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12/09/2022 | FRANCE | N°21/08975

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 12 septembre 2022, 21/08975


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08975 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUYM



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Tribunal de première instance de CRETEIL - RG n°19/03575





APPELANT



M. [P] [F]

Domicilié  [Adress

e 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Hermann ESSOH EKOUE, avocat au barreau de PARIS





INTIMEES



MADAME LA DIRECTRICE DE LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUÊTES DOUANIÈRES

...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 12 SEPTEMBRE 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/08975 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDUYM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2021 -Tribunal de première instance de CRETEIL - RG n°19/03575

APPELANT

M. [P] [F]

Domicilié  [Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Hermann ESSOH EKOUE, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

MADAME LA DIRECTRICE DE LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUÊTES DOUANIÈRES

Ayant son siège social

2 mail Monique Maunoury

TSA 90313

[Localité 2]

FRANCE

MADAME LA RECEVEUSE RÉGIONALE DE LA DIRECTION NATIONALE DU RENSEIGNEMENT ET DES ENQUÊTES DOUANIÈRES

Ayant son siège social

2 mail Monique Maunoury

TSA 90313

[Localité 2]

L'ADMINISTRATION DES DOUANES,

Ayant son siège social

2 mail Monique Maunoury

TSA 90313

[Localité 2]

Prise en la personne de son représentant légal domicilié

Représentées par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque C 1844

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [K] [S] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Carole TREJAUT

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Edouard LOOS, Président et par Madame Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

De décembre 2016 à juin 2018, l'administration des douanes a procédé à une enquête concernant un réseau de livraison de bière sur le territoire français sans acquittement des droits d'accises correspondants.

Les marchandises étaient initialement livrées en Allemagne où les droits d'accises allemands, qui sont quasiment cinq fois inférieurs au droit d'accises français, étaient acquittés, puis transférées et distribuées en France sans paiement des droits correspondants.

L'enquête douanière a conduit à la rédaction de plusieurs procès-verbaux, puis à un avis préalable de taxation du 28 mars 2018 à l'encontre de M. [P] [F].

Un procès-verbal d'infraction lui a été notifié le 29 juin 2018 pour paiement de la somme de 5.447.177 euros.

La contestation de M. [P] [F] relative à l'avis de mise en recouvrement (ci-après AMR) a été rejetée le 25 mars 2019 par l'administration des douanes.

Le 7 mai 2019, M. [P] [F] a fait assigner la receveuse régionale de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (ci-après DNRED), la directrice de la DNRED, et l'administration des douanes prise en la personne de son représentant légal devant le tribunal judiciaire de Créteil.

* * *

Vu le jugement prononcé le 12 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil qui a a statué comme suit :

- Confirme la décision de rejet de la demande de remboursement du 25 mars 2019

- Confirme l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2018 n° 2018/62

- Rappelle qu'en application de l'article 367 du code des douanes, il n'y a pas lieu à dépens.

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Rejette toutes autres demandes, plus amples au contraires, des parties.

Vu l'appel déclaré le 10 mai 2021 par M. [P] [F] ,

Vu les dernières conclusions signifiées le 15 septembre 2021 par M. [F],

Vu les dernières conclusions signifiées le 24 septembre 2021 par Mme la directrice de la DNRED, Mme la receveuse régionale de la DNRED et l'administration des douanes,

M. [P] [F] demande à la cour de statuer comme suit :

- Déclarer l'avis de mise en recouvrement n° 2018/62 du 29 juin 2018 irrégulier ;

- Déclarer le procès-verbal de notification d'infraction à l'encontre de M. [P] [F] le 29 juin 2018 irrégulier ;

En conséquence :

- Annuler l'avis de mise en recouvrement n° 2018/61 du 29 juin 2018 ;

- Annuler le procès-verbal de notification d'infraction à l'encontre de M. [P] [F] le 29 juin 2018;

- Dire l'administration des douanes infondée à réclamer la somme de 5.447.117 euros à M. [P] [F] ;

- Décharger M. [P] [F] des accises mises à sa charge à hauteur de 5.447.117 euros ;

- Condamner l'administration des douanes à verser à M. [P] [F] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dire n'y avoir lieu à dépens.

Mme la directrice de la DNRED, Mme la receveuse régionale de la DNRED et l'administration des douanes demandent à la cour de statuer comme suit:

Vu les articles 132 et 906 du code de procédure civile, 111-0 A, 302 D 4°, 302 G, 302 U bis, 302 V bis, 520 A, 1791, 1799 et 1804-B du code général des impôts, L. 10 et suivants, L. 213, L. 256 du livre des procédures fiscales, L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration

- Statuer ce que de droit sur la recevabilité des appels interjetés les 10 mai 2021 (DA n°21/10595) et 12 mai 2021 (DA n°21/10718) par M. [P] [F],

- Recevoir l'administration des douanes, Mme la directrice de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et Mme la receveuse régionale de la direction nationale du Renseignement et des enquêtes douanières en leurs conclusions et les en juger bien fondées ;

- Confirmer l'ensemble des dispositions du jugement rendu le 12 avril 2021 par le tribunal judiciaire de Créteil (RG n°19/03575),

Et en conséquence,

- Juger que M. [P] [F] a participé à la fraude aux droits d'accises ;

- Juger réguliers et fondés l'avis de mise en recouvrement n°2018/62 pour un montant de 5.447.117 euros, le procès-verbal de notification d'infraction établis le 29 juin 2018 ainsi que la décision de rejet de la contestation de l'avis de mise en recouvrement du 25 mars 2019, et les confirmer,

- Débouter M. [P] [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner M. [P] [F] à payer à l'administration des douanes, à Mme la directrice de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et à Mme la receveuse régionale de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner M. [P] [F] aux entiers dépens de l'instance.

SUR CE, LA COUR

La clôture de l'affaire a été prononcée le 7 mars 2022.

Il n'a pas été fait droit à la demande de révocation de clôture présentée par courrier simple daté du 7 mars 2022 par le conseil de M. [F] .

L'affaire a été retenue à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2022 sans plaidoiries, l'appelant n'ayant pas encore acquitté son timbre fiscal, obligation à laquelle il a été ensuite satisfait le jour même.

Dans ces conditions la cour doit statuer au vu des conclusions signifiées par l'appelant le 15 septembre 2021 et des conclusions signifiées par l'intimée le 24 septembre 2021.

Aucune note en délibéré n'ayant été autorisée, celle déposée par l'appelant le 27 mai 2022 doit être déclarée irrecevable.

a) Sur la régularité de la procédure d'imposition

M. [P] [F] dénonce l'excés de pouvoir et l'incompétence de l'administration des douanes pour appliquer souverainement les sanctions fiscales prévues aux articles 1741,1791, 1799 et 1804 B du code général des impôts. Il soutient que l'imputation des créances douanières des sociétés EHT et VPE à son encontre ne peut résulter que d'une condamnation prononcée par un tribunal correctionnel à l'encontre de la personne physique la solution inverse étant constitutive d'un excès de pouvoir, l'administration des douanes étant incompétente pour sanctionner une fraude de manière souveraine et ne peut pas établir un AMR relatif à des sanctions pénales sans jugement pénal - imputer une dette à une personne physique .

M. [F] relève également l'incompétence des signataires des actes de la procédure et l'absence de motivation. Il soutient également que l'usurpation d'identité de la société Anu par les sociétés ETH et VPE relève de la seule appréciation du juge pénal en application de l'article 1741 du code général des impôts.

Mme la directrice, Mme la receveuse de la DNRED et l'administration des douanes répliquent que le moyen développé par l'appelant est irrecevable au motif que ce recours pour excès de pouvoir ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Au demeurant, le moyen n'est pas fondé. En vertu du principe général d'indépendance réciproque des procédures pénales et fiscales, l'administration des douanes et le juge de l'impôt peuvent s'occuper de l'établissement, du recouvrement et de la sanction de l'impôt concomitamment à une procédure pénale relative à la soustraction à la même imposition. L'administration des douanes était parfaitement compétente pour vérifier puis pour sanctionner tout manquement à la réglementation, à charge pour les personnes redressées de saisir le tribunal judiciaire pour contester les AMR.

Ceci étant exposé, les intimées sont bien fondées à s'opposer à la demande d'annulation du procès verbal de notification d'infraction du 29 juin 2018 et à la demande d'annulation de l'AMR n° 2018/62 du 29 juin 2018 pour les motifs suivants :

- le recours pour excès de pouvoir contre les actes commis par l'administration ne relève pas de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire,

- l'administration des douanes est compétente pour apprécier la responsabilité du gérant au moment de la commission des infractions sans obligation d'attendre l'éventuel prononcé des condamnations prévues à l'article 1799 du code général des impôts par une juridiction correctionnelle ,

- l'avis de mise en recouvrement du 29 juin 2018 a été signé par Mme [L], chef du pôle de recouvrement et non par un délégataire,

- le procès verbal de notification d'infractions du 29 juin 2018 a été signé par les agents des douanes ayant diligenté les enquêtes (M. [T] et M. [M]) sans délégation ,

- le procés verbal de notification d'infraction du 29 juin 2018 comporte 19 pages qui identifient les personnes morales et physiques impliquées en France et en Allemagne, détaillent chronologiquement les constatations du service, rappellent la règlementation applicable et caractérisent en fait et en droit l'implication personnelle de M. [P] [F]. Le grief relatif à l'absence de motivation est ainsi inopérant

- l'administration des douanes a établi que les marchandises vendues par la société Eurotraders à la société Anu étaient en réalité achetées par la société VPE, réel destinataire , ainsi que mentionné dans le procès verbal de notification d'infractions du 29 juin 2018. Cette démonstration ne relève pas de la compétence exclusive de lajuridiction pénale .

Le jugement déféré doit ainsi être confirmé en ce qu'il a déclaré la procédure régulière, certes au vu d'autres motifs d'irrégularités qui n'ont plus été présentés en cause d'appel.

b) Sur le fond

M. [F] expose que les marchandises litigieuses sont imposables, ont déjà été imposées en Allemagne, sont exonérées de taxe en France (article 302 D 2° du CGI) et que l'appréhension fiscale de ces marchandies par les autorités françaises cause une double imposition proscrite par le droit européen. Il soutient que la preuve n'est pas rapportée que les bières entreposées par les fournisseurs ont été livrées en France pour être mises à sa disposition et que les informations néerlandaises et allemandes sont irrecevables et en toute hypothèse inopérantes .

Selon les intimées, l'imposition contestée par M. [F] est parfaitement fondée .

Ceci étant exposé, sans nécessité de reprendre l'ensemble du montage suffisamment décrit dans le jugement déféré, les services fiscaux établissent que le montant des droits d'accises applicables aux boissons alcoolisées en litige est 5 fois plus élevé en France qu'en Allemagne et qu'en toute hypothése leur paiement en Allemagne n'est pas établi .

L'administration des douanes a constaté l'absence d'activité déclarée d'entrepositaire de boisson soumise à accises, l'absence de paiement de droits d'accises ni aucun document d'accompagnement, l'enquête ayant établi que la destination finale des marchandises était systématiquement la France.

Concernant les documents transmis par les autorités étrangères, l'article 14 de la convention établie sur la base de l'article K.3 du traité de l'Union européenne, relative à l'assistance mutuelle et à la coopération entre les administrations douanières, dite Naples II, stipule que :

« les constatations, attestations, informations, pièces, copies certifiées conformes et autres documents obtenus, conformément à leur droit national, par des agents de l'autorité requise et transmis à l'autorité requérante dans les cas d'assistance visée aux articles 10 à 12 [demandes de renseignements ; demandes de surveillance ; demandes d'enquête], peuvent être utilisés comme élément de preuve par les autorités compétentes de l'État membre où l'autorité requérante a son siège, conformément à la législation nationale. » ;

Le moyen d'irrecevabililité soulevé par l'appelant doit ainsi être écarté.

Il s'en déduit que, par des motifs pertinents que la cour adopte, les premiers juges ont caractérisé l'ensemble du montage avec l'implication personnelle de l'appelant.

Le montant de la créance douanière s'élève à une somme de 5.447.177 € d'accises correspondant :

' pour la société Anu, société acheteur/destinataire de livraisons : 381 875 € pour l'année 2016 ;

' pour la société Eurotraders , société d'import-export de bière :

*461 430 € pour l'année 2016

* 885 969 € pour l'année 2017

' pour la société Quality Supply société d'import-export de bière :

* 1 150 210 € pour l'année 2016

* 2 072 795 € pour l'année 2017

' pour la société Vinay société d'import-export de bière : 494 898 € pour l'année 2017.

Le jugement déféré doit ainsi être confirmé en toutes ses dispositions.

c) Sur l'article 700 du code de procédure civile

Une indemnisation doit être allouée aux intimées sur ce fondement .

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

CONDAMNE [P] [F] à payer à l'administration des douanes, à Mme la directrice de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières et à Mme la receveuse régionale de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE M. [P] [F] aux dépens .

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/08975
Date de la décision : 12/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-12;21.08975 ?
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