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07/07/2022 | FRANCE | N°18/01749

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 juillet 2022, 18/01749


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU7 JUILLET 2022

(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01749 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B464D



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°F 17/05200





APPELANTE



Madame [I] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]
>

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136







INTIMÉE



SASU DALAMATA OPERA venant aux droits de la SOCIÉTÉ DALMATA GESTION HOTELIERE

[Adresse...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU7 JUILLET 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/01749 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B464D

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2017 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n°F 17/05200

APPELANTE

Madame [I] [M]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Olivier BONGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : K0136

INTIMÉE

SASU DALAMATA OPERA venant aux droits de la SOCIÉTÉ DALMATA GESTION HOTELIERE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Alain MORTIER, avocat au barreau de PARIS, toque : C1550

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Françoise SALOMON, présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Mme Françoise SALOMON, présidente de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.

- signé par Madame Françoise SALOMON, présidente et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant contrat à durée déterminée du 15 juillet 2015, la société BRE Gestion Hôtelière, devenue Dalmata Gestion hôtelière, aux droits de laquelle vient la société Dalmata Opéra, a engagé Mme [M] en qualité d'auditeur interne, pour la période du 15 juillet 2015 au 14 janvier 2016 inclus. Le 14 janvier 2016, les parties ont conclu un contrat à durée indéterminée, pour le même emploi.

La société emploie plus de 10 salariés et applique la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite convention Syntec.

A compter du 13 février 2017, la salariée a été en arrêt de travail sans interruption.

Elle a saisi le 5 juillet 2017 la juridiction prud'homale principalement de demandes de requalification du contrat à durée déterminée et de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Le 7 septembre 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste en une seule visite, au visa de l'article R.4624-42 du code du travail, en précisant qu'elle 'pourrait exercer une activité similaire dans un environnement différent, c'est-à-dire dans une autre entreprise.'

Par jugement du 6 novembre 2017, le conseil de prud'hommes de Paris a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et a condamné ce dernier au paiement des sommes de :

- 3 389 euros d'indemnité de licenciement,

- 7 000 euros au titre du variable,

- 7 536 euros à titre de complément de salaire et 753 euros au titre des congés payés afférents,

- 5 200 euros de dommages et intérêts,

- 30 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le conseil a ordonné la remise des documents sociaux rectifiés et a rejeté le surplus des demandes.

Le 17 janvier 2018, la salariée a interjeté appel partiel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 19 décembre précédent.

Par conclusions transmises par voie électronique :

- le 29 juin 2018, la société intimée a formé appel incident du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts,

- le 2 octobre 2018, l'appelante a acquiescé à l'appel incident tendant à l'infirmation du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et a notamment demandé à la cour d'ordonner la poursuite du contrat de travail et de condamner l'intimée au paiement d'un rappel de salaire sur le fondement de l'article L.1226-4 du code du travail,

- le 14 novembre 2018, l'intimée a demandé à la cour de donner acte à l'appelante de son acquiescement à l'appel incident et de lui donner acte de ce qu'elle ne maintient pas sa demande de résiliation judiciaire du contrat.

Par ordonnance du 19 juillet 2018, la formation des référés du conseil de prud'hommes, saisie par la salariée, a ordonné à l'employeur de verser à l'intéressée la somme de 5 083 euros de rappel de salaire pour les mois d'octobre et novembre 2017, outre 508,30 euros au titre des congés payés afférents, a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la salariée et lui a alloué 950 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 3 décembre 2020, non déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a rejeté l'incident de communication de pièces formé par la société intimée.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 septembre 2021, l'appelante demande à la cour :

- sur l'appel incident, de lui donner acte de son acquiescement à l'appel incident formé par l'intimée tendant à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail, de lui donner acte de son refus opposé au désistement d'appel incident formé par l'intimée, de constater ou ordonner la poursuite du contrat de travail et de condamner en conséquence l'intimée au paiement de la somme de 243 984 euros de rappel de salaires au titre de la poursuite de son contrat de travail du 6 novembre 2017 au 5 novembre 2021, outre celle de 24 398 euros au titre des congés payés afférents.

Subsidiairement en cas de confirmation de la résiliation judiciaire, de confirmer le jugement déféré, sauf à condamner l'intimée au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis de 15 249 euros et de 1 525 euros au titre des congés payés afférents,

- sur l'appel principal, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes d'indemnité de requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée, de dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité, d'heures supplémentaires, de dommages-intérêts pour violation des durées maximales de travail et en ce qu'il a limité à 5 200 euros les dommages-intérêts alloués pour défaut de prévoyance mutuelle et portabilité et, statuant à nouveau, de requalifier le contrat à durée déterminée du 15 juillet 2015 en un contrat à durée indéterminée, de dire sa convention individuelle de forfait privée d'effet et de condamner la société intimée au paiement des sommes de :

- 5 083 euros d'indemnité de requalification,

- 5 000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention individuelle de forfait jours,

- 21 325 euros de rappel d'heures supplémentaires, outre 2 132 euros au titre des congés payés afférents,

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour violation des durées maximales du travail,- 15 000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité,

- 20 000 euros de dommages et intérêts pour défaut de prévoyance,

- 5 083 euros de rappels de salaire du 7 octobre au 6 novembre 2017, outre 508 euros de congés payés y afférents,

- 1 626 euros à titre de solde d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement si la cour confirmait le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, elle lui demande de condamner l'intimée au paiement des sommes de 30 498 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, 15 249 euros d'indemnité compensatrice de préavis et 1 525 euros au titre des congés payés afférents, 10 000 euros de dommages et intérêts pour remise de documents sociaux erronés et en retard, 4 500 euros au titre de ses frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 septembre 2021, l'intimée demande à la cour de déclarer parfait son désistement d'appel incident et de juger que la non-acceptation de l'appelante ne se fonde sur aucun motif légitime, de débouter l'appelante de toutes ses demandes, et subsidiairement de limiter la condamnation au paiement des salaires du 7 octobre au 6 novembre 2017 à 1 483 euros, outre 148,30 euros de congés payés, et de lui allouer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction est intervenue le 7 septembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 octobre.

Par arrêt du 17 novembre 2021, la cour a ordonné une médiation qui a échoué et l'affaire a été rappelée à l'audience du 10 mai 2022.

MOTIFS

Sur l'acquiescement de la salariée à l'appel incident de l'employeur formé à l'encontre du jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et le désistement de l'employeur de son appel incident

Il est constant que la salariée a acquiescé à l'appel incident de l'employeur en ce qui concerne le chef de jugement ayant prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et qu'elle ne sollicite plus cette résiliation. Elle s'oppose en revanche au désistement par l'employeur de son appel incident.

Rappelant que la résiliation est intervenue à la seule demande de la salariée, laquelle sollicite devant la cour la réparation des manquements de l'employeur invoqués au soutien de sa demande de résiliation en première instance, l'employeur affirme que la non-acceptation par l'intimée de son désistement de l'appel incident ne se fonde sur aucun motif légitime et demande à la cour de faire application des dispositions de l'article 396 du code de procédure civile et de juger son désistement parfait. Il précise que la salariée s'y oppose en se prévalant de l'article 401 du code de procédure civile et de l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 3 décembre 2020. L'employeur affirme que cette ordonnance n'a pas autorité de la chose jugée et se prévaut de l'obligation de cohérence imposée aux parties, rappelant la règle selon laquelle nul ne peut se contredire aux dépens d'autrui.

La salariée conteste toute contrariété dans sa position dans la mesure où, à titre principal, elle ne demande pas la confirmation du jugement.

Elle fait valoir à juste titre l'impossibilité pour elle de se présenter à son poste de travail, en l'état d'une décision d'inaptitude.

Le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui suppose que les prétentions de la partie à laquelle la fin de non-recevoir est opposée induisent l'adversaire en erreur sur les prétentions de son adversaire.

Tel n'est pas le cas en l'occurrence, les prétentions de la salariée n'ayant pas induit l'employeur en erreur.

En application de l'article 396 du code de procédure civile, le juge peut déclarer le désistement parfait si la non-acceptation du défendeur ne se fonde sur aucun motif légitime. Le juge du fond dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier l'existence ou non du motif légitime.

En l'occurrence, le refus de la salariée n'est pas fondé sur un motif illégitime. L'employeur, qui a fait le choix, malgré la décision d'inaptitude, de ne pas reclasser ni licencier la salariée, doit en supporter les conséquences.

Sur la demande de rappel de salaire

Conformément à l'article L.1226-4 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi constatée par le médecin du travail.

L'obligation de reprise du paiement du salaire n'est pas subordonnée au maintien du salarié à la disposition de l'employeur et le salaire est dû jusqu'à la présentation de la lettre de licenciement. Aucune réduction ne peut être opérée sur la somme, fixée forfaitairement au montant du salaire antérieur à la suspension du contrat de travail, que l'employeur doit verser au salarié.

Il est constant en l'espèce que l'employeur n'a pas repris le paiement du salaire à l'issue du délai d'un mois suivant le constat d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise effectué le 7 septembre 2017 par le médecin du travail.

La salariée est dès lors fondée à réclamer le paiement des salaires à compter du 7 octobre 2017.

Compte tenu de sa demande, la cour condamne l'employeur au paiement des sommes de :

- 5 083 euros de rappel de salaire pour la période du 7 octobre au 6 novembre 2017 et 508 euros au titre des congés payés afférents ;

- 243 984 euros de rappel de salaire pour la période du 6 novembre 2017 au 5 novembre 2021, outre 24 398 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de requalification du contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée

L'article L.1242-12 du code du travail dispose que le contrat à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

Il en résulte que ce contrat doit mentionner le cas de recours dont il est fait usage.

En l'occurrence, le contrat à durée déterminée du 15 juillet 2015 ne précise pas le cas de recours et se borne à indiquer que la salariée est engagée pour le motif suivant 'réorganisation des services administratifs, audit et mise en place de procédure de fonctionnement entre les services internes à l'entreprise et avec les services externalisés.'

Dès lors, la cour, par infirmation du jugement, requalifie le contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.

La salariée peut prétendre au paiement d'une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure au dernier salaire perçu avant la saisine de la juridiction.

La cour condamne en conséquence l'employeur au paiement de 5 083 euros à titre d'indemnité de requalification.

Sur la convention individuelle de forfait

La salariée soutient en premier lieu, qu'en application des dispositions conventionnelles, le coefficient hiérarchique appliqué lors de son embauche ne permettait pas à l'employeur de la soumettre au régime du forfait en jours et, ensuite, que l'employeur n'a pas respecté les modalités relatives au suivi de sa charge de travail et la tenue des entretiens individuels prévus par l'avenant du 1er avril 2014. Elle demande en conséquence à la cour de dire la convention de forfait nulle ou à tout le moins privée d'effet.

L'employeur prétend avoir respecté les dispositions de l'article L.3121-39 du code du travail et soutient qu'en tout état de cause, la cour ne pourrait que dire la convention privée d'effet et non pas nulle. Il affirme que la salariée ne justifie pas du préjudice allégué.

L'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail applicable aux entreprises entrant dans le champ d'application de la convention SYNTEC distingue trois modalités de gestion des horaires.

L'article 4 prévoit un forfait annuel en jours réservé aux salariés disposant d'une grande latitude dans leur organisation de travail et la gestion de leur temps. Ils relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de la convention collective nationale ou bénéficient d'une rémunération annuelle supérieure à deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale ou sont mandataires sociaux. L'article 4.4 de l'avenant du 1er avril 2014 précise que la rémunération forfaitaire des cadres au forfait jours doit être de 120% du minimum conventionnel.

En l'espèce, lors de son embauche, la salariée était placée au niveau 2.3, coefficient 150. Elle ne remplissait pas les autres conditions.

De surcroît, l'employeur ne justifie ni même allègue s'être assuré régulièrement de ce que l'amplitude et la charge de travail de la salariée restaient raisonnables et assuraient une bonne répartition, dans le temps, de son travail permettant ainsi la protection de sa sécurité et de sa santé.

Il en résulte que la convention de forfait annuel en jours prévue au contrat de travail est irrégulière et donc privée d'effet et que la salariée est fondée à réclamer le paiement des heures supplémentaires éventuellement accomplies et décomptées à compter de la 36ème heure hebdomadaire.

Faute pour l'intéressée de justifier d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi d'un rappel de salaire, la cour la déboute de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours.

Sur la demande d'heures supplémentaires

Conformément à l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments.

En l'occurrence, la salariée verse aux débats un décompte de son temps de travail et des attestations selon lesquelles elle arrivait peu après 8 heures, quittait le siège entre 18 et 19 heures, voire plus tard 'quant le travail le nécessitait' et effectuait des journées très chargées lors des audits dans les hôtels, deux à trois fois par semaine.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre.

Ce dernier affirme qu'au regard des audits externes réalisés par la salariée, il ne pouvait contrôler son temps de travail. Il conteste les décomptes produits, dont il relève l'incohérence et verse aux débats des mails et attestations de personnels du siège selon lesquelles la salariée s'absentait régulièrement pour des démarches personnelles.

Au regard de l'ensemble des pièces produites, la cour retient que la salariée a accompli des heures supplémentaires, dans une moindre mesure toutefois que ce qu'elle allègue, et condamne l'employeur à lui payer les sommes de 6 000 euros à ce titre et de 600 euros au titre des congés payés afférents.

Sur la demande de dommages-intérêts pour non-respect des durées maximales de travail

Il résulte des attestations produites que le temps de travail de la salariée, lorsqu'elle était en déplacement pour ses audits, dépassait la durée maximale de travail.

La cour condamne en conséquence l'employeur au paiement de 1 000 euros à ce titre.

Sur la demande de dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité

La salariée soutient avoir été victime de pressions de la part de sa supérieure hiérarchique, s'étant traduites par des déductions arbitraires sur le montant de ses salaires, le défaut de remise de ses bulletins et une surcharge de travail et étant à l'origine de la dégradation de son état de santé, sans que l'employeur, bien qu'alerté, ne prenne de mesures.

L'employeur conteste toute surcharge de travail. Il affirme que la supérieure hiérarchique de la salariée a été attentive à ses difficultés personnelles et que le comportement de la salariée générait des altercations avec ses collègues de travail.

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Il résulte des dispositions des articles L.1152-1 et L.1154-1 de ce code que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement au sens de l'article L.1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Tenu d'une obligation de sécurité, l'employeur doit en assurer l'effectivité en prenant les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas son obligation en la matière lorsqu'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail.

En l'occurrence, il résulte des attestations produites par la salariée que l'attitude de sa supérieure hiérarchique s'est modifiée lorsque l'intéressée a remis en cause l'attitude de certains salariés du siège.

En outre, la suspension du complément de salaire dès le 23 mars 2017, alors que le médecin contrôleur n'avait pu la rencontrer à son domicile la veille en l'absence d'indication du code de l'immeuble, la surcharge de travail pendant les audits externes et les éléments médicaux versés aux débats démontrent le manquement de l'employeur à ses obligations.

Si l'employeur verse aux débats des mails et attestations établissant les difficultés de la salariée à encadrer les membres de son équipe, il ne justifie pas des mesures mises en place pour assurer la protection de la santé de la salariée et de ses subordonnés.

Dès lors, la cour, par infirmation du jugement, le condamne à verser 2 000 euros de dommages et intérêts à la salariée.

Sur la demande de dommages-intérêts pour défaut de prévoyance

La salariée établit avoir été privée du maintien de sa rémunération pendant son arrêt maladie, dans la mesure où le contrat de prévoyance, pour lequel elle avait côtisé, avait été résilié pour défaut de paiement de la société. Elle lui reproche également d'avoir tardé à mettre en place la portabilité.

L'employeur relève que la durée de la portabilité est limitée à douze mois, ce dont il déduit que la demande de la salariée ne peut concerner la période postérieure au 7 février 2019. En tout état de cause, il rappelle avoir entrepris des démarches ayant permis à la salariée de bénéficier de la portabilité pour la période expirant le 30 novembre 2018, soit douze mois après la cessation de son contrat et relève que la salariée ne peut tout à la fois solliciter la portabilité de son contrat de prévoyance et contester la rupture de son contrat de travail.

Le contrat de travail de la salariée étant toujours en cours et l'employeur ayant régularisé sa situation à l'égard de l'institut de prévoyance, la cour rejette cette demande, par infirmation du jugement.

Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de congés payés

La salariée sollicite la somme de 1 626 euros à ce titre dans le dispositif de ses conclusions, sans exposer, même sommairement, sa demande dans le corps de celles-ci. Dès lors, la cour rejette cette demande, étant de surcroît relevé que le contrat de travail est toujours en cours.

Sur les autres demandes

Il convient de rappeler que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception, par l'employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes pour la condamnation de rappel de salaire pour heures supplémentaires et des demandes formées devant la cour par voie de conclusions pour les autres demandes de rappel de salaire.

L'équité commande d'allouer à la salariée la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

L'employeur, qui succombe, supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Donne acte à Mme [M] de son acquiescement à l'appel incident de la société Dalmata Opéra tendant à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur ;

- Donne acte à Mme [M] de son refus du désistement d'appel incident formé par la société Dalmata Opéra et dit que ce désistement n'est pas parfait ;

- Confirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Dalmata Opéra à payer à Mme [M] 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- Infirme le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [M] aux torts de l'employeur, en ce qu'il a condamné la société à payer à Mme [M] les sommes de 3 389 euros d'indemnité de licenciement et de 30 500 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et en ce qu'il a débouté Mme [M] de ses demandes de requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et de condamnation de la société Dalmata Opéra au paiement de sommes à titre d'indemnité de requalification, d'heures supplémentaires et congés payés afférents, de dommages et intérêts pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours, de dommages et intérêts pour violation des durées maximales de travail, de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

- Constate l'extinction des demandes afférentes à la résiliation judiciaire du contrat de travail ;

- Requalifie le contrat de travail à durée déterminée du 15 juillet 2015 en un contrat à durée indéterminée ;

- Condamne la société Dalmata Opéra à payer à Mme [M] les sommes de :

- 5 083 euros d'indemnité de requalification ;

- 5 083 euros de rappel de salaire pour la période du 7 octobre au 6 novembre 2017 ;

- 508 euros au titre des congés payés afférents ;

- 243 984 euros de rappel de salaire pour la période du 6 novembre 2017 au 5 novembre 2021 ;

- 24 398 euros au titre des congés payés afférents ;

- 6 000 euros de rappel d'heures supplémentaires ;

- 600 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 000 euros de dommages et intérêts pour non-respect des durées maximales de travail ;

- 2 000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral et manquement à l'obligation de sécurité ;

- Rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception, par la société Dalmata Opéra, de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes pour la condamnation de rappel de salaire pour heures supplémentaires et des demandes formées devant la cour par voie de conclusions pour les autres demandes de rappel de salaire ;

- Déboute Mme [M] de ses demandes de dommages-intérêts pour exécution déloyale par la société de la convention de forfait en jours, de dommages et intérêts pour défaut de prévoyance et d'indemnité compensatrice de congés payés ;

- Condamne la société Dalmata Opéra à verser à Mme [M] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne la société Dalmata Opéra aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 18/01749
Date de la décision : 07/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-07;18.01749 ?
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