Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 1er JUIN 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07402 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53HO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Novembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/07652
APPELANT
Monsieur [O] [N]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Nicolas PEYRÉ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188
INTIMÉES
SOCIÉTÉ MJA prise en la personne de Me [M] [F] ès qualité de mandataire liquidateur de la SOCIÉTÉ VH FACADES BAT
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentée par Me Catherine LAUSSUCQ, avocat au barreau de PARIS, toque : D0223
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Sabine SAINT SANS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0426
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par jugement du 9 mars 2016, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société VH Façade Bat et a désigné la Selafa MJA, prise en la personne de Me [F], en qualité de mandataire-liquidateur.
Soutenant avoir été engagé par la société, M. [N] a saisi le 4 juillet 2016 la juridiction prud'homale aux fins qu'elle juge que son contrat de travail a été rompu abusivement par l'employeur le 9 mars 2016 et que cette situation de fait doit s'analyser en un licenciement abusif ou, subsidiairement, qu'elle prononce la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur, qui aurait cessé de lui fournir du travail et de payer sa rémunération depuis le 1er mai 2015 et lui alloue en conséquence divers rappels de salaire et indemnités.
Par jugement du 21 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et a demandé la transmission du dossier au Procureur de la République.
Le 11 juin 2018, le demandeur a interjeté appel de cette décision, dont la lettre de notification était revenue avec la mention 'pli avisé non réclamé'.
Par conclusions transmises par voie électronique le 10 septembre 2018, l'appelant demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de dire que le contrat de travail liant les parties a été rompu le 9 mars 2016 à l'initiative de l'employeur et d'analyser cette situation en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et, subsidiairement, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat à la date du 9 mars 2016 et de dire qu'elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de fixer en conséquence au passif de la liquidation de la société intimée et de rendre opposable à l'AGS ses créances aux sommes de :
- 14 575,50 euros de rappel de salaire pour la période du 1er mai 2015 au 9 mars 2016 et 1 457,55 euros au titre des congés payés afférents,
- 8 745,30 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
- 1 457,55 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 145,75 euros au titre des congés payés afférents,
- 578,16 euros d'indemnité de licenciement,
- 1 457,55 euros d'indemnité pour licenciement irrégulier,
- 8 745,30 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il lui demande en outre d'ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés.
Par conclusions transmises le 8 novembre 2018 par voie électronique, le mandataire-liquidateur de la société sollicite la confirmation du jugement en l'absence de contrat de travail et, subsidiairement, le rejet de toutes les demandes de l'appelant.
Par conclusions transmises par voie électronique le 22 novembre 2018, l'AGS-CGEA Ile-de-France Ouest invoque le contexte frauduleux de la procédure et demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de dire que sa garantie n'est pas due, le contrat de travail n'ayant pas été rompu au jour de la liquidation judiciaire. Subsidiairement, elle sollicite le rejet de la demande de résiliation judiciaire et, très subsidiairement si la cour faisait droit à cette demande, de fixer au 31 mai 2015, dernier jour travaillé, la date d'effet de cette résiliation, de rejeter les demandes de l'appelant et de le condamner à lui payer 2 000 euros de dommages-intérêts pour procédure abusive. Elle rappelle les limites et plafonds de sa garantie et sollicite 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction est intervenue le 22 février 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 29 mars.
MOTIFS
Sur l'existence d'un contrat de travail
S'il appartient en principe à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en démontrer l'existence, en présence d'un contrat de travail apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d'en rapporter la preuve.
En l'occurrence, le salarié verse aux débats des bulletins de paie établis à son nom par la société en liquidation. Faute pour les intimés de démontrer la fictivité de ce contrat apparent, la cour retient, par infirmation du jugement, qu'il avait la qualité de salarié de la société.
Sur la rupture du contrat de travail
Ni la liquidation judiciaire, ni la cessation d'activité qui en résulte n'entraînent en elle-même la rupture des contrats de travail. Le liquidateur n'ayant pas prononcé de licenciement, la cour retient que le contrat de travail du salarié n'a pas été rompu par l'effet de la liquidation judiciaire.
Sur la demande de résiliation judiciaire
La résiliation judiciaire du contrat de travail est prononcée à l'initiative du salarié et aux torts de l'employeur, lorsque sont établis des manquements par ce dernier à ses obligations suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail. Dans ce cas, la résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La charge de la preuve de ces manquements incombe au salarié.
En l'occurrence, ce dernier reproche à l'employeur d'avoir cessé de le rémunérer et de lui fournir du travail à compter du 1er juin 2015.
Le liquidateur verse toutefois aux débats des feuilles de paie établis au nom du salarié par une autre société, la société SERF, à hauteur d'un temps complet, à compter du 1er juin 2015.
L'intéressé ne s'étant pas tenu à disposition de l'employeur et ayant pris des engagements auprès d'une autre société, sera débouté de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et des demandes afférentes à la rupture et à l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
Sur la demande de rappel de salaire pour le mois de mai 2015
Le salarié produit son bulletin de salaire et soutient que l'employeur n'a pas versé la rémunération afférente.
Nonobstant la délivrance d'une fiche de paie, c'est à l'employeur, débiteur de cette obligation, qu'il incombe de prouver le paiement du salaire.
Le liquidateur n'allègue ni n'établit avoir versé le salaire du mois de mai 2015.
Dès lors, compte tenu de la rémunération mensuelle qu'il déclare à la cour, la cour fixe la créance du salarié au passif de la liquidation judiciaire de la société à 1 642,35 euros de rappel de salaire pour le mois de mai 2015, outre 145,75 euros au titre des congés payés afférents.
En application de l'article L.3253-8 1° du code du travail, l'AGS couvre les sommes dues aux salariés à la date du jugement d'ouverture de toute procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Sur les autres demandes
L'AGS ne démontrant pas que le salarié ait commis une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d'agir en justice, sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
En application de l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement du tribunal de commerce qui a prononcé l'ouverture de la procédure collective à l'encontre de la société VH Façades Bat a arrêté le cours des intérêts légaux.
L'équité commande d'allouer à l'AGS la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le salarié, qui succombe principalement, supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS
- Infirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de rappel de salaire pour le mois de mai 2015 ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :
- Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la société VH Façades Bat la créance de M. [N] aux sommes de :
- 1 642,35 euros de rappel de salaire pour le mois de mai 2015 ;
- 145,75 euros au titre des congés payés afférents ;
- Dit que cette créance sera garantie par l'AGS-CGEA Ile-de-France Ouest, à qui le présent arrêt est déclaré opposable, dans la limite des plafonds applicables, conformément aux articles L. 3253-6 et suivants du code du travail ;
- Rejette le surplus des demandes ;
- Condamne M. [N] à payer à l'AGS-CGEA Ile-de-France Ouest 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne M. [N] aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE