Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 6
ARRET DU 19 JANVIER 2021
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/10438 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCDW6
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 03 Juillet 2020 -Juge des enfants de MEAUX - RG no C17/0012
APPELANTE
Madame B... O... (demie soeur)
Elisant domicile chez Me Jean-Charles NEGREVERGNE
[...]
[...]
comparante en personne, assistée de Me Morgane LAMBRET substitué Me Lucie DESENLIS de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX
INTIMES
Monsieur J... I...
[...]
[...]
non comparant
Monsieur LE PRESIDENT DU CONSEIL DEPARTEMENTAL DE SEINE ET MARNE
direction de l'enfance - service inspection de l'ASE
[...]
[...]
non représenté
Madame V... H...
[...]
[...]
non comparante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2020, en chambre du conseil, devant la Cour composée de :
Madame Marie-Pierre HOURCADE, Présidente de chambre chargée d'instruire l'affaire.
Madame Claire ESTEVENET, Conseillère.
Madame Anne LATAILLADE, Conseillère.
magistrats délégués à la protection de l'enfance, qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Jocelyne RAKOTONDRASOA
Ministère Public : l'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a apposé son visa au dossier le 25 novembre 2020.
ARRET :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Marie-Pierre HOURCADE, Présidente de chambre et par Livia SEYMOUR, Greffière présente lors de la mise à disposition.
DÉCISION :
Prise après en avoir délibéré conformément à la loi.
La cour est saisie de l'appel régulièrement interjeté par madame O... contre une ordonnance rendue le 3 juillet 2020 par le juge des enfants de Meaux, qui l'a déboutée de sa demande de droit de visite au profit d'Q... I....
Rappel de la situation:
Madame V... H... et monsieur J... I... ont un fils Q... I... né le [...] . Madame H... a deux enfants d'une précédente union, L... et S... Y... H... qui ont été confiés à l'ASE pour les protéger des violences dont ils avaient été victimes de la part de monsieur I....
Le 10 janvier 2017, Q... était confié à l'ASE à l'âge de 7 mois, après avoir été exposé aux violences commises par son père sur sa mère et ses frère et soeur plus âgés, à un climat insécurisant et anxiogène et à des ruptures de liens avec sa mère( allers retours de la mère au domicile en ayant laissé Q... avec le père, en pleine crise de violence). Le placement était renouvelé jusqu'à ce jour.
Le 18 novembre 2019, les droits de madame H... étaient réduits à une visite en présence d'un tiers au moins une fois par mois, dans la mesure où elle avait repris la vie commune avec monsieur I... .
Le 19 mars 2020, le juge des enfants suspendait les droits de visite de monsieur I... au motif qu'il ne les exerçait pas et qu'il avait été placé sous contrôle judiciaire pour menaces de mort sur madame H... avec interdiction d'entrer en contact avec cette dernière et interdiction de paraitre au domicile.
Q..., d'abord accueilli en double famille d'accueil avec de nombreux suivis ( en psychothérapie, psychomotricité, halte garderie), a été admis au foyer de l'enfance de [...] début mars 2020.
Le rapport éducatif du foyer de l'enfance du 7 avril 2020 décrivait un enfant toujours très agité, paraissant dans une colère permanente, pouvant se montrer très agressif et violent tant à l'encontre du personnel encadrant que des autres enfants. Il nécessitait une vigilance de chaque instant. Il était indiqué que même lorsqu'il se trouvait dans un demi sommeil, il pouvait crier " putain, putain putain" et se réveiller en colère. Il bénéficiait d'un traitement médical prescrit par la pédopsychiatre du CMP de Coulommiers qui lui permettait de s'apaiser.
Par courrier du 22 juin 2020, madame B... O... demi soeur d'Q... et fille de monsieur I... sollicitait un droit de visite en présence d'un tiers. Elle expliquait que son père était incarcéré pour plusieurs mois et qu'il souhaitait qu'elle accueille son frère pour maintenir le lien avec la famille paternelle. Elle disait avoir été en contact avec Q... à quelques reprises lorsqu'il avait un an et que son père bénéficiait de sorties libres.
L'ASE donnait un avis défavorable à la demande dans la mesure où madame O... n'avait pas rencontré ni été en contact avec Q... depuis 2 ans, que la mère s'opposait à la demande de cette demie soeur qui n'aurait rencontré Q... qu'une seule fois à sa naissance et qu'Q... présentait un réel mal être et des problèmes de comportement. Selon ses thérapeutes, il n'était pas opportun d'induire de nouvelles relations alors qu'était privilégié un travail de construction du lien avec la mère à partir des visites médiatisées dont elle bénéficiait. Il était indiqué que l'introduction d'un nouvel enjeu relationnel dans la vie de l'enfant pourrait accentuer l'instabilité affective encore très présente de l'enfant et que la rencontre avec un membre de la famille, qui plus est paternelle, pouvait produire une recrudescence de mouvements d'angoisse et par là d'agressivité de la part d'Q....
Une dernière note de l'ASE du 17 septembre 2020 retracait les difficultés de prise en charge de cet enfant de 4 ans qui, manifestement traumatisé par les violences auxquelles il avait assisté les premiers mois de sa vie, avait les plus grandes difficultés à trouver des moments d'apaisement, malgré un traitement médicamenteux qui avait dû être réajusté par le pédo psychiatre. Après plusieurs accueils en famille auxquels il avait dû être mis fin en raison de l'épuisement des professionnels, sa prise en charge au sein du foyer de l'enfance permettait de limiter ses angoisses et ses crises de colère. Son mal être et son agitation ne permettaient pas toutefois une scolarité en maternelle, même avec des horaires aménagés. Il avait dû être mis fin à une scolarité en petite section de maternelle en raison des crises de colère de l'enfant et de son agressivité. Les professionnels envisageaient une prise en charge en hôpital de jour.
Les visites de sa mère qui reprenait confiance en elle et se reconstruisait peu à peu après le traumatisme lié aux violences qu'elle avait subies de la part de monsieur I..., étaient positives. Elles avaient lieu une fois par mois durant une heure. Il était proposé une extension de ses droits, Q... ayant plaisir à voir sa mère et ses frère et soeur quand ils accompagnaient madame H....
Les visites de son père se déroulaient dans les cris et la violence avant d'être suspendues. Monsieur I... se présentait toujours très excité, dans la revendication, menaçant à l'encontre des professionnels, n'acceptant aucun conseil. Une plainte avait été déposé à son encontre. Il a été condamné en comparution immédiate à 18 mois d'emprisonnement dont 4 avec sursis et placé en détention pour d'autres faits de violences.
A l'audience de la cour :
Madame O..., assistée de son conseil, demande un droit de visite médiatisée au moins une fois par mois. Elle explique avoir vu son demi frère il y a deux ans et souhaite reprendre contact avec lui et être un repère pour cet enfant. Elle déclare avoir peu de contact avec son père, pour préserver sa propre famille puisqu'elle est mère de trois enfants. Elle a une vie stable, elle travaille comme conseillère en banque. Elle souhaitait être entendue car la première décision a été prise durant la période de confinement.
Son avocate explique que l'ASE ne l'a jamais rencontrée, et a prêté à son père des intentions qu'elle ne connaissait pas.
Elle découvre à l'audience de la cour les difficultés de Q... qui remarque t'elle est en relation avec ses frère et soeur du côté maternel. Elle a essayé de téléphoner à l'ASE pour prendre des nouvelles de son frère mais elle a essuyé un refus.
Madame H... est absente.
Monsieur I... est absent.
Le Président du conseil départemental de Seine et Marne est absent.
Le Parquet général a apposé son visa au dossier le 25 novembre 2020.
SUR CE,
LA COUR,
Au vu des pièces du dossier telles que rapportées ci-dessus et débattues contradictoirement, c'est à juste titre et par des motifs pertinents et circonstanciés que la cour adopte, que le premier juge a pris la décision déférée.
En effet, Q..., âgé aujourd'hui de 4 ans et demi a été confronté dès son plus jeune âge à des violences intrafamiliales qui ont des répercussions très importantes sur son équilibre psychique. Il justifie une prise en charge éducative et médicale lourde et complexe. Selon ses thérapeutes, il n'est pas opportun d'instaurer de nouvelles relations dans la vie de cet enfant alors qu'est privilégié un travail de construction du lien avec sa mère qui bénéficie à ce jour d'un droit de visite médiatisé réduit à une heure par mois.
Pour la protection de cet enfant, la décision est donc confirmée.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Statuant en chambre du conseil et par arrêt contradictoire,
Reçoit l'appel de madame O..., le déclare recevable,
Confirme la décision du 3 juillet 2020 dans toutes ses dispositions,
Ordonne le retour du dossier au juge des enfants de Meaux,
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
LA PRESIDENTE LA GREFFIERE