RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 20 Mai 2022
(n° , 12 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/06560 et 17/06794 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B3IO5
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 15/03604
APPELANTE
SOCIETE [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 1701
INTIMEE
URSSAF PROVENCE-ALPES-CÔTE-D'AZUR venant aux droits de la CAISSE NATIONALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre, et Monsieur Lionel LAFON, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Lionel LAFON, Conseiller
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur les appels interjetés par la S.A.S. [6] d'un jugement rendu le 28 février 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants aux droits de laquelle se trouve l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur.
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la S.A.S. [6] a sollicité le remboursement des somme versées au titre de la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés et de la Contribution Additionnelle à la Contribution Sociale de Solidarité pour les années 2008 à 2013 inclis ; que suite au refus de la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants le 5 mai 2015, elle a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale le 6 juillet 2015.
Par jugement en date du 28 février 2017, le tribunal a :
rejeté les demandes de la S.A.S. [6] ;
condamné la S.A.S. [6] à verser à la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a considéré que la S.A.S. [6] était assujettie à la [5] en application des articles L651-1 et suivants du code de la sécurité sociale. Elle doit donc déclarer à ce titre le montant de son chiffre d'affaires global déclaré à l'administration fiscale, calculé hors taxes sur le chiffre d'affaires et taxes assimilées ; que bénéficient d'une assiette dérogatoire, notamment, les intermédiaires opaques, autrement dit les commissionnaires, en application des dispositions de l'article L651-5 alinéa 2 du code de la sécurité sociale. Le tribunal a considéré que l'article 273 octies du Code général des impôts s'appliquait aux débats puisque l'article L 651-5 alinéa 2 du code de la sécurité sociale y faisait expressément référence. Analysant les termes du contrat de commissionnaire, le tribunal a relevé que les commissions n'étaient pas fixées au préalable mais sujettes à des révisions constantes, ce qui excluait l'application des dispositions conjointes de l'article L 651-5 alinéa 2 du code de la sécurité sociale et de l'article 273 octies du Code général des impôts.
Le jugement a été notifié à une date inconnue à la S.A.S. [6] qui en a interjeté appel par déclaration formée par voie électronique le 3 mai 2017 et par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 9 mai 2017.
Les deux dossiers, respectivement enrôlés sous les numéros 17/06560 et 17/06794 ont été joints sous le premier numéro.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [6] demande à la cour de :
infirmer le jugement rendu par le Tribunal des Affaires Sociales de Paris le 28 février 2017 dans l'ensemble de ses dispositions, et en particulier en ce qu'il a débouté la Société de sa demande en remboursement de la somme de 1 095 982 euros ;
annuler la décision de rejet de la réclamation prise par la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants à l'encontre de la société et datée du 5 mai 2015 ;
ordonner à l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur, venant aux droits et obligations de la Caisse nationale du Régime Social des Indépendants, le remboursement au bénéfice de la société [6] de la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés d'un montant de 1 095 982 euros versée à tort par la société à la Caisse Nationale du régime Social des Indépendants (désormais URSSAF PACA) au titre des années 2008 à 2013 (dont 156 480 euros au titre de 2008, 155 378 euros au titre de 2009, 138 733 euros au titre de 2010, 182 032 euros au titre de 2011, 211 091 euros au titre de 2012 et 252 268 euros au titre de 2013), augmentés des intérêts de retard au taux légal à compter de la date de la demande initiale (5 mai 2011 ou 27 décembre 2013) et avec capitalisation des intérêts ;
en tout état de cause, condamner l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose que sa qualité de commissionnaire de la requérante ne fait aucun doute et n'est d'ailleurs remise en cause ni par l'URSSAF ni par le Tribunal ; que le point de désaccord avec l'URSSAF porte sur les modalités de détermination de la commission au titre de l'activité de commissionnaire à la vente ; qu'un commissionnaire n'est qu'un prestataire de services ; qu'il n'achète ni ne revend les marchandises pour lesquelles il s'entremet à la vente ; qu'aussi, commercialement, le commissionnaire procède aux ventes de produits du commettant et non à la vente de ses propres marchandises ; qu'à ce titre, il n'est rémunéré, le cas échéant, que par une commission ; qu'à compter du 1er janvier 1993, le régime de TVA applicable aux intermédiaires a dû être modifié afin d'appréhender les conséquences de la mise en 'uvre de la TVA intracommunautaire ; qu'ils sont désormais traités, par une fiction, comme des acheteurs-revendeurs ;que la fiction fiscale créée par l'article 256-V du CGI, conduisant à assimiler le commissionnaire à un acheteur-revendeur aurait dû conduire à taxer le commissionnaire sur un chiffre d'affaires excédant le montant de son éventuelle commission ; que les commissionnaires qui bénéficient des dispositions de l'article 273 octies du même Code diminuent du montant du chiffre d'affaires servant d'assiette à la contribution la valeur des biens ou des services qu'ils sont réputés acquérir ou recevoir pour n'être imposable que sur leur seule commission ; que la commission perçue au titre de l'activité de commissionnaire n'est pas impactée par les éventuelles autres activités prévues au contrat ; que c'est donc à tort que le Tribunal cite cet article 9 pour juger des modalités de détermination de l'activité de commissionnaire à la vente ; que le taux de la commission est déterminé « en fonction des ventes nettes effectives », c'est-à-dire des ventes brutes moins les réductions commerciales selon un barème déterminé à l'avance et fixé dans l'annexe 2 du contrat de commission ; que ce barème dépend du montant des ventes réalisées, le taux de commission étant ajusté en fonction du chiffre d'affaires ; que le taux de la commission est donc bien déterminé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens vendus par le commissionnaire au nom du commettant et rien ne s'oppose à ce que le taux de commission varie en fonction du chiffre d'affaires réalisé ; que le chiffre d'affaires annuel ne pouvant être connu avant la fin de l'exercice, il est normal que le commissionnaire corrige le montant de sa commission en fonction du chiffre d'affaires réel, afin que sa commission respecte les engagements prévus au contrat ; que les autres activités prévues au contrat font l'objet soit d'un remboursement de frais, soit de rémunérations distinctes ; que ces sommes ne sont, en tout état de cause, pas imposables à la contribution sociale de solidarité des sociétés ; que l'interprétation faite par l'URSSAF des conditions tenant à la commission sont restrictives et leur application stricte est contraire aux dispositions de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme ; que l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne visant à garantir le droit au respect des biens, prohibe les impositions présentant un caractère confiscatoire, c'est à dire qui ne prendraient pas suffisamment en compte la situation personnelle du contribuable ; que les dispositions de l'article L137-33 du code de la sécurité sociale, telles qu'interprétées par l'URSSAF conduisent également à porter une atteinte disproportionnée à ses biens et présentent un caractère discriminatoire ; qu'en limitant l'assujettissement à la contribution sociale de solidarité à la seule commission perçue par un commissionnaire, tant le législateur que la Cour de Cassation ont apprécié la capacité contributive des redevables ; qu'un commissionnaire ne se définit pas par sa rémunération qui est libre ; qu'une distinction selon le mode de détermination de la commission ne constitue pas un élément objectif pouvant fonder une discrimination ; que la différence de traitement est comprise par le juge européen, selon une conception formelle de l'égalité, comme « une distinction introduite entre des situations analogues ou comparables » ; qu'il ne saurait être institué de différence de traitement fondée sur le mode de rémunération ; que l'URSSAF n'a pas justifié en première instance de l'existence d'un but légitime ni d'une discrimination proportionnée au but poursuivi susceptible d'écarter ce grief ; que l'exclusion du chiffre d'affaires commissionnaire de l'assiette de la contribution sociale de solidarité répond à un but de neutralité ; que si l'objectif de financement du régime de protection sociale des travailleurs indépendants est un objectif légitime, les moyens mis en 'uvre par l'URSSAF ne sont pas proportionnels au but recherché par le législateur qui est d'assurer que les commissionnaires contribuent en fonction de leurs capacités contributives ; que l'imposition sur des revenus dont le commissionnaire n'a pas la disposition porte manifestement atteinte aux capacités contributives des redevables, et par suite au droit au respect de leurs biens ; qu'il s'ensuit indiscutablement qu'en taxant à la contribution sociale de solidarité l'ensemble du chiffre d'affaires réalisé par la requérante, alors même que cette dernière ne dispose ni d'une commission, ni ne réalise de profit, la position de l'URSSAF porte atteinte au droit au respect de ses biens ; que le Conseil Constitutionnel a considéré que la prise en compte des facultés contributives des contribuables n'autorise pas le législateur à imposer un contribuable sur des revenus dont il n'a pas la disposition ; qu'elle produit à cet égard ses propres calculs dont il résulte l'indu dont elle demande le remboursement.
Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur demande à la cour de :
dire et juger mal fondé l'appel de la S.A.S. [6] ;
confirmer, le jugement rendu le 28 février 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Paris en toutes ses dispositions ;
condamner la S.A.S. [6] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
Elle expose qu'une prestation relative à l'ensemble des aspects commerciaux, administratifs, comptables et techniques ne saurait être assimilée à une simple entremise ; qu'il ressort de l'objet social de la Société que cette dernière ne borne pas son intervention à la seule mise en relation d'un vendeur et d'un acheteur, mais pourvoit elle-même à l'achat/revente et à la fabrication ; que le contrat litigieux, présenté à tort par la société comme un contrat de commissionnaire, a précisément pour objet la commercialisation, la vente, la promotion, la publicité ainsi que le recouvrement des créances ; que les termes du contrat confirment strictement cette mission globale, de même que la mise en 'uvre des prestations par l'appelante avec ses propres moyens d'exploitation ; que la mission attribuée à la Société outrepasse considérablement celle confiée à un simple intermédiaire et s'apparente à celle d'un véritable d'acheteur/revendeur responsable qui peut librement fixer ses prix conformément à ses propres conditions générales de vente ; que les factures transmises par la Société démontrent parfaitement qu'elle agit en qualité d'acheteur et revendeur et non en qualité de commissionnaire ; que pour s'en convaincre il y a lieu de se référer aux conditions générales de vente des marques de la Société, mentionnées à la fin de chaque facture ; que c'est précisément dans ce sens que s'est prononcée la Cour d'appel de céans, le 29 octobre 2021, à l'encontre de la même S.A.S. [6] au titre de la C3S 2015 à 2017, sur la base du même contrat ; que dérogeant à l'assiette de droit commun de la C3S, telle que prévue par le 1er alinéa de l'article L.651-5 du code de la sécurité sociale (chiffre d'affaires global HT déclaré à l'administration fiscale), les dispositions de l'alinéa 2 du même article doivent être appliquées strictement ; que l'activité éligible à la réduction d'assiette doit s'analyser strictement comme une activité d'entremise et en outre, l'entreprise doit pouvoir justifier d'un mandat préalable de commissionnaire et cette activité doit être rémunérée par une commission, fixée selon les paramètres de l'article 273 octies ; que la jurisprudence applicable à la rémunération du commissionnaire exige une commission fixée selon un taux, sans ajustements ; qu'il résulte très clairement des stipulations contractuelles que la commission n'est pas fixée au préalable dès lors qu'elle est soumise à des révisions constantes ; que d'une part, la multiplicité de commissions de formes diverses, de renvois à des modalités de détermination des taux applicables, ainsi que le nombre de variables, adaptations et autres ajustements impliquent de facto l'absence de fixation préalable du taux ; que d'autre part, les deux ajustements dont fait l'objet la commission, l'un en fin d'année, l'autre lorsque son montant s'avère inférieur aux coûts supportés par le commissionnaire, illustrent pleinement l'absence de tout caractère préalable ; que de même, il ressort du contrat qu'une autre commission, en compensation des frais de marketing et de publicité se trouve quant à elle versée sur la base du prix de revient, ainsi que pour toutes les dépenses inhérentes à la gestion de sa structure publicitaire, sur une base de prix de revient majoré ; qu'enfin, le taux de la commission, en tout état de cause, n'est pas déterminé d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services puisqu'il est notamment déterminé par les réductions commerciales mais également par d'autres compensations pour frais de marketing, de publicité, de dépenses inhérentes à la gestion de la structure publicitaire ; que la jurisprudence considère précisément qu'une commission fixée selon un taux, doublée d'une facturation prévisionnelle des coûts constituent une rémunération, laquelle ne remplit pas les critères légaux nécessaires au bénéfice de l'assiette du commissionnaire (Cass., 2 ème 25 janvier 2018, n° 17-11.147) ; qu'il n'est pas contesté ni contestable que la S.A.S. [6] ne rapporte à aucun moment la preuve qu'elle respecte les conditions de l'article 273 octies, et notamment que le taux de la commission qu'elle perçoit est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ; que bien au contraire, l'appelante n'infirme à aucun moment le caractère variable de la commission perçue ; que d'ailleurs, les factures produites par la Société ne font que confirmer le caractère éminemment variable de sa rémunération, au travers, notamment, des différents taux appliqués selon les années et selon les ventes effectuées et des ajustements liés à la déduction des ristournes pratiquées ; que l'appelante reconnaît elle-même que le taux de la commission n'est pas déterminé préalablement mais qu'il est déterminé postérieurement et notamment compte tenu de l'évolution des ventes effectives ; que, concernant les années 2008, 2009, 2010, 2011, 2012 et 2013, les factures transmises par l'appelante ne mentionnent aucun taux de commission mais une multitude de commissions - sans référence à un quelconque taux ; que sa commission n'était aucunement déterminée par un taux fixé préalablement ; que s'agissant de la violation alléguée de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme, elle oppose que le but que s'est assigné le législateur, en instaurant les cotisations litigieuses, était et demeure de faire contribuer l'ensemble des sociétés opérant dans le secteur concurrentiel à l'équilibre de divers régimes de protection sociale obligatoire ; qu'à cette fin, a été retenu le principe d'une contribution à faible taux et à assiette large, celle-ci étant constituée, non par le résultat ou par une marge, mais par le chiffre d'affaires que l'économie générale du système mis en place par le législateur conduit, par conséquent, à soumettre à la [5], tout au long du processus de production et de distribution, le chiffre d'affaires déclaré par chaque assujetti, en principe sans retraitement de l'assiette ainsi déterminée ; que l'appelante tente vainement, dans le seul but de se soustraire à la C3S, et sans aucun élément probant, de démontrer qu'elle ne réaliserait aucune marge ou prétendu profit alors que la [5] est calculé, uniquement, d'après le chiffre d'affaires ; qu'en réservant l'application de ces dispositions aux intermédiaires dont les opérations sont exclusivement rémunérées selon ce critère, le législateur a entendu traiter différemment les commissionnaires au regard de leur situation spécifique que dans ce sens, le législateur a fondé son appréciation sur le critère objectif et rationnel de la rémunération, qui permet justement d'identifier l'activité de commissionnaire ; qu'en outre, il ne saurait lui être reproché d'appliquer strictement ces dispositions, à la lumière de la jurisprudence constante applicable.
SUR CE :
- sur le bénéfice de la dérogation de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale :
Les commissionnaires bénéficient, au titre du calcul de la C3S, d'une assiette dérogatoire dont la définition est de droit strict comme constituant une exception légale, et dont il appartient au cotisant de démontrer qu'il remplit les conditions lui permettant d'en bénéficier.
Il résulte ainsi de l'article L 651-5 alinéa 2 du code de la sécurité sociale dans sa version issue de la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 applicable à l'espèce pour les cotisations appelées de 2008 à 2010 que :
« Le chiffre d'affaires des intermédiaires mentionnés au V de l'article 256 et au III de l'article 256 bis du code général des impôts, et qui bénéficient des dispositions de l'article 273 octies du même code, est diminué de la valeur des biens ou des services qu'ils sont réputés acquérir ou recevoir. Dans le cas d'entremise à la vente, les commettants des intermédiaires auxquels cette disposition s'applique majorent leur chiffre d'affaires du montant des commissions versées ».
Cet alinéa n'a pas été modifié par la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 et il a été décalé sans changement rédactionnel au 4ème alinéa par la loi n° 2011-1906 du 21 décembre 2011.
L'article 273 octies 1° du code général des impôts disposait que : « L 'opération d'entremise devait être rémunérée exclusivement par une commission dont le taux était fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ».
L'article L 651-5 du code de la sécurité sociale a été modifié par la suite par la loi n°2012-1404 du 17 décembre 2012 et la disposition relative aux commissionnaires a été repoussée au 5ème alinéa qui dispose que :
« Pour les commissionnaires au sens de l'article L. 132-1 du code de commerce qui s'entremettent dans une livraison de biens ou de services, l'assiette de la contribution est constituée par le montant de leur commission, sous réserve que les conditions suivantes soient simultanément remplies :
1° L'opération d'entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services ;
(...) ».
L'économie générale du texte est donc similaire. Seules les opérations d'entremise rémunérées exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services, ouvrent droit au bénéfice de la diminution d'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés prévue par le premier de ces textes.
L'article L.132-1du code du commerce dispose que : « Le commissionnaire est celui qui agit en son propre nom ou sous un nom social pour le compte d'un commettant.
Les devoirs et les droits du commissionnaire qui agit au nom d'un commettant sont déterminés par le titre XIII du livre III du code civil. »
- sur la qualité de commissionnaire de la société
L'activité d'entremise vise les entreprises qui, agissant en leur nom propre pour le compte d'autrui, réalisent une opération d'entremise, sans jamais fournir elles-mêmes les biens ou les services avec leurs propres moyens d'exploitation.
L'objet social de la société [6] porté sur l'extrait de K bis (pièce n°5 des productions de l'Urssaf) mentionne au titre de l'activité exercée par l'établissement principal : « La vente et éventuellement la fabrication de montres et d'autres articles d'horlogerie, d'objets de joaillerie, de bijouterie et d'orfèvrerie et de tous autres articles de quelque nature que ce soit. Il est précisé que ces articles pourront être composés de métaux précieux. Toutes activités de promotion des marques '[6]' notamment par la création, l'animation de clubs de collectionneurs d'objets et produits par '[6] SA ».
Le « contrat de commission à la vente et de service » conclu entre la société [7] et la société [6] le 11 octobre 2007 versé aux débats (pièce n°20 de l'Urssaf) expose en préambule que :
« Considérant que le commettant désire vendre des produits sur le territoire par le biais d'un commissionnaire exclusif, agissant en son propre nom et pour le compte du commettant,
Considérant que le commettant souhaite que le commissionnaire assure d'autres activités relatives à la vente des produits sur le territoire, telles que les activités de promotion et de publicité ainsi que le recouvrement des créances ».
Le contrat prévoit et définit ainsi en son article 1, l'activité de la vente de produits, en son article 5, l'activité de stockage, en son article 6 les activités de promotion et de publicité et en son article 7 l'activité de recouvrement des créances commerciales.
A ce titre, à l'article 5 « Stockage » il est stipulé que : « le commettant stockera les produits dans un entrepôt qu'il administrera à ses propres risques. (...) Si le commissionnaire administre l'entrepôt et stocke les produits pour le compte du commettant, une commission adaptée incluant une compensation pour ces activités sera versée au commissionnaire. Un contrat distinct pour l'administration de l'entrepôt sera alors conclu par les parties ».
A l'article 6 « Activités de promotion et de publicité », il est prévu que : « (...) Le commettant et le commissionnaire se réuniront régulièrement, au moins une fois par an, afin de déterminer les objectifs et le budget promotionnel pour le territoire.
Les activités de promotion sur le territoire incluront la publicité télévisée, radio et imprimée, des activités points de vente, relations publiques, promotions commerciales ainsi que la publicité coopérative avec les distributeurs. Tout matériel publicitaire devra être soumis au commettant pour approbation. Des exemples représentatifs de l'intégralité du matériel publicitaire devront être envoyés au commettant de manière régulière.
A intervalle régulier (chaque mois), le commissionnaire informera le commettant de ses activités publicitaires ».
A l'article 7 « Recouvrement des créances commerciales », il est prévu que : « le commissionnaire prendra, pour le compte du commettant et en son nom propre toutes les mesures raisonnables afin de recueillir les factures impayées relatives à la vente de produits sur le territoire et pour exercer les droits de créance du commettant.
Le commissionnaire se conformera strictement à la stratégie de recouvrement et aux instructions spécifiques du commettant et l'informera régulièrement de la situation du recouvrement sur le territoire. Sur demande, le commissionnaire présentera au commettant les documents y afférents (...) ».
Ainsi, la société ne se contente pas de mettre en relation le vendeur et l'acquéreur, mais elle participe directement à des activités de promotion commerciale et de publicité, de stockage des produits à ses propres risques et de recouvrement de créances et ce, avec ses propres moyens d'exploitation.
Il s'en déduit qu'elle est chargée de plusieurs activités de prestataire de services au profit de la société commettante avec ses propres moyens d'exploitation, et qu'elle n'agit pas alors en qualité de commissionnaire au sens des dispositions de l'article L 651-5 du code de la sécurité sociale.
- sur la condition relative à la rémunération :
L'article 8 « Commission versée pour les activités de vente » du contrat litigieux stipule que :
« Pour ses activités de vente, le commissionnaire perçoit une commission dont le taux est proportionnel au chiffre d'affaires annuel réalisé par le commettant sur le territoire.
Si le commissionnaire prend en charge l'administration de l'entrepôt, la commission est adaptée en conséquence. Dans les deux cas, le taux sera calculé selon la méthode définie à l'Annexe 2.
La commission est fixée mensuellement sur la base des contrats de vente conclus et versée au commissionnaire.
A la fin de chaque mois, le commissionnaire doit verser au commettant les revenus prévus calculés sur la base de la différence entre les contrats de vente conclus et la commission versée pour la même période (montant net des ventes). S'il apparaît que les distributeurs ne paieront pas les produits, la commission déjà versée sera déduite du relevé de commission suivant. Les coûts de financement du paiement des revenus prévus seront supportés par le commettant.
Les paiements au commettant devront être effectués dans les 60 jours suivant la notification du montant net des ventes ».
L'article 9 « Autres compensations » dispose que :
« Outre la commission mentionnée à l'article 8, le commettant versera au commissionnaire une compensation pour tous les frais de marketing et de publicité sur la base du prix de revient, ainsi que pour toutes les dépenses inhérentes à la gestion de sa structure publicitaire sur une base de prix de revient majoré, dans la limite d'un budget établi annuellement d'un commun accord, et conformément à l'article 6 qui précède, à la condition que ces frais soient justifiés par les documents correspondants.
De plus, le commettant versera au commissionnaire une compensation pour tous les frais et dépenses liés aux cas de garantie et au recouvrement des créances commerciales sur la vente des produits du commettant sur une base de prix de revient majoré.
Le commettant versera au commissionnaire une compensation pour tous les coûts d'assurance et de transport des produits vers l'entrepôt, si ces coûts sont pris en charge par le commissionnaire ».
L'annexe 2 du contrat intitulée « Calcul de la commission sur les ventes » stipule que :
« Détermination du taux de commission
Le taux de commission pour l'année entière est calculé en fonction des ventes nettes effectives et au moyen de l'échelle suivante.
Par ventes nettes, nous entendons les ventes brutes moins les réductions commerciales facturées et provisionnées.
Les réductions commerciales incluent tous les escomptes de caisse, remises sur quantité, remises sur chiffre d'affaires et primes de fin d'année.
Ventes nettes (en milliers d'euros)
De 81,910 à 84,369
De 84,370 à 86,899
(...)
De 230,520 à 237,439
Taux de commission (%)
16,19%
16,12%
(...)
13,85%
Commission mensuelle
A la fin de chaque mois, le commissionnaire perçoit une commission mensuelle.
Celle-ci est calculée sur la base des ventes nettes du mois, en appliquant le taux de commission conformément au budget des ventes nettes de l'année en cours.
(...)
Ajustement de la commission en fin d'année
A la fin de l'année, la commission est ajustée sur la base des données comptables effectives.
Le taux de commission réel est déterminé selon la méthode décrite ci-dessus (voir détermination du taux de commission).
Le montant total de la commission facturée pour l'année est calculé en appliquant le taux de commission sur les ventes brutes moins les réductions commerciales facturées. S'il reste une provision sur des réductions commerciales, une provision de trop-perçu de commission doit également être établie conformément au taux de commission.
Une facture de commission additionnelle ou une note de crédit doit être émise à titre d'ajustement entre la commission payée pendant l'année et la commission totale due.
Autre ajustement
Si le montant de la commission est inférieur aux coûts effectivement encourus par le commissionnaire, le commettant octroie le remboursement des coûts justifiés et raisonnables au commissionnaire ».
Il en ressort que si des taux de commission sont fixés par l'annexe 2 du contrat, ces taux varient en fonction des seuils de ventes nettes.
Le montant des ventes nettes dépend lui-même de critères qui ne sont pas fixés au préalable puisqu'il est précisé que les ventes nettes s'entendent des ventes brutes moins les réductions commerciales facturées et provisionnées et que les réductions commerciales incluent tous les escomptes de caisse, remises sur quantité, remises sur chiffre d'affaires et primes de fin d'année.
Il en résulte que le taux de commission n'est donc pas obligatoirement en lien avec le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services, les réductions commerciales pouvant ne pas être en lien avec le prix, la quantité ou la nature des biens et inclure des primes de fin d'année.
Des compensations de frais sont en outre prévues pour les activités de recouvrement des créances commerciales et les activités de stockage des marchandises (transport et assurance des entrepôts).
Les ajustements évoqués au contrat ne font donc pas seulement référence à la régularisation annuelle de la commission effectuée après connaissance du chiffres d'affaires annuel définitif comme le soutient la société.
Dans ces conditions, la rémunération de la société commissionnaire n'est pas fixée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services au sens de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale dans ses différentes versions applicables au litige et de l'article 273 octies du code général des impôts.
La société ne peut donc pas bénéficier de l'assiette réduite de C3S et de la contribution additionnelle.
- sur la conformité des dispositions de l'article L.651-5 du code de la sécurité sociale avec l'article 13 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen :
L'article 126-1 du code de procédure civile dispose que « la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de Cassation obéit aux règles définies par les articles 23-1 à 23-3 de l'ordonnance n°58-1016 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil Constitutionnel et aux dispositions prévues par le présent chapitre».
Il n'appartient pas à la présente cour de statuer sur la constitutionnalité de l'article L. 651-5 du code de la sécurité sociale.
Faute pour la société [6] d'avoir saisi la cour de la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité en application des articles 126-2 et suivants du code de procédure civile, ce moyen ne peut être accueilli.
- sur la conformité des dispositions de l'article L.651-5 du code de la sécurité sociale avec l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et avec l'article 14 de la Convention :
L'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes ».
La Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a jugé en la matière que : « Il appartient en premier lieu aux autorités nationales de décider du type d'impôts ou de contributions qu'il convient de lever. Les décisions en ce domaine impliquent normalement une appréciation des problèmes politiques, économiques et sociaux que la Convention laisse à la compétence des États parties, car les autorités internes sont manifestement mieux placées que la Cour pour apprécier ces problèmes. Les États parties disposent donc en la matière d'un large pouvoir d'appréciation et la Cour respecte l'appréciation portée par le législateur en pareilles matières, sauf si elle est dépourvue de base raisonnable ». (CEDH 15 avril 2015, [K] et autres c. France, n°36918/11, 36963/11, 36967/11, 36969/11, 36970/11, 36971/11)
L'article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
La Cour européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a jugé en la matière que l'article 14 n'interdit pas toute distinction de traitement dans l'exercice des droits et libertés reconnus, l'égalité de traitement n'étant violée que si la distinction manque de justification objective et raisonnable, c'est-à-dire en l'absence d'un but légitime et d'un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (notamment dans un arrêt du 14 juin 2001, [J] [L] et [B] [S] c Espagne, n°53072/99).
En l'espèce, la société n'établit pas le caractère confiscatoire ou abusif de la contribution qu'elle conteste.
Elle expose au contraire dans le tableau annexé au corps de ses conclusions (pages 22 et 23) qu'elle a payé les sommes suivantes au titre de la C3S:
Base déclarée
Montant de C3S acquitté
C3S 2007 (payée en 2008)
153 933 113,76 €
246 293 €
C3S 2008 (payée en 2009)
160 799 151,29 €
257 279 €
C3S 2009 (payée en 2010)
141 152 659,19 €
225 844 €
C3S 2010 (payée en 2011)
172 678 186 €
276 285 €
C3S 2011 (payée en 2012)
199 583 910 €
319 334 €
C3S 2011 (payée en 2012)
230 296 580 €
368 475 €
De sorte que le caractère confiscatoire allégué n'est pas établi.
En outre, la contribution sociale de solidarité des sociétés a été instituée sur la base d'une assiette large mais à taux modéré, ce qui ressort bien du pouvoir d'appréciation laissé aux Etats membres.
Enfin, le fait de réserver la réduction d'assiette de la contribution aux commissionnaires dont l'opération d'entremise est rémunérée exclusivement par une commission dont le taux est fixé au préalable d'après le prix, la quantité ou la nature des biens ou des services constitue d'une part une distinction fondée sur un critère objectif et raisonnable, à savoir le mode de rémunération, et d'autre part le traitement différent de situations différentes qui est justifié par le but légitime poursuivi par le législateur, à savoir rétablir, entre les différentes catégories de redevables, l'équilibre des règles d'assiette de la contribution sociale de solidarité des sociétés.
Il s'ensuit que les moyens tirés de la non-conformité des dispositions de l'article L.651-5 du code de la sécurité sociale à l'article 1er du protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 14 de la Convention ne sont pas fondés et seront rejetés.
Le jugement rendu sera confirmé en toutes ses dispositions.
La société [6] qui succombe en ses prétentions sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle sera en coutre condamnée à payer à l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur venant aux droits de la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement déféré ;
Y ajoutant :
Déboute la société [6] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société [6] à payer à l'Urssaf Provence Alpes Côte d'Azur venant aux droits de la caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des indépendants, la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ;
Condamne la société [6] aux dépens d'appel.
La greffière,Le président,