RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRÊT DU 21 JANVIER 2021
(n° 2021/ , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 16/11672 - N° Portalis 35L7-V-B7A-BZTSK
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Juillet 2016 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° 15/00202
APPELANTE
Madame [J] [M]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 5] (Maroc)
Représentée par Me Bruno ANCEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C2216
INTIMEE
SARL ARKOTEL GARGES prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège sis
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Novembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
Le 30 novembre 1998, M. [U] [M] et Mme [J] [M] ainsi que la société Pyramides dont M. [M] était gérant, ont conclu avec la société Arkotel Garges un contrat de gérance-mandat afin de gérer un hôtel 'Akena' situé à [Adresse 4].
Par lettre du 17 mai 2006, M. et Mme [M] ont indiqué à la société Arkotel Garges qu'ils considéraient avoir été employés dans le cadre de contrats de travail et ont précisé qu'ils ne pouvaient que 'constater qu'ils étaient bénéficiaires d'un contrat de travail et (constataient) que (la société n'avait) pas accompli (ses) obligations contractuelles d'employeur pour en déduire qu'en raison de (ses) défaillances dans l'accomplissement desdites obligations contractuelles leur contrat de travail est rompu de (son) fait'.
Soutenant avoir été employée par la société Arkotel Garges en qualité de salariée, Mme [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement en date du 7 juillet 2016 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties l'a :
- déboutée de ses demandes,
- condamnée à verser à la société les sommes de :
* 500 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile,
* 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre le paiement des dépens.
Mme [M] a régulièrement relevé appel de ce jugement le 20 septembre 2016.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 janvier 2018 et l'affaire a été examinée au fond à l'audience de la cour du 8 novembre 2018.
La cour a constaté au cours de son délibéré que des pièces inscrites au bordereau des pièces communiquées annexé aux conclusions de Mme [M] ne figuraient pas à son dossier de plaidoirie et que les pièces déposées n'étaient pas numérotées conformément à ce bordereau. Elle a demandé par message RPVA du 9 janvier 2019 au conseil de Mme [M] de produire les pièces manquantes et de régulariser un bordereau conforme. Par message RPVA du 16 janvier 2019, le conseil de Mme [M] lui a répondu ne pas disposer des pièces et il n'a pas régularisé le bordereau. Par arrêt avant dire droit du 7 février 2019, la cour a rabattu l'ordonnance de clôture, ordonné la réouverture des débats et a renvoyé l'affaire à la mise en état.
L'affaire a été fixée au 11 juin 2020 et la clôture au 23 avril 2020.
Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire, par application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, il a été proposé aux parties que la procédure se déroule selon la procédure sans audience.
Cette procédure ayant été refusée, l'ordonnnance de clôture est intervenue le 21 octobre 2020 et l'audience fixée au 12 novembre 2020.
Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 14 mars 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [M] soutient notamment qu'elle avait la qualité de salariée et que le contrat de gérance mandat doit être requalifié en un contrat de travail. En conséquence, elle demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- condamner la société à lui payer les sommes suivantes :
* 204 175 euros au titre du salaire principal ;
* 256 093,60 euros outre celle de 25 609,36 euros au titre des congés payés afférents ;
* 300 000 euros à titre de dommages intérêts pour impossibilité de prendre ses repos compensateurs ;
* 300 000 euros à titre de dommages intérêts pour dépassement systématique et important du plafond des heures supplémentaires ;
* 7 671,13 euros à titre de dommages intérêts pour impossibilité de prendre sa sixième semaine de congés payés ;
* 23 013,40 euros au titre du préavis outre celle de 2 301,34 euros au titre des congés payés sur préavis ;
* 5 753,35 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
* 7 671,13 euros à titre de dommages intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement ;
* 100 000 euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive du contrat de travail ;
- dire et juger que la société devra procéder à toutes les régularisations nécessaires auprès des caisses de retraites tant en ce qui concerne la retraite de la sécurité sociale qu'en ce qui concerne la caisse complémentaire ;
- dire et juger que la société devra justifier avoir accompli ces régularisations dans le mois de la notification de la décision à intervenir, et ce, sous astreinte de 800 euros par jour de retard, le Conseil se réservant la liquidation de ladite astreinte ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision, nonobstant toutes voies de recours ;
- condamner en outre la société à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société aux entiers dépens.
Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 17 avril 2020 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société soutient que Mme [M] n'avait pas la qualité de salariée et que le contrat de gérance-mandat ne doit pas être requalifié en une contrat de travail. En conséquence, elle demande à la cour de confirmer le jugement et de :
- dire et juger que les demandes de Mme [M] sont prescrites et en tout état de cause qu'elle est non fondée en l'intégralité de ses demandes ;
- en conséquence l'en débouter ;
- subsidiairement, ramener toute condamnation éventuelle à de plus justes proportions ;
- condamner Mme [M] à lui verser les sommes suivantes :
* 5 000 euros à titre de procédure abusive sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile,
* 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
outre le paiement des entiers dépens.
MOTIVATION
Sur la prescription
La cour constate que les premiers juges n'ont pas statué sur cette demande.
La société Arkotel Garges soutient que l'action de Mme [M] est prescrite en ce qu'elle disposait d'un délai de 5 ans à compter de la date de rupture qu'elle fixe au 17 mai 2006 pour engager son action de sorte qu'ayant saisi le conseil de prud'hommes le 2 avril 2013, son action est prescrite.
Mme [M] fait valoir que son action afférente à la reconnaissance d'un contrat de travail et à sa rupture n'est pas prescrite dans la mesure où avant la loi du 17 juin 2008 qui a fixé le délai de prescription à 5 ans, la prescription concernant son action était de 30 ans et qu'elle disposait à compter du 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de cette loi, d'un délai de 5 ans expirant le 17 juin 2013.
Avant la loi du 17 juin 2008 et par application de l'article 2262 du code civil, le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la qualité de salarié et afférente à la rupture d'un contrat de travail était de 30 ans.
La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 a ramené ce délai de prescription à 5 ans. Cependant, elle a prévu que ses dispositions qui réduisent la durée de la prescription, s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
Il en résulte qu'au 17 mai 2006, Mme [M] disposait d'un délai de 30 ans pour saisir le conseil de prud'hommes ; qu'à compter du 19 juin 2008, ce délai a été ramené à 5 ans de sorte qu'elle pouvait saisir le conseil de prud'hommes de son action en reconnaissance d'une qualité de salariée et afférente à la rupture de la relation jusqu'au 19 juin 2013, les dispositions transitoires n'étant pas applicables au-delà. Ayant saisi le conseil de prud'hommes le 2 avril 2013, son action n'est pas prescrite.
Dès lors, les demandes de Mme [M] seront déclarées recevables.
Sur la nature de la relation contractuelle
Mme [M] soutient qu'elle avait la qualité de salariée car elle a effectué une prestation de travail pour laquelle elle était rémunérée sans bénéficier d'une liberté d'action dans l'exercice de ses fonctions comme le démontre selon elle le contrat de gérance-mandat, qu'elle a été rémunérée à ce titre et qu'elle était placée sous un lien de subordination juridique à l'égard de la société Arkotel Garges. A cet égard, elle fait valoir qu'elle travaillait dans le cadre de multiples contraintes concernant ses horaires, ses congés, sous l'empire de contrôles permanents et de transmission d'informations, sans disposer d'une liberté de tarification. Elle ajoute que le cahier des charges démontre à quel point elle ne disposait d'aucune capacité d'initiative et qu'elle pouvait faire l'objet de sanctions.
La société Arkotel Garges soutient qu'elle n'était pas liée à Mme [M] par un contrat de travail dans la mesure où, alors qu'il appartient à l'appelante de démontrer l'existence d'un lien de subordination, celle-ci ne produit aucun élément de nature à convaincre. Elle fait valoir que les conditions d'exploitation de cet hôtel étaient inhérentes au contrat de gérance-mandat, elle-même s'étant engagée à exploiter ce fonds de commerce en conformité avec un contrat de licence d'utilisation de la marque concédé par la société PROMOGEST SN. Elle ajoute que Mme [M] ne peut pas se prévaloir de la qualité de salariée alors qu'elle employait des salariés.
L'existence d'une relation de travail salariée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité professionnelle. Il y a contrat de travail lorsqu'une personne s'engage à travailler pour le compte et sous la direction d'une autre moyennant une rémunération ce qui implique l'existence d'une prestation de travail, d'une rémunération et d'un lien de subordination qui en constitue le critère décisif.
Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; le travail au sein d'un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l'employeur détermine unilatéralement les conditions d'exécution du travail.
Il en résulte que le critère du lien de subordination est caractérisé par le pouvoir de donner des instructions, le pouvoir d'en contrôler l'exécution et le pouvoir de sanctionner le non-respect des instructions données alors que le travail indépendant se caractérise par la possibilité de se constituer une clientèle propre, la liberté de fixer ses tarifs et les conditions d'exécution de la prestation de service.
Il appartient à Mme [M] de démontrer l'existence d'un lien de subordination.
Le juge doit s'attacher aux conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité.
En l'espèce, il est constant que, comme le soutient Mme [M], elle a effectué une prestation de travail rémunérée, le contrat de gérance-mandat stipulant que Mme [M], M. [M] et la société Pyramides dont il était le gérant perçoivent une rétribution correspondant à 20% du chiffre d'affaires hors taxes en contrepartie de l'accomplissement du mandat.
Il résulte du contrat de gérance-mandat que les conditions d'exploitation de l'hôtel devaient respecter 'scrupuleusement' les standards de la chaîne fixés par un cahier des charges, que les mandataires-gérants devaient se conformer à la politique de prix fixée par la société mandante et que les deux gérants-mandataires disposaient de 5 semaines de congés payés mais ne pouvaient pas être absents plus de 2 semaines consécutives, les périodes de congé devant être séparées d'un délai d'au moins deux mois. Il est également stipulé que le mandataire-gérant s'engage à respecter les procédures comptables telles que définies en annexe.
Mme [M] produit aux débats des annonces montrant que le tarif des chambres et du petit déjeuner étaient fixés par la société et une télécopie révélant qu'un présentoir et des magazines étaient imposés. Il en résulte que Mme [M] ne disposait pas d'une entière liberté pour gérer l'hôtel.
Elle verse également aux débats des invitations à des formations, une télécopie du 27 avril 1999 par laquelle elle signale leur départ en congés pendant 5 jours et leur remplacement par un assistant ce qui démontre que la société exerçait sur les mandataires gérants des attributions relevant de celles d'un employeur s'agissant particulièrement des congés.
Elle justifie de l'existence d'un contrôle sur son activité par la production de réclamations comptables notamment par une lettre du 7 mai 1999 lui indiquant que plusieurs documents ne figuraient pas dans 'la fin de mois' et qu'il lui était demandé 'de bien suivre la procédure de fin de mois, et de nous envoyer tous les mois , tous les documents demandés pour le 07. Pour le service comptabilité il est essentiel de remplir la ventilation des recettes et l'analyse des écarts du mois(...)'. Elle produit également une demande du 7 mars 2006 aux fins d'envoi de chèques vacances, du 21 avril 2004 aux fins de remboursement d'un client et une demande d'autorisation du 17 mai 1999 de leur part aux fins de remplacement d'un réfrigérateur. Il ressort de ces éléments que Mme [M] travaillait sous le contrôle de la société pour ce qui concerne la gestion comptable de l'hôtel.
Enfin, il est établi par un compte rendu de visite du mois de novembre 2000 que l'activité professionnelle de Mme [M] était contrôlée par la société de manière précise.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Arkotel Garges donnait des directives à Mme [M], qu'elle en contrôlait l'exécution, qu'elle avait un pouvoir de sanction dès lors que le contrat de gérance-mandat stipule une résiliation et que Mme [M] ne disposait pas de la liberté de fixer ses tarifs et les conditions d'exécution de sa prestation de service.
En conséquence, la cour retient que Mme [M] avait la qualité de salariée de la société Arkotel Garges sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.
La décision des premiers juges sera infirmée.
Sur le rappel de salaire
Mme [M] soutient qu'elle était co-directrice de l'hôtel et que son salaire mensuel doit être fixé à la somme de 40 835 euros de sorte que, pour la période non-prescrite, il lui serait dû la somme de 204 175 euros.
La société s'oppose à cette demande en faisant valoir que Mme [M] a été rémunérée au cours de la période par le pourcentage de commissions tel que stipulé par le contrat de gérance-mandat et qu'elle n'exerçait pas la fonction de directrice mais d'assistante de direction.
Comme analysé précédemment, la cour retient que Mme [M] a perçu une rémunération en contrepartie de sa prestation de travail ce qu'elle reconnaît d'ailleurs dans ses conclusions (II.b) comme indiqué précédemment.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce chef de demande.
Sur les heures supplémentaires
Mme [M] soutient qu'elle effectuait des heures supplémentaires car il résulte selon elle des documents contractuels qu'elle effectuait 70 heures de travail par semaine sur la base de 47 semaines par an.
La société fait valoir que Mme [M] ne produit aucune pièce de nature à étayer ses demandes à ce titre.
Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
En l'espèce, la cour constate que Mme [M] ne présente pas à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis alors qu'étant co-directrice de l'hôtel, il ne peut se déduire des horaires de l'hôtel, ses horaires de travail.
En conséquence, elle sera déboutée de ses demandes au titre des heures supplémentaires, de dommages et intérêts pour impossibilité de prendre ses repos compensateurs et pour dépassement systématique et important du plafond des heures supplémentaires.
La décision des premiers juges sera confirmée sur ces chefs de demande.
Sur les dommages et intérêts pour impossibilité de prendre une sixième semaine de congés payés
Mme [M] ne soutient pas de moyen à l'appui de cette demande. Elle en sera déboutée et la décision des premiers juges sera confirmée.
Sur la rupture du contrat de travail
Mme [M] soutient que cette rupture est imputable à l'employeur et s'analyse en un licenciement abusif.
La lettre du 17 mai 2006 précitée s'analyse en une lettre de prise d'acte de la rupture du contrat de travail.
Lorsque le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission.
Seuls peuvent être de nature à justifier la prise d'acte de la rupture, des manquements de l'employeur suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.
En l'espèce, il a été retenu que le statut de salariée n'a pas été reconnu à Mme [M] alors qu'elle devait en bénéficier. Ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dès lors, la rupture du contrat de travail dont il a été pris acte produit les effets d'un licenciement sans cause rélle et sérieuse.
Les parties s'opposent sur le montant du salaire de Mme [M], celle-ci le fixant à la somme de 3 403 euros sans expliciter son calcul mais en faisant valoir qu'elle co-dirigeait deux hotels.
La société fait valoir que le salaire d'un directeur d'hôtel d'une catégorie supérieure et avec restaurant est de 2 000 euros en moyenne.
La cour rappelle que dans le présent litige, Mme [M] co-dirigeait un seul hôtel. La société justifie du salaire moyen d'un directeur d'hôtel en son sein par la production de bulletins de salaire. Le salaire de Mme [M] sera fixé à 2 000 euros.
Conformément aux dispositions de l'article L. 122-8 du code du travail applicable au litige, il lui est dû la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre celle de 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents au paiement desquelles la société sera condamnée.
Conformément aux dispositions des articles L. 122-9 et R. 122-2 du code du travail applicables au litige, il est dû à Mme [M] à titre d'indemnité de licenciement la somme de 3 066,66 euros.
Aux termes de l'article L.122-14-4 du code du travail applicable au litige, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de Mme [M], de son âge, de son ancienneté, 7 ans, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, Mme [M] ne produisant pas d'éléments à ce titre, et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.122-14-4 du code du travail applicable au litige, une somme de 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au paiement de laquelle la société sera condamnée.
La décision des premiers juges sera infirmée.
Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement
Cette indemnité n'est pas due dès lors que la société n'a pas prononcé de licenciement.
Mme [M] sera déboutée de sa demande à ce titre et la décision des premiers juges sera confirmée.
Sur la régularisation auprès des caisses de retraite
Mme [M] sollicite la régularisation de sa situation auprès des caisses de retraite. Il convient d'ordonner à la société de régulariser cette situation sans qu'il n'y ait lieu d'assortir cette disposition d'une mesure d'astreinte.
Sur le cours des intérêts
En application des articles 1153 et 1153-1 du code civil, recodifiés sous les articles 1231-6 et 1231-7 du même code par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt.
Sur la demande au titre d'une procédure abusive
Il est suffisamment démontré par l'issue du litige que la procédure de Mme [M] n'est pas abusive. Dès lors, la société sera déboutée de sa demande à ce titre et le jugement sera infirmé sur ce chef de demande.
Sur l'exécution provisoire
La décision n'étant susceptible que d'un pourvoi en cassation, recours qui est dépourvu d'effet suspensif, il n'y a pas lieu à assortir les condamnations prononcées de l'exécution provisoire.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, la société Arkotel Garges sera condamnée au paiement des dépens exposés en cause d'appel. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de Mme [M].
La société Arkotel Garges sera condamnée à payer à Mme [M] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre. La société sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
DÉCLARE recevable les demandes de Mme [J] [M],
INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [J] [M] de ses demandes au titre d'une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, d'un rappel de salaire, d'heures supplémentaires et de dommages et intérêts à ce titre et au titre d'un repos compensateur, de dommages et intérêts au titre d'une sixième semaine de congés payés,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
CONDAMNE la société Arkotel Garges à payer à Mme [J] [M] les sommes suivantes :
- 6 000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 600 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents,
- 3 066,66 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 12 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE la société Arkotel Garges de sa demande au titre d'une procédure abusive,
ORDONNE à la société Arkotel Garges de régulariser la situation de Mme [J] [M] auprès des caisses de retraite,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Y ajoutant,
RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
CONDAMNE la société Arkotel Garges à payer à Mme [J] [M] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
CONDAMNE la société Arkotel Garges aux dépens.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE