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24/02/2021 | FRANCE | N°19/05499

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 24 février 2021, 19/05499


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3



ARRET DU 24 FEVRIER 2021



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05499 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QHJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 15/08819





APPELANTE



SASU CORA agissant poursuites et diligences en la personne d

e son Président domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro 786 920 306

[Adresse 1]

[Localité 10]

[Localité 9]



représenté...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRET DU 24 FEVRIER 2021

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/05499 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7QHJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Janvier 2019 -Tribunal de Grande Instance d'EVRY - RG n° 15/08819

APPELANTE

SASU CORA agissant poursuites et diligences en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 12] sous le numéro 786 920 306

[Adresse 1]

[Localité 10]

[Localité 9]

représentée par, Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050, avocat postulant

assistée de Me Nicolas BOYTCHEV de la SELARL RACINE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0301, avocat plaidant

INTIMEES

SCI AGATHE RETAIL FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 487 633 588

[Adresse 3]

[Localité 8]

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

assistée de Me Karima BELLAHOUEL de l'AARPI OCKHAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2155, avocat plaidant

SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de [Localité 8] sous le numéro 349 545 103

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, avocat postulant

assistée de Me Thierry DOMAS de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R046, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Décembre 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Sandrine GIL, conseillère faisant fonction de présidente et Madame Elisabeth GOURY, conseillère chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Sandrine GIL, conseillère faisant fonction de présidente

Madame Elisabeth GOURY, conseillère

Monsieur Marc BAILLY, conseiller

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Sandrine GIL, conseillère faisant fonction de présidente et par Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.

*****

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié du 9 mars 2009, contenant 'promesse de constitution de servitudes non exclusives sous conditions suspensives", la SAS CORA, propriétaire du fonds servant sis à Quincy-Sous-Sénart (Essonne), Centre commercial au lieudit [Localité 11], parcelles cadastrées section AB numéro [Cadastre 6] et [Cadastre 7], conférait à la SCI AGATHE RETAIL FRANCE, propriétaire du fonds dominant, parcelles cadastrées section AB numéro [Cadastre 4] et [Cadastre 5], à titre de servitude réelle non exclusive, une promesse de droit non exclusif de stationnement sur le fonds servant, et tous droits de circulation et de passage nécessaires sur les voies d'accès permettant d'accéder au parc de stationnement, moyennant le prix de 600 000 euros HT.

La SARL COMPAGNIE PHALSBOURG promoteur pressenti pour la réalisation de l'opération de construction envisagée par la SCI AGATHE RETAIL FRANCE intervenait à l'acte et s'engageait à remettre des garanties bancaires relatives à l'indemnité.

Cette promesse était soumise à la réalisation de trois conditions suspensives :

- 'que CORA devienne propriétaire des parcelles constituant le fonds servant..',

- 'obtention par la Société AGATHE RETAIL FRANCE de l'autorisation d'équipement commercial délivrée par la commission d'équipement commercial compétente (CDCE)'en vue de la création d`un maximum de l920m² supplémentaires de surfaces de vente...',

- 'obtention par la Société AGATHE RETAIL FRANCE d'un permis de construire ayant acquis un caractère définitif d'un maximum de 2604m2 supplémentaire de SHON...'.

L'acte fixait la date limite pour la réalisation des conditions suspensives au 31 mars 2010 et stipulait que l'acte devant constater la réalisation ou la défaillance des conditions

suspensives serait établi par le notaire, dans les trente jours calendaires de la demande qui lui en serait faite par la partie la plus diligente.

Concernant les deux premières conditions suspensives, la SAS CORA faisait l'acquisition des parcelles cadastrées AB numéro [Cadastre 6] et [Cadastre 7] par acte notarié du 9 mars 2009 et obtenait l'autorisation CDEC de 1920 m2 le 20 novembre 2008, purgée de tous recours selon attestation du 2 mars, 5 mars et 27 mars 2009.

 

Concernant la troisième condition suspensive, le permis de construire était délivré à la SCI AGATHE RETAIL France le 8 juin 2009, purgé de tous recours selon une attestation du 20 novembre 2009.

Par courrier du 30 juin 2009, la SCI AGATHE RETAIL FRANCE notifiait à la COMPAGNIE DE PHALSBOURG sa décision de ne pas donner suite au projet d'extension, au vu du retard dans la délivrance d'obtention du permis de construire.

Par un courrier du même jour, la SCI AGATHE RETAIL FRANCE notifiait à la société CORA la non réalisation du projet d'extension et en conséquence, la décision de ne pas donner suite à la promesse de constitution de servitude de stationnement, celle-ci étant entièrement liée à ce projet.

Le 27 octobre 2010, à la requête de la SAS CORA, un huissier de justice faisait sommation à la SCI AGATHE RETAIL FRANCE et à la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG de comparaitre au siège de l'office notarial le 10 novembre 2010, à l'effet de régulariser l'acte authentique de constitution de servitude.

Le « procès-verbal de dires » établi par le notaire le 10 novembre 2010 relevait les déclarations de la Société AGATHE RETAIL exposant les motifs pour lesquels elle estimait que la promesse était atteinte de nullité, les déclarations de la COMPAGNIE DE PHALSBOURG considérant n'être redevable d'aucune somme envers la société CORA au vu de la révocation du mandat qui lui avait été consenti par la Société AGATHE RETAIL et la demande de la SAS CORA de la réitération pure et simple des accords du 9 mars 2009.

Par actes du 5 octobre 2015 et du 5 novembre 2015, la SAS CORA a fait assigner la SCI AGATHE RETAIL FRANCE et la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG aux fins de voir constater la réalisation des conditions suspensives de la promesse de constitution de servitudes et en conséquence de voir condamner la SCI AGATHE RETAIL FRANCE à lui payer la somme de 599 174,07 euros TTC et la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG la somme de 360 000 euros TTC.

Par jugement du 21 janvier 2019, le tribunal de grande instance d'Evry a :

Déclaré irrecevable l'ensemble des demandes formées par la SAS CORA à l'encontre de la SCI AGATHE RETAIL FRANCE et de la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG ;

Condamné la SAS CORA à verser à la SCI AGATHE RETAIL FRANCE la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamné la SAS CORA à verser à la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Débouté la SAS CORA de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre de la SCl AGATHE RETAIL FRANCE et de la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamné la SAS CORA au paiement des dépens et autorisé la SCPA ELLUL-GREFF-ELLUL à recouvrer directement les dépens dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Par déclaration du 12 mars 2019, la SASU CORA a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 4 juin 2020, la SASU CORA demande à la Cour de :

Vu les articles 1998, 2233, 2224 et 2227 du Code civil,

Vu les articles 1101 et suivants du Code civil (dans leur version alors applicable),

Vu les pièces et jurisprudences versées au débat,

RECEVOIR la société CORA en ses demandes fins et conclusions et la dire bien fondée ;

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance d'Evry le 21 janvier 2019 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

In limine litis :

DIRE et JUGER à titre principal que les actions mixtes relèvent de la prescription trentenaire,

DIRE et JUGER à titre subsidiaire que d'une part, l'action tendant à la constatation de la constitution des servitudes est une action réelle immobilière soumise au délai de 30 ans et que d'autre part, que l'action tendant au paiement de la somme totale de 959.174,07 euros est une action personnelle soumise au délai quinquennal dont le délai de prescription n'a pas encore commencé à courir,

DIRE et JUGER à titre infiniment subsidiaire que le point de départ du délai de prescription a commencé à courir à compter du 10 novembre 2010,

DIRE et JUGER que l'action de la société CORA n'est pas prescrite ;

En conséquence,

RECEVOIR la société CORA en son action et en sa demande,

A titre principal :

DIRE et JUGER que la promesse de constitution de servitudes conclue le 9 mars 2009 est pleinement valable et opposable,

DIRE et JUGER que la promesse de constitution de servitudes conclue le 9 mars 2009 n'est pas nulle,

DIRE et JUGER que la promesse de constitution de servitudes conclue le 9 mars 2009 n'est pas caduque,

CONSTATER la réalisation des conditions suspensives stipulées à l'article 5 de la promesse de constitution de servitudes conclue entre les parties le 9 mars 2009,

DIRE et JUGER que les servitudes de stationnement et de passage, décrites aux articles 3.1 et 3.2 de ladite promesse, consenties par la société CORA propriétaire du fonds servant à savoir une partie de parcelles cadastrées section AB numéro [Cadastre 6] et section AB numéro [Cadastre 7] figurant sous teintes jaune et verte au plan annexé à la promesse situées à [Localité 13], centre commercial au lieudit la Mamière, au profit du fonds dominant,

à savoir les parcelles situées à [Adresse 14], cadastrées section AB numéro [Cadastre 4] et section AB numéro 27 sont constituées et que la promesse doit donc produire tous ses effets,

En conséquence,

DIRE et JUGER que la décision vaudra constitution des servitudes de stationnement et de passage, décrites aux articles 3.1 et 3.2 de ladite promesse, consenties par la société CORA propriétaire du fonds servant à savoir une partie de parcelles cadastrées section AB numéro [Cadastre 6] et section AB numéro [Cadastre 7] figurant sous teintes jaune et verte au plan annexé à la promesse situées à [Localité 13], centre commercial au lieudit la Mamière, au profit du fonds dominant, à savoir les parcelles situées à [Adresse 14], cadastrées section AB numéro [Cadastre 4] et section AB numéro [Cadastre 5],

ORDONNER que la promesse et l'arrêt soient publiés au service de la publicité foncière compétent aux frais des intimées,

CONDAMNER la COMPAGNIE DE PHALSBOURG à payer à la société CORA la somme de 360.000 euros TTC en principal avec intérêts de droit à compter du 23 septembre 2015, date de la mise en demeure en application de l'article 4.1 de la promesse,

CONDAMNER la société AGATHE RETAIL à payer à la société CORA la somme de 599.174,07 euros TTC en principal avec intérêts de droit à compter du 23 septembre 2015, date de la mise en demeure, au titre de la participation aux charges relatives aux servitudes dont elle bénéficie,

En tout état de cause :

DEBOUTER les intimées de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

CONDAMNER solidairement la COMPAGNIE DE PHALSBOURG et la société AGATHE RETAIL à payer à la société CORA la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER solidairement la COMPAGNIE DE PHALSBOURG et la société AGATHE RETAIL aux entiers dépens, dont distraction pour ceux la concernant, au profit de Maître Bruno REGNIER / SCP REGNIER ' BEQUET ' MOISAN et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 10 mars 2020, la SCI AGATHE RETAIL FRANCE demande à la Cour de :

Vu l'article 122 du Code de Procédure civil,

Vu les articles 1131, 1172, et 1998 du Code civil dans leur version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article 2224 du Code civil,
Vu le nouvel article 1186 al 2 du Code Civil issu de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016,

Vu l'article L. 420-1 du Code de commerce,

DECLARER la société CORA mal fondée en son appel contre le jugement rendu par le Tribunal de grande instance d'Evry le 21 janvier 2019, la dire mal fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions, l'en débouter purement et simplement ;

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Subsidiairement, pour le cas où la Cour infirmerait le jugement et écarterait la prescription :

PRONONCER la nullité de la promesse de constitution de servitude du 9 mars 2009 ;

A tout le moins, DIRE ET JUGER cette promesse inopposable à la société AGATHE RETAIL France

En tout état de cause, CONSTATER sa caducité ;

A titre infiniment subsidiaire, pour le cas où la Cour infirmerait le jugement, écarterait la prescription, et jugerait que la promesse est valide, opposable et non-caduque :

DEBOUTER la société CORA de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

DEBOUTER la COMPAGNIE DE PHALSBOURG de sa demande de garantie ;

En tout état de cause :

CONDAMNER la société CORA à verser à la société AGATHE RETAIL la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

La CONDAMNER également en tous les dépens de l'instance et autoriser la SELARL Lexavoué Paris Versailles à recouvrer directement ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 6 mars 2020, la SARL COMPAGNIE DE PHALSBOURG demande à la Cour de :

Vu les articles 2224, 2233, 1131 et 1240 du Code civil ;

Vu les anciens articles 1184 et 1172 du Code civil ;

Vu l'article 122 du Code de procédure civile ;

En tout état de cause :

DÉBOUTER la société CORA de l'intégralité de ses demandes ;

DÉBOUTER la société AGATHE RETAIL du moyen fondé sur l'inopposabilité de la promesse à son égard ;

À titre principal :

CONFIRMER purement et simplement le jugement déféré en jugeant les demandes de la société CORA irrecevables pour cause de prescription de l'action ;

À titre subsidiaire :

DIRE ET JUGER que la conclusion de la promesse de constitution de servitudes en date du 9 mars 2009 s'inscrit dans la mise en 'uvre d'un ensemble contractuel lié au projet d'extension de l'ensemble commercial ;

Par conséquent :

PRONONCER la caducité de la promesse de constitution de servitudes ;

À titre infiniment subsidiaire :

DIRE ET JUGER que la clause de non concurrence stipulée dans la promesse de constitution de servitudes est nulle et par conséquent entraine la nullité de ladite promesse dans son entier ;

A titre extraordinairement subsidiaire :

PRONONCER la résolution de la promesse de constitution de servitudes ;

Le cas échéant :

DIRE ET JUGER que la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG a agi dans le cadre des pouvoirs qui lui étaient conférés en vertu du mandat qui lui a été consenti par la société AGATHE RETAIL ;

Par conséquent,

DÉBOUTER la société AGATHE RETAIL de sa demande visant l'inopposabilité de la promesse de constitution des servitudes en date du 9 mars 2009 à son égard ;

En toute hypothèse et si la Cour venait à condamner la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG au paiement des 600.000 euros d'indemnité :

CONDAMNER la société AGATHE RETAIL, le cas échéant, à garantir la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG de toutes condamnations ;

CONDAMNER la société CORA et la société AGATHE RETAIL à verser chacune à la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société CORA aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL BDL AVOCATS en application des dispositions de l'article 699 du CPC.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 29 octobre 2020.

MOTIFS DE LA DECISION

Pour solliciter l'infirmation du jugement entrepris, la société CORA fait valoir que le premier juge a, à tort, considéré que le délai de prescription d'une action mixte est quinquennal ; qu'une action mixte dès lors qu'elle tend à faire reconnaître au demandeur un droit personnel (une créance) qui porte sur un bien immobilier et aura comme conséquence, s'il est fait droit à la demande portant sur la créance, la constitution d'un droit réel en l'espèce une servitude, est soumise à la prescription trentenaire, invoquant à cet effet un arrêt de la cour d'appel de Douai ; que cette jurisprudence est conforme à l'esprit de l'article 2277 du code civil qui soumet les actions réelles immobilières au délai de prescription trentenaire sans distinguer si l'action immobilière découle ou non d'un contrat ; qu'appliquer un délai de prescription quinquennal à une action tendant à la constitution d'une servitude irait à l'encontre non seulement de l'article 2227 du code civil mais aussi de l'esprit de la réforme de la prescription en matière civile du 17 juin 2008 ; que la jurisprudence évoquée par la société AGATHE RETAIL FRANCE indiquant que l'action mixte est soumise à un délai de prescription quinquennal n'est pas applicable dès lors que l'action avait pour objet la nullité d'une promesse unilatérale de vente et qu'avant la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, la promesse unilatérale de vente constituait une obligation de faire qui se résolvait en dommages et intérêts ; qu'elle mettait ainsi en cause uniquement un droit de nature personnelle, auquel la prescription quinquennale devait être appliquée.

A titre subsidiaire, la société CORA invoque une application distributive des délais de prescription avec des points de départ différents, faisant valoir que l'action tendant à la

constatation de la réalisation des conditions suspensives contenues dans la promesse et ainsi la constitution des servitudes est une action réelle immobilière soumise au délai de 30 ans prévu par l'article 2277 du code civil tandis que l'action en paiement procède d'une action personnelle soumise au délai quinquennal prévu par l'article 2224 du code civil ne commençant à courir que dès lors que la créance est exigible ; que cette créance n'étant pas exigible, la prescription n'a pas commencé à courir.

A titre infiniment subsidaire, à supposer que la prescription quinquennale soit applicable, elle soutient que par application de l'article 2224 du code civil, le délai court à compter du procès-verbal de difficulté établi le 10 novembre 2010 constatant le refus des sociétés AGATHE RETAIL FRANCE et COMPAGNIE DE PHALSBOURG de réitérer la promesse de constitution de servitudes, qui constitue la date à laquelle elle a connu les faits lui permettant d'exercer son action. Elle considère dès lors qu'elle n'encourt aucune prescription.

La société AGATHE RETAIL FRANCE réplique que l'action de la société CORA étant de nature mixte est soumise a' la prescription quinquennale de l'article 2224 du Code civil dans la mesure où le délai de prescription trentenaire des actions réelles prévu par l'article 2227 du code civil est dérogatoire au droit commun et doit être apprécié que de façon restrictive ; que la société CORA ne saurait prétendre appliquer deux régimes de prescription distincts dès lors que la jurisprudence tend à adopter une conception moniste des actions mixtes et à leur conférer le régime de l'article 2224 du code civil ; qu'en outre, le moteur de l'action ressort des droits personnels, seul le sous-jacent étant l'immobilier.

S'agissant du point de départ de la prescription, elle se réfère au jour où le droit est né, c'est-à-dire celui à compter duquel le créancier peut agir et fait valoir que la dernière des conditions suspensives qui affectaient la promesse s'est réalisée le 20 novembre 2009 ; que la date à laquelle le procès-verbal de difficulté a été dressé à la demande du notaire de la société CORA ne saurait marquer le point de départ de la prescription dès lors que la dernière condition suspensive était réalisée depuis près d'un an, que la société CORA avait été informée par la société AGATHE dès le 30 juin 2009 qu'elle ne donnerait pas suite à la promesse de constitution de servitude et que la société CORA avait réagi à cette notification le 16 juillet 2009 en manifestant l'intention d'exiger la réitération authentique de la promesse. Elle considère dès lors que l'action initiée par acte des 5 octobre et 5 novembre 2015 est prescrite.

La société COMPAGNIE DE PHALSBOURG fait valoir que les conditions suspensives devaient être réalisées au plus tard le 23 mars 2010 et que cette date constitue le point de départ du délai de prescription quinquennale applicable ; qu'à cette date, elle a fait parvenir à la société CORA un courrier l'informant que les conditions étaient réalisées et qu'elle proposait de reprendre le projet à son compte pour pallier la défaillance de la société AGATHE RETAIL FRANCE ; que la société CORA avait dès lors nécessairement connaissance de ses droits de sorte que la prescription est acquise depuis le 23 mars 2015 ; que très subsidairement, la sommation à comparaître devant notaire signifiée le 27 octobre 2010 dans laquelle la société CORA exprimant de façon claire et non équivoque que les conditions suspensives étaient réalisées pourrait constituer le point de départ du délai de prescription de sorte que l'action introduite à son encontre par acte du 5 novembre 2015 est prescrite depuis le 27 octobre 2015.

Aux termes de l'article 2224 du code civil, 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

Selon l'article 2227 du même code, 'le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer'.

En l'espèce, il n'est pas discuté par les parties que l'action introduite par la société CORA est une action mixte en ce qu'elle mobilise à la fois un droit personnel et un droit réel nés d'une même opération juridique ; qu'elle tend en effet à voir reconnaître au profit de la demanderesse un droit de créance qui porte sur un bien immobilier ; que la constitution de la servitude est conditionnée à la condamnation des intimées à respecter leurs obligations issues de la promesse régularisée le 9 mars 2009.

Aucune des dispositions textuelles ci-dessus rappelées ne concerne expressément les actions mixtes. Si l'article 2224 du code civil ne vise que les actions personnelles ou mobilières, l'intitulé de la section dans laquelle il s'inscrit qualifie néanmoins ce délai de presciption quinquennale de droit commun de sorte qu'il a vocation à s'appliquer à toutes les hypothèses qui ne relèvent pas de règles spéciales. La loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription civile ayant eu clairement pour objectif la réduction des délais de prescription, la prise en compte du caractère réel de l'action mixte ne saurait conduire à l'application du délai de prescription trentenaire qui doit être cantonné aux limites résultant de l'article 2277 du code civil susvisé qui ne vise pas les actions mixtes. Il s'ensuit que l'action introduite par la société CORA est soumise au délai de prescription quinquennal sans qu'il y ait lieu de faire une application distributive des délais de prescription à savoir le délai de prescription trentenaire pour l'action à caracrère réel et le délai quinquennal pour l'action personnelle en paiement de la créance.

Ce délai de prescription commence à courir à compter du jour où la société CORA a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En l'espèce, suivant courrier du 30 juin 2009, la société CORA a été informée par la société AGATHE RETAIL FRANCE de sa décision de ne pas poursuivre le projet d'extension du site pour la réalisation duquel la promesse de constitution avait été conclue, ledit courrier énonçant très précisément : 'la servitude de stationnement envisagée était entièrement liée à ce projet. Elle n'a donc plus d'utilité ni d'objet et nous vous notifions par la présente notre décision de ne pas y donner suite'.

Aux termes d'un courrier en réponse daté du 16 juillet 2009, la société CORA indiquait ne pouvoir accepter cette décision et précisait : 'l'engagement réciproque stipulé à cet acte est soumis aux seules conditions qui y sont mentionnées. En aucune façon il ne comporte comme condition une quelconque faculté qui vous serait reconnue de vous désister. Bien plus l'ensemble des conditions suspensives visées audit acte sont aujourd'hui toutes purgées ou en passe de l'être (....)

Dès lors, seule la fin du délai de purge du permis de construire empêche aujourd'hui la réitération de notre accord. Toutefois, cette condition sera définitivement levée au début du mois d'août prochain. Nous vous mettons donc en demeure de venir régulariser l'acte définitif le 4 septembre prochain à 10 heures au siège de la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG'.

Si à la date du 30 juin 2009, la société CORA a eu effectivement connaissance du fait que la société AGATHE RETAIL FRANCE ne souhaitait plus réitérer la promesse de constitution de servitude, cette date ne constitue pas pour autant le point de départ du délai de prescription dès lors que la troisième des conditions suspensives tenant à l'existence d'un permis de construire définitif n'était pas réalisée. Les éléments du dossier permettent d'établir que cette condition s'est trouvée accomplie à la date du 20 novembre 2009 sans qu'il ne soit cependant établi si la société CORA en a été informée par l'une ou l'autre des intimées. C'est en réalité à la date du 23 mars 2010 qui correspond à celle fixée pour la date limite de réalisation des conditions suspensive que la société COMPAGNIE DE PHALSBOURGa fait parvenir à la société CORA un courrier visant l'obtention d'un permis de construire purgé de tout vice et, au vu de l'abandon de son projet par la société AGATHE RETAIL FRANCE, lui proposait un nouveau projet.

C'est dès lors à la date du 23 mars 2010 que la société CORA a eu connaissance des faits lui permettant d'agir, la cour relevant qu'aux termes de la sommation à comparaître délivrée le 27 octobre 2010 à chacune des intimée, elle vise très précisément ce même courrier et le refus de procéder à la signature de l'acte. Il en résulte que cette date du 23 mars 2010 constitue le point de départ du délai de prescription que la société CORA ne saurait reporter à la date du procès-verbal de carence établi par le notaire le 10 novembre 2010 puisqu'elle a eu connaissance du refus de réitérer la promesse de constitution de servitude dès avant cette date et en dernier lieu le 23 mars 2010.

La sommation délivrée le 27 octobre 2010 à la société AGATHE RETAIL FRANCE et la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG d'avoir à comparaître aux fins de régularisation de l'acte authentique de constitution de servitude ne constituant pas un acte interruptif de prescription, l'action engagée par la société CORA par acte des 5 octobre 2015 et 5 novembre 2015 est prescrite depuis le 23 mars 2010 et le jugement entrepris la déclarant irrecevable comme prescrite sera donc confirmé.

Sur les demandes accessoires :

La société CORA qui succombe en son appel supportera les dépens de première instance et d'appel et sa condamnation au paiement d'une indemnité deprocédure sera confirmée.

Il convient d'autoriser la distraction des dépens au profit des avocats postulants qui en ont fait la demande, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il est de plus équitable de contraindre la société CORA à participer à concurrence de 2.500 euros aux frais irrépétibles exposés en cause d'appel par chacune des intimées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société CORA à payer à la société AGATHE RETAIL FRANCE la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CORA à payer à la société COMPAGNIE DE PHALSBOURG la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société CORA aux dépens d'appel dont distraction au profit des avocats postulants conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 19/05499
Date de la décision : 24/02/2021

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°19/05499 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-24;19.05499 ?
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