Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 22 JUIN 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/13809 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B65FP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Octobre 2018 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F17/00181
APPELANTE
Me [L] [S] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS ZACH
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représenté par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC143
INTIMÉS
Monsieur [B] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Komi NOMENYO, avocat au barreau de MELUN
ASSOCIATION UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 5]
Sans avocat constitué, signifié le 19 Juillet 2021 à personne morale
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Monsieur Philippe MICHEL, président de chambre
Mme Valérie BLANCHET, conseillère
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
- Réputé contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [B] [R] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée écrit à temps plein à compter du 23 juin 2016 en qualité d'opérateur production polyvalent, coefficient 270 de la convention collective nationale de la plasturgie moyennant une rémunération mensuelle brute de 1 700 euros pour 160h34 de travail par mois par la société Zach, entreprise spécialisée dans les travaux de menuiserie bois et PVC implantée à [Localité 7] (94) et employant habituellement moins de onze salariés (5 salariés).
Dans le dernier état de la relation contractuelle de travail, la rémunération mensuelle brute de M. [R] s'élevait à 1 900 euros.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 29 septembre 2016, par lettre du 21 septembre 2016, le salarié a été licencié pour insuffisance professionnelle par lettre du 4 octobre 2016 et a été dispensé d'exécuter son préavis qui lui a néanmoins été payé.
Contestant le bien fondé de son licenciement en invoquant un manquement de l'employeur dans son obligation de formation, M. [R] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 3 mai 2017 afin d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de la société Zach à lui verser la somme de 18 335,20 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 23 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges a :
- Dit que le licenciement de M. [R] par la société Zach ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- Condamné la société Zach à verser à M. [R] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et celle de 900 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 7 décembre 2018, la société Zach a interjeté appel de la décision qui lui a été notifiée le 13 novembre 2018.
Par jugement en date du 21 mars 2021, le Tribunal de Commerce de Créteil a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Zach et a désigné Me [S] en qualité de liquidateur.
Par exploits du 19 juillet 2021, M. [R] a fait délivrer assignations en intervention forcée à Me [S], en sa qualité de liquidateur de la société Zach et à l'AGS CGEA Ile de France Est aux termes desquelles il demande à la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- Condamner solidairement Me [S] en sa qualité de liquidateur, la société Zach et l'AGS CGEA Ile de France Est à lui payer la somme de 4 000 euros à titre de dommages intéréts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Condamner solidairement Me [S] en sa qualité de liquidateur, la société Zach et l'AGS CGEA Ile de France Est à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Déclarer l'arrêt opposable à l'AGS CGEA Ile de France Est,
- Condamner solidairement Me [S] en sa qualité de liquidateur, la société Zach et l'AGS CGEA Ile de France Est aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ces derniers, par Me Nomenyo, avocat, conformément aux dispositions de 1'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 juillet 2021, Me [S] demande à la cour de :
- Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
statuant à nouveau,
- Débouter M. [R] de l'intégralité de ses demandes,
- Condamner M. [R] à lui verser la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
L'AGS CGEA Ile de France Est n'a pas constitué avocat.
La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée le 5 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 19 avril 2022.
MOTIFS
Sur le licenciement
L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité non fautive, objective et durable d'un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.
S'il appartient au salarié de fournir une prestation correspondant à sa qualification, l'employeur ne peut licencier celui-ci pour insuffisance professionnelle de façon soudaine et précipitée mais doit au préalable l'alerter de son incompétence ou insuffisance et lui accorder un délai d'adaptation raisonnable pour qu'il puisse remédier au problème.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
'Vous êtes dans l'incapacité de fabriquer des menuiseries en aluminium en toute autonomie.
Nous avons été dans l'obligation de prendre des intérimaires pour la fabrication afin d'honorer les commandes de nos clients.
Lors de l'entretien préalable en date du 29 septembre 2016, nous n'avez pas pu fournir de justification nous permettant de modifier notre point de vie quant aux faits qui vous sont reprochés.
Par conséquent, nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.'
À l'appui de son appel, Me [S] fait valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le Conseil de Prud'hommes, la société Zach a parfaitement respecté ses obligations en termes de formation, et a également bien constaté au terme des trois mois de formation, l'insuffisance professionnelle de M. [R].
M. [R] réplique qu'il ne parle pas bien le français et le comprend très mal, qu'il ne dispose d'aucune qualification en tant qu'opérateur de Production Polyvalent et menuisier aluminium et n'a bénéficié d'aucune formation en la matière ni aux règles et consignes de sécurité malgré les obligations de l'employeur prévues par l'article L.6321-1 du Code du travail et que la société ne peut se prévaloir d'une formation dispensée par M. [W] dès lors que ce dernier n'est arrivé dans la société que le 27 juin 2016 soit 4 jours après sa propre embauche.
Cela étant, si l'employeur a l'obligation d'assurer la formation et l'adaptation du salarié à son poste de travail en application de l'article L.6321-1 du Code du travail, il n'a pas l'obligation de dispenser à celui-ci une formation initiale ayant pour objet de lui fournir les compétences de base de son métier.
En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. [R] a signé en toute connaissance de cause un contrat de travail aux termes duquel il devait, entre autres, réaliser et suivre la réalisation de menuiserie en aluminium, bois ou PVC, qu'il a été accompagné dans sa prise de poste par M. [W] (attestations de deux salariés), que ce dernier est certes entré dans la société Zach quatre jours après lui mais disposait d'une expérience de 10 ans dans son métier (selon son CV) et connaissait l'entreprise pour y avoir effectué des missions d'intérim (selon une facture d'agence d'intérim), que la prise en charge du salarié par son collègue était supervisée par le responsable de production (selon attestation de ce dernier), que contrairement à ce qu'il avance, M. [R] était en capacité de suivre les conseils et indications de M. [W] (attestation du responsable de production : 'Monsieur [R] [B] savait lire une feuille de production comprenant très bien ce que lui disait son formateur Monsieur [M] [W] qui lui apprenait les termes techniques'et les machines pour fabriquer les menuiseries en aluminium'), que M. [R] avait beaucoup de mal à retenir les termes techniques et ne posait aucune question (attestation du responsable de production) et enfin que M. [R] ne respectait ni les consignes de fabrication, ni celles de sécurité (attestation du chef d'atelier : 'Monsieur [R] [B] ne respectait pas les consignes de fabrication mais aussi les consignes de sécurité (lunettes gants). À longueur de journée, je demande de respecter les consignes données tant sur la fabrication que sur la sécurité mais il n'en tient pas compte.').
Ainsi, l'insuffisance professionnelle de M. [R] et le respect par l'employeur de son obligation d'adaptation du salarié à son poste de travail sont établis.
En conséquence, le licenciement de M. [R] repose sur une cause réelle et sérieuse et le jugement entrepris sera infirmé en toutes ses dispositions, le salarié devant être débouté de l'intégralité de ses demandes.
Sur les frais non compris dans les dépens
Les situations économiques respectives des parties commandent de ne pas prononcer de condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de M. [R], même s'il succombe en son appel, selon la faculté prévue par ce texte.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
INFIRME le jugement entrepris,
Statuant à nouveau,
DIT que licenciement de M. [B] [R] repose sur une cause réelle et sérieuse,
DÉBOUTE M. [R] de ses demandes en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, remise de documents sociaux de fin de contrat de travail et en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [B] [R] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT