Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 9
ORDONNANCE DU 15 JUIN 2022
Contestations d'Honoraires d'Avocat
(N° /2022, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00629 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CBCYM
NOUS, Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre à la Cour d'Appel de PARIS, agissant par délégation de Monsieur le Premier Président de cette Cour, assistée de Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors des débat, ainsi que lors de la mise à disposition de l'ordonnance.
Vu le recours formé par :
Maître [C] [M]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Georges-henri LAUDRAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0174
Demandeur au recours,
contre une décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS dans un litige l'opposant à :
La SELARLU [U] ET ASSOCIES
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Pauline BOEL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1207
Défendeur au recours,
Par décision contradictoire, statuant publiquement par mise à disposition au Greffe,
après avoir entendu les parties présentes à notre audience du 15 Avril 2022 et pris connaissance des pièces déposées au Greffe,
L'affaire a été mise en délibéré au 15 Juin 2022 :
Vu les articles 174 et suivants du décret du 27 novembre 1991 ;
****
Vu le recours formé par M. [C] [M] le 3 décembre 2019, par lettre recommandée avec avis de réception, auprès du premier président de cette cour, à l'encontre de la décision rendue par le bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Paris le 23 septembre 2019 ayant :
- fixé à la somme de 24 900 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELARLU [U] et associés, avocats, par M. [M]
- constaté le versement de la somme de 11 666,67 euros HT,
- dit que M. [M] devra verser à la SELARLU [U] et associés la somme de 13 233,33 euros HT outre la TVA à 20 %, les intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier soit le 24 janvier 2019 et les frais de signification éventuels,
vu l'article 1244-1 du code civil
- dit que M. [M] pourra s'acquitter de la dette en 11 mensualités de 1 102 euros HT et une douzième de 1 111,33 euros HT, pour la première à intervenir dans le mois de la notification de la présente décision,
- dit que faute pour M. [M] de s'acquitter régulièrement aux échéances prévues, l'intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible de plein droit, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019,
- débouté les parties de toutes autres demandes.
A l'audience du 15 avril 2022 les parties ont comparues et ont repris oralement les termes de leurs écritures.
M. [M] demande au délégué du premier président, de :
- recevoir M. [M] en son appel et le déclarer recevable,
y faisant droit,
statuant à nouveau,
- juger qu'aucune convention d'honoraires n'a été proposée ni a fortiori signée par le Cabinet [U],
- juger qu'aucun taux horaire n'a été fixé, n'a été proposé ni a fortiori signé par le Cabinet [U],
- juger que les factures du 4 mars 2014, réglées par M. [M] ne mentionnent aucun taux horaire,
en conséquence,
sur la forclusion,
- juger que la SELARLU [U] et associés n'a saisi le bâtonnier que le 24 janvier 2019, par requête du 23 janvier 2019, 'c'est à dire après l'expiration du délai de prescription de deux ans du 12 janvier 2019 et reçue le 31 janvier 2019",
- juger que l'action en recouvrement de la SELARLU [U] et associés est donc prescrite concernant cette facture 'de résultat' d'un montant de 17 880 euros TTC,
- infirmer la décision du bâtonnier et débouter la SELARLU [U] et associés de sa demande de fixation d'honoraires,
à titre subsidiaire, sur le fond du dossier,
- infirmer la décision du bâtonnier et débouter la SELARLU [U] et associés de sa demande de fixation d'honoraires.
M. [M] explique, que :
- l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 impose à l'avocat de conclure une convention d'honoraires écrite avec son client, il ne peut réclamer le paiement d'honoraires qui n'ont pas fait l'objet d'un accord écrit préalable,
- ses rapports avec la SELARLU [U] et associés sont soumis au droit de la consommation concernant les prestations de services, le délai biennal de l'article L. 137-2 du code de la consommation est applicable et l'action en paiement de la facture d'honoraires de résultat est prescrite, le bâtonnier n'ayant été saisi que le 24 janvier 2019,
- la SELARLU [U] et associés prétend à tort qu'il a reconnu sa dette, il n'a jamais reconnu devoir le moindre honoraire de résultat, il n'a pas été le bénéficiaire des sommes dégrevées.
La SELARLU [U] et associés demande au délégué du premier président, de :
Vu la loi du 31 décembre 1971
Vu le décret du 27 novembre 1991
Vu le décret du 12 juillet 2005
Vu le Règlement intérieur national de la profession d'avocat
- rejeter la fin de non recevoir soulevée par M. [M],
- confirmer la décision du bâtonnier en ce qu'elle a :
* fixé à la somme de 24 900 euros HT le montant total des honoraires dus à la SELARLU [U] et associés, avocats, par M. [M]
* constaté le versement de la somme de 11 666,67 euros HT par M. [M] à la SELARLU [U] et associés
* dit que M. [M] devra verser à la SELARLU [U] et associés la somme de 13 233,33 euros HT outre la TVA à 20 %, les intérêts au taux légal à compter de la saisine du bâtonnier soit le 24 janvier 2019 et les frais de signification éventuels,
- condamner M. [M] à payer à la SELARLU [U] et associés la somme de 1 500 euros HT au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SELARLU [U] et associés expose que :
- si l'action en paiement de la facture du 12 janvier 2017 se prescrivait le 12 janvier 2019, M. [M] a reconnu sa dette à plusieurs reprises entre 2017 et janvier 2019 de sorte que le délai de prescription a été interrompu en application de l'article 2240 du code civil et que sa demande n'était pas prescrite lors de la saine du bâtonnier,
- elle a assisté M. [M] au cours de trois procédures de vérification de comptabilité avec pour objectif d'apprécier la régularité de la procédure et le bien fondé des impositions, des missions connexes en lien avec les vérifications ont été nécessaires, notamment en matière de recouvrement, et dans ce cadre elle a accompli de nombreuses diligences,
- elle a facturé des honoraires fixes ainsi qu'un honoraire de résultat de 12 % sur l'ensemble des sommes reçus dans la procédure relative aux années 2017/2019 dont M. [M] avait préalablement eu connaissance et qu'il a accepté ainsi que cela ressort des mails échangés avec lui.
MOTIFS
Il ressort des pièces produites aux débats et notamment de la lettre de Maître [U] en date du 21 juillet 2011 à la Direction générale des finances publiques et des mails échangés entre les parties, que M. [M] s'est adressé à la SELARLU [U] et associés en 2011 pour le défendre dans le cadre de propositions de rectification sur les années 2008 et 2009 (évaluation d'office des BNC 2008 et 2009, taxation d'office de la TVA de l'année 2009), sur les années 2010 à 2012 (BNC et TVA sur les années 2011 et 2012) et sur les années 2013 à 2015 (au titre de la TVA).
Le 12 janvier 2017, la SELARLU [U] et associés a émis une facture d'un montant de 14 900 euros HT outre la TVA à 20 % soit 17 880 euros TTC.
N'ayant pas été payée de l'intégralité des honoraires mentionnés dans cette facture, la SELARLU [U] et associés, après plusieurs mails de relance mentionnant qu'elle ne pourrait pas poursuivre ses diligences sans paiement de ses honoraires, a envoyé à M. [M] par lettre du 11 décembre 2018 une mise en demeure d'avoir à lui payer le solde de ses honoraires de 13 233,33 euros HT soit 15 880 euros TTC.
Il résulte de l'article L. 218-2 du code de la consommation que l'action de la SELARLU [U] et associés pour obtenir le paiement de ses honoraires se prescrit par deux ans.
En l'espèce, outre que le point de départ du délai de prescription est le jour où l'avocat a mis fin à sa mission, il s'avère que M. [M] a reconnu dans divers mails adressés à la SELARLU [U] et associés, en réponse à des mails sollicitant le paiement des honoraires, devoir la somme réclamée notamment par mail du 11 octobre 2017 dans lequel il a demandé le bénéfice d'un paiement par mensualité, du 8 janvier 2018 dans lequel il indique qu'il va faire deux paiements par chèque et qu'il va 'faire le nécessaire' et du 3 avril 2018 dans lequel il indique avoir adressé un chèque de 2 000 euros et précise qu'il enverra tous les mois un règlement de 1 000 ou 1 500 euros.
Ces mails contenant la reconnaissance du droit de la SELARLU [U] et associés au paiement de la facture du 12 janvier 2017 ont ainsi interrompu le cours du délai de prescription de l'action ouverte à la SELARLU [U] et associés pour obtenir le paiement de cette facture conformément à l'article 2248 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 disposant que 'la prescription est interrompue par la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait'.
Ainsi l'action en paiement de la SELARLU [U] et associés n'était pas prescrite à la date de saisine du bâtonnier soit le 24 janvier 2018.
Par ailleurs selon l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée par l'article 51 V de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 'Sauf en cas d'urgence ou de force majeure ou lorsqu'il intervient au titre de l'aide juridictionnelle totale ou de la troisième partie de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, l'avocat conclut par écrit avec son client une convention d'honoraires, qui précise, notamment, le montant ou le mode de détermination des honoraires couvrant les diligences prévisibles, ainsi que les divers frais et débours envisagés.
Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci.'
En l'espèce la SELARLU [U] et associés ne justifie pas d'un accord écrit intervenu avec M. [M] sur le montant même de ses honoraires, préalablement au commencement de sa mission, ce qui ne ressort pas des mails échangés avec M. [M].
Il en résulte que les honoraires de la SELARLU [U] et associés doivent être fixés en fonction
'des usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci'.
Eu égard aux diligences justifiées de la SELARLU [U] et associés sur l'ensemble des procédures, soit étude de pièces, échanges de mails avec M. [M], nombreux courriers à l'administration fiscale, recours hiérarchique, les honoraires dus par M. [M] doivent être fixés à la somme de 19 000 euros HT.
Après déduction de la somme de 11 666,67 euros déjà versée M. [M] reste devoir une somme de 7 333,33 euros HT soit 8 800 euros TTC, outre les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019, date de saisine du bâtonnier.
L'équité ne commande pas d'allouer à la SELARLU [U] et associés une indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel.
M. [C] [M] qui succombe pour partie en son recours supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
Nous Françoise Gilly-Escoffier, statuant publiquement, en dernier ressort, par décision contradictoire et par mise à disposition au greffe,
Rejetons la fin de non recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [C] [M],
Infirmons la décision déférée,
Fixons les honoraires dus à la SELARLU [U] et associés à la somme totale de 19 000 HT,
Disons que déduction faite de la somme de 11 666,67 euros HT déjà versée M. [M] reste devoir une somme de 7 333,33 euros HT soit 8 800 euros TTC,
Disons que M. [C] [M] devra verser à la SELARLU [U] et associés la somme de 8 800 euros, avec les intérêts au taux légal à compter du 24 janvier 2019,
Rejetons la demande de la SELARLU [U] et associés fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamnons M. [C] [M] aux dépens d'appel.
Disons qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'ordonnance sera notifiée aux parties par le greffe suivant lettre recommandée avec accusé de réception.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT