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10/05/2022 | FRANCE | N°19/00468

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 9, 10 mai 2022, 19/00468


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9



ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

(N° /2022, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00468 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAK7A



Décision déférée à la Cour : Décision du 10 Juillet 2019 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/320659





APPELANTE



La Société FANON

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Représentée par M [V] [I], son gérant



INTIMEE



La SARL D'AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Bertrand RABOURDIN, avocat au barreau...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 9

ARRET DU 08 SEPTEMBRE 2022

(N° /2022, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/00468 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAK7A

Décision déférée à la Cour : Décision du 10 Juillet 2019 -Bâtonnier de l'ordre des avocats de PARIS - RG n° 211/320659

APPELANTE

La Société FANON

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par M [V] [I], son gérant

INTIMEE

La SARL D'AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Bertrand RABOURDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0158 substitué à l'audience par Me Cécile BENOIT-RENAUDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0158

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Agnès TAPIN, magistrate honoraire désignée par décret du 24 décembre 2021 du Président de la République aux fins d'exercer des fonctions juridictionnelles, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme TOUATI Nina, Présidente de chambre

Mme Laurence CHAINTRON, Conseillère

Mme Agnès TAPIN, Magistrat honoraire

Greffier, lors des débats : Mme Eléa DESPRETZ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nina TOUATI, Présidente de chambre et par Eléa DESPRETZ, Greffière présente lors du prononcé.

Par lettre RAR en date du 29 mai 2019, reçue le 3 juin 2019, la selarl d'avocats Martin et Associés a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris d'une demande de fixation de ses honoraires dus par la société Fanon à la somme de 1.500 € HT qui correspond, selon l'avocat, au coût d'une consultation juridique au taux horaire de 250 € HT effectuée mi 2018.

Par décision contradictoire en date du 10 juillet 2019, la déléguée du bâtonnier a :

- fixé à la somme de 1.500 € le montant des honoraires dus à la selarl d'avocats Martin et Associés par la société Fanon dans le cadre des diligences accomplies à son profit,

- constaté qu'aucune somme n'a été versée à titre de règlement partiel par la société Fanon,

- dit, en conséquence, que la société Fanon devra verser à la selarl d'avocats Martin et Associés la somme de 1.500 € HT au titre des honoraires lui restant dus dans ce dossier,

- dit que cette somme sera majorée de la TVA au taux applicable à la date des diligences accomplies et de l'intérêt au taux légal à compter de la date de saisine du bâtonnier,

- dit que la société Fanon devra verser à la selarl d'avocats Martin et Associés la somme de 500 € au titre des frais irrépétibles, et par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les frais éventuels de signification de la décision seront à la charge de la société Fanon,

- débouté les parties de toutes autres demandes.

La décision a été notifiée aux parties par lettres RAR en date du 11 juillet 2019 dont elles ont signé les AR le 12 juillet suivant.

Par lettre RAR en date du 10 août 2019, le cachet de la Poste faisant foi, la société Fanon a exercé un recours contre la décision.

Les parties ont été convoquées une première fois à l'audience du 12 janvier 2022 par lettres RAR en date du 4 octobre 2021.

L'affaire a été renvoyée successivement à l'audience du 8 mars 2022, puis à celle du 10 mai 2022 par lettres RAR en date du 24 février 2022 dont les deux parties ont signé les AR.

A cette dernière audience, la société Fanon, représentée régulièrement par M. [V], a sollicité oralement et conformément à ses écritures déposées pour l'audience du 12 janvier 2022, de débouter la selarl d'avocats Martin et Associés de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 1.000 € « en dédommagement de son préjudice causé par le traitement de cette affaire en terme de temps passé et de différents frais. »

La société Fanon a demandé le débouté de l'intimée : 

« -pour non respect des règles de déontologie de la profession d'avocat vis à vis de son client puisque Maître [P] [D] (de la selarl d'avocats Martin et Associés) n'a pas cherché à s'assurer que sa convention d'honoraires soit validée par son client avant de commencer sa mission conformément aux décrets n° 2017-1220 du 2 août 2017 et de l'article 10 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005, ce qui a engendré un contentieux qui n'aurait jamais existé sinon » ;

« -du fait que nous avons envoyé une convention et note d'honoraires basée sur le temps passé avec un taux horaire de 250 € HT alors qu'il avait été clairement convenu des honoraires forfaitaires de 2000 € plus 10 % du montant des indemnités obtenues à l'issue du jugement du tribunal et ce pour l'ensemble de la mission » :

« -pour facturation abusive de par le temps que Maître [P] indique avoir passé sur ses prestations ».

La société Fanon a expliqué que :

- il conteste la note d'honoraires depuis le début de la procédure ;

- elle avait fait appel à une autre avocate, qui avait déjà fait des démarches ; il ne fallait pas les refaire comme l'a pourtant effectué la selarl d'avocats Martin et Associés, à tort puisqu'elle s'était rapprochée de son confrère pour prendre connaissance de ce qu'elle avait réalisé ;

- elle a demandé à la selarl d'avocats Martin et Associés d'intervenir sur une demande d'indemnisation ; elle a facturé une heure pour cette consultation sur deux dossiers examinés ensemble pendant une heure, si bien que chaque dossier doit être facturé une demie heure qu'elle reconnaît devoir.

La selarl d'avocats Martin et Associés a demandé oralement et conformément à ses écritures visées par Mme la greffière le 10 mai 2022 de confirmer la décision déférée du bâtonnier, débouter la société Fanon de ses demandes, et la condamner à lui verser la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La selarl d'avocats Martin et Associés a indiqué que :

- une des deux affaires que la société Fanon lui a confiée concerne l'application du droit de l'urbanisme, contenant beaucoup de délais pour la délivrance des permis de construire ;

- le précédent avocat n'a fait aucune consultation juridique pour la société Fanon courant 2015 ; il a seulement rédigé un courrier au maire ;

- elle a dû dans ces conditions étudier la question de la prescription des délais pour l'action en paiement que la société Fanon souhaitait engager, afin de savoir si son action était recevable ;

- la société Fanon étant à quelques mois de la prescription, elle lui a donc demandé de lui adresser plusieurs documents pour engager l'action, mais elle ne lui en a adressé aucun.

SUR CE

Le recours de la société Fanon qui a été effectué dans le délai d'un mois prévu par l'article 176 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 modifié, est recevable.

Sur les honoraires :

Contrairement aux déclarations de la société Fanon, les pièces produites (cf celles du cabinet d'avocats n° 1 à 12) établissent qu'elle a confié deux missions à la selarl d'avocats Martin et Associés, dont une concernant la présente instance, après que son gérant ait rencontré un avocat de la selarl d'avocats Martin et Associés le 27 juillet 2018 au cabinet de celle-ci. La société Fanon reconnaît d'ailleurs l'existence de ce rendez vous.

Il ressort de ces pièces les faits suivants :

A l'issue de ce rendez vous, la selarl d'avocats Martin et Associés a proposé à la signature de la société Fanon une convention d'honoraires en date du 27 juillet 2018, ce que cette dernière reconnaît, mais qu'elle n'a jamais signée.

Il y est indiqué la mission confiée par la société Fanon au cabinet d'avocat : « l'assister et la représenter dans le cadre d'une demande d'indemnisation dirigée contre la mairie de [Localité 5], et plus généralement, de l'assister et de la représenter dans le cadre des procédures qui pourront être initiées par la suite en vue d'obtenir l'indemnisation du préjudice subi au titre de la caducité du permis de construire PC n°... délivré le 30 mars 2011 ».

Il est également prévu des honoraires au temps passé au taux horaire de 250 € HT et hors frais, TVA en sus.

La selarl d'avocats Martin et Associés a adressé le 10 août 2018 à la société Fanon une consultation juridique de 4 pages et demi dans laquelle elle a répondu aux interrogations suivantes :

- un recours indemnitaire dirigée contre la mairie de [Localité 5] serait-il aujourd'hui recevable '

« -pour cela, il s'agit de vérifier si les délais de recours sont expirés, et si la dette de la commune pourrait être éteinte par l'effet de la prescription ». La selarl d'avocats Martin et Associés a étudié ces deux questions dans deux parties distinctes et argumentées en droit et en fait ; le recours paraissant recevable, la selarl d'avocats Martin et Associés a décrit les six types de documents qui devront nécessairement être produits par la société Fanon pour le rédiger. Elle a consacré une troisième partie à cette énumération assortie d'explications.

La selarl d'avocats Martin et Associés a contacté par mails la société Fanon courant septembre 2018 pour obtenir communication des pièces réclamées dans le courrier du 10 août.

Le 26 octobre 2018, elle lui a adressé une facture d'honoraires n° 8789 en date du 25 octobre d'un montant de 1.500 € HT, soit 1.800 € TTC, à laquelle est joint le descriptif suivant des prestations, représentant un temps passé total de 6 h, calculé au taux horaire de 250 € HT :

«-27 juillet : 1er RDV + recherches sur la prescription : 1 h

-8 août : rédaction de la consultation sur la recevabilité de la requête : 3 h

-9 août : note complétée quant aux pièces nécessaires à la requête : 1 h 45

-17 septembre : envoi mail au client + relance sur les pièces à collecter : 15 minutes ».

La selarl d'avocats Martin et Associés a ensuite adressé à la société Fanon deux mails circonstanciés en date des 19 février et 7 mars 2019 dans lesquels elle explique le contenu de sa consultation sur la recevabilité de l'action en indemnisation, pourtant claire, et le montant des honoraires dont elle demande le paiement.

La société Fanon refusant de payer les honoraires, la selarl d'avocats Martin et Associés a saisi le bâtonnier de l'ordre des avocats de Paris.

Cela étant posé, comme l'a justement indiqué la déléguée du bâtonnier, en l'absence de convention d'honoraires, ceux de la selarl d'avocats Martin et Associés devront être fixés en se référant aux critères cités à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifié par par l'article 51 V de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, applicable en l'espèce puisque la mission a été confiée en juillet 2018, et qui dit que:

«Les honoraires tiennent compte, selon les usages, de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences de celui-ci ... »

La société Fanon ne produit aucune pièce justifiant qu'elle s'était mise d'accord avec la selarl d'avocats Martin et Associés de payer un forfait d'honoraires assorti d'un pourcentage sur les résultats. Cet argument est rejeté, comme l'a fait la déléguée du bâtonnier.

Ensuite, par des motifs dont les débats devant la cour n'ont pas altérés la pertinence et qu'il convient d'adopter, la déléguée du bâtonnier a fait une juste application des règles de droit, comme une exacte appréciation des faits et documents de l'espèce, en retenant que :

-il apparaît des éléments du dossier suffisamment de points concordants, justifiant que la selarl d'avocats Martin et Associés a accompli dans le présent dossier de nombreuses diligences au profit de la société Fanon qui ne le conteste pas ;

-la selarl d'avocats Martin et Associés justifie en effet avoir accompli six heures de diligences au temps passé affectées du taux horaire habituel de 250 € HT sur une période de sept semaines entre le 27 juillet et le 17 septembre 2018 ;

-les honoraires facturables sont de 1.500 € HT eu égard au temps passé admissible.

Les moyens invoqués par la société Fanon au soutien de son recours ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont la déléguée du bâtonnier a connus et auxquels elle a répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation.

Il convient en effet de répondre une nouvelle fois à la société Fanon que :

- la selarl d'avocats Martin et Associés a justifié des diligences effectuées constituées par un RDV précédé de recherches sur la prescription, la rédaction d'une consultation de 4 pages et demi accompagnée de recherches juridiques, et les explications données à la société Fanon dans des mails ;

- l'avocate précédente, Maître [N], n'a rédigé aucune consultation juridique pour la société Fanon comme celle écrite par la selarl d'avocats Martin et Associés ; le document rédigé par cette avocate n'est pas produit.

Dans ces conditions, la décision déférée doit être confirmée en ce qu'elle a :

- fixé à la somme de 1.500 € le montant des honoraires dus à la selarl d'avocats Martin et Associés par la société Fanon,

- dit, en conséquence, que la société Fanon devra verser à la selarl d'avocats Martin et Associés la somme de 1.500 € HT au titre des honoraires dus dans ce dossier, avec la TVA au taux applicable à la date des diligences accomplies, et l'intérêt au taux légal à compter de la date de saisine du bâtonnier.

Sur les autres demandes :

Il n'est pas établi que la saisine du bâtonnier est constitutif d'un abus pour la société Fanon qui a d'ailleurs été condamnée par le bâtonnier à payer la somme réclamée, présentement confirmée par la cour d'appel. Il y a donc lieu de débouter la société Fanon de sa demande de dommages-intérêts.

En revanche, il paraît inéquitable de laisser à la charge de la selarl d'avocats Martin et Associés les frais irrépétibles exposés dans la présente instance. La société Fanon est donc condamnée à lui payer la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.

La condamnation de ce chef prononcée par la déléguée du bâtonnier est également confirmée.

Enfin, la société Fanon succombant dans la présente instance, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Statuant, après débats publics, par arrêt contradictoire, en dernier ressort et mis à disposition par le greffe,

Confirme la décision prononcée le 10 juillet 2019 par la déléguée du bâtonnier,

Condamne la société Fanon aux dépens,

Condamne la société Fanon à payer à la selarl d'avocats Martin et Associés la somme de 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes les demandes de la société Fanon,

Dit qu'en application de l'article 177 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, l'arrêt sera notifié aux parties par le greffe de la cour suivant lettre recommandée avec accusé de réception.

LA GREFFIERE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 19/00468
Date de la décision : 10/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-10;19.00468 ?
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