Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 18 JANVIER 2021
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12793 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGB7
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Mai 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 17/10779
APPELANT
Monsieur [Y] [C]
Domicilié [Adresse 3]
[Localité 5]
né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 4] / MAROC
Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Représenté Me Gilles COHEN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1603
INTIME
MONSIEUR LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE ET DU DÉPARTEMENT DE [Localité 7]
Ayant ses bureaux Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 7]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Novembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stanislas de CHERGÉ, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère
Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller
qui en ont délibéré,
Greffière, lors des débats : Mme Cyrielle BURBAN
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par M. Edouard LOOS, Président et par Mme Cyrielle BURBAN, Greffière à qui la minute de la décision a été remise apr le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Dans le cadre d'une demande d'entraide judiciaire et pénale présentée par les autorités suisses en 2009, le procureur de la République de Nice a fait procéder le 20 janvier 2009 à une perquisition au domicile de M. [G] [W], ancien informaticien de la société HSBC Private Bank.
Sur le fondement des dispositions de l'article L. 101 du LPF et sur instruction de ce magistrat, les services de gendarmerie chargés de 1'enquête préliminaire ont remis aux services de la direction générale des finances publiques, selon procès-verbaux des 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010, des fichiers informatiques. Leur exploitation a permis de faire ressortir une liste de clients de la banque HSBC Private Bank, dont M. [Y] [C], né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 4], titulaire de trois comptes bancaires depuis novembre 2005 et identifiés par l'intermédiaire d'une structure «Grand Privilège International Limited '', pour un montant de 11 327 810 dollars américains, et par le profil client « 31 338 [U] » pour un montant de 33 157 dollars américains.
Ces comptes n`ont pas fait l'objet d'une déclaration conformément aux dispositions de l'article 1649 A du CGI.
L'administration fiscale a adressé à M. [Y] [C] les 22 janvier et 12 février 2015 une demande d'information et de justification sur l'origine et les modalités d'acquisition de ces avoirs, dans un délai de 60 jours tel que prévu à l'article L.23 C du LPF. Le 18 mars 2015, le conseil de M. [Y] [C] contestait que son client ne se soit jamais rendu en Suisse, et affirmait que celui-ci n'y avait jamais ouvert de compte.
L'administration fiscale a adressé une mise en demeure à M. [Y] [C] les 22 juin et 17 juillet 2015, ce à quoi M. [Y] [C] a répondu le 21 juillet 2015 en réitérant ses dénégations.
Prenant acte de l'absence d'information et de justification, l'administration fiscale a adressé à M. [Y] [C] le 21 janvier 2016 une proposition de rectification en application des dispositions des articles 755 du CGI et L.23 C du LPF. Selon la procédure prévue à l'article L.71 du LPF, elle a taxé d'office l'intéressé aux droits de mutation à titre gratuit au titre de ces avoirs, calculant la valeur des avoirs la plus élevée de novembre 2005 à février 2007, soit la somme de 8 574 472,50 euros pour le profil « Grand Privilege Intemational Limited » et celle de 25 098,28 euros pour le profil client « 31338 [U] ». L'administration fiscale joignait à cette proposition des pièces issues de la procédure d'enquête pour fraude fiscale suivie par le parquet du tribunal de grande instance de Créteil.
M. [Y] [C] n'a adressé aucune réponse.
L'administration fiscale a émis un avis de mise en recouvrement le 27 mai 2016 pour la somme totale de 5 159 742 euros en rappels de droits.
M. [Y] [C] a contesté les rappels mis à sa charge par courrier du 13 juillet 2016.
En l'absence de réponse, par acte d'huissier en date du 19 juillet 2017 M. [Y] [C] a assigné en décharge le directeur de la direction nationale de vérification des situations individuelles devant le tribunal de grande instance de Paris.
Par jugement du 24 mai 2019, le tribunal de grande instance de Paris a :
- rejeté l'ensemble des demandes de M. [Y] [C] ;
- condamné M. [Y] [C] aux dépens ;
- rappelé que le jugement est exécutoire par provision.
Par déclaration du 24 juin 2019, M. [Y] [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions signifiées le 27 octobre 2020, M. [Y] [C] demande à la cour de :
Vu les articles 755 du CGI, L.10-0-AA, L.23C, L.71, L.76B, L.101 du LPF, 700 du code de procédure civile,
- déclarer M. [Y] [C] recevable et bien fondé en son appel du jugement rendu le 24 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Paris,
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Et statuant à nouveau,
- prononcer la décharge totale de l'imposition litigieuse ayant fait l'objet de l'avis de mise en recouvrement n° 160501019 du 27 mai 2016, motifs pris de ce que :
- la procédure d'imposition est irrégulière : pour défaut de communication par l'Administration, en dépit de la demande de l'appelant, d'une copie des documents obtenus auprès de tiers ; communication irrégulière des pièces à l'Administration par l'autorité judiciaire ; manquement de l'Administration au principe de loyauté de la preuve ;
- la procédure de recouvrement est irrégulière : pour absence de mention de l'indication exacte de la nature de l'imposition réclamée dans l'avis de mise en recouvrement du 27 mai 2016 ; pour cause de confusion en mentionnant que les droits relèvent d'une "donation" alors que ce n'est pas le cas ;
- l'imposition n'est pas fondée : pour méconnaissance par l'Administration du droit du contribuable à ne pas procéder à sa propre incrimination ; pour absence des conditions nécessaires à l'application des articles L.23 C du LPF et 755 du CGI.
En conséquence,
- annuler dans sa totalité l'avis de mise en recouvrement n°160501019 de 5.179.742 euros en date du 27 mai 2016.
- condamner l'Administration des Impôts à verser à M. [Y] [C] la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner l'Administration des Impôts aux dépens tant de première instance que d'appel en application de l'article R*207-1 du LPF dont distraction au profit de Me Bruno Regnier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions signifiées le 8 octobre 2020, M. Le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de [Localité 7] demande à la cour de :
- déclarer M. [Y] [C] mal fondé en son appel ;
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 24 mai 2019 ;
- débouter M. [Y] [C] de ses demandes ;
- condamner M. [Y] [C] à tous les dépens de première instance et d'appel et dire qu'en toute hypothèse les frais de constitution d'avocat resteront à sa charge.
SUR CE, LA COUR,
Sur la régularité de la procédure d'imposition et de recouvrement
M. [Y] [C] fait valoir que la procédure d'imposition est irrégulière sur le fondement de l'article L. 76 B du LPF parce qu'elle est affectée d'un vice substantiel, l'administration ne lui ayant pas communiqué l'ensemble des pièces sur lesquelles elle s'est fondée pour la proposition de rectification du 21 janvier 2016, alors qu'une demande expresse et explicite lui en a été faite le 18 mars 2015. Sur le fondement des articles L.101, L.135 et L.10-0-AA du LPF, les conditions de la communication des preuves qui ont une origine illicite sont irrégulières et l'administration a violé son devoir de loyauté. La procédure de recouvrement est irrégulière sur le fondement de l'article R*256-1 du LPF, car l'avis de recouvrement du 27 mai 2016 mentionne « Droits d'enregistrement ' Donations », alors que la proposition de rectification du 21 janvier 2016 mentionne que les avoirs sont réputés constituer « un patrimoine acquis à titre gratuit » assujetti « aux droits de mutation à titre gratuit ». L'avis de mise en recouvrement aurait dû préciser un droit de mutation à titre gratuit, c'est-à-dire la nature des impositions réclamées tel que l'exige la Cour de cassation.
L'administration fiscale fait valoir, sur le fondement de l'article L. 76 B du LPF, que la demande d'information formulée le 18 mars 2015 faisait suite à la demande d'informations et de justifications du 22 janvier 2015 et non pas à la proposition de rectification du 21 janvier 2016. Il y a pas été répondu dans la mesure où toutes les pièces dont il est fait état dans la demande d'informations et de justifications ont été communiquées à l'appui de la proposition de rectification. L'administration ne s'est pas fondée uniquement sur les fichiers informatiques provenant de la banque HSBC pour asseoir ses rehaussements et ces données ont été régulièrement communiquées par les autorités judiciaires dans l'exercice de son droit de communication. Leur intégrité a été définitivement validée par le juge pénal. Sur le fondement des articles L. 256 et R*256-1 du LPF, l'avis de mise en recouvrement demandant le paiement de « droits d'enregistrement » au titre desquels figurent les droits de mutation à titre gratuit, n'avait pas à figurer sur le l'avis de mise en recouvrement faisant suite à une procédure de rectification.
Ceci étant exposé,
A/ Sur la procédure d'imposition et la demande de communication de pièces
M. [Y] [C] a formulé le 18 mars 2015 une demande de communication de pièces sur lesquelles l'administration fiscale entendait s'appuyer. Mais M. [Y] [C] ne justifie ni d'un retard, ni d'une production de documents qui serait partielle de la part de l'administration fiscale.
En effet, M. [Y] [C], qui n'établit pas de distinction entre les stades de la procédure poursuivie à son encontre, n'a pas renouvelé sa demande de communication de pièces. Il a également entériné leur absence de production avant le 21 janvier 2016, puisqu'il reconnaît dans ses écrits (page 6) que l'administration fiscale « ne pouvait s'exonérer de communiquer les documents postérieurement au 21 janvier 2016 ».
En outre, M. [Y] [C] s'est lui-même refusé à fournir une explication sur l'identification de son profil client, malgré les demandes de l'administration fiscale formulées les 22 janvier et 12 février 2015, 22 juin et 17 juillet 2015 et la proposition de rectification du 21 janvier 2016. De ce point de vue, la Cour de cassation (19 décembre 2019, 19-15296) a rappelé que le contribuable, au cours de la procédure fiscale, « en justifiant de l'origine des avoirs détenus sur ses comptes bancaires étrangers combat la présomption simple de l'origine des fonds retenue par l'administration fiscale. »
En n'adressant aucune réponse à la proposition de rectification du 21 janvier 2016, M. [Y] [C] a renoncé de lui-même à la possibilité de contester contradictoirement les éléments adressés. Il peut être considéré comme ayant été pourvu des éléments nécessaires à sa propre information, n'ayant formulé aucune demande de complétude. Il ne peut de ce fait invoquer sa propre turpitude, plus de quatre années après, pour alléguer le fait que « toutes les pièces utilisées par l'administration fiscale » ne lui auraient pas été soumises.
Par ailleurs, contrairement aux allégations de M. [Y] [C], les pièces sur lesquelles était fondée la procédure d'imposition ont été jointes à la proposition de rectification du 21 janvier 2016, soit les procès-verbaux des 2 septembre 2009, 12 janvier 2010, 10 janvier, 20 janvier, 18 février 2011 et 13 février 2013. Dans la mesure où chaque courrier adressé à M. [Y] [C] en recommandé par l'administration fiscale a été retourné « pli avisé non réclamé », il n'existe de ce point de vue aucune ambiguïté.
Les procès-verbaux des 02 septembre 2009 et 12 janvier 2010, établis par les services de gendarmerie, font état de fichiers « DB » sur support CD-R et de fichiers historiques de 65 giga-octets pour certains. Ils font foi à preuve du contraire, d'autant qu'ils ont permis à la direction nationale d'enquêtes fiscales d'en extraire un système gérant les données personnelles des clients, un système de gestion des informations bancaires et un fichier des comptes-rendus d'échanges avec la clientèle.
Le travail de rapprochement, via un code « Business Unit Partner » (BUP), dont il n'est pas perçu qu'il soit utile de le verser aux débats, au cas d'espèce, a permis l'identification de justiciables comme M. [Y] [C], ce que relatent avec précision les procès-verbaux des 10 janvier, 20 janvier et 18 février 2011 et 13 février 2013 de la brigade nationale de répression de la délinquance fiscale. Ainsi, le procès-verbal n° 10 00089/12 du 20 janvier 2011, établi par Mme [M], gardien de la paix, détermine que le numéro d'identité présent sur le système correspond au passeport de M. [Y] [C]. Celui du 18 février 2011 détermine la propriété des lignes téléphoniques. Le procès-verbal du 13 janvier 2013 décrit avec précision le processus de mise en place d'une structure off-shore dans les Iles Vierges britanniques afin d'éviter à M. [Y] [C] une retenue à la source à compter du 1er juillet 2005. Enfin, un profil client « 21408 ASJA » ouvert en 1995 a été clôturé en 2005.
En définitive, trois comptes bancaires non déclarés ont été identifiés. Leur existence a été soumise à la contradiction au cours de la procédure. Constituant ses propres preuves ('l'administration affirme une contre-vérité'), M. [Y] [C] n'est pas en mesure de répliquer au contenu précis des différents procès-verbaux, ni de justifier du grief qui serait lié à l'absence de production d'une 'extraction BUP', par nature moins précise.
M. [Y] [C] en est malfondé à invoquer un défaut de communication de pièces.
Le moyen sera rejeté.
B/ Sur l'origine des pièces alléguées comme étant illicites
M. [Y] [C] fait valoir que les conditions de la communication des preuves sont irrégulières.
Mais, d'une part, une enquête judiciaire a été ouverte le 20 janvier 2009 sur commission rogatoire internationale. Les données saisies par l'autorité judiciaire à cette occasion ont été communiquées à l'administration fiscale en application des dispositions de l'article L101 du LPF, dans sa version applicable jusqu'au 8 décembre 2013, selon laquelle « l'autorité judiciaire doit communiquer à l'administration des finances toute indication qu'elle peut recueillir, de nature à faire présumer une fraude commise en matière fiscale ou une manoeuvre quelconque ayant eu pour objet ou ayant eu pour résultat de frauder ou de compromettre un impôt. »
Dans ce cadre, la plainte déposée par l'administration fiscale le 25 janvier 2011, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales, à l'encontre des époux [C] est justifiée par les éléments faisant apparaître une soustraction délibérée, sur une période significative, au paiement de l'impôt, par M. et Mme [C], bénéficiaires de comptes bancaires à la société HSBC Private bank pour un montant de 11.327.810 dollars américains et d'un compte lié à un profil client pour un montant de 33.157 dollars américains.
D'autre part, le recours au droit de communication exercé par l'administration fiscale, sur autorisation préalable du procureur de la République de Marseille, respecte les dispositions de l'article L101 du LPF. Il concerne indifféremment les affaires ayant donné lieu à un jugement ou en cours d'instruction et s'entend des pièces versées au dossier, que celles-ci aient été ou non invoquées par un plaideur, retenues ou non par le juge, visées ou non dans le jugement, et peut être utilisé à tout moment, sans attendre l'achèvement de la procédure. De plus, selon les dispositions de l'article L82 C du LPF, le droit de communication est « destiné à favoriser la recherche de renseignements utiles au contrôle fiscal, autorisant les magistrats du parquet à communiquer à l'administration fiscale des dossiers en instance et peut s'appliquer soit spontanément, soit sur demande préalable de l'administration fiscale, sans formalisme particulier ».
Par ailleurs, M. [Y] [C] se réfère à des éléments qui seraient confirmés par un ouvrage paru en librairie en 2015. Mais le Conseil Constitutionnel a clairement relevé dans sa décision n° 2013-679 du 4 décembre 2013 « qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, l'exercice des libertés constitutionnellement garanties, au nombre desquelles figurent le droit au respect de la vie privée qui découle de l'article 2 de la Déclaration de 1789 et les droits de la défense, et, d'autre part, la prévention des atteintes à l'ordre public et la lutte contre la fraude fiscale qui constituent des objectifs de valeur constitutionnelle ; que les documents, pièces ou informations portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, dans le cadre des procédures de contrôle, ne peuvent être écartés au seul motif de leur origine et doivent avoir été régulièrement portés à la connaissance des administrations fiscale ou douanière, soit dans le cadre du droit de communication prévu, selon le cas, par le livre des procédures fiscales ou le code des douanes, soit en application des droits de communication prévus par d'autres textes, soit en application des dispositions relatives à l'assistance administrative par les autorités compétentes des États étrangers ; que ces dispositions ne sauraient, sans porter atteinte aux exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, permettre aux services fiscaux et douaniers de se prévaloir de pièces ou documents obtenus par une autorité administrative ou judiciaire dans des conditions déclarées ultérieurement illégales par le juge ».
De fait, les données informatiques, dont des extraits ont été transmis à l'appui des propositions de rectification, ont été obtenues par la perquisition légalement effectuée au domicile de M. [W], ancien informaticien de la filiale suisse de la banque HSBC, le 20 janvier 2009 à [Localité 6] dans le cadre de l'exécution d'une commission rogatoire internationale, à l'initiative des autorités judiciaires helvétiques, par le procureur de la République de Nice. Ces données ont fait l'objet d'une communication régulière à l'administration fiscale les 2 septembre 2009 et 12 janvier 2010, conformément aux dispositions des articles L101 et L135 du livre des procédures fiscales.
En ce qui concerne les éléments de preuve, alors qu'il lui incombe de respecter le principe de loyauté des débats, M. [Y] [C] omet de produire la décision de la présente cour en date du 17 octobre 2017, confirmant un précédent jugement du 04 mai 2015, le condamnant, lui et son épouse, Mme [T] [R], à une peine d'emprisonnement de 18 mois avec sursis et au paiement d'une amende délictuelle de 150 000 euros pour des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation et de fraude fiscale, commis du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009 à [Localité 5].
Il n'est ainsi pas établi par M. [Y] [C] que l'administration fiscale aurait confectionné les pièces litigieuses ni participé directement ou indirectement à leur production, le rapprochement et le décryptage des données informatiques ne pouvant s'analyser comme une confection d'éléments de preuve par une autorité publique. N'ayant fait l'objet d'aucune décision ultérieure d'une autorité judiciaire qui leur serait contraire, ces données ne peuvent constituer des preuves illicites.
Il en résulte que la proposition de rectification de l'administration fiscale est fondée sur les documents transmis par l'autorité judiciaire et provenant d'une perquisition régulièrement effectuée.
Le moyen sera rejeté.
C/ Sur la régularité de l'avis de mise en recouvrement du 27 mai 2016
M. [Y] [C] relève l'existence d'une mention « droits d'enregistrement ' donations » au lieu d'un intitulé « droits de mutation à titre gratuit » pour en déduire que l'avis de mise en recouvrement serait irrégulier et que la créance fiscale devrait être annulée.
Mais M. [Y] [C] conteste une simple mention formelle figurant sur l'avis de mise en recouvrement du 27 mai 2016. Ce grief n'a en tout état de cause pas été soulevé devant les premiers juges.
M. [Y] [C] argue que la nature de l'imposition « n'est pas indiquée ». Mais il reconnaît néanmoins que l'information mentionnée sur le document a un caractère « vague » puis que les droits de mutation à titre gratuit sont effectivement des droits d'enregistrement (page 15). S'il invoque la confusion, il ne peut prétendre ignorer l'indication exacte des droits réclamés depuis les demandes d'information et de justification des 22 janvier et 12 février 2015, 22 juin et 17 juillet 2015 et la proposition de rectification du 21 janvier 2016.
M. [Y] [C] échoue à démontrer l'existence d'une irrégularité qui serait liée à un défaut affectant une mention formelle au caractère général.
Sur le bien-fondé de l'imposition
M. [Y] [C] fait valoir que l'imposition n'est pas fondée, d'une part, sur le fondement de l'article 6 de la CEDH et des droits de la défense et la présomption d'innocence, du fait que l'administration ne pouvait pas l'inciter à fournir des informations ou des pièces de nature à l'incriminer et, d'autre part, sur le fondement des articles L. 23 C du LPF et 755 du CGI, parce que la preuve que les comptes en Suisse lui appartenaient n'est pas rapportée de manière irréfutable.
L'administration fiscale fait valoir, sur le fondement de l'article 6 de la CEDH et de la jurisprudence, que cet article n'est pas applicable en matière fiscale et que le dispositif prévu aux articles L.23C et L.71 du LPF et 755 du CGI ne conduit pas à violer le principe de non auto-incrimination mais permet l'établissement d'une présomption irréfragable, après que le contribuable ait eu l'occasion de sa situation. Les conditions d'application des articles L.23C du LPF et 755 du CGI sont réunies dans la mesure où M. [Y] [C], contrairement à ce qu'il a déclaré au titre de l'article 1649 A du CGI, était titulaire de droits sur des comptes bancaires suisses par l'intermédiaire de structures interposées. Par son défaut de réponse, la procédure de taxation d'office était régulièrement mise en 'uvre.
Ceci étant exposé,
Il convient de rappeler que les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article 1649 A du CGI établissent l'obligation déclarative des comptes ouverts ou clos à l'étranger par les personnes physiques et certaines personnes morales, domiciliées ou établies en France, ainsi que les sanctions applicables en cas de défaut de déclaration.
M. [Y] [C] a omis de déclarer l'encours de trois comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque HSBC Private Bank, par l'intermédiaire d'une structure «Grand Privilège International Limited '' depuis novembre 2005 pour un montant de 11.327.810 dollars américains et par un profil client « 31 338 [U] » pour un montant de 33.157 dollars américains en décembre 2007.
M. [Y] [C], omettant à nouveau le fait qu'il a été condamné de façon définitive pour des faits de soustraction frauduleuse à l'établissement ou au paiement de l'impôt par dissimulation, et de fraude fiscale, poursuit ses dénégations en ce qui concerne l'existence de ses avoirs auprès de la banque HSBC Private Bank. Il n'a pas répondu aux demandes d'information régulièrement adressées, ni produit une lettre de l'établissement bancaire qui confirmerait ses allégations, ce qui ne l'exonère pas de devoir assumer ses responsabilités en tant que contribuable dans un Etat de droit.
L'administration fiscale est ainsi fondée à appliquer les dispositions de l'article L. 23 C du LPF selon lequel : « lorsque l'obligation prévue au deuxième alinéa de l'article 1649 A ou à l'article 1649 AA du code général des impôts n'a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l'administration peut demander, indépendamment d'une procédure d'examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l'origine et les modalités d'acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie.Lorsque la personne a répondu de façon insuffisante aux demandes d'informations ou de justifications, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours, en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ».
Par ailleurs, l'article L. 71 du LPF dispose que « en l'absence de réponse ou à défaut de réponse suffisante aux demandes d'informations ou de justifications prévues à l'article L. 23 C dans les délais prévus au même article, la personne est taxée d'office dans les conditions prévues à l'article 755 du code général des impôts. La décision de mettre en 'uvre cette taxation d'office est prise par un agent de catégorie A détenant au moins un grade fixé par décret en Conseil d'Etat, qui vise à cet effet la notification prévue à l'article L. 76 ».
Enfin, l'article 755 du CGI confirme que « les avoirs figurant sur un compte ou un contrat d'assurance-vie étranger et dont l'origine et les modalités d'acquisition n'ont pas été justifiées dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales sont réputés constituer, jusqu'à preuve contraire, un patrimoine acquis à titre gratuit assujetti, à la date d'expiration des délais prévus au même article L. 23 C, aux droits de mutation à titre gratuit au taux le plus élevé mentionné au tableau III de l'article 777. Ces droits sont calculés sur la valeur la plus élevée connue de l'administration des avoirs figurant sur le compte ou le contrat d'assurance-vie au cours des dix années précédant l'envoi de la demande d'informations ou de justifications prévue à l'article L. 23 C du livre des procédures fiscales, diminuée de la valeur des avoirs dont l'origine et les modalités d'acquisition ont été justifiées ».
De ce point de vue, le Conseil Constitutionnel a rappelé dans ses décisions n°2016-545 QPC du 24 juin 2016 et n°2018-745 QPC du 23 novembre 2018 les dispositions de l'article 13 de la Déclaration de 1789 et l'objectif de valeur constitutionnelle de lutte contre la fraude, visant à préserver les intérêts financiers de l'État et le bon fonctionnement du système fiscal qui repose sur la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites par les contribuables.
Enfin, la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, a également confirmé le 19 décembre 2019 (19-15296) que 'dans l'hypothèse où un contribuable n'a pas répondu aux demandes d'information de l'administration fiscale quant à l'origine d'avoirs figurant sur un compte étranger , ces avoirs sont réputés constituer un patrimoine acquis à titre gratuit et, comme tels, taxés au taux de droit commun le plus élevé du barème des droits de mutation à titre gratuit fixé par l'article 777 du code général des impôts'.
C'est donc à juste titre que les premiers juges ont débouté M. [Y] [C] de ses demandes.
Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré ;
REJETTE toute autre demande ;
CONDAMNE M. [Y] [C] aux entiers dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT
C. BURBAN E. LOOS