RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 13 Mai 2022
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09996 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6JLT
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/00543
APPELANTE
Madame [W] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparante en personne, non assistée
INTIMEE
URSSAF -PAYS DE LA LOIRE venant aux droits de l'URSSAF ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Mme [O] en vertu d'un pouvoir spécial
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mars 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Lionel LAFON, Conseiller
Greffier : Madame Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Pascal PEDRON, Président de chambre et par Madame Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [W] [V] (l'assurée) d'un jugement rendu le 04 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'Île-de-France (l'URSSAF), à laquelle se substitue volontairement l'URSSAF des Pays-de-la-Loire (l'URSSAF).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [V] qui exerce en qualité de masseur kinésithérapeute libérale a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 24 janvier 2017 d'une opposition à une contrainte de l'URSSAF délivrée le 12 janvier 2017, et signifiée le 16 janvier 2017, pour le recouvrement des sommes de 2 449 euros en cotisations et 132 euros en majorations de retard au titre du 4e trimestre 2016.
Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, par jugement contradictoire et en dernier ressort du 04 mai 2018, a :
- débouté Mme [W] [V] de sa demande d'annulation de la contrainte délivrée le 12 janvier 2017 ;
- déclaré l'URSSAF d'Ile-de-France recevable en sa demande de validation de la contrainte;
- dit que l'URSSAF d'Ile-de-France n'est pas un organisme mutualiste et dispose de la capacité d'agir en recouvrement des cotisations ;
- déclaré la procédure de recouvrement diligentée par l'URSSAF d'Ile-de-France à l'encontre de Mme [V] régulière et bien fondée ;
- validé la contrainte délivrée le 12 janvier 2017 par l'URSSAF d'Ile-de-France à l'encontre de Mme [V] à hauteur de la somme de 2 449 euros au titre des cotisations dues pour le quatrième trimestre de l'année 2016 et la somme de 132 euros au titre des majorations de retard ;
- dit, en conséquence, que la contrainte sera exécutoire de droit nonobstant appel et produira son plein et entier effet;
- dit que les frais de signification de la contrainte seront à la charge de Mme [V] ;
- rappelé que la procédure est sans frais ni dépens.
Mme [V] a, le 23 août 2018, interjeté « appel nullité » de ce jugement qui lui avait été notifié le 14 août 2018.
A l'audience du 11 mars 2022, l'assurée, comparant en personne, a repris oralement sa critique écrite de la contrainte et de la mise en demeure et a demandé à la cour de :
- débouter l'URSSAF de sa demande d'irrecevabilité d'appel nullité;
- débouter l'URSSAF de sa demande de validation de la mise en demeure et de la contrainte;
- déclarer la mise en demeure nulle et de nul effet, en l'absence de ventilation des sommes risque par risque, étant donné qu'elle ne connait pas l'étendue de son obligation ;
- déclarer la contrainte nulle et de nul effet en l'absence de ventilation des sommes ;
- débouter l'URSSAF de toute demande éventuelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouter l'URSSAF de toute éventuelle demande de dommages et intérêts;
- condamner l'URSSAF à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner l'URSSAF à lui verser 1 000 euros de dommages-intérêts pour démarche abusive de son audiencier au travers de son argumentation sur la non recevabilité de son appel nullité.
Elle a fait valoir que le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale aurait dû proposer un recours devant la Cour d'appel au lieu d'un pourvoi en cassation car le différend porte sur la CSG et la CRDS et qu'aucune audience de conciliation n'avait été proposée en amont de l'audience de première instance. Elle soutient que la mise en demeure ne ventile pas les sommes réclamées en fonction des cotisations concernées, en l'occurrence n'indique pas le montant de la CSG-CRDS, pas plus que la contrainte ne ventile les sommes risque par risque. Elle expose qu'en n'indiquant qu'une somme globale, l'URSSAF ne respecte pas les textes du code de la sécurité sociale, notamment en ses articles L. 244-2, L. 244-9 et R. 244-1. Elle soutient qu'en l'absence de ventilation des sommes par risque, elle n'avait aucune information sur l'étendue de ses obligations, de sorte que la mise en demeure et la contrainte sont nulles de plein droit sans qu'il soit besoin de démontrer un grief. Enfin, l'assurée ajoute que la contrainte indique un numéro de mise en demeure qui est faux, ce qui lui interdit également de connaître ses obligations.
Par ses conclusions écrites développées et complétées oralement à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour de :
A titre principal :
- l'accueillir dans sa défense,
- rejeter l'appel nullité de Mme [V],
A titre subsidiaire :
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- confirmer le jugemen tdéféré,
- valider la contrainte du 12 janvier 2017 pour son entier montant,
- en conséquence, condamner Mme [V] au paiement de la somme de 2 581 euros, sans préjudice du décompte ultérieur de majorations de retard complémentaires après complet paiement des cotisations,
- condamner Mme [V] au paiement des frais de signification de la contrainte.
L'URSSAF fait valoir que la seule voie ouverte était le pourvoi en cassation, que l'appel simple n'était pas ouvert en raison du montant des demandes inférieur au taux du ressort, que la mise en demeure est régulière dans la mesure où la personne concernée est en mesure, à sa lecture, de connaître la réclamation qui lui est adressée et qu'elle obéit aux prescriptions légales lorsqu'elle précise la nature, le montant et l'origine de la dette ainsi que la période à laquelle elle se rapporte et permet ainsi au cotisant de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. Elle ajoute qu'en cas de non-paiement des cotisations courantes à leur date d'exigibilité, cette mention est à elle seule suffisante pour renseigner l'assujetti sur les causes de son obligation. Au cas d'espèce, la mise en demeure du 25 novembre 2016 répond aux exigences légales dès lors que la jurisprudence n'impose pas d'indiquer la ventilation des cotisations par risque sur les mises en demeure et les contraintes. La contrainte subséquente, est également régulière en ce qu'elle fait expressément référence à la mise en demeure du 25 novembre 2016 qui ventile les sommes (cotisations / majorations de retard) et les périodes.
Il est expressément renvoyé aux productions écrites des parties qu'elles ont oralement soutenues pour un exposé complet de leurs moyens et arguments.
SUR CE,
L'appel-nullité issu du droit prétorien, recevable en l'absence de voies de recours, doit porter exclusivement sur un excès de pouvoir du juge résultant soit d'une méconnaissance de la séparation des pouvoirs, soit d'un excès de pouvoir positif, le juge s'arrogeant des attributions que le dispositif normatif lui refuse, ou un excès de pouvoir négatif, le juge refusant d'exercer les compétences que la loi lui attribue.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, le jugement déféré étant susceptible, comme les premiers juges l'ont rappelé en indiquant qu'il était rendu en dernier ressort, d'un pourvoi en cassation, et l'assurée, d'ailleurs, ne sollicitant pas l'annulation du jugement mais l'annulation de la mise en demeure et de la contrainte et le débouté de l'URSSAF.
Dès lors, l'assurée doit être déclarée irrecevable en son appel-nullité, et se pose la question de la recevabilité d'un appel en présence d'un litige portant sur une somme inférieure à
4 000 euros.
En principe, le tribunal des affaires de sécurité sociale statue en dernier ressort, c'est-à-dire sans appel possible, lorsque le montant de la demande n'excède pas le taux du dernier ressort, c'est-à-dire 4 000 euros en application des dispositions de l'article R. 142-25 du code de la sécurité sociale alors applicable.
Mais, par exception, lorsque le différend porte sur la contribution sociale généralisée et sur la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CSG et CRDS), la décision du tribunal est toujours susceptible d'appel, quel que soit le montant du litige en application des dispositions de l'article L. 136-5, V, du code de la sécurité sociale et de l'article 14,III, de l'ordonnance n '96-50 du 24 janvier 1996 (Cass. civ. 2e, 7 février 2008, n°07-10.269).
En l'espèce, l'opposition à contrainte porte sur les allocations familiales et les contributions des travailleurs indépendants, à savoir la CSG, la CRDS, la contribution à la formation professionnelle et, s'il y a lieu, la contribution aux unions de médecins.
Dans ces conditions l'appel est recevable, nonobstant la mention erronée dans le jugement.
En l'espèce, l'assurée reproche à la mise en demeure établie par l'URSSAF avant la signification de la contrainte de ne pas ventiler les sommes réclamées entre cotisations et CSG et CRDS. Elle critique ensuite la contrainte, en ajoutant qu'elle comporte un numéro erroné de mise en demeure. Enfin, elle soutient que le défaut de ventilation des sommes par risque ou cotisation vaut absence de motivations et partant la nullité de la contrainte.
En droit, il résulte des articles L. 244-2, R. 244-1 et R. 243-59-9 du code de la sécurité sociale que toute action aux fins de recouvrement de cotisations majorations de retard doit être précédée, à peine de nullité, de l'envoi au débiteur par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d'une mise en demeure l'invitant à régulariser cette situation dans le mois. Ce n'est qu'à l'expiration de ce délai que des poursuites peuvent être engagées.
En outre, il résulte des articles L. 244-2 et R. 244-1 du code de la sécurité sociale que la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des cotisations réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent. À défaut, le cotisant peut en demander l'annulation sans avoir à justifier d'un préjudice. Elle doit aussi, à peine de nullité, mentionner expressément le délai pour procéder au paiement.
La mention « absence de versement » est une motivation suffisante pour une mise en demeure pour le recouvrement de cotisations déclarées mais non réglées (Cass., 2e ch. civ., 24 mai 2017, n°16-16763).
Au cas d'espèce, l'assurée verse la mise en demeure du 25 novembre 2016 qui lui a été adressée avant la signification de la contrainte par lettre recommandée avec accusé de réception.
Force est de constater qu'après avoir rappelé qu'elle avait été établie compte tenu des déclarations et versements enregistrés jusqu'au 23 novembre 2016, elle comporte de façon précise la cause, à savoir l'absence de versement, la nature des sommes dues (cotisations provisionnelles au titre des allocations familiales et contributions des travailleurs indépendants), l'étendue, à savoir la période concernée par le recouvrement (4e trimestre 2016) et le montant détaillé des sommes dues tant en principal qu'en majorations et pénalités (respectivement 2 449 euros et 132 euros). S'agissant des seules mentions exigées, elles sont bien conformes aux exigences de l'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale qui n'exige pas une ventilation par cotisations ou par risque s'agissant de cotisations et de contributions calculées selon les taux et les barèmes prévus par les textes, dont la loi de financement de la sécurité sociale votée chaque année à la même période et qui fait l'objet d'une publication officielle, sur la base des seuls revenus déclarés par l'assurée, ici jusqu'au 23 novembre 2016, de sorte qu'elle peut avec les seules mentions portées dans la mise en demeure vérifier ses obligations, étant rappelé que cette procédure n'a été mise en oeuvre que pour la seule raison qu'elle ne s'est pas spontanément acquittée de ses obligations sociales et non en raison d'une rectification d'assiette ou redressement de cotisations. Les mentions critiquées permettaient donc à l'assurée, sur la base des obligations connues avant même la procédure, d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, de sorte que le moyen de nullité tiré de ce chef ne peut prospérer.
La contrainte n'est pas critiquée autrement que sur ce seul moyen et le caractère erroné du numéro de la mise en demeure qui y a été repris. Or, la mise en demeure du 25 novembre 2016 porte le numéro 0084276624 (numéro dossier) et la contrainte mentionne la mise en demeure avec la même date et le même numéro, de sorte que cette critique n'est pas fondée.
Enfin, le tribunal a expressément indiqué au jugement déféré que les parties ont plaidé l'affaire à l'audience du 22 février 2018, et ce à défaut de conciliation possible.
Il s'ensuit que les critiques de l'assurée étant inopérantes, le jugement déféré sera confirmé.
L'assurée sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [V], tenue à cotisations, ne rapporte en l'espèce pas la preuve d'une faute de l'URSSAF à l'origine d'un préjudice ; sa demande de dommages-intérêts sera donc rejetée.
La demande de l'assurée fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE l'appel-nullité irrecevable ;
DÉCLARE l'appel recevable mais mal fondé ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE [W] [V] à payer à l'URSSAF des Pays-de-la-Loire la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles ;
DÉBOUTE [W] [V] de sa demande en dommages-intérêts ;
DÉBOUTE [W] [V] de sa demande d'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE [W] [V] aux dépens d'appel.
La greffièreLe président