RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 15 Avril 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/09624 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3YXW
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Juin 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16/00807
APPELANTE
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
Madame [Z] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparante en personne, non assistée
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre, et Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) d'un jugement rendu le 15 juin 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à [Z] [S] (l'assurée).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ont été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé.
Il convient toutefois de rappeler que l'assurée a été victime d'une crise d'asthme le 1er février 2015 prise en charge au titre d'un accident du travail par décision du 7 mai 2015'; que la date de consolidation de son état de santé a été fixée au 12 avril 2015'; qu'en 2016, l'assurée a demandé l'exonération du ticket modérateur au titre d'une affection longue durée (ALD)'; que par décision du 9 février 2016, à la suite d'un avis défavorable du service médical, la caisse a rejeté la demande au motif que la pathologie a été prise en charge au titre de l'accident du travail'; que l'assurée a saisi la commission de recours amiable qui a rejeté sa requête par décision du 2 mars 2016'; que l'assurée a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.
Le tribunal, par jugement du 15 juin 2017, a':
-'Déclaré l'assurée recevable et bien fondée en son recours';
-'Dit mal fondée la décision rendue par la commission de recours amiable de la caisse le 2 mars 2015';
-'Accordé à l'assurée l'exonération du ticket modérateur au titre des affections de longue durée à compter du 13 avril 2016';
-'Invité la caisse à procéder au remboursement des frais engagés par l'assurée depuis le 13 avril 2016 dans le cadre de son affection et au titre de l'exonération du ticket modérateur.
Pour se déterminer ainsi le tribunal a retenu que la caisse ne démontrait pas que la crise d'asthme était liée à un état pathologique antérieur ou indépendant du lieu de travail'; que par ailleurs, de l'historique de l'accident du travail du 1er février 2015 émanant des services administratifs de la caisse, il convenait de déduire que l'accident avait été traité et clôturé au 4 février 2016, de sorte que l'accident n'avait pas d'incidence sur l'état de santé de l'assurée postérieurement à cet événement'; que la caisse ne contestait pas le caractère ponctuel et indépendant de l'accident'; que la requérante versait au débat un certificat médical du 13 avril 2016 de son médecin traitant attestant de la gravité de son état qui nécessitait un traitement lourd sur la durée et justifiant pleinement la prise en charge à 100%, de sorte que l'assurée justifiait d'éléments de nature à démontrer que sa pathologie devait être prise en charge au titre de l'ALD prévue aux articles L.'160-14 et D.'160-4 du code de la sécurité sociale et ce à compter du 13 avril 2016.
La caisse a interjeté appel le 12 juillet 2017 de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 juin 2017.
La caisse fait soutenir et déposer par son conseil des conclusions écrites invitant la cour, au visa des articles L.'160-14 et D.'160-4 du code de la sécurité sociale, à':
-'Infirmer le jugement en toutes ses dispositions';
En conséquence,
À titre principal,
-'Débouter l'assurée de l'ensemble de ses demandes';
À titre subsidiaire,
-'Ordonner avant dire droit une expertise médicale afin de déterminer si l'assurée est atteinte d'une pathologie listée à l'article D.'160-4 du code de la sécurité sociale et, le cas échéant, si elle remplit les conditions médicales prévues par l'annexe de cet article';
En tout état de cause,
-'Condamner l'assurée aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions déposées par la caisse pour un exposé complet des moyens développés au soutien de ses prétentions.
L'assurée, comparaissant en personne, a demandé à la cour de confirmer le jugement pour les motifs constatés par le tribunal en faisant valoir qu'elle avait refait une demande de prise en charge à 100% en 2018 et qu'en huit jours elle avait reçu une décision favorable.
SUR CE,
L'article L.'160-14 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige, disposait que':
«'La participation de l'assuré mentionnée au premier alinéa de l'article L.'160-13 peut être limitée ou supprimée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, pris après avis de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et de l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, dans les cas suivants':
«''
«'3° Lorsque le bénéficiaire a été reconnu atteint d'une des affections, comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse, inscrites sur une liste établie par décret après avis de la Haute Autorité mentionnée à l'article L.'161-37';'
«'4° Lorsque les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :'
«'a) Le bénéficiaire est reconnu atteint par le service du contrôle médical soit d'une affection grave caractérisée ne figurant pas sur la liste mentionnée ci-dessus, soit de plusieurs affections entraînant un état pathologique invalidant ;'
«'b) Cette ou ces affections nécessitent un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse ;'
«''
«'10° Lorsque l'assuré ne relève plus du 3° mais se trouve dans une situation clinique déterminée sur la base de recommandations de la Haute Autorité de santé et justifiant des actes et examens médicaux ou biologiques de suivi de son état, pour ces actes et examens, dans des conditions et pour une durée définies par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé ;'
«''
«'La liste mentionnée au 3° du présent article comporte également en annexe les critères médicaux utilisés pour la définition de l'affection et ouvrant droit à la limitation ou à la suppression de la participation de l'assuré.'
«'Sur proposition de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, un décret, pris après avis de la haute autorité mentionnée à l'article L. 161-37, peut réserver la limitation ou la suppression de la participation des assurés en application des 3° et 4° du présent article aux prestations exécutées dans le cadre d'un réseau de santé ou d'un dispositif coordonné de soins.'»
L'article D.'160-4 du code de la sécurité sociale dispose que':
«'La liste des affections comportant un traitement prolongé et une thérapeutique particulièrement coûteuse susceptibles d'ouvrir droit à la suppression de la participation des assurés sociaux aux tarifs servant de base au calcul des prestations en nature de l'assurance maladie, en application du 3° de l'article L.'160-14, est établie ainsi qu'il suit':
«'-accident vasculaire cérébral invalidant ;
«'-insuffisances médullaires et autres cytopénies chroniques ;
«'-artériopathies chroniques avec manifestations ischémiques ;
«'-bilharziose compliquée ;
«'-insuffisance cardiaque grave, troubles du rythme graves, cardiopathies valvulaires graves'; cardiopathies congénitales graves ;
«'-maladies chroniques actives du foie et cirrhoses ;
«'-déficit immunitaire primitif grave nécessitant un traitement prolongé, infection par le virus de l'immuno-déficience humaine ;
«'-diabète de type 1 et diabète de type 2 ;
«'-formes graves des affections neurologiques et musculaires (dont myopathie), épilepsie grave';
«'-hémoglobinopathies, hémolyses, chroniques constitutionnelles et acquises sévères ;
«'-hémophilies et affections constitutionnelles de l'hémostase graves ;
«'-maladie coronaire ;
«'-insuffisance respiratoire chronique grave ;
«'-maladie d'Alzheimer et autres démences ;
«'-maladie de Parkinson ;
«'-maladies métaboliques héréditaires nécessitant un traitement prolongé spécialisé ;
«'-mucoviscidose ;
«'-néphropathie chronique grave et syndrome néphrotique primitif ;
«'-paraplégie ;
«'-vascularites, lupus érythématheux systémique, sclérodermie systémique ;
«'-polyarthrite rhumatoïde évolutive ;
«'-affections psychiatriques de longue durée ;
«'-rectocolite hémorragique et maladie de Crohn évolutives ;
«'-sclérose en plaques ;
«'-scoliose idiopathique structurale évolutive ;
«'-spondylarthrite grave ;
«'-suites de transplantation d'organe ;
«'-tuberculose active, lèpre ;
«'-tumeur maligne, affection maligne du tissu lymphatique ou hématopoïétique.'»
L'annexe à l'article D.'160-4 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable disposait que':
«'14.2. Maladie asthmatique':'
«'Dans le cas de la maladie asthmatique, les seuls critères gazométriques ou spirométriques ne sont pas toujours pertinents. Est concerné l'asthme persistant sévère défini par l'association des critères de sévérité clinique et des critères thérapeutiques suivants':
«'1°'Critères de sévérité clinique avant traitement de fond':
«'-'symptômes quotidiens';
«'-'symptômes d'asthme nocturne fréquents';
«'-'exacerbations fréquentes';
«'-'activité physique limitée par les symptômes avec VEMS ou débit expiratoire de pointe (DEP) 60 % des valeurs attendues ou variabilité du DEP'¹'30'%.
«'2°'Critères thérapeutiques':
«'-'chez l'adulte ou l'adolescent': patient nécessitant de hautes doses de corticostéroïdes inhalés (µ 1'500 g/ j équivalent béclométhasone) associés à un bêta-2 agoniste de durée d'action prolongée (B2LA) et, si besoin (pour exacerbation ou en continu) à un antagoniste des récepteurs aux cystéinyl-leucotriènes ou à la théophilline (et ses dérivés) ou aux corticoïdes oraux';
«'-'chez l'enfant': patient nécessitant de hautes doses de corticostéroides inhalés (µ 1'000 g/ j équivalent béclométhasone) associés à un bêta-2 agoniste de durée d'action prolongée (B2LA) chez l'enfant de plus de 4 ans ou à un antagoniste des récepteurs aux cystéinyl-leucotriènes ou à la théophilline (et ses dérivés).
«'L'exonération initiale est accordée pour une durée de cinq ans, renouvelable.'»
En l'espèce, l'assurée a demandé à bénéficier de l'exonération du ticket modérateur dans le cadre d'une ALD au titre d'une maladie asthmatique à une date inconnue mais que les parties s'accordent à placer en 2016. Le 9 février 2016, la caisse a rejeté la demande au motif que la maladie relevait d'une prise en charge au titre d'un accident du travail du 1er février 2015.
Toutefois, il est constant que si la crise d'asthme aiguë du 1er février 2015 a été prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels du fait de la présomption d'imputabilité comme le rappelle la caisse elle-même, l'état de santé de l'assurée à la suite de cet accident du travail a été consolidé au 12 avril 2015.
Il n'est pas contesté que l'asthme n'est pas une pathologie professionnelle.
Il s'ensuit que la demande de l'assurée ne relevant pas d'une déclaration de rechute ou d'un nouvel accident du travail mais d'une demande de prise en charge d'une ALD étrangère à son travail, la caisse qui n'établit aucun lien, de quelque nature que ce soit, entre la pathologie déclarée et l'accident du travail du 1er février 2015, lequel était consolidé à la date de la demande, ni même avec le travail de l'intéressée, ni même ne cherche à l'établir, n'était pas fondée à rejeter la demande de l'assurée sur ce motif inopérant.
Néanmoins, la seule production d'un certificat médical du 13 avril 2016 du médecin traitant de l'assurée faisant état de la gravité de son état de santé nécessitant un traitement lourd sur la durée n'est pas, pris seul, de nature à justifier des conditions médicales de prise en charge prévues par l'article D.'160-4 du code de la sécurité sociale et son annexe, lesquelles sont précises et relèvent d'une appréciation médicale que le tribunal ne pouvait pas effectuer.
L'appréciation des critères médicaux posés par les textes est d'ordre médical.Il y a donc lieu d'infirmer la décision des premiers juges en toutes ses dispositions.
L'appréciation des critères médicaux posés par les textes pour être admis au bénéfice de l'exonération demandée est d'ordre médical. Le différend fait donc apparaître une difficulté d'ordre médical relative aux modalités de la prise en charge thérapeutique du malade.
Selon les dispositions combinées des articles L.'141-1, R.'141-1, R.'141-2 et R.'142-24 du code de la sécurité sociale alors en vigueur, lorsque le différend fait apparaître en cours d'instance une difficulté d'ordre médical relative à la prise en charge thérapeutique du malade, le juge ne peut, sauf hypothèse d'une nouvelle expertise désigner lui-même le médecin-expert, ses pouvoirs étant limités à la définition de la mission de ce dernier. La procédure d'expertise médicale technique prévue par l'article L.'141-1, alinéa 1, du code la sécurité sociale, sera donc mise en 'uvre à la diligence de la caisse dans les conditions fixées comme suit au dispositif.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
DÉCLARE l'appel recevable';
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions';
ET STATUANT À NOUVEAU,
DIT que la CPAM de la Seine-Saint-Denis n'était pas fondée à refuser la demande d'exonération du ticket modérateur au titre d'une ALD à [Z] [S] au motif que cette pathologie était prise en charge au titre de l'accident du travail du 1er février 2015, lequel était consolidé depuis le 12 avril 2015';
Avant dire droit sur la demande d'exonération du ticket modérateur au titre d'une ald pour une pathologie asthmatique,
ORDONNE, à la diligence de la CPAM de la Seine-Saint-Denis, une expertise médicale technique à l'effet de':
-'dire si [Z] [S] remplit les conditions médicales posées par l'article D.'160-4 du code de la sécurité sociale et de son annexe pour une exonération du ticket modérateur au titre d'une ALD visée à l'article L.'160-14 du code de la sécurité sociale';
DIT que le médecin-expert sera désigné et accomplira sa mission dans les conditions fixées aux articles R 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale alors en vigueur.
SURSOIT à statuer sur les dépens';
RENVOIE l'affaire à l'audience de la chambre 6.12 en date du :
jeudi 15 décembre 2022 à 13h30
en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage,
DIT que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à cette audience.
La greffière Le président