Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 22 SEPTEMBRE 2022
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2022, 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00328 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B76ED
NOUS, Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre, à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, greffière présente lors des débats ainsi que lors du prononcé de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Madame [K] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Delphine MAILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0117
Demanderesse au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
Maître [B] [J]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Karine LEWINSKI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1682
Défenderesse au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe, après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 15 Avril 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2022, puis le délibéré a été prorogé au 22 Septembre 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Vu le recours formé par Mme [K] [Y] le 6 juin 2019, par lettre recommandée avec avis de réception, auprès du premier président de cette cour, à l'encontre de la décision rendue par le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris le 17 mai 2019 ayant :
- fixé les honoraires de Mme [B] [J] à la somme de 18 000 euros HT,
- constaté le versement d'une somme de 9 807,50 euros HT,
- dit que Mme [Y] devra payer à Mme [J] la somme de 8 192,50 euros HT outre la TVA à 20 %, les intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2018, date de saisine du bâtonnier et les frais de signification éventuels,
- débouté les parties de toutes demandes plus amples ou contraires.
A l'audience du 15 avril 2022 les parties ont comparu et ont repris oralement les termes de leurs écritures.
Mme [Y] demande au délégué du premier président, de :
Vu l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
réformer la décision entreprise, rejeter l'appel incident et fixer comme suit les honoraires de Mme [J] :
- honoraires de diligences : 15 heures x 190 euros = 2 850 euros
- honoraires de résultat : 10 % de 69 479 euros = 6 948 euros
- total : 9 798 euros
- TVA 20 % : 1 959 euros
- total dû : 11 757 euros
- à déduire provision réglée : 2 166 euros
- prélèvement CARPA : 9 603 euros
- dû : 0 euro
condamner Mme [J] à verser à Mme [Y] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [Y] explique que :
- le principe d'un départ négocié et d'une indemnité de départ représentant 15 mois bruts de salaire avaient été arrêtés avec son employeur la société Crédit suisse,
- le montant facturé au titre du temps passé est excessif eu égard aux diligences de Mme [J] et de l'accord de principe intervenu avec la société Crédit suisse,
- Mme [J] a fait des diligences non demandées après qu'elle l'ait informée qu'elle acceptait l'offre de son employeur du 9 février 2018, notamment un mémoire dénonçant le 'forfait jour' alors qu'elle ne faisait pas d'heures supplémentaires,
- l'intervention de Mme [J] n'a pas permis de passer de 15 mois à 26 mois de salaire dans la mesure où dans les 26 mois sont comptés les indemnités légales qui devaient lui être payées, l'honoraire de résultat ne peut être assis que sur la somme de 69 479 euros.
Mme [J] demande au délégué du premier président, de :
- confirmer la décision du bâtonnier en ce qu'il a constaté qu'aucune offre d'indemnité n'avait été émise de la part de l'employeur de Mme [Y] avant l'intervention de Mme [J],
- confirmer la décision du bâtonnier en ce qu'il a constaté que les demandes de Mme [Y] visant à réduire l'honoraire de diligences n'étaient pas fondées,
- débouter Mme [Y] de l'ensemble de ses demandes,
à titre incident,
- infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'il a réduit l'assiette de l'honoraire de résultat du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- infirmer la décision du bâtonnier en ce qu'il a réduit les honoraires au temps passé de 3 heures et n'a pas alloué à Mme [J] le remboursement de ses frais postaux,
statuant à nouveau,
- fixer les honoraires et débours de Mme [J] comme suit :
* honoraires de diligences (20h15 à 190 euros HT) = 3 847,50 euros HT
* honoraires de résultat : 10 % HT x 168 170 euros = 16 817 euros HT
* total des honoraires dus : 20 664,50 euros HT
* frais postaux : 17,75 euros
* honoraires versés par Mme [Y] : 1805 euros HT + 8 002,50 euros HT
= 9 807,50 euros HT,
- fixer les honoraires restant dus à Mme [J] à la somme de 10 857 euros HT, augmentés de la TVA au taux de 20 %, et condamner Mme [Y] à leur règlement,
- ordonner la remboursement par Mme [Y] à Mme [J] des frais postaux engagés à hauteur de 17,75 euros,
- condamner Mme [Y] à verser à Mme [J] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Mme [J] expose que :
- Mme [Y] l'a contactée le 15 décembre 2017 afin qu'elle négocie le principe de la rupture de son contrat de travail et ses conditions,
- Mme [Y] a signé une convention d'honoraires dont les termes sont clairs et précis tant sur l'honoraire de résultat que sur les honoraires de diligences,
- Mme [J] a une ancienneté de 20 ans et possède une solide expérience en matière de négociation de rupture de contrat de travail et de ses conditions,
- le départ de Mme [Y] n'était pas acquis le 15 décembre 2017,
- la société Crédit suisse n'avait formulé aucune proposition d'indemnisation avant son intervention,
- son intervention a permis à Mme [Y] qui n'avait que 8 ans d'ancienneté d'obtenir une indemnité excédant le plafond de 8 mois de salaires prévus par le barème dit Macron, soit une indemnité correspondant à 26 mois de salaire,
- ses diligences ont nécessité 22 heures 15 de travail conformément au listing de temps passé ressortant de son logiciel,
- aucun acte de gestion administrative ou relatif au litige de ses honoraires n'a été facturé,
- l'article 3 de la convention d'honoraires lui permet d'être remboursée des frais postaux.
MOTIFS
Mme [Y] ne conteste pas avoir signé la convention d'honoraires que Mme [J] lui a envoyée par mail du 22 décembre 2017 qui a été communiquée, stipulant au profit de Mme [J] les honoraires suivants en rémunération de la mission d'obtenir ' toutes réparations possibles liées à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail ' :
- honoraire au temps passé : taux horaire ramené à 190 euros HT soit 228 euros TTC (au lieu de 350 euros HT soit 420 euros TTC appliqué par le cabinet)
- honoraires de résultat : 10 % HT des sommes perçues postérieurement à l'intervention de l'avocat quel que soit le moyen ayant permis d'obtenir le résultat (négociation, médiation, contentieux...).
Cet acte prévoit par ailleurs que les frais, débours et dépens engagés pour les besoins du dossier seront réglés par le client directement au professionnel... Ces frais, débours et dépens qui ne sont pas inclus dans les honoraires comprennent notamment, sans que cette énumération soit exhaustive : frais de poste, frais d'huissier...
L'ensemble des mails échangés entre Mme [Y] et Mme [J] et entre Mme [J] et la responsable des ressources humaines du Crédit suisse, Mme [O] [R], non valablement remis en cause par la seule attestation de Mme [W] [F], démontrent que le principe du départ de Mme [Y] du Crédit suisse n'était pas acquis avant l'intervention de Mme [J] ; ce départ a été envisagé à partir du rendez-vous entre Mme [Y] et la responsable des ressources humaines du 4 janvier 2018 avant lequel Mme [J] avait déjà fait des travaux d'études de la situation de Mme [Y] (discrimination salariale, bonus de l'année 2017, exécution déloyale du contrat de travail, clause de forfait jour et indemnités de rupture du contrat de travail pouvant être négociées) et prodigué des conseils sur la façon d'aborder les entretiens.
Ces mails établissent également que l'intervention de Mme [J] par ses recherches et conseils a permis à Mme [Y] de relancer les négociations sur l'indemnisation de son départ et a amené son employeur à lui faire de nouvelles propositions.
Il est acquis aux débats que Mme [Y] a obtenu de son employeur une indemnité de 186 500 euros bruts soit 168 177 euros nets, correspondant à 26 mois de salaire.
Le décompte du temps passé retenu par Mme [J] dans sa fiche de diligences, n'est pas excessif au regard des diligences accomplies (étude de dossier, recherches, calculs d'indemnités, rendez-vous, entretiens téléphoniques, lettres et mails) et Mme [Y] ne rapporte pas la preuve de diligences manifestement inutiles, notamment au titre du forfait jour, alors qu'il résulte du 'memorandum' de Mme [J] en date du 3 janvier 2018 que son contrat de travail contenait une clause relative à un forfait jour.
Par ailleurs la clause de la convention d'honoraires relative à l'honoraire de résultat est claire et précise et prévoit que l'honoraire de résultat est assis sur les sommes perçues postérieurement à l'intervention de l'avocat, ce qui correspond à l'indemnité perçue par Mme [Y] de son employeur dans le cadre de l'accord signé postérieurement à l'intervention de Mme [J] sans que puisse être déduite l'indemnité légale de licenciement.
Il résulte des motifs qui précèdent que la décision du bâtonnier doit être infirmée et que les honoraires dus à Mme [J] doivent être fixés à la somme de 20 664,50 euros HT, de constater qu'une provision a été versée par Mme [Y] à hauteur de 9 807,50 euros HT et de dire que Mme [Y] reste redevable à Mme [J] de la somme de 10 857 euros HT soit 13 028,40 euros TTC outre la somme de 17,75 euros au titre des frais postaux.
L'équité ne commande pas d'allouer à Mme [J] une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.
Mme [Y] qui succombe supportera la charge des dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Nous Françoise Gilly-Escoffier, statuant en dernier ressort après débats publics, par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Infirmons la décision déférée,
Fixons les honoraires dus à Mme [B] [J] à la somme de 20 664,50 € HT,
Constatons qu'une provision a été versée par Mme [K] [Y] à hauteur de 9 807,50 euros HT,
Disons que Mme [K] [Y] reste redevable à Mme [B] [J] de la somme d e 10 857 euros HT soit 13 028,40 euros TTC outre la somme d e 17,75 euros au titre des frais postaux,
Rejetons la demande de Mme [B] [J] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons Mme [K] [Y] aux dépens d'appel.
Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT