Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 5
ARRET DU 02 JUIN 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/08606 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6COW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Juin 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F16/06705
APPELANT
Monsieur [I] [O]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069
INTIMEE
SAS ONEPOINT venant aux droit de la société Vision it group
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Geoffrey CENNAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0750
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Catherine BRUNET, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,
Madame Nelly CAYOT, Conseillère
Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Cécile IMBAR
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, prorogé à ce jour.
- signé par Catherine BRUNET, Présidente de chambre et par Madame Victoria RENARD, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE :
Par arrêt du 7 octobre 2021, la cour d'appel de Paris (chambre 6-5) a :
- dit n'y avoir lieu à statuer sur la fin de non recevoir soulevée par M. [I] [O] ;
- infirmé le jugement sauf en ce qu'il a débouté la société Onepoint venant aux droits de la société Vision it group de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
- prononcé la nullité du licenciement de M. [I] [O] ;
- ordonné la réintégration de M. [I] [O] ;
- condamné la société Onepoint venant aux droits de la société Vision it group à payer à M. [I] [O] les sommes suivantes :
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la violation de l'obligation de prévention des agissements de harcèlement moral,
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par les agissements de harcèlement moral,
avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision et capitalisation de ceux-ci dès lors qu'ils seront dus pour une année entière ;
Y ajoutant,
- débouté la société Onepoint venant aux droits de la société Vision it group de sa demande à titre de dommages et intérêts pour abus d'ester en justice sur le fondement de l'article 1240 du code civil ;
- ordonné à la société Onepoint venant aux droits de la société Vision it group de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [I] [O] du jour du licenciement au jour de l'arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités ;
Avant dire droit pour le surplus des demandes,
Vu les articles 16, 144 et 444 du code de procédure civile,
- sursis à statuer sur :
* les demandes suivantes de M. [O] :
. fixer la moyenne de ses douze derniers mois de salaire à 14 333 euros,
. condamner la société One point, venant aux droits de la société Vision it group, à lui payer une indemnité égale au montant de la rémunération brute qui aurait dû lui être versée entre le jour de son licenciement du 6 avril 2017, et le jour de sa réintégration effective, soit 14 333 euros par mois,
* la demande suivante de la société Onepoint :
. ordonner en cas de réintégration la déduction des revenus que Monsieur [O] a tiré d'une autre activité et le revenu de remplacement qui lui a été servi pendant cette période allant de son licenciement à sa réintégration et la remise des documents en justifiant ;
- ordonné la réouverture des débats ;
- renvoyé l'affaire à l'audience de la cour du 10 Février 2022 à 13 heures 30 (salle 2H10 [K] [Z]), en ordonnant à M. [I] [O] de produire les justificatifs des revenus qu'il a perçus au cours des années 2020 et 2021 et aux parties de conclure sur ces éléments avant le 15 Novembre 2021 pour M. [I] [O] et le 06 Janvier 2022 pour la société Onepoint venant aux droits de la société Vision it group ;
- dit que la notification de cet arrêt vaut convocation à l'audience ;
- réservé les dépens et les frais irrépétibles.
Par conclusions transmises et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 18 janvier 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [O] demande à la cour d'infirmer le jugement et de :
- fixer sa rémunération brute mensuelle moyenne à 14 915 euros ;
- condamner la société Onepoint, venant aux droits de la société Vision it group, à lui payer une indemnité de réintégration égale au montant de la rémunération brute qui aurait dû lui être versée entre le jour de son licenciement du 6 avril 2017, et le jour de sa réintégration effective, soit 14 915 euros x 54 mois, soit ' et après déduction des revenus de remplacement ' la somme de 390 004 euros (somme arrêtée au 30 octobre 2021).
Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 1er février 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société Onepoint venant aux droits de la société Vision it group demande à la cour de :
A titre principal,
- débouter monsieur [I] [O] de sa demande de 390 004 euros au titre de son indemnité de réintégration ;
A titre subsidiaire,
- ordonner à monsieur [I] [O] de produire en vue d'une réouverture des débats :
* les bilans et comptes de résultat (versions détaillées) de la société Atlanse au titre des années 2017 à 2021,
* les procès-verbaux des assemblées générales d'approbation des comptes des exercices clos de la société ATLANSE au titre des années 2017 à 2021,
* les bilans et comptes de résultat (versions détaillées) de la société [O] holding au titre des années 2017 à 2021,
* les procès-verbaux des assemblées générales d'approbation des comptes des exercices clos de la société [O] holding au titre des années 2017 à 2021,
* les bilans et comptes de résultat (versions détaillées) de la société Atlanse management au titre des années 2017 à 2021,
* les procès-verbaux des assemblées générales d'approbation des comptes des exercices clos de la société Atlanse management au titre des années 2017 à 2021,
* toutes les attestations de paiement Pôle emploi de monsieur [O] des années 2017 à 2021,
* tous les bulletins de paie de monsieur [O] depuis le mois de mai 2017 à fin décembre 2021 tant en qualité de salarié que de mandataire social,
* toutes les déclarations effectuées par monsieur [O] sur le formulaire 2777 pour ses dividendes versés au titre des années 2017 à 2021.
MOTIVATION :
Sur l'indemnité d'éviction
M. [O] soutient que son salaire mensuel brut moyen servant de base de calcul à l'indemnité d'éviction doit être fixé à la somme de 14 915 euros. Invoquant les avis d'imposition et l'attestation d'un expert comptable qu'il produit aux débats, il fait valoir que le montant des revenus de remplacement pour la période du 6 avril 2017, date du licenciement, au 30 octobre 2021, date de rédaction des conclusions, s'élève à la somme de 415 406 euros et que les sommes à déduire ne sauraient comprendre le chiffre d'affaires d'une entreprise personne morale ou sa trésorerie. Il ajoute que contrairement à ce que soutient la société Onepoint, l'indemnité de licenciement ne doit pas être déduite de l'indemnité d'éviction dès lors qu'elle a fait obstruction à sa réintégration en rompant le contrat de travail le 19 novembre 2021.
La société Onepoint expose qu'elle a procédé à la réintégration de M. [O] après l'avoir convoqué à une visite de reprise auprès de la médecine du travail puis qu'elle a engagé une procédure de licenciement. Elle soutient que M. [O] doit être débouté de sa demande d'indemnité d'éviction en raison de son refus de communiquer tous ses revenus tirés d'une activité professionnelle et du caractère injustifié de sa demande. Elle fait valoir qu'il a créé trois sociétés selon elle concurrentes à sa propre activité et qu'il convient de prendre en compte le chiffre d'affaires généré par chacune de ces sociétés ainsi que leurs résultats bénéficiaires dès lors qu'il a pu conserver ces éléments jusqu'à la clôture de cette affaire et qu'il était libre de s'accorder la rémunération qu'il souhaitait. Elle souligne qu'il n'a pas répondu à sa sommation de communiquer tous les éléments utiles à l'appréciation de son préjudice. Elle ajoute que la rémunération mensuelle à prendre en considération est de 13 248 euros bruts et que les calculs effectués par M. [O] sont erronés, l'indemnité de licenciement devant notamment être déduite.
Le salarié dont le licenciement est nul par application des dispositions de l'article L. 1152-3 du code du travail et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Il convient de déduire de la réparation du préjudice subi les revenus que le salarié a pu tirer d'une autre activité professionnelle pendant la période correspondante et le revenu de remplacement qui a pu lui être servi pendant la même période.
M. [O] n'a pas refusé dans le cadre de la réouverture des débats de justifier de ses revenus de remplacement et des revenus qu'il a tirés d'une autre activité professionnelle dès lors qu'il produit pour les revenus perçus au cours des années 2017, 2018, 2019, 2020 des avis d'imposition et pour ce qui concerne les revenus perçus pour la période du mois de janvier au mois d'octobre 2021, une attestation d'un expert comptable. La création de trois sociétés qui ont pu réaliser des chiffres d'affaires importants n'implique pas nécessairement qu'il en ait perçu d'autres revenus que ceux figurant sur ses avis d'imposition et attestés par l'expert comptable.
Dès lors, la cour retient qu'elle dispose des éléments suffisants pour statuer et dit n'y avoir lieu à ordonner les productions de pièces sollicitées par la société Onepoint.
Le salaire à prendre en compte pour déterminer le montant de la rémunération que le salarié aurait perçu au cours de la période de son licenciement à sa réintégration est le salaire brut.
M. [O] soutient que sa rémunération brute mensuelle moyenne doit être fixée à la somme de 14 915 euros en prenant en compte un salaire de base de 12 666 euros, un avantage en nature de 582 euros et la rémunération variable de 20 008 euros au titre du bonus 2016. La société considère que ce bonus ne doit pas être pris en compte au titre des 12 derniers mois d'emploi et fixe à 13 248 euros le salaire mensuel brut. En l'espèce, le salaire mensuel de base de M. [O] était de 12 666 euros auquel il convient d'ajouter l'avantage en nature de 582 euros qui constitue un élément de salaire. Contrairement à ce que soutient M. [O], la cour dans son arrêt du 7 octobre 2021 ne s'est pas prononcé sur la nature de la rémunération variable. Elle constate que cette rémunération variable de 20 008 euros a été payée au mois de mars 2016 au titre de l'année 2015 et antérieurement aux douze derniers mois de salaire. Dès lors, le montant de la rémunération brute mensuelle moyenne à prendre en compte pour le calcul de la somme qu'aurait perçue M. [O] de la date de son licenciement à la date de sa réintégration effective est de 13 248 euros.
M. [O] aurait donc perçu s'il n'avait pas été licencié au cours de la période de 54 mois retenue par les deux parties, la somme de 715 392 euros.
Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration ne peut prétendre au paiement d'indemnités de rupture. M. [O] invoque une obstruction à sa réintégration pour s'opposer à la déduction de l'indemnité de licenciement. Cependant, d'une part, la cour n'est pas saisie d'un contentieux relatif au licenciement de M. [O] intervenu le 19 novembre 2021. D'autre part, il est établi par la société Onepoint qu'elle a réintégré M. [O] le 2 novembre 2021 par la production d'un bulletin de salaire. Dès lors, il convient de déduire de la somme de 715 392 euros la somme de 68 608 euros que le salarié a perçue au titre de l'indemnité de licenciement.
La société soutient ensuite que les sommes à prendre en compte sur les avis d'imposition sont celles avant abattement de 10% et que correspondant à des revenus nets, ces sommes doivent être déduites des salaires nets qu'aurait perçus M. [O] pendant la période d'éviction et non des salaires bruts.
Pour les années 2017, 2018, 2019 et 2020, les revenus à prendre en compte sont ceux figurant sur les avis d'imposition avant abattement de 10% , ces revenus n'étant pas nets, pour un montant total de 329 058 euros.
Les revenus que le salarié a tiré d'une autre activité professionelle et le revenu de remplacement qui lui a été servi jusqu'au 31 décembre 2020 sont donc fixés à la somme de 397 666 euros (68 608+329 058)
Pour la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 30 octobre 2021, M. [J] [U], expert comptable, a établi une attestation comportant le cachet de son cabinet présentant des garanties suffisantes pour emporter la conviction de la cour et indiquant qu'au cours de cette période, M. [O] en sa qualité de gérant de la société [O] holding a perçu une rémunération nette de 99 000 euros. Or, ce revenu doit être déduit en brut des salaires qu'aurait perçus M. [O] au cours de la même période.
La cour ne disposant pas des éléments pour calculer ce revenu en brut, il convient de condamner la société Onepoint à payer à M. [O] une indemnité d'éviction calculée de la manière suivante : 715 392 euros - 397 666 euros - la somme brute correspondant à 99 000 euros nets.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Partie perdante, la société Onepoint sera condamnée au paiement des dépens. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a mis les dépens à la charge de M. [O].
La société Onepoint sera condamnée à payer à M. [O] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la décision des premiers juges étant infirmée à ce titre à l'égard de M. [O], confirmée à l'égard de la société Onepoint, celle-ci étant en outre déboutée de sa demande à ce titre formulée en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Dit n'y avoir lieu à ordonner à M. [I] [O] de produire des pièces en vue d'une réouverture des débats,
Fixe la rémunération brute mensuelle moyenne de M. [I] [O] à la somme de 13 248 euros,
Condamne la société Onepoint venant aux droit de la société Vision it group à payer à M. [I] [O] une indemnité d'éviction calculée de la manière suivante : 715 392 euros - 397 666 euros - la somme brute correspondant à 99 000 euros nets,
Infirme le jugement en ce qui concerne les dépens et les frais irrépétibles à l'égard de M. [I] [O] et y ajoutant,
Condamne la société Onepoint venant aux droit de la société Vision it group à payer à M. [I] [O] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute la société Onepoint venant aux droit de la société Vision it group de sa demande au titre des frais irrépétibles,
Condamne la société Onepoint aux dépens de première instance et d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE