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02/06/2022 | FRANCE | N°17/05290

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 02 juin 2022, 17/05290


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 02 JUIN 2022



(n° /2022, pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05290

N° Portalis 35L7-V-B7B-B23AV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2017 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 13/03679



APPELANTS



Monsieur [G] [P] assisté de son curateur, Monsieur [K] [L], mandat

aire judiciaire à la protection des majeurs

[Adresse 3]

[Localité 7]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 7]

représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avo...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 02 JUIN 2022

(n° /2022, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/05290

N° Portalis 35L7-V-B7B-B23AV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2017 -Tribunal de grande instance de PARIS - RG n° 13/03679

APPELANTS

Monsieur [G] [P] assisté de son curateur, Monsieur [K] [L], mandataire judiciaire à la protection des majeurs

[Adresse 3]

[Localité 7]

né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 7]

représenté par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044

ayant pour avocat plaidant Me Nicolas MEIMON NISENBAUM, avocat au barreau de PARIS, substitué à l'audience par Me Vanessa BOUQUET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Société GREENVAL INSURANCE COMPANY LIMITED

[Adresse 2]

[Localité 8] (IRLANDE)

représentée et assistée par Me Micheline SZWEC-GELLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0684

CPAM DE [Localité 7]

[Adresse 5]

[Localité 7]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre, chargée du rapport et devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre assesseur.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Sophie BARDIAU, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRÊT :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 mai 2011, alors qu'il circulait à motocyclette, M. [G] [P] a été victime d'un accident de la circulation, impliquant un véhicule appartenant à la société Arval service Lease, (la société Arval) conduit par Mme [W] [M] et assuré auprès de la société Greenval Insurance Company limited (la société Greenval).

M. [P] a été grièvement blessé.

Par jugement du 15 octobre 2012, le juge des tutelles du tribunal de grande instance de Paris a prononcé une mesure de curatelle renforcée pour M. [P] et a désigné comme curateur M. [K] [L].

Cette mesure de protection a été renouvelée par le juge des tutelles de Paris le 13 octobre 2017 pour une durée de 10 ans.

Par actes d'huissier de justice en date du 27 février 2013, M. [P] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Dekra Claims Service SA (la société Dekra), mandataire de la société Greenval, le Bureau central français (le BCF) et la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] (la CPAM) aux fins d'obtenir la réparation intégrale de son préjudice.

Par ordonnance du 24 septembre 2013, le juge de la mise en état a alloué à M. [P] une provision de 20 000 euros et ordonné une expertise médicale confiée au Docteur [U] [H].

Par ordonnance du 19 mai 2015, le juge de la mise en état a alloué une provision complémentaire de 20 000 euros à M. [P].

Le Docteur [H] a établi son rapport définitif le 20 juillet 2015.

Par jugement du 7 février 2017, le tribunal de grande instance de Paris a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [P] est entier sur le fondement de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985,

- constaté que la société Dekra a été mise hors de cause par ordonnance du 24 septembre 2013 du juge de la mise en état,

- mis hors de cause le BCF,

- constaté l'intervention volontaire de la société Greenval,

- rejeté la demande tendant à faire constater la nullité du rapport définitif du Docteur [H] du 20 juillet 2015,

- rejeté la demande de contre-expertise médicale présentée par M. [P],

- rejeté la demande communication forcée du rapport d'enquête de la société CI2R, déjà été communiqué aux parties et au tribunal,

- condamné la société Greenval à payer à M. [P] les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :

- préjudices patrimoniaux : 90 150 euros,

- préjudices extra-patrimoniaux : 49 840 euros, en deniers ou quittance, provisions de 90 000 euros non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que les intérêts de droit seront fixés au double du taux légal sur le montant des sommes allouées à M. [P] du 21 mai 2011 au 21 décembre 2015,

- déclaré le jugement commun à la CPAM,

- condamné la société Greenval à payer à M. [P] une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Greenval aux dépens en ce compris les frais d'expertise,

- accordé à Maître Meimon Nisenbaum le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers du montant des condamnations prononcées et de la totalité de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes.

Par déclaration du 13 mars 2017, M. [P], assisté de son curateur a interjeté un appel total de cette décision.

Par arrêt du 17 décembre 2018, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé le jugement en ce qu'il a :

- dit que le droit à indemnisation de M. [P] est entier sur le fondement de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985

- mis hors de cause le BCF

- constaté l'intervention volontaire de la société Greenval

- rejeté la demande tendant à faire constater la nullité du rapport définitif du Docteur [H] du 20 juillet 2015,

- déclaré le jugement commun à la CPAM

- sursis à statuer sur le surplus des dispositions du jugement,

- ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le Docteur [D] [Y],

- renvoyé l'affaire à la mise en état,

- déclaré l'arrêt commun à la CPAM,

- réservé les dépens.

Le Docteur [Y] s'est fait assister par un sapiteur neurologue, le Docteur [O] et a établi son rapport définitif le 20 septembre 2021.

L'affaire a été rappelée pour être plaidée à l'audience du 17 mars 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de M. [P], assisté de son curateur, notifiées le 5 janvier 2022, aux termes desquelles, il demande à la cour, de :

Vu les articles 763 et suivants du code de procédure civile,

Vu les dispositions combinées des articles 1, 2, 4, 6 et suivants de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'article 16 du code de procédure civile,

Vu l'article 5.5 du règlement intérieur national du barreau,

Vu l'article l. 124-3 du code des assurances,

- confirmer le jugement rendu le 7 février 2017 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a dit que le droit à indemnisation de M. [P] à la suite de l'accident de la voie publique du 21 mai 2012 est entier,

- infirmer pour le surplus ce jugement en ce qu'il a liquidé le dommage corporel de M. [P] sur la base du rapport définitif du Docteur [H] du 20 juillet 2015,

en conséquence de quoi,

- procéder à la liquidation du dommage corporel de M. [P] sur la base du rapport d'expertise de consolidation du Docteur [Y] du 20 septembre 2021, expert désigné par la cour de céans et utiliser à titre principal le barème de capitalisation actualisé publié par la Gazette du palais en 2020 au taux de 0%, et à titre subsidiaire le barème BCRIV 2021,

- allouer l'indemnisation de tous les chefs de demandes sous forme de capital,

- allouer à titre principal à M. [P], la somme de 2 566 604,94 euros au titre du préjudice patrimonial et 297 830,25 euros au titre du préjudice extra-patrimonial, soit la somme totale de 2 864 435,19 euros, décomposée ainsi qu'il suit :

- dépenses de santé actuelles : 58 euros

- frais divers : 7 290 euros

- tierce personne temporaire : 97 418,50 euros

- tierce personne permanente :

arrérages du 9 mai 2019 au 17 mars 2022 : 195 600 euros

capital à compter du 17 mars 2022 : 1 300 931,20 euros

- tierce personne pour l'enfant : 63 476,25 euros

- pertes de gains professionnels actuels : 1 373,73 euros

- pertes de gains professionnels futurs : 820 457,26 euros

- incidence professionnelle : 80 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 24 030,25 euros

- souffrances endurées : 28 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 144 800 euros

- préjudice esthétique permanent : 13 000 euros

- préjudice d'agrément : 50 000 euros

- préjudice sexuel : 15 000 euros

- préjudice d'établissement : 20 000 euros,

- allouer à titre subsidiaire à M. [P], la somme de 2 543 939,34 euros au titre du préjudice patrimonial et 297 830,25 euros au titre du préjudice extra-patrimonial, soit la somme totale de 2 841 769,59 euros, décomposée ainsi qu'il suit :

- dépenses de santé actuelles : 58 euros

- frais divers : 7 290 euros

- tierce personne temporaire : 97 418,50 euros

- tierce personne peramnente :

arrérages du 9 mai 2019 au 17 mars 2022 : 195 600 euros

capital à compter du 17 mars 2022 : 1 289 065,60 euros

- tierce personne pour l'enfant : 63 476,25 euros

- pertes de gains professionnels actuels : 1 373,73 euros

- pertes de gains professionnels futurs : 820 457,26 euros

- incidence professionnelle: 80 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 24 030,25 euros

- souffrances endurées : 28 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 144 800 euros

- préjudice esthétique permanent : 13 000 euros

- préjudice d'agrément : 50 000 euros

-préjudice sexuel : 15 000 euros

- préjudice d'établissement : 20 000 euros,

en conséquence,

- condamner à titre principal la société Greenval à payer à M. [P], la somme en capital de 2 864 435,19 euros en deniers ou en quittance et à titre subsidiaire la somme de 2 841 769,59 euros, sauf à parfaire,

- en cas de règlement sous forme de rente, conformément aux dispositions de l'article 1er de la loi n°74-1118 du 27 décembre 1974, dire que cette rente sera majorée de plein droit, selon les coefficients de réévaluation prévus à l'article L.434-17 du code de la sécurité sociale, le 1er janvier de chaque année en prenant pour base l'indice en vigueur à la date de la présente décision et sera suspendue en cas d'hospitalisation d'une durée de 45 jours,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Greenval au doublement des intérêts mais infirmer le jugement quant à la durée de la condamnation qu'il a arrêtée au 21 décembre 2015,

- en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances, assortir les condamnations prononcées à l'encontre de la société Greenval d'un intérêt égal au double du taux de l'intérêt légal à compter 21 janvier 2012 et jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir avec pour assiette le montant des condamnations à intervenir augmentées de la créance de la sécurité sociale et sans déduction des provisions versées, le tout avec anatocisme en application de l'article 1154 du code civil,

- débouter la société Greenval de toutes ses demandes,

- déclarer l'arrêt à intervenir opposable à la CPAM,

- ordonner que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1154 du code civil,

- condamner la société Greenval à payer à M. [P], la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, comprenant les dépens de référé, de première instance et les honoraires des experts judicaires, dont distraction en vertu de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP AFG, avocat au barreau de paris.

Vu les conclusions de la société Greenval, notifiées le 14 février 2022, aux termes desquelles, elle demande à la cour, de :

- infirmant le jugement entrepris, fixer ainsi qu'il suit le préjudice corporel de M. [P] :

- dépenses de santé actuelles : 58 euros

- frais divers : 7 290 euros

- assistance tierce personne temporaire : 21 930 euros

- assistance tierce personne future : 98 528,08 euros

- incidence professionnelle : 80 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 8 264,95 euros

- souffrances endurées : 25 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 131 600 euros

- préjudice esthétique permanent : 3 000 euros

- préjudice d'agrément : 2 500 euros,

- juger qu'il ne peut rien revenir à M. [P] au titre de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent du fait de l'imputation du capital représentatif de la rente accident du travail qu'il perçoit,

- déduire des indemnités qui seront allouées à M. [P] la somme de 123 326 euros qu'il a déjà perçue, soit à titre de provisions, soit au titre de l'exécution provisoire,

- débouter M. [P] de ses demandes au titre de la tierce personne pour l'enfant, de la perte de gains professionnels actuels, de la perte de gains professionnels futurs, du préjudice sexuel et du préjudice d'établissement,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société Greenval était tenue au paiement des intérêts de droit au double du taux légal à compter du jour de l'accident jusqu'au 21 décembre 2015,

statuant à nouveau,

- débouter M. [P] de sa demande tendant à voir appliquer à l'encontre de la société Greenval la pénalité du doublement du taux de l'intérêt légal,

- réduire sensiblement l'indemnité susceptible d'être allouée à M. [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte d'huissier de justice en date du 18 avril 2017, délivrée à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour, par l'arrêt du 17 décembre 2018, s'est prononcée sur l'étendue du droit à indemnisation de M. [P] ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point.

Sur le préjudice corporel

L'expert le Docteur [Y] a indiqué dans son rapport en date du 20 septembre 2021 que M. [P] a présenté à la suite de l'accident du 21 mai 2011 un traumatisme crânien grave avec coma d'emblée, un traumatisme thoracique associant une condensation pulmonaire bilatérale inférieure et une plaie superficielle latéro-thoracique gauche et qu'il conserve comme séquelles des troubles cognitifs avec troubles de l'attention, de la concentration, troubles mnésiques, troubles dysexécutifs avec distractibilité, sensibilité à l'interférence, difficultés à réaliser deux tâches simultanément ou recevoir deux consignes simultanées, une dysarthrie, une fatigabilité, une irritabilité, des sensations vertigineuses, des paresthésies de l'hémicorps droit et une gêne à la marche du fait d'une certaine raideur du membre inférieur droit ainsi que des troubles psycho-comportementaux liés à un syndrome anxio-dépressif et à un décrochage social.

Il a conclu ainsi qu'il suit :

- dépenses de santé actuelles : frais de santé imputables décrits au sein du rapport

- arrêt des activités professionnelles : perte totale de gains professionnels justifiée du 21 mai 2011 au 15 janvier 2012 puis une perte partielle à 50 % de gains professionnels justifiée du 16 janvier 2012 au 31 mai 2015 (à faire préciser par la CPAM)

- déficit fonctionnel temporaire total du 21 mai 2011 au 2 septembre 2011

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 80 % du 3 septembre 2011 au 15 janvier 2012, de 66,6 % du 16 janvier 2012 au 30 novembre 2013 et de 50 % du 1er décembre 2013 au 7 juillet 2015

- assistance temporaire par tierce personne :

-du 3 septembre 2011 au 15 janvier 2012, durant les 4 jours par semaine d'hospitalisation de jour, 5 heures d'aide active par jour, et durant les autres jours de la semaine, 6 heures d'aide active par jour (guidance complémentaire) ; du 16 janvier 2012 au 30 novembre 2013, 4 heures par jour ; du 1er décembre 2013 au 7 juillet 2015, durant les hospitalisations de jour, 3 heures par jour, durant les jours au domicile, 4 heures par jour,

-aide à la parentalité pour l'enfant [A] : 4 heures par jour jusqu'au 2 septembre 2011, puis de 3 heures par jour jusqu'au 15 janvier 2012, puis de 2 heures par jour jusqu'au 30 novembre 2013, puis de 1h30 par jour jusqu'à la consolidation

- consolidation au 7 juillet 2015

- souffrances endurées de 4,5/7

- préjudice esthétique temporaire de 3/7 durant un an puis 2/7

- déficit fonctionnel permanent de 40 %

- assistance permanente par tierce personne :

-4 heures par jour, pour les besoins d'aide à la vie quotidienne (toilette, habillage, entretien de la maison, entretien du linge, courses, préparation des repas,...) et les besoins d'aide incitationnelle, d'accompagnement tant dans les activités que pour tous les déplacements,

-aide à la parentalité : 1 heure par jour lorsque l'enfant est à la garde de son père (garde alternée, chez la mère les week-end et la moitié des vacances scolaires, chez le père et la grand-mère le reste du temps) jusqu'au 19 décembre 2019 ([A] âgé de 14 ans ; du 20 décembre 2019 au 19 décembre 2021 ([A] âgé de 16 ans) 1/2 heure par jour lorsque l'enfant est chez son père,

- incidence professionnelle : licenciement de l'activité antérieure exercée imputable ; aptitude réduite à la reprise et au maintien d'une activité susceptible de procurer gain ou profit en milieu ordinaire

- frais futurs : traitement médicamenteux, consultations de médecin généraliste et en centre de réadaptation, SAMSAH, tels que décrits au sein du rapport, hospitalisation à [Localité 9] du 6 février 20017 au 20 mars 2017 imputable. Réserves évolutives précisées au rapport

- préjudice esthétique permanent de 2/7

- préjudice d'agrément : éléments justifiant un préjudice d'agrément

- préjudice sexuel : pas de préjudice sexuel imputable

- préjudice d'établissement : pas de préjudice d'établissement imputable.

Ce rapport d'expertise constitue, sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi par M. [P], à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 6] 1980, de son activité de responsable logistique salarié, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % qui est le plus approprié en l'espèce pour assurer la réparation intégrale de son préjudice corporel, pour s'appuyer sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Ce poste correspond en l'espèce aux dépenses suivantes :

° frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques et de transport pris en charge par la CPAM soit selon le décompte de débours définitifs de cet organisme au 15 octobre 2018 la somme de 191 904,59 euros

° franchises restées à la charge de la victime soit, au vu du décompte susvisé, la somme non contestée de 58 euros.

Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par les médecins conseils de M. [P] pour un montant total admis par la société Greenval de 7 290 euros.

Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

- Tierce personne personnelle

M. [P] sollicite une indemnisation sur la base du volume horaire retenu par l'expert et d'un tarif horaire de 15 euros sur une année de 412 jours, soit 17 euros sur une année de 365 jours.

La société Greenval oppose que M. [P] ne peut être indemnisé d'une assistance temporaire par tierce personne pendant les périodes au cours desquelles il a été incarcéré et a travaillé à temps complet ; elle estime que le taux horaire de l'aide, s'agissant d'une aide non spécialisée, doit être fixé à 15 euros.

Sur ce, la nécessité de la présence auprès de M. [P] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son étendue et dans son coût.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Il n'est pas établi que durant ses périodes d'incarcération, les besoins d'aide de M. [P] n'aient pas été satisfaits ; en revanche durant les périodes au cours desquelles il a travaillé à temps complet le besoin d'aide de M. [P] pour accomplir les tâches de la vie quotidienne et être stimulé a persisté, l'employeur n'assurant aucune prise en charge sur le plan domestique et personnel de M. [P].

La période d'incarcération a duré du 20 septembre 2012 au 5 novembre 2012 et ne sera pas prise en considération.

Eu égard à la demande de M. [P] l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 17 euros sur une année de 365 jours, qui correspond à un taux minimal applicable compte tenu de la nature de l'aide requise, non spécialisée, et du handicap de M. [P] qu'elle est destinée à compenser.

L'indemnité de tierce personne personnelle s'établit de la manière suivante :

- du 3 septembre 2011 au 15 janvier 2012

658 heures (volume horaire admis par les deux parties) x 17 euros = 11 186 euros

- du 16 janvier 2012 au 19 septembre 2012 et du 6 novembre 2012 au 30 novembre 2013

638 jours (248 jours + 390 jours) x 4 heures x 17 euros = 43 384 euros

- du 1er décembre 2013 au 7 juillet 2015

° jours à domicile, soit 576 jours du 1er décembre 2013 au 8 décembre 2013 et du 12 février 2014 au 7 juillet 2015

576 jours x 4 heures x17 euros = 39 168 euros

° jours en hospitalisation de jour

9,5 jours x 3 heures x 17 euros = 484,50 euros

' total : 94 222,50 euros (11 186 euros + 43 384 euros + 39 168 euros + 484,50 euros).

- Aide à la parentalité

M. [P] sollicite l'indemnisation de l'aide sur la base du volume horaire défini par l'expert et d'un tarif horaire de 15 euros, qu'il applique sur une année de 365 jours ; il précise qu'il s'est toujours occupé de son fils avec l'aide de sa mère, chez laquelle il vivait, et que depuis l'accident son état de santé est incompatible avec l'éducation d'un enfant, raison pour laquelle il nécessite une aide à la parentalité.

La société Greenval soutient que l'accident n'a eu aucune incidence sur la situation de M. [P] par rapport à son enfant, puisqu'il a déclaré lors de son hospitalisation à l'Hôpital [10] que son enfant était élevé par ses parents ; elle estime ainsi non fondée la demande d'indemnisation d'une assistance à la parentalité.

Sur ce, M. [P] ne démontre pas, alors que cela est contesté par la société Greenval et est contraire à ses déclarations au cours de l'expertise médicale, selon lesquelles son fils [A], né le [Date naissance 4] 2005, était pris en charge de façon complète par sa mère (grand-mère de l'enfant) lors de l'accident, qu'avant la survenance de celui-ci, il assumait la charge, au moins pour partie, de l'éducation, la garde, l'entretien, l'aide à la vie scolaire et les déplacements de cet enfant.

Par ailleurs il ressort du rapport d'expertise que l'enfant a été pris en charge entièrement par la mère de M. [P] pendant toute la période postérieure à l'accident et antérieure à la consolidation, ce que M. [P] admet dans ses écritures.

Le besoin de M. [P] d'une aide à la parentalité se limite ainsi au maintien des liens affectifs avec son enfant, compte tenu de ses troubles cognitifs et psycho-comportementaux ; eu égard à la nature de l'aide requise et de l'âge de l'enfant ce besoin doit être fixé à 1 heure par jour et sera rémunéré selon le tarif horaire de 15 euros demandé par M. [P].

L'aide à la parentalité s'élève ainsi pour toute la période antérieure à la consolidation, le besoin persistant durant l'incarcération, à la somme de 22 620 euros (1 heure x 1 508 jours x 15 euros).

Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

M. [P] expose qu'il a été placé en arrêt de travail, hormis un bref mi-temps thérapeutique, du 21 mai 2011 au 7 juillet 2015, mais qu'il a travaillé sans en informer ni son curateur, ni la CPAM ni l'expert judiciaire de mars 2013 à mars 2015 et a perçu à ce titre des salaires à hauteur de la somme de 27 107,36 euros ; il indique que ces emplois n'ont pas été durables en raison des troubles consécutifs à l'accident et qu'il a même exercé le métier d'ambulancier en toute illégalité faute d'être titulaire du permis de conduire.

M. [P] soutient que sur la base de son salaire antérieur à l'accident de 2 201,70 euros net par mois, sa perte de gains est de 108 984,15 euros et qu'après déduction des salaires perçus et imputation des indemnités journalières de 78 802,53 euros et des arrérages de la rente accident du travail de la période du 1er juin 2015 au 7 juillet 2015 (1 700,53 euros ) versés par la CPAM il subit une perte de gains professionnels actuels de 1 113 euros.

La société Greenval objecte que M. [P] n'a pas subi de perte de gains professionnels actuels dans la mesure où son salaire antérieur à l'accident était de 1 613,42 euros nets, le salaire du mois de mai 2011 n'étant pas significatif puisqu'il intégrait une prime exceptionnelle liée à un grand déplacement, où il a travaillé à temps plein chez son ancien employeur de février 2012 à octobre 2012 et pendant environ deux ans pour diverses sociétés d'ambulance et où il a perçu des indemnités journalières à hauteur de 78 802,53 euros.

Sur ce, l'expert a retenu 'une perte totale de gains professionnels justifiée du 21 mai 2011 au 15 janvier 2012 puis une perte partielle à 50 % de gains professionnels justifiée du 16 janvier 2012 au 31 mai 2015 (à faire préciser par la CPAM)'.

Il ressort du certificat de travail délivré le 10 décembre 2012 par la société Via trans express que M. [P] a été employé par cette société en qualité de responsable logistique du 1er novembre 2008 au 30 novembre 2012 et de la lettre de licenciement en date du 28 novembre 2012 que cet employeur n'a pas pu maintenir M. [P] à son poste de travail en raison 'des faits suivants : incompatibilité d'humeur, impasse au niveau de la communication, retards et absences répétés sans que personne ne soit averti, ce qui nous a causé de graves difficultés pour le fonctionnement de notre établissement'.

Si la société Greenval conteste au titre de la perte de gains professionnels futurs que le licenciement soit en lien avec l'accident au motif que M. [P] a communiqué deux lettres de convocation à un entretien préalable et que M. [P] a obtenu des primes de rendement en janvier, mars et juillet 2012, ce qui serait incompatible avec le licenciement, il s'avère que les deux exemplaires de la lettre de licenciement en date du 28 novembre 2012 qui ont été communiqués par la société Greenval sont strictement identiques sauf quant à la date de l'entretien préalable, ce qui n'est pas significatif et peut résulter d'une simple erreur matérielle et les termes de cette lettre sont très clairs sur les motifs du licenciement qui sont directement rattachés à un comportement de M. [P] qui correspond à celui résultant de l'incidence des troubles que l'accident a occasionnés.

L'allocation de primes de rendement est sans rapport avec le comportement de M. [P] au travail et n'est donc pas de nature à remettre en cause la réalité des motifs de licenciement invoqués dans la lettre précitée.

Ainsi la perte de son emploi par M. [P], qu'il occupait au sein de la même société depuis plus de deux ans lors de l'accident, est imputable à celui-ci.

Si l'expert a fixé la fin de la période d'arrêt de travail au 31 mai 2015, il résulte des pièces produites aux débats que M. [P] a été embauché à plusieurs reprises à compter du 6 décembre 2012, notamment en qualité d'ambulancier, mais qu'il n'a pu être employé de façon durable en raison des troubles générés par l'accident.

En effet, Mme [C], gérante de la société Ambulance Régence a attesté le 10 janvier 2017 que M. [P] ayant effectué plusieurs vacations, la dernière le 20 avril 2014, ne pouvait plus exercer ses fonctions en raison de 'signes et comportements inquiétants (perte de mémoire et d'équilibre, moments d'absence, saut d'humeur, élocution difficile...)' et avait mis fin à son emploi ; de même M. [Z] gérant de la société Ambulance AB Lorget et M. [B], gérant de la société Ambulances chrono, ont attesté le 10 janvier 2017 que M. [P] avait travaillé plusieurs jours en qualité d'auxiliaire ambulancier, la dernière intervention étant du 15 septembre 2014 mais que cette période d'essai n'avait pu aboutir à un contrat de travail à durée indéterminée 'pour cause d'absences répétées au travail de M. [P], saut d'humeur ainsi que d'oubli du respect des consignes propres à l'ambulancier et des difficultés de compréhension du travail'.

Il s'avère ainsi que M. [P], qui a perdu son emploi du fait de l'accident et n'a pu se réinsérer sur le plan professionnel durablement, est fondé à être indemnisé d'une perte de gains professionnels actuels depuis le 22 mai 2011 jusqu'au 7 juillet 2015, date de la consolidation de son état.

Il résulte des mentions figurant sur le bulletin de salaire du mois de mai 2011 de M. [P], seul bulletin de salaire communiqué pour la période antérieure à l'accident, que M. [P] a perçu un salaire brut de 2 065,79 euros, hors les heures d'absence consécutives à l'accident du travail du 22 mai 2011 et que les charges sociales salariales se sont élevées à 384,67 euros ce qui porte son salaire mensuel net à 1 681,12 euros.

La perte de gains professionnels actuels est ainsi de 83 232,25 euros (1 681,12 euros x 49,51 mois).

De cette perte doivent être déduits les salaires perçus durant la période soit au vu des bulletins de salaire communiqués la somme de 27 107,36 euros, ce qui porte le solde à 56 124,89 euros (83 232,25 euros - 27 107,36 euros).

Des indemnités journalières ont été versées par la CPAM du 22 mai 2011 au 31 mai 2015 pour un montant de 87 78 802,53 euros selon le décompte de créance précité, qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer.

En revanche la rente accident du travail réparant un préjudice permanent, les arrérages de cette rente versés avant la date de la consolidation retenue au 7 juillet 2015 ne peuvent s'imputer sur la perte de gains professionnels actuels.

Quoi qu'il en soit, M. [P] ayant été indemnisé de la totalité de sa perte de gains professionnels actuels, ne peut prétendre à aucune indemnité à ce titre.

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Ce poste est représenté en l'espèce par les frais futurs prévus par la CPAM, M. [P] ne formulant aucune demande à ce titre.

Assistance permanente par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, postérieurement à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

- Tierce personne personnelle

M. [P] demande à être indemnisé de ce poste de dommage sur la base du volume horaire fixé par l'expert ; il insiste sur la gravité de son handicap qui rend indispensable qu'il bénéficie d'une assistance de 4 heures par jour.

Il précise en réponse aux objections de la société Greenval, d'une part, qu'il doit être aidé pour ses déplacements dans la mesure où selon les divers médecins experts qui l'ont examiné les séquelles de l'accident et ses difficultés visuelles importantes sont incompatibles avec la conduite automobile et qu'il doit s'abstenir de conduire, même s'il a conservé son permis de conduire et d'autre part, que s'il dispose d'une certaine autonomie, son humeur fluctue, il adopte des comportements inadaptés et nécessite un cadrage.

M. [P] ajoute qu'il vit au domicile de ses parents et n'occupe l'appartement dont il est propriétaire que de façon temporaire lorsqu'il est en conflit avec ses parents.

Il sollicite l'application d'un tarif horaire de 20 euros.

La société Greenval répond que l'expert dans son rapport définitif a explicitement précisé que si M. [P] était amené à conduire les besoins en aide humaine pourraient être réduits à 2h30 par semaine au lieu des 3h30 retenues, ce qui implique qu'il a estimé l'aide humaine viagère à 3h30 et non à 4 heures par semaine.

Elle soutient qu'en toute hypothèse l'état de M. [P] ne nécessite pas une aide viagère de 4 heures par jour alors qu'il a travaillé intensément avant la consolidation, qu'il mène une vie sociale normale, qu'il a obtenu à nouveau le permis de conduire et conduit régulièrement.

Elle offre une base horaire de 16 euros.

Sur ce, l'expert a indiqué dans ses conclusions définitives, en page 81 de son rapport ainsi que mentionné plus haut, que l'état de M. [P] nécessitait une assistance personnelle de '4 heures par jour en viager post- consolidation'.

Dans le corps de son rapport en pages 63 et 64 il a rappelé l'avis du Docteur [O] selon lequel les troubles séquellaires ont un impact significatif sur les conditions d'existence et les capacités d'insertion de M. [P] et que ce dernier 'a besoin d'aide et d'incitation pour les actes de la vie quotidienne (toilette, habillage, entretien de la maison, du linge, courses et préparation de reps). Il a également besoin d'aide pour incitation et accompagnement dans les activités occupationnelles. Il a également besoin d'aide pour les déplacements puisqu'il ne peut plus conduire, il ne peut se déplacer seul. Pour l'ensemble de ces besoins en tierce personne on retiendra une aide humaine par tierce personne active non médicalisée pour les 4 heures par jour tous besoins confondus. Le reste du temps M. [P] peut être laissé seul à son domicile. Les besoins évoqués par l'expert principal concernent les besoins d'aide à la vie quotidienne soit 2 heures par jour mais ne concernent pas les besoins d'incitation, d'accompagnement dans les activités et d'accompagnement dans les déplacements qui justifient qu'il soit ajouté 2 heures par jour'.

En page 70 il a repris les conclusions de son rapport provisoire dans lesquelles il a indiqué 'en viager post-consolidation, il convient de retenir une assistance plus réduite pour les besoins d'aide à la vie quotidienne (toilette, habillage, entretien de la maison, du linge, courses, préparation des repas...) auxquelles il convient d'ajouter prenant en considération les besoins d'aide incitationnelle, d'accompagnement tant dans les activités que pour tous les déplacements, comme cela est précisé par le sapiteur neurologue sollicité, l'ensemble représentant une assistance quotidienne au rythme de 4 heures par jour.'

En réponse aux dires des parties le Docteur [Y] a précisé en page 76 de son rapport qu'il avait, ainsi que le sapiteur neurologue [O], pris en compte les observations formulées par les parties dans leurs dires et les constatations de l'enquête réalisée à titre privée par les défendeurs et ajouté que ' les troubles cognitifs et comportementaux en relation avec l'atteinte cérébrale et principalement frontale... ont été décrits dès la période post-accidentelle dans les différents bilans neuro-psycho-cognitifs réalisés. Ces bilans montrent une certaine amélioration avec le temps. Mais il persiste néanmoins des séquelles qui perturbent la vie sociale et professionnelle de M. [P]. Il serait paradoxal de retenir comme étant en faveur de l'absence de lésions l'existence de comportements non adaptés qui justement peuvent être la conséquence de ces lésions. Les experts dans leurs appréciations ont pris en compte tous ces éléments.'

En revanche le Docteur [Y] a ajouté en page 77 de son rapport sous le paragraphe consacré à l'aide humaine avoir pris en considération la nécessité d'une aide aux déplacements et que si 'M. [P] était amené à conduire effectivement, les besoins en aide humaine pourraient être réduits à 2h30 par semaine au lieu des 3h30 retenues'.

Cette dernière mention est en contradiction avec les constatations précédentes puisqu'elle se réfère à un volume horaire hebdomadaire et non journalier comme évoqué de façon constante précédemment et de 3h30 alors que ce volume horaire n'a jamais été retenu auparavant par l'expert.

En outre, il ressort des troubles importants que présente M. [P] en conséquence de l'accident, notamment des troubles cognitifs avec troubles de l'attention, de la concentration, troubles mnésiques, troubles dysexécutifs avec distractibilité, sensibilité à l'interférence, difficultés à réaliser deux tâches simultanément ou recevoir deux consignes simultanées, de la dysarthrie, des fatigabilité, irritabilité, sensations vertigineuses, paresthésies de l'hémicorps droit que M. [P] nécessite non seulement une aide pérenne pour l'accomplissement de tous les actes de la vie quotidienne mais également pour l'incitation et l'accompagnement dans les activités et les déplacements, notamment en voiture.

Sur ce dernier point, le sapiteur [O] a retenu que M. [P] ne pouvait pas conduire et ceci est en conformité avec l'avis du Docteur [J] dans son compte-rendu d'hospitalisation en date du 9 octobre 2013, dans lequel il a mentionné que les difficultés attentionnelles sévères de M. [P] en modalité visio spatiale et en modalité auditive y compris en tâche simple, limitant profondément ses capacités d'alerte, ainsi que son ralentissement psycho-moteur et sa fatigabilité importants faisaient que M. [P] était très nettement en dehors des conditions nécessaires à la conduite automobile et ne devrait pas conduire.

Enfin, M. [X] du cabinet CI2R dans le rapport d'enquête privée effectuée à la demande de la société Greenval, en date du 18 juin 2015, a mentionné alors que M. [P] était au volant de véhicules successifs, 'nous avons constaté qu'il roulait souvent particulièrement vite', puis 'il s'arrête tout à coup en plein milieu de la chaussée quelques instants et finit par redémarrer et prendre la direction de [Localité 7]. En route il franchit plusieurs feux rouges et remonte la rue en contre sens pour dépasser une dizaine de voitures', puis 'comme à son habitude, l'intéressé adopte un comportement de conduite dangereuse, franchissement de feux rouges, dépassement qui ne nous permettent pas de le suivre'.

Il s'avère que si M. [P] persiste à conduire des véhicules automobiles et a obtenu le permis de catégorie B le 15 février 2013, d'ailleurs dans des conditions troubles puisqu'il a déclaré à l'expert qu'un tiers s'était présenté à sa place, il nécessite bien un accompagnement pour ses déplacements eu égard au danger qu'il représente pour lui-même et les tiers lorsqu'il conduit en raison des troubles cognitifs et comportementaux consécutifs à l'accident.

Eu égard à l'ensemble des données qui précèdent le besoin d'aide pérenne de M. [P] par une tierce personne doit être fixé à 4 heures par jour selon un taux horaire de 20 euros sur une année de 365 jours.

L'indemnité est la suivante :

- de la consolidation à la liquidation

2 522 jours x 4 heures x 20 euros = 201 760 euros

- à compter de la liquidation

par capitalisation du besoin annuel par un euro de rente viagère pour une personne âgée de 41 ans à la liquidation, soit 39,110 selon le barème précité

4 heures x 365 jours x 20 euros x 39,110 = 1 142 012 euros

' total : 1 343 772 euros.

- Aide à la parentalité

M. [P] sollicite une indemnisation au titre de l'aide à la parentalité jusqu'au 19 décembre 2021, soit jusqu'aux 16 ans de l'enfant sur la base d'une demi heure par jour pour la période du 20 décembre 2019 au 19 décembre 2021 et sur la base d'un tarif horaire de 15 euros.

La société Greenval ne formule pas d'observation particulière sur l'aide à la parentalité pérenne.

Sur ce, ainsi qu'indiqué pour l'assistance temporaire par tierce personne par des motifs qui sont ici repris, M. [P] ne rapporte pas la preuve qu'avant l'accident il assumait la charge, au moins pour partie, de l'éducation, la garde, l'entretien, l'aide à la vie scolaire et les déplacements de son fils [A] ; il est constant qu'une garde alternée avec les fins de semaine et la moitié des vacances chez sa mère et le reste du temps chez sa grand-mère paternelle et son père le reste du temps, a été mise en place entre les deux parents de [A] et il ressort des pièces produites aux débats et de ses déclarations au cours de l'expertise que M. [P] vit soit chez sa mère, soit chez son frère, mais n'assume pas la charge matérielle de son fils.

Le besoin d'aide à la parentalité de M. [P] est ainsi limité à l'entretien des liens affectifs avec son fils compte tenu de ses troubles cognitifs et psycho-comportementaux ; ce besoin sera fixé, en tenant compte de la garde alternée, à une heure par jour une semaine sur deux jusqu'au 30 décembre 2019, et indemnisé selon un taux horaire de 15 euros, ainsi que le demande M. [P] ; en revanche, le besoin d'aide à la parentalité n'est plus justifiée pour la période postérieure et la demande formée par M. [P] à ce titre n'est pas fondée.

L'indemnité est ainsi la suivante :

- du 8 juillet 2015 au 31 décembre 2015

1 heure x 97 jours x 15 euros = 1 455 euros

- année 2016

1 heure x 222 jours x 15 euros = 3 330 euros

- année 2017

- 1 heures x 221 jours x 15 euros = 3 315 euros

- année 2018

1 heure x 221 jours x 15 euros = 3 315 euros

- année 2019

1 heure x 217 jours x 15 euros = 3 255 euros

' total : 14 670 euros.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

M. [P] fait valoir qu'il a été licencié en raison des troubles consécutifs à l'accident que depuis lors il n'a pas retrouvé d'emploi pérenne et qu'il est dans l'impossibilité de retravailler même en milieu protégé en raison de ses troubles neurologiques et comportementaux et de ses nombreux échecs de réinsertion.

Il demande l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs et d'un préjudice de retraite sur la base d'un salaire antérieur de 2 201,70 euros à actualiser chaque année en appliquant un taux d'évolution de 2 %, ce qui porte le salaire de référence de 2 500 euros et d'une capitalisation viagère ; il impute sur sa perte la rente accident du travail qu'il perçoit.

La société Greenval, outre qu'elle remet en cause le lien entre l'accident et la perte de son emploi par M. [P], estime que M. [P] est en mesure de retravailler, l'expert ne concluant pas à une inaptitude à la reprise d'une activité professionnelle ; elle relève que M. [P] a effectivement travaillé durant deux ans pour des sociétés d'ambulances et considère que certaines des attestations communiquées par M. [P] sur les emplois exercés après son licenciement établissent que c'est lui qui a décidé de quitter certains postes.

Sur ce, ainsi qu'il a été retenu pour la perte de gains professionnels actuels pour des motifs qui sont ici repris, il s'avère que le licenciement de M. [P] est de façon directe et certaine en lien avec les troubles cognitifs et comportementaux consécutifs à l'accident et que les attestations que M. [P] a produites aux débats pour la période antérieure à la consolidation démontrent que ces troubles générant notamment des sautes d'humeur et des oublis des consignes ne lui ont pas permis de conserver les emplois qu'il avait trouvés.

En outre, le bilan neuropsychologique effectué par Mme [E], neuropsychologue à l'Etablissement public de santé national de [Localité 9] le 8 février 2017, fait état d'un fonctionnement cognitif global très altéré avec de grandes difficultés mnésiques et une mémoire à court terme et de travail très limitée ainsi que d'un gros trouble dysexécutif et précise qu'au-delà de trois informations données en même temps M. [P] sature et qu'il est partiellement orienté au niveau spatial et temporel.

L'expert a considéré que les séquelle de l'accident consistent en des troubles cognitifs avec troubles de l'attention, de la concentration, troubles mnésiques, troubles dysexécutifs avec distractibilité, sensibilité à l'interférence, difficultés à réaliser deux tâches simultanément ou recevoir deux consignes simultanées, une dysarthrie, une fatigabilité, irritabilité, sensations vertigineuses, paresthésies de l'hémicorps droit et gêne à la marche du fait d'une certaine raideur du membre inférieur droit et des troubles psycho-comportementaux.

Eu égard à ces séquelles, et nonobstant l'enquête privée établie à la demande de la société Grennval qui ne révèle qu'un comportement 'apparent' de M. [P], sans que ses réelles capacités de communication, d'autonomie et d'exécution, soient testées, il est certain que M. [P] ne peut retrouver un emploi pérenne, même en milieu protégé, ce que confirme sa situation de non emploi depuis l'année 2014.

La demande d'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs et d'une perte de retraite est ainsi justifiée ; l'indemnisation doit être faite sur la base du salaire mensuel net antérieur à l'accident soit 1 681,12 euros (ainsi que précisé pour la perte de gains professionnels actuels) ; conformément à la demande de M. [P] il ya lieu d'actualiser le revenu de référence en fonction de l'évolution l'indice de consommation des ménages en France publié par l' INSEE ; après actualisation le salaire de référence est de 1796 euros.

Par ailleurs afin de tenir compte de l'incidence péjorative de la perte d'emploi sur le montant de la retraite de M. [P] la perte sera capitalisée de façon viagère.

- perte de gains entre la consolidation et la liquidation

1 796 euros x 82,83 mois = 148 762,68 euros

- perte de gains et de retraite à compter de la liquidation

1 796 euros x 12 mois x 39,110 = 842 898,72 euros

' total : 991 661,40 euros.

Sur cette indemnité s'impute la rente accident du travail réglée par la CPAM, soit 569 093,27 euros selon le décompte de débours définitif de cet organisme, qu'elle a vocation à réparer.

Après imputation la somme de 422 568,13 euros (991 661,40 euros - 569 093,27 euros) revient à M. [P].

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

M. [P] sollicite une indemnité de 80 000 euros au titre de la privation de son emploi et de la perte de chance d'évolution de carrière.

La société Greenval répond qu'il existe bien une incidence professionnelle du fait d'une réduction de l'aptitude professionnelle de M. [P] et d'une certaine dévalorisation sur le marché du travail, que la somme demandée de 80 000 euros n'est pas contestée mais que la rente accident du travail doit s'imputer sur cette incidence professionnelle.

Elle rappelle que si la cour devait allouer à M. [P] une indemnité au titre de la perte de gains professionnels futurs correspondant à une victime privée de toute activité professionnelle pour l'avenir elle ne pourrait lui allouer une indemnité au titre de l'incidence professionnelle.

Sur ce, M. [P] a été indemnisé de sa perte totale de gains professionnels futurs incluant la perte de retraite de manière viagère ; il ne peut prétendre en conséquence à une indemnisation au titre de la dévalorisation sur le marché du travail ; par ailleurs il n'a communiqué aucun élément pour démontrer que l'accident lui a fait perdre une chance non hypothétique d'évolution de carrière (appréciation de son employeur, attestations...).

Seule peut donc être indemnisée au titre de l'incidence professionnelle, la dévalorisation sociale ressentie par M. [P] du fait de son exclusion définitive du monde du travail ; cette incidence professionnelle sera évaluée à 20 000 euros.

Les arrérages échus et à échoir de la rente d'accident du travail ayant été intégralement imputés sur le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels futurs, cette somme revient intégralement à M. [P].

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Il doit être réparé sur la base de 25 euros par jour pour un déficit total, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie et proportionnellement pendant la période d'incapacité partielle, ainsi que le demande M. [P], ce qui représente :

- 2 625 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total de 105 jours

- 2 700 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 80 % de 135 jours

- 11 405,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 66,6 % de 685 jours

- 7 300 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel à 50 % de 584 jours

- total : 24 030,25 euros.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation.

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, de l'hospitalisation complète, notamment en réanimation, puis de jour, des examens et soins notamment de psychothérapie et de réadaptation fonctionnelle ; évalué à 4,5/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 25 000 euros.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 2/7 au titre notamment de l'alitement, de la blessure latéro-thoracique gauche, il doit être indemnisé à hauteur de 3 000 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par des troubles cognitifs, une dysarthrie, une fatigabilité, une irritabilité, des sensations vertigineuses, des paresthésies de l'hémicorps droit, une gêne à la marche et des troubles psycho-comportementaux liés à un syndrome anxio-dépressif, conduisant à un taux de 40 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence, l'indemnité de 144 800 euros sollicitée pour un homme âgé de 34 ans à la consolidation.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.

Coté 2/7 au titre notamment la cicatrice latéro-thoracique gauche, il doit être indemnisé à hauteur de la somme de 4 000 euros.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

M. [P] sollicite une indemnité de 50 000 euros à ce titre en relevant que l'expert a estimé que les séquelles de l'accident l'empêchent de s'adonner aux activités ludiques et sportives antérieures, ce qui recouvre notamment le football, l'équitation et les voyages dont il prouve la pratique antérieure.

La société Greenval oppose que les documents produits par M. [P] ne sont pas probants d'une pratique antérieure assidue et régulière des activités dont il se prévaut ; elle offre une indemnité ne pouvant excéder 2 500 euros.

Sur ce, l'expert a noté en page 70 de son rapport que les troubles cognitifs et comportementaux que présente M. [P] le limite pour la reprise ou le maintien des activités sociales, ludiques et/ou sportives qui pouvaient être les siennes lors de l'accident.

M. [P] justifie ne plus pouvoir pratiquer certaines activités sportives et ludiques auxquelles il s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir la course à pied, le football, l'équitation, et les voyages, suivant attestations présentant toutes garanties de crédibilité et photographies versées aux débats, ce qui justifie l'octroi d'une indemnité de 8 000 euros.

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

M. [P] sollicite une indemnité de 15 000 euros, en soutenant que l'expert a admis un tel préjudice ce que conteste la société Greenval.

Sur ce, l'expert a exclu dans ses conclusions définitives l'existence d'un préjudice sexuel ; dans le corps de son rapport il a rappelé les conclusions du Docteur [O] qui a précisé ' Les troubles cognitifs et comportementaux constituent une gêne dans l'établissement d'une relation affective durable. La fonction sexuelle semble cependant préservée' ; en cet état M. [P] ne rapporte aucune preuve d'un préjudice sexuel, ses propres affirmations sur ce point étant insuffisantes.

Sa demande formée au titre de ce poste de préjudice ne peut prospérer.

- Préjudice d'établissement

Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation. Il s'agit de la perte d'une chance de fonder une famille, d'élever des enfants et, plus généralement, des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui la contraignent à certains renoncements sur le plan familial. Ce préjudice recouvre en cas de séparation ou de dissolution d'une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

M. [P] demande une indemnité de 20 000 euros au motif que ce poste de préjudice a été retenu par l'expert ce que conteste la société Greenval.

Sur ce, si l'expert a indiqué dans ses conclusions définitives 'pas de préjudice d'établissement imputable' il est patent que les troubles cognitifs et comportementaux importants qui affectent M. [P] compromettent ses possibilités de nouer une relation affective durable et de fonder un foyer ainsi d'ailleurs que l'avait relevé le Docteur [O] ; ce préjudice sera indemnisé à hauteur de la somme de 20 000 euros sollicitée par M. [P].

***

Récapitulatif

- dépenses de santé actuelles : CPAM : 191 904,59 euros ; M. [P] : 58 euros

- frais divers : 7 290 euros

- assistance temporaire par tierce personne : aide personnelle : 94 222,50 euros ; aide à la parentalité : 22 620 euros

- perte de gains professionnels actuels : 0 euro après imputation des indemnités journalières versées par la CPAM

- assistance permanente par tierce personne : aide personnelle : 1 343 772 euros ; aide à la parentalité : 14 670 euros

- perte de gains professionnels futurs : 422 568,13 euros après imputation de la rente accident du travail servie par la CPAM

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 24 030,25 euros

- souffrances endurées : 25 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 144 800 euros

- préjudice esthétique permanent : 4 000 euros

- préjudice d'agrément : 8 000 euros

- préjudice sexuel : rejet

- préjudice d'établissement : 20 000 euros

' Total : préjudices patrimoniaux : 1 925 200,63 euros ; préjudices extra-patrimoniaux : 228 830,25 euros.

Le jugement est infirmé.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal et la capitalisation des intérêts

Le tribunal a dit que 'les intérêts de droit seront fixés au double du taux légal sur le montant des sommes allouées à M. [P] du 21 mai 2011 au 21 décembre 2015" ; il a considéré qu'une offre d'indemnisation devait être faite avant le 21 janvier 2012 et qu'aucune offre n'avait été faite avant le 21 décembre 2015, le versement de provisions étant indifférent.

M. [P] rappelle qu'une offre doit être faite à la victime même lorsque la responsabilité est contestée et fait valoir qu'aucune offre d'indemnisation complète même provisionnelle ne lui a été faite dans les huit mois de l'accident, que le simple versement de provisions ne vaut pas offre, que l'offre d'indemnisation définitive de la société Greenval du 21 décembre 2015 faite sur la base du rapport d'expertise du Docteur [H] ne peut valoir offre pour être incomplète, manifestement insuffisante et basée sur un rapport judiciaire qui était contesté comme ayant été déposé au mépris du principe du contradictoire.

Il relève que la société Greenval ne justifie pas d'une demande de renseignements et soutient qu'en toute hypothèse celle-ci n'aurait pu suspendre que le délai de 3 mois prévu par l'article L. 211-9 du code des assurances et non le délai de 8 mois prévu par ce même texte.

La société Greenval répond que son mandataire la société Dekra a adressé à M. [P], qui en a accusé réception, une lettre lui demandant de retourner une fiche de renseignements pour lui permettre de faire une offre d'indemnisation qui serait provisionnelle si son état n'était pas consolidé mais que M. [P] n'a ni répondu ni renvoyé la fiche.

Elle ajoute qu'elle a proposé à la victime l'organisation d'une expertise amiable contradictoire et a versé une provision mais n'a pu faire d'offre plus complète et plus précise avant de recevoir le procès-verbal de police complet lui permettant d'admettre l'entière responsabilité de son assurée, qu'elle a présenté une offre définitive d'indemnisation le 21 décembre 2015 soit dans les cinq mois du dépôt du rapport d'expertise du Docteur [H], qui n'a pas été annulé mais entériné par le tribunal, de sorte que cette offre est valable, qu'elle était complète puisque le préjudice d'agrément était porté pour mémoire dans l'attente de la production de justificatifs et qu'elle n'était pas insuffisante pour être adaptée à l'époque où elle a été formulée.

Elle estime que son offre ne peut être appréciée au regard du rapport d'expertise du Docteur [Y].

Sur ce, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Par ailleurs il résulte de l'article R. 211-31 du code des assurances, qu'à compter de la présentation de la première correspondance de l'assureur avec la victime, celle-ci dispose d'un délai de 6 semaines pour donner les renseignements demandés mentionnés à l'article R. 211-37. À défaut, le délai de 8 mois est suspendu à compter de l'expiration du délai de 6 semaines et jusqu'à la réception de la lettre contenant les renseignements demandés, étant précisé que les dispositions de l'article R. 211-31 s'appliquent bien, nonobstant la référence faite au premier alinéa de l'article L. 211-9, au délai de 8 mois prévu par ce texte, l'harmonisation de ces deux articles n'ayant pas été opérée lors de la réforme issue de la loi du n° 2003-706 du 1er août 2003 qui a introduit un nouveau premier alinéa.

La société Greenval avait, en application des textes rappelés ci-dessus, la double obligation de présenter à M. [P] dont l'état n'était pas consolidé, une offre provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident survenu le 22 mai 2011, soit avant le 23 janvier 2012, et de lui faire ensuite, une offre définitive dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état.

La société Greenval ne peut valablement opposer qu'elle n'a pas eu immédiatement communication du procès-verbal de police ce qui ne lui aurait pas permis de se prononcer sur la responsabilité de son assurée, alors qu'elle ne dénie pas avoir eu connaissance de l'accident et qu'elle était tenue de faire une offre au moins provisionnelle dans le délai de 8 mois de celui-ci sans pouvoir apprécier le bien ou le mal fondé du principe de l'offre qu'elle était tenue de faire.

Par ailleurs le versement de provisions ne peut avoir eu pour effet de dispenser la société Greenval de faire une offre provisionnelle détaillée portant sur tous les postes indemnisables du préjudice de M. [P].

En revanche, la société Greenval justifie avoir adressé par lettre recommandée avec avis de réception en date du 15 septembre 2011, parvenue à M. [P] le 21 septembre 2011, une demande de renseignements, à laquelle M. [P] ne justifie pas avoir répondu.

Le délai de 8 mois imparti à la société Greenval pour faire une offre a ainsi été suspendu à l'expiration du délai de 6 semaines courant de la réception de cette demande de renseignements, soit à compter du 3 novembre 2011 ; M. [P] ne démontrant pas avoir adressé les renseignements sollicités, ce délai a été suspendu jusqu'à la date à laquelle la société Greenval a eu connaissance de la consolidation de M. [P], moment à partir duquel elle était tenue de faire une offre définitive.

Il ressort de la lettre de l'expert à la société Greenval que celle-ci a eu connaissance de cette consolidation, par la communication du rapport d'expertise du Professeur [H], intervenue le 23 juillet 2015.

Par son précédent arrêt du 17 décembre 2018, la cour d'appel de ce siège a confirmé le jugement déféré ayant rejeté la demande tendant à faire constater la nullité du rapport définitif du Docteur [H], de sorte que M. [P] n'est pas fondé à prétendre que ce rapport ne lui serait pas opposable.

Dans cette expertise, le Professeur [H] retenait :

- déficit fonctionnel temporaire total du 21 mai 2011 au 2 septembre 2011

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 75% du 2 septembre 2011 au 11 septembre 2012

- déficit fonctionnel temporaire partiel à 45 % du 11 septembre 2012 au 28 août 2014

- souffrances endurées de 4/7

- consolidation : 28 août 2014

- déficit fonctionnel permanent de 33 %

- pas de préjudice sexuel

- pas de préjudice d'établissement

- un préjudice d'agrément est allégué

- préjudice esthétique de 2/7

- préjudice professionnel : M. [P] a dû abandonner l'activité professionnelle antérieure ; en revanche M. [P] n'est pas dans l'incapacité d'effectuer toute profession qui soit

- aide humaine : 2 septembre 2011 au 11 septembre 2012 4 heures par jour les jours d'hospitalisation de jour, 6 heures par jour les autres jours, du 11 septembre 2012 au 28 août 2014 : 3 heures par jour à partir du 28 août 2014 : aucune aide.

Le 21 décembre 2015, par lettre recommandée avec avis de réception reçue par M. [P] le 23 décembre 2015, la société Greenval a fait une offre d'indemnisation mais celle-ci ne comporte aucune proposition pour l'incidence professionnelle alors que celle-ci était caractérisée puisque le Professeur [H] qui concluait que M. [P] avait dû abandonner son activité professionnelle antérieure du fait de l'accident.

Cette offre incomplète est assimilable à une absence d'offre.

La société Greenval a fait une offre par conclusions devant le tribunal de grande instance de Paris du 25 août 2016 mais celle-ci ne vise pas plus l'incidence professionnelle et s'avère incomplète.

L'offre faite par conclusions du 7 juin 2017 devant le tribunal de grande instance de Paris est incomplète pour ne comporter aucune proposition pour la perte de gains professionnels actuels et la perte de gains professionnels futurs, alors que l'expert [H] avait retenu que la perte de l'emploi était consécutive à l'accident et que M. [P] avait formulé des demandes à ce titre par conclusions du 11 avril 2017 ; cette offre incomplète est dès lors inopérante.

Les offres faites par la société Greenval après dépôt du rapport d'expertise du Docteur [Y], par conclusions du 22 décembre 2021 et du 14 février 2022, sont complètes pour viser l'ensemble des postes de dommage retenus par l'expert, mais s'avèrent manifestement insuffisantes pour représenter moins de 18 % des indemnités allouées par la présente cour ; cette offre est dès lors inopérante.

Il résulte de l'ensemble des motifs qui précèdent que la société Greenval doit être condamnée à payer à M. [P] les intérêts au double du taux légal courus à compter du 24 juillet 2015 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur le montant des sommes allouées par la présente cour, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées.

Il y a lieu de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil.

Le jugement est infirmé.

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable à la CPAM qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Greenval qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel, dont les frais de l'expertise ordonnée par la cour le 17 décembre 2018, avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à M. [P] une indemnité 6 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt du 17 décembre 2018,

- Infirme le jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Greenval à payer à M. [P] les sommes suivantes en réparation de ses préjudices :

- préjudices patrimoniaux : 90 150 euros,

- préjudices extra-patrimoniaux : 49 840 euros, en deniers ou quittance, provisions de 90 000 euros non déduites, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- dit que les intérêts de droit seront fixés au double du taux légal sur le montant des sommes allouées à M. [P] du 21 mai 2011 au 21 décembre 2015,

- Le confirme sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Greenval Insurance Company limited à payer à M. [G] [P], assisté de son curateur, les sommes suivantes, imputation faite des débours de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 7] et provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites au titre des postes de préjudice ci-après :

- dépenses de santé actuelles : 58 euros

- frais divers : 7 290 euros

- assistance temporaire par tierce personne : aide personnelle : 94 222,50 euros ; aide à la parentalité : 22 620 euros

- assistance permanente par tierce personne : aide personnelle : 1 343 772 euros ; aide à la parentalité : 14 670 euros

- perte de gains professionnels futurs : 422 568,13 euros

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 24 030,25 euros

- souffrances endurées : 25 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 144 800 euros

- préjudice esthétique permanent : 4 000 euros

- préjudice d'agrément : 8 000 euros

- préjudice d'établissement : 20 000 euros,

- Déboute M. [G] [P] de sa demande d'indemnisation d'un préjudice sexuel,

- Condamne la société Greenval Insurance Company limited à payer à M. [G] [P], assisté de son curateur, les intérêts au double du taux légal courus à compter du 24 juillet 2015 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, sur le montant des sommes allouées par la présente cour, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées et avec capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la société Greenval Insurance Company limited à payer à M. [G] [P], assisté de son curateur, la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- Condamne la société Greenval Insurance Company limited aux dépens d'appel, dont les frais de l'expertise ordonnée par la cour le 17 décembre 2018, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 17/05290
Date de la décision : 02/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-02;17.05290 ?
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