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22/06/2022 | FRANCE | N°18/07415

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 22 juin 2022, 18/07415


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRET DU 22 JUIN 2022



(n° , 1 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07415 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53J2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 16/02893





APPELANT



Monsieur [C] [Y]

[Adresse 1]

[Locali

té 2]



Représenté par Me Saïd HARIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E1752







INTIMEE



SA DIMOTRANS GROUP représentée par tous représentants légaux domiciliés en cette qualité a...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRET DU 22 JUIN 2022

(n° , 1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/07415 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B53J2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Janvier 2018 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° 16/02893

APPELANT

Monsieur [C] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Saïd HARIR, avocat au barreau de PARIS, toque : E1752

INTIMEE

SA DIMOTRANS GROUP représentée par tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Christophe PACHALIS, avocat au barreau de PARIS, toque : K148

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021,chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Nicolas TRUC, Président de la chambre

Madame Gwenaelle LEDOIGT, Présidente de la chambre

Madame Véronique BOST, Vice Présidente placée faisant fonction de conseillère par ordonnance du Premier Président en date du 16 décembre 2021

Greffier : lors des débats : Mme Sonia BERKANE

ARRET :

- contradictoire

- mis à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile prorogé jusqu'à ce jour.

- signé par Monsieur Nicolas TRUC, Président et par Sonia BERKANE,Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [C] [Y] a été engagé par la société DIMOTRANS en qualité d'agent commercial selon contrat à durée indéterminée du 25 septembre 2009.

Au dernier état de la relation contractuelle, il occupait la fonction de commercial.

La convention collective applicable est celle des transports routiers et activités auxiliaires de transport.

Par courrier du 29 janvier 2016, M. [Y] a démissionné. Par courrier du 3 février 2016, il a exposé à l'employeur les motifs de la rupture du contrat de travail.

M. [Y] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny aux fins de faire requalifier sa démission en une prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur et en nullité de sa clause de non-concurrence.

Par jugement du 17 janvier 2018, notifié à Monsieur [Y] le 3 mai 2018, le conseil de prud'hommes de Bobigny a :

- débouté Monsieur [C] [Y] de l'ensemble de ses demandes,

- fait droit aux demandes reconventionnelles de la société DIMOTRANS,

- condamné Monsieur [C] [Y] à rembourser à la société DIMOTRANS la somme de 896,41 euros en restitution des sommes versées au titre de la clause de non-concurrence et la somme de 3 966 euros à titre de dommages et intérêts forfaitaires prévus par cette clause,

- laissé les dépens à la charge de Monsieur [Y].

M. [Y] a interjeté appel par déclaration déposée par voie électronique le 25 mai 2018.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 25 janvier 2019, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et des moyens développés, Monsieur [Y] demande à la cour de :

- dire et juger que sa démission s'analyse en une prise d'acte de rupture aux torts de la société DIMOTRANS produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et infirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

- condamner la société DIMOTRANS à lui payer les sommes suivantes :

- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour prise d'acte de la rupture aux torts de la société DIMOTRANS produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 312,20 euros de rappel de prime d'objectif 2e trimestre 2015

- 5 506,10 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 7 865,84 euros à titre d'indemnité de préavis outre 786,58 euros de congés payés afférents

- dire et juger la clause de non-concurrence entachée de nullité in'rmant là encore le jugement entrepris

- rejeter intégralement les demandes de la société DIMOTRANS

- condamner la société DIMOTRANS à lui payer une somme de 4 000 euros au titre de

l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner en outre aux entiers dépens.

Il expose que:

- la démission doit résulter d'une volonté claire et non équivoque de rompre le contrat,

- il a très rapidement exposé à l'employeur que c'étaient les litiges existant entre eux qui l'ont conduit à rompre le contrat,

- les faits qu'il invoque justifie la prise d'acte aux torts de l'employeur,

- la contrepartie financière de sa clause de non-concurrence est manifestement dérisoire,

- la protection des intérêts légitimes de l'entreprise ne justifie pas l'interdiction de la totalité de la région Ile-de-France,

- la mise en 'uvre de la clause de non-concurrence le concernant procède d'une mesure de rétorsion à son égard.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 avril 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des faits et des moyens développés, la société DIMOTRANS demande à la cour de:

- dire et juger recevable mais mal fondé M. [C] [Y] en son appel,

- constater l'absence de manquement de sa part à ses obligations a l'égard de M. [C] [Y],

- dire et juger parfaitement licite la clause de non-concurrence 'gurant dans le contrat de travail régularisé avec M. [C] [Y],

- donner acte à M. [Y] de ce qu'il ne conteste pas travailler en qualité de commercial pour la société NIPPON EXPRESS France dans le ressort géographique interdit par la clause de non-concurrence,

En conséquence,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

En tout état de cause,

- dire irrecevable et mal fondée sa demande de rappel de prime d'objectif deuxième trimestre 2015 non sollicité en première instance,

- constater que Monsieur [Y] ne justifie aucunement des sommes qu'il réclame,

- le débouter de toutes ses demandes,

- le condamner au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle indique que :

- les manquements invoqués par Monsieur [Y] ne sont pas établis et ne justifient pas une prise d'acte aux torts de l'employeur,

- la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'est pas dérisoire,

- la protection des intérêts légitimes de l'entreprise justifiait que la clause de non-concurrence prévoit une interdiction sur la totalité de l'Ile-de-France,

- la mise en 'uvre de la clause ne constitue pas une sanction.

L'affaire était fixée à l'audience du 15 juin 2020. Les parties ayant refusé la procédure sans audience, elle a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 9 mars 2022.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 9 février 2022.

MOTIFS

Sur la démission

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail. La démission peut être verbale et se déduire des circonstances entourant cette décision.

Lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de sa démission, remet en cause celle-ci en raison de faits ou de manquements imputables à son employeur, il appartient à la cour d'apprécier s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines à la démission qu'à la date à laquelle elle a été donnée celle-ci était équivoque. Dans cette hypothèse, la démission s'analyse en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'une démission.

Pour que la remise en cause de la démission soit accueillie, il faut que le salarié justifie qu'un différend antérieur ou contemporain de la démission l'avait opposé à son employeur. L'existence d'un lien de causalité entre les manquements imputés à l'employeur et l'acte de démission est nécessaire. Ce lien sera établi si lesdits manquements sont antérieurs ou au moins contemporains de la démission, et s'ils avaient donné lieu à une réclamation, directe ou indirecte du salarié afin que l'employeur puisse rectifier la situation.

Ainsi, même émise sans réserve, une démission est nécessairement équivoque si le salarié parvient à démontrer qu'elle trouve sa cause dans des manquements antérieurs ou concomitants de l'employeur.

En l'espèce, M. [Y] a remis en mains propres à l'employeur un courrier daté du 29 janvier 2016 et ainsi rédigé : « Par cette lettre, je vous informe de ma décision de quitter le poste d'attaché commercial et de mettre fin à mon contrat de travail établi le 29 septembre 2009. »

Par courrier du 3 février 2016, il a indiqué les raisons qui l'avaient contraint à rompre son contrat. Il invoquait le non-respect de l'engagement pris par le directeur général quant à l'augmentation qui lui avait été promise et des difficultés sur le versement des primes.

Ce courrier fait référence à deux points litigieux opposant les parties antérieurement à la démission de M. [Y].

Il s'en déduit que la démission présentait un caractère équivoque et s'analyse en une prise d'acte de la rupture.

Il convient d'examiner si les manquements de l'employeur invoqués par M. [Y] justifiaient la prise d'acte.

En ce qui concerne le refus de son augmentation, M. [Y] indique dans son courrier du 3 février 2016 « à la suite de 2 réunions, le 01/10/15 et 07/10/15 confirmé par mon écrit du 8/10/15, Mr [N] s'est engagé à revaloriser mon salaire de 200 € effectif à partir de Janvier 2016. Or Mr [N] lors de l'entretien du 29/01/16 m'a notifié sa décision de ne pas respecter son engagement ».

Le mail du 8 octobre 2015 auquel il fait référence était ainsi rédigée « [Z] m'a informé hier de la décision d'augmenter mon salaire de 200 € brut. Lors de notre entretien, je vous signifiais que face à l'investissement et la réussite de cette première année je souhaitais avoir une augmentation beaucoup plus en corrélation avec le salaire moyen du commercial (que ce soit sur le marché CDG ou même au sein de la société Dimotrans Group). Ainsi ma demande n'est pas satisfaite, et les résultats non suffisants pour que mon salaire soit cohérent par rapport à la fonction que j'occupe et à la responsabilité d'un portefeuille de 126 ke de MB. »

La date d'effet de l'augmentation ainsi prévue à janvier 2016 ne ressort pas des termes de ce mail. De même il n'est pas démontré que l'employeur serait revenu sur son décision d'augmentation.

Dans ces conditions, M. [Y] ne peut s'en prévaloir pour justifier sa prise d'acte.

M. [Y] évoque encore une difficulté sur le calcul de ses primes.

Il ressort des échanges de mails produits qu'il y a effectivement eu une difficulté sur le calcul des primes, difficulté que M. [Y] a signalée et qui a été corrigée. M. [Y] a perçu sa prime au mois de novembre 2015.

Aucun manquement de l'employeur suffisant à justifier une prise d'acte n'est caractérisé.

La prise d'acte de M. [Y] produit les effets d'une démission.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a été débouté de toutes ses demandes au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de rappel de prime d'objectif 2ème trimestre 2015

M. [Y] sollicite la somme de 321,20 euros à ce titre.

La société DIMOTRANS soutient que cette demande serait irrecevable car nouvelle en cause d'appel.

Aux termes de l'article R.1452-7 du code du travail dans sa rédaction antérieure au décret du 20 mai 2016, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.

Cet article a été abrogé par l'article 8 du décret du 20 mai 2016.

L'article 45 de ce décret dispose que l'article 8 est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes à compter du 1er août 2016.

Il résulte de ces articles que les dispositions de l'article R. 1452-7 du code du travail demeurent applicables aux instances introduites devant les conseils de prud'hommes antérieurement au 1er août 2016.

En l'espèce, le conseil des prud'hommes a été saisi le 28 juin 2016.

La demande est donc recevable.

M. [Y] produit un tableau dont il ressort que pour le 2ème trimestre, il n'avait pas atteint l'objectif déclenchant le paiement de la prime.

Il sera débouté de sa demande à ce titre.

Sur la clause de non-concurrence

Une clause de non-concurrence n'est licite que si elle est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise, limitée dans le temps et dans l'espace et comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie pécuniaire, ces conditions étant cumulatives.

Pour dire sa clause de non-concurrence nulle, M. [Y] soutient que la contrepartie financière prévue serait dérisoire. Il expose que la clause porte sur l'ensemble de la région Ile-de-France et le département de l'Oise soit à la région la plus densément peuplée et qu'en conséquence une contrepartie financière de 30% apparaît dérisoire.

En l'espèce, la contrepartie financière de la clause de non-concurrence n'apparaît pas manifestement dérisoire contrairement à ce qu'affirme M. [Y].

M. [Y] soutient ensuite que la clause ne serait pas indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise dès lors que cette dernière a accepté de la lever pour d'autres salariés ayant exercé des fonctions équivalentes aux siennes. Cela est insuffisant à établir que la clause ne serait pas indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise. Au regard des fonctions de commercial de M. [Y] dans une société commissionnaire de transport et de logistique et de son portefeuille de clients, la clause est indispensable aux intérêts légitimes de l'entreprise.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les frais de procédure

M. [Y] sera condamné aux dépens.

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne M. [C] [Y] aux dépens,

Dit n'y avoir lieu à frais irrépétibles.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 18/07415
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;18.07415 ?
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