Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 31 MAI 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10840 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA3RT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° 19/00278
APPELANT
Monsieur [J] [G]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Cécile SERRANO, avocat au barreau d'ESSONNE
INTIMEE
LA SOCIETE DELL venant aux droits de LA SOCIETE EMC COMPUTER SYSTEMS FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Fanny GOUT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 1701
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Laurence DELARBRE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
La SASU EMC Computer Systems France était une société spécialisée dans le stockage et la sauvegarde de données informatiques pour les entreprises.
La société DELL vient aujourd'hui aux droits de la SASU EMC Computer Systems France.
M. [J] [G] né au mois de juillet 1974 a été engagé par la SASU EMC Computer Systems France suivant contrat de travail à durée indéterminée à compter du 30 janvier 2012 en qualité d'Associate Customer Engineer au salaire forfaitaire annuel brut de 32.000 euros pour 218 jours travaillés.
Le 20 mai 2014, M. [J] [G] a été nommé Customer Service Engineer avec effet au 1er avril 2014 , sa rémunération annuelle brute était portée à 38.522,27 euros, les autres conditions de son contrat de travail étaient inchangées.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la métallurgie Cadres.
Un accord collectif majoritaire a été signé au sein de l'unité économique et sociale EMC le 8 avril 2016, relatif à un projet de licenciement pour motif économique.
La SASU EMC Computer Systems France a sollicité auprès de l'administration la validation de l'accord collectif qui visait la suppression de 26 postes et la modification d'un contrat de travail ; les instances représentatives du personnel ont été consultées et suivant décision en date du 13 mai 2016 l'accord collectif majoritaire portant plan de sauvegarde de l'emploi signé le 4 avril 2016 entre l' unité économique et sociale EMC et les organisations syndicales majoritaires CFE-CGC a été validé.
Un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) a été mis en 'uvre par EMC Computer Systems France.
Par courrier daté du 26 octobre 2016 mais remis en main propre à l'employeur le 26 septembre 2016, M. [J] [G] a démissionné en ces termes :
« Je vous présente ma démission en tant que Customer Support Engineer aujourd'hui le 26.10.2016. Moi même et [X] [K] étaient tomber d'accord pour effectuer un préavis d'un mois à la date de dépôt de mon courrier de démission. Veuillez avoir l'obligeance de préparer pour cette date mon solde de tout compte ainsi que mon certificat de travail.» Suivent les signatures.
A la date de sa démission, M. [J] [G] avait une ancienneté de 4 ans et 9 mois et la SASU EMC Computer Systems occupait à titre habituel plus de dix salariés. L'employeur a remis à M. [J] [G] son certificat de travail et son solde de tout compte.
Soutenant qu'il apprendra après sa démission que son poste de Customer Service-Isilon était selon lui visé dans le cadre du PSE, M. [J] [G] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 2 juillet 2018 pour solliciter la requalification de sa démission en licenciement afin de bénéficier des mesures prévues au PSE de 2016.
Par jugement rendu le 17 septembre 2019, le conseil de Prud'hommes de Créteil, section Encadrement :
- l'a débouté de l'intégralité de ses demandes,
- a débouté la Sas EMC Computer Systems France de sa demande reconventionnelle,
- a mis les dépens à la charge de M. [G].
Par déclaration en date du 28 octobre 2019, M. [J] [G] a interjeté appel de cette décision notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 2 octobre 2019.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 2 février 2022, M. [J] [G] demande à la cour de :
- constater que le PSE de 2016 prévoyait la suppression du poste Customer Service ' Isilon,
- constater qu'il occupait le poste de Customer Service ' Isilon, poste pour lequel il avait obtenu le titre,
- constater que la CADA a confirmé qu'il était concerné par ce PSE,
- constater que M. [D] [R] a confirmé qu'il était bien concerné par le PSE,
- requalifier sa démission en licenciement économique,
- dire et juger qu'il doit bénéficier des indemnités prévues par le PSE 2016
En conséquence,
- condamner la société Dell venant aux droits de la Sasu EMC Computer Systems France au paiement des sommes de :
* 18.909 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
* 1. 991 euros au titre des congés payés afférents,
* 3. 682 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
* 29.680 euros au titre de l'indemnité préjudicielle de licenciement,
* 6. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner la délivrance d'un bulletin de paie conforme aux demandes,
- condamner la société Dell venant aux droits de SASU EMC Computer Systems France aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 28 janvier 2022, la société Dell venant aux droits de la SASU EMC Computer Systems France demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu le 17 septembre 2019 par le Conseil de prud'hommes de Créteil ;
- débouter M. [J] [G] l'ensemble de ses prétentions ;
A titre reconventionnel,
- condamner M. [G] à verser à la société Dell venant aux droits de la société Computer Systems France, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 7 avril 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de requalification de la démission
M. [J] [G] demande la requalification de la démission qu'il a donnée le 26 septembre 2016 pour le 26 octobre 2016, en licenciement économique en soutenant qu'il occupait le poste de Customer Service -Isilon visé par le PSE validé par la Direccte et fait valoir :
- qu'il avait obtenu le titre de Technology Architect, Isilon infrastructure Specialist (EMCTA) le 18 novembre 2013 complété par des certifications le 12 janvier 2015 à savoir Implentation Engineer, Isilon Solution Specialist version 1.0 (EMCIE) et Storage Administrator, Isilon Solution Specialist version1.0 (EMCSA) et que le PSE de 2016 prévoyait que dans la catégorie professionnelle Customer Service-Isilon, il y avait mention d'un seul poste supprimé dans cette catégorie,
- un courriel du 4 juillet 2016 confirme selon lui que c'est bien son poste qui était visé par la suppression prévue au plan (pièce 6 - ordre de mission [T] [A] [E] SA),
- qu'avant d'envoyer sa lettre de démission il avait demandé à la responsable des Ressources Humaines, Mme [H] [B], si un plan social était en cours puisqu'il souhaitait partir et pouvoir en bénéficier, qu'il lui avait été répondu que les plans actuels ne concernaient pas le Customer service, ni son poste,
- qu'ayant appris par la suite qu'un PSE avait été mis en 'uvre en avril 2016, il a décidé de trouver des éléments pour prouver que son poste faisait partie des postes supprimés
- que l'inspection du travail ayant refusé de lui communiquer des éléments, il a saisi la CADA qui le 7 septembre 2017 a émis un avis aux termes duquel il est indiqué « la commission qui a pu prendre connaissance des documents sollicités constate que les demandeurs, anciens salariés de l'entreprise, ont été concernés par le plan de sauvegarde de l'emploi sollicité»,
- que M. [D] [R], ancien délégué du personnel siégeant au Comité d'entreprise atteste le 17 septembre 2018 qu'il a bien été concerné par un PSE et que son nom figure sur les documents envoyés à la RH Corporate,
- qu'il n'a jamais été destinataire du courriel faisant appel au volontariat,
- que le document validé par la Direccte mentionne seulement Customer Service -Isilon -1- qui était son poste alors que M. [N] dont le poste a été supprimé était Senior Solution Architecte et que l'intimée ne produit pas dans la procédure prud'homale le document qui a été validé par la Direccte.
La société Dell venant aux droits de la société EMC Computer France s'oppose à la demande de M. [J] [G] en soulevant tout d'abord l'absence de délai raisonnable pour demander la requalification de sa démission et par voie de conséquence l'irrecevabilité de la demande et fait valoir, qu'en tout état de cause :
- M. [J] [G] n'a jamais été concerné par le PSE et a démissionné plusieurs mois après la mise en 'uvre du plan dont il avait eu connaissance le 20 mai 2016, comme tous les autres salariés en France de l' UE (pièce 4),
- que ce courrier faisait appel au volontariat et rappelait que le nombre de postes validés par la Direccte était en définitive abaissé à 15 pour EMC Computer Systems France,
- que le 27 juillet 2016 elle a indiqué à la Direccte les 14 licenciements (incluant les départs volontaires) auxquels elle avait procédé sur les 15 envisagés, le 15ème concernant un salarié protégé,M. [W] qui a été licencié le 25 août 2016 après l'obtention de l'autorisation requise,
- que fin juillet 2016 le PSE était terminé,
- qu' au surplus, le poste qu'occupait M. [J] [G] n'était pas visé par le plan, que si tel avait été le cas, il aurait été licencié dans ce cadre et que s'il s'était réellement cru concerné par le plan, il se serait porté volontaire puisque dit-il, il souhaitait quitter l'entreprise,
- que la note d'information destinée à la consultation du CE (pièce 2) transmise à la Direccte comprenait un tableau faisant mention de ce que la suppression concernait la suppression du poste «Senior Solutions Architect (Customer Service-Isilon/Architecte Support Technique Isilon»,
- le poste de Solution Architect ne correspondait pas à la qualification de M. [J] [G] ainsi qu'en atteste M. [M] en sa qualité de Senior Director Customer Support Services (pièce 10)
- La CADA a seulement reconnu que M. [J] [G] en tant qu'ancien salarié pouvait avoir accès au document qu'il sollicitait.
Il est de jurisprudence constante que la décision du salarié de remettre sa démission doit procéder d' une volonté claire et non équivoque ; en l'espèce, les termes de la lettre de démission de M. [J] [G] reproduite intégralement supra n'a manifestement pas été faite sur un coup de tête, en outre le laps de temps qui s'est écoulé entre la remise de la lettre de démission le 26 septembre 2016 et la date de prise d'effet de cette démission (soit 1 mois après) permettait largement au salarié d'une part et le cas échéant d'obtenir des ressources humaines ou des organisations représentatives de l'entreprise, tous éléments qui auraient été de nature à le faire revenir sur sa démission dans un délai raisonnable.
M. [J] [G] n'apporte aucun élément duquel il résulterait que sa démission n'aurait pas été librement consentie et qu'il aurait par exemple subi des pressions de l'employeur.
Il est par ailleurs constant que la rétractation ou la demande de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de manquements de l'employeur doit intervenir dans un délai raisonnable.
En l'espèce, M. [J] [G] prétend qu'il n'aurait pas été informé de la mise en 'uvre du PSE d'avril 2016, or il ressort des pièces versées aux débats que la procédure de validation de l'accord collectif portant PSE a été avalisée par l'autorité administrative le 13 mai 2016 (pièce 3.1 de l'employeur) et il est par ailleurs justifié que l'employeur a diffusé le 20 mai 2016 un appel à volontariat dont la date limite était le 30 mai 2016 qui rappelait notamment les 15 postes concernés par une suppression pour la société EMC Computer Systems France dont un poste de Senior Solutions Architect Customer pour le service Isilon (pièce 4.1), poste qui contrairement à ce que soutient M. [J] [G] ne correspondait pas à sa catégorie, peu important la certification Isilon qu'il invoque puisqu'il n'était pas Senior.
De surcroît, le fait qu'il n'ait pas été licencié établit qu'il n'était pas concerné par le plan de sauvegarde de l'emploi.
Par ailleurs, l'avis émis par la CADA n'a pour seule valeur juridique que la reconnaissance du droit du requérant de recevoir communication d'un document administratif et non de lui conférer un quelconque autre droit ; en l'espèce la CADA a constaté que l'appelant avait été salarié de la société dans laquelle il y avait eu un PSE et lui a donné droit d'accès à ce PSE et c'est donc par une interprétation dépourvue d'une quelconque efficacité juridique que M. [J] [G] en tire pour argument qu'il était personnellement concerné par la suppression du poste.
M. [J] [G] a saisi le conseil de prud'hommes le 2 juillet 2018 ; il invoque l'avis de la CADA duquel il prétend par une interprétation erronée tirer argument qu'il était bien concerné par le PSE; cependant, cet avis a été émis le 7 septembre 2017 de sorte que là encore, la cour considère que le délai pour remettre en cause la démission ne revêt pas un caractère raisonnable.
Le courrier de M. [R] daté du 17 septembre 2018 concernant M. [I] et M. [L] non conforme aux dispositions légales, est vague et ne constitue pas ainsi que retenu à bon droit par le conseil de prud'hommes une preuve suffisamment crédible de ce qu'il affirme ; par ailleurs, c'est également sans pertinence que l'appelant tente de faire valoir comme ayant en somme vicié sa décision que les RH lui auraient dit que son poste n' était pas concerné par le PSE, puisqu'en effet, il ressort de l'ensemble des pièces communiquées par la société Dell venant aux droits de la SASU EMC Computer Systems France et de ce qui précède que son poste n'était effectivement pas concerné par la suppression.
Enfin, c'est encore à bon droit que le conseil de prud'hommes relève que M. [J] [G] ne démontre pas non plus qu'à la date limite du 30 mai 2016, il remplissait les conditions pour faire partie des départs volontaires et disposait d'un projet personnel identifié au sens du II de l'accord collectif qui aurait pu lui permettre d'être licencié à la place de M. [S] [N] dont la catégorie était visée par les postes supprimés et qui a été licencié pour motif économique le 20 juin 2016 au visa de l'accord collectif du 4 avril 2016 et du PSE validés par la Direccte ainsi qu'il est justifié (pièce 5.1) et encore par la liste récapitulative des salariés licenciés économiques qui l'étaient à la date de l'envoi du courrier à la Directe -11ème section, le 27 juillet 2016, liste dans laquelle figure le nom de M.[S] [N] (pièce 6.1) .
Il s'ensuit, que le jugement du conseil des prud'hommes doit être confirmé et que M. [J] [G] doit être débouté de l'intégralité de ses demandes.
Sur les frais irrépétibles
M. [J] [G] succombe en son appel, il conservera à sa charge ses frais irrépétibles et l'équité ne commande pas, eu égard à la situation économique respective des parties, de le condamner aux frais irrépétibles exposés par la société Dell venant aux droits de la SASU EMC Computer Systems France.
PAR CES MOTIFS
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
DIT N'Y AVOIR LIEU à indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [J] [G] aux dépens.
La greffière, La présidente.