu'en outre il n'est pas établi qu'ils avaient connaissance des désordres affectant l'appartement au jour de la vente. Il a en conséquence fait application de la clause exclusive de garantie.
Sur la demande reconventionnelle des consorts [A], il a retenu que les travaux réalisés par la SCI [Adresse 1], qui ont permis de révéler les désordres existants, ne sont pas la cause des dommages dont ils font état.
La SCI [Adresse 1] a interjeté appel de ce jugement.
Suite au décès de [D] [A], l'instance a été reprise par ses héritiers, M. [E] [A], Mme [K] [A] et Mme [C] [A].
La SCI [Adresse 1] reproche d'abord au tribunal une violation du principe de la contradiction pour avoir retenu, alors que ces arguments n'avaient pas été soutenus par les consorts [A], que les travaux qu'ils avaient fait réaliser les avaient convaincus qu'il avait été mis fin aux désordres, que ces travaux s'inscrivaient dans le cadre de travaux de rénovation et n'avaient donc pas pour but de dissimuler les désordres litigieux, enfin que M. [M] [A] n'était pas intervenu sur le bien en sa qualité d'architecte naval.
Elle soutient ensuite que les désordres affectant le plancher haut de l'appartement, provoqués par des fuites répétées de la douche de l'appartement du dessus, propriété de M. [O] [A] existaient au jour de la vente et n'étaient pas apparents puisqu'ils avaient été occultés par un habillage en faux-plafond.
Elle ajoute que la société Calonne, avant d'effectuer les travaux commandés par les consorts [A] aux fins de rénovation de la salle de bain de l'appartement du dessus, avait demandé une attestation d'un architecte confirmant la solidité de la structure du plancher et qu'en outre un architecte les avait informés de l'existence d'un risque d'affaiblissement de la structure causé par les infiltrations d'eau, ce qui établit, nonobstant l'absence de réalisation de sondages, la connaissance qu'ils avaient du risque de ce désordre. Elle explique que la connaissance par M. [O] [A] des infiltrations d'eau provenant de la salle de bain de l'appartement qu'il occupait à l'étage supérieur et qui sont à l'origine des désordres affectant le plancher, établit la connaissance par les vendeurs de ces désordres. Elle fait ensuite valoir que cette connaissance résulte encore de l'installation d'un faux plafond quelques mois avant la vente. Elle soutient enfin que les consorts [A] ont la qualité de professionnels (Mme [A] [A] en sa qualité de co-gérante de la SCI du [Adresse 8] qui a pour objet la gestion de tout bien immobilier, spécialement l'immeuble situé [Adresse 8], son administration, sa mise en valeur et son exploitation par bail ; M. [D] [A] en sa qualité d'associé puis de liquidateur de la SCI L'Arsenal qui avait pour objet la location de logements ; M. [M] [A] en sa qualité de co-gérant de la SCI du [Adresse 8], de gérant de la SCI Jemimax et en raison de sa profession d'architecte naval).
La SCI [Adresse 1] évalue comme suit ses préjudices :
- perte de loyers : 41 400 euros
- travaux conservatoires : 17 688,08 euros
- Frais divers :
* surcoût de TVA sur les travaux: 1 503 euros
* frais d'avocats : 7 531,20 euros
* frais d'architectes : 2 772 euros
* charges d'entretien de l'immeuble : 4 497,06 euros
* frais d'électricité : 104,10 euros
* remise en place des réseaux électriques qui ont dû être déposés puis reposés : 1 980 euros
- préjudice causé par la diminution de la hauteur sous plafond : 5 000 euros
- préjudice moral : 5 000 euros.
La SCI [Adresse 1] conclut enfin à l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle des consorts [A].
Les consorts [A] sollicitent le rejet des demandes de la SCI [Adresse 1]. Formant un appel incident, ils demandent à la cour de déclarer recevable leur demande reconventionnelle en remboursement de leur quote-part des charges de travaux de renforcement de la structure suite aux travaux réalisés par la SCI [Adresse 1] dans son appartement. Ils réclament en outre une somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE,
1 - Sur les demandes de la SCI [Adresse 1]
Attendu que les consorts [A] ont reçu l'appartement litigieux, que leur auteur avait apporté à une SCI, dans le cadre de la transmission du patrimoine familial suite aux opérations de liquidation et partage de cette SCI ; qu'ils ont ensuite vendu cet appartement à la SCI [Adresse 1] ; qu'il en résulte que ceux-ci n'ont pas agi en qualité de professionnels de l'immobilier ou de la construction alors qu'en outre il n'est pas justifié qu'ils disposaient de compétences particulières dans ces domaines, ces compétences ne résultant ni des fonctions d'associé, de gérant ou de liquidateur de la SCI du [Adresse 8] ou de gérant d'autres sociétés civiles immobilières, ni de la profession d'architecte naval de M. [M] [A] ;
Attendu, sur la connaissance des désordres par les consorts [A], qu'il convient d'abord de constater que l'expertise judiciaire a établi que ces désordres consistent en une "fragilisation du plancher haut de l'appartement sinistré du fait de l'imprégnation humide des bois d'oeuvre traditionnels tels que poutres chevêtres et autres solives constituant la charpente, ainsi que les plâtres de remplissage" ; qu'il apparaît ainsi que ces désordres, qui n'étaient pas visibles et n'ont été révélés que lorsque la SCI [Adresse 1] a entrepris des travaux dans l'appartement, sont la conséquence d'un long et ancien processus de dégradation provoqué par des infiltrations d'eau provenant de la salle de bains de l'appartement du troisième étage qui a été occupée par M. [O] [A] ; qu'ainsi, l'installation en 2011 d'un faux plafond dans l'appartement litigieux n'établit pas que les consorts [A] cherchaient à masquer les désordres litigieux qui ne pouvaient être constatés qu'en réalisant des sondages destructifs ;
Attendu que si à l'occasion des travaux de rénovation de cette salle de bains, l'entreprise, qui avait constaté une fuite d'eau sous la douche, avait demandé dans son devis la production d'une attestation d'absence de réserves établie par un architecte, il ne peut être déduit de l'absence de production de cette attestation la connaissance par M. [O] [A], de l'existence des désordres litigieux car si celui-ci avait consulté un architecte qui déclare aujourd'hui avoir préconisé verbalement la réalisation de sondages, aucune conséquence ne peut être tirée de cette affirmation qui est en outre postérieure à la découverte des désordres et n'est confirmée par aucun élément, notamment une mise en garde écrite adressée à M. [O] [A] qui seule établirait que celui-ci avait connaissance du risque d'une dégradation grave du plancher ; qu'au surplus, la connaissance de ce risque par M. [O] [A], fût-elle démontrée, n'établit pas que les consorts [A] en avaient été eux-mêmes informés ;
Attendu qu'en conséquence, les consorts [A] sont fondés à opposer à la SCI [Adresse 1] la clause excluant la garantie des vices cachés qui figure dans l'acte de vente ;
2 - Sur les demandes des consorts [A]
- Sur la demande reconventionnelle
Attendu que la demande de la SCI [Adresse 1] contre les consorts [A] est fondée sur la garantie des vices cachés due par ces derniers en qualité de vendeurs de l'appartement litigieux ; que la demande reconventionnelle des consorts [A] est exercée en leurs qualités de copropriétaires, est relative aux travaux effectués par la SCI [Adresse 1] dans l'appartement et est fondée sur une violation du règlement de copropriété ; qu'en l'absence de lien entre ces demandes, la demande des consorts [A] est irrecevable ;
- Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Attendu que l'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol ; qu'en l'espèce, les consorts [A] ne rapportent pas la preuve d'une telle faute ; qu'il convient en conséquence de les débouter de leur demande de dommages-intérêts ;
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement,
Confirme le jugement sauf en ce qu'il déclare recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle des consorts [A] en paiement de la somme de 19 787,34 euros ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare irrecevable cette demande ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les différentes demandes ;
Condamne la société civile [Adresse 1] aux dépens qui pourront être recouvrés directement, pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision, par Maître Combastet conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, Le président,