RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 16 septembre 2022
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/10449 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6MFD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Juillet 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16-05958
APPELANTE
Me [P] [W] (SELARL [T]) - Madataire liquidateur de SA [8]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Hervé CATTEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D1746
INTIMEE
URSSAF ILE DE FRANCE
Département des contentieux amiables et judiciaires
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Mme [Y] [I] en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022, en audience publique et double rapporteur les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre, et Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargés du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente
Madame Sophie BRINET, Présidente
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Joanna FABBY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 01 juillet 2022, prorogé au vendredi 16 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par Maître [P]-[T] es qualités de mandataire liquidateur de la SA [8] d'un jugement rendu le 6 juillet 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'URSSAF d'Ile-de-France (l'URSSAF).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de préciser que par courriers des 9 et 27 décembre 2013, la SA [8] a sollicité la régularisation de ses cotisations patronales sur les attributions gratuites d'actions versées sur les années 2010 et 2012 ; que le 29 janvier 2014, la société a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF d'un recours 'à l'encontre d'une décision datée du 31 décembre 2013" ; que le 29 novembre 2016, la SA [8], représentée par la SELARL [5], prise en la personne de Maitre [W] [P], a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, après avoir saisi en vain la commission de recours amiable, d'une demande de remboursement des cotisations versées au titre des attributions gratuites d'actions n'ayant jamais été versées aux bénéficiaires en conséquence du non-versement aux mandataires sociaux qui les ont expressément refusées, soit la somme de 111 434 euros.
Par jugement en date du 6 juillet 2018 le tribunal a déclaré la société [8], représentée par la société [6] (anciennement [5]), prise en la personne de Maître [W] [P], liquidateur, irrecevable en son recours.
Pour statuer ainsi le tribunal, après avoir rappelé les dispositions de l'article 31 du code de procédure civile, a retenu que la seule décision dont se prévaut la société est celle du 31 décembre 2013, refusant à une autre société du groupe, la société [7], le remboursement des cotisations versées par cette dernière au titre de l'attribution d'actions gratuites, pour les années 2010 et 2012, à ses salariés qui n'ont pas satisfait à la condition de présence dans l'entreprise et à ses mandataires sociaux qui les ont refusées ; que l'argument selon lequel cette décision vise une des filiales de la société et aurait une portée de principe ne peut être considéré comme valable.
La société [6] en la personne de Maître [P], liquidateur judiciaire de la SA [8] a le 12 septembre 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 31 août 2018.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société [6] en la personne de Maître [P], liquidateur judiciaire de la SA [8], demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
- juger que les cotisations ont été acquittées au profit des régimes obligatoires d'assurance maladie sur des rémunérations ou gains qui ne se matérialiseront jamais ;
- juger en conséquence que la société est fondée en sa demande de remboursement des cotisations, soit la somme de 111 434,80 euros ;
- juger que les intérêts moratoires applicables aux sommes restituables sont dûs depuis le 9 décembre 2013, date de la demande de remboursement, en application des dispositions de l'article 1252-7 du code civil ;
en conséquence :
- condamner l'URSSAF à rembourser les cotisations indues à concurrence de la somme non contestée de 111 434,80 euros ;
- condamner l'URSSAF à payer les intérêts moratoires à compter du 9 décembre 2013 soit la somme à parfaire de 30 219,37 euros ;
- condamner l'URSSAF au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir en substance que :
- à la suite d'une 'erreur matérielle', le jugement a retenu une irrecevabilité du recours, statuant d'office ; en application de l'article 126 du code de procédure civile, l'irrecevabilité est écartée si sa cause a disparu au moment où le jugement statue, or l'avantage du délai ayant existé entre la saisine de la commission de recours amiable en janvier 2014 et la date de la requête saisissant le tribunal en novembre 2016 est le bénéfice de la décision rendue le 7 juin 2016 concernant la société fille intégralement contrôlée par la société [8], soit la société [7] ; si la réclamation contentieuse de 2014 initiée par la société [8] reposait en partie sur le refus de la commission de recours amiable notifié à la société [7], la saisine de la juridiction reposait non plus sur la décision de rejet du 31 décembre 2013, mais sur le jugement ayant accueilli la totalité des moyens soulevés ; en outre, l'URSSAF ne démontre pas avoir formulé une réponse à la saisine dans un délai de deux mois, et la demande a donc bien été rejetée ; la décision concernant la filiale, qui n'est pas attributrice d'actions concerne directement et indirectement la société [8] qui est l'émetteur des actions ; la décision du 7 juin 2016 est donc venue régulariser l'irrecevabilité soulevée et dès cette date l'intérêt à agir de la société était né et actuel ; la décision intervenue sur la société filiale [7] bénéficiait à l'intégralité de l'entité économique formant le groupe [8] ; toutes les conditions de l'intérêt à agir de la société [8] étaient réunies ;
- la demande de remboursement des cotisations s'agissant de M. [D] n'a porté que sur les actions pour lesquelles la renonciation a été expressément formulée et constatée dans le procès-verbal du conseil d'administration de décembre 2013 et s'agissant de M. [N], la renonciation a pris la forme d'un refus de transfert de propriété.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement, déposées et complétées à l'audience par son représentant, l'URSSAF demande à la cour, de :
- déclarer Maître [P], es qualités, recevable en son appel mais le dire mal fondé ;
A titre principal :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé irrecevable la requête formulée par Maître [P], mandataire liquidateur de la société [8] :
A titre subsidiaire :
- constater que Maître [P], es qualités, ne justifie pas du quantum de sa demande de remboursement des cotisations qu'elle aurait indûment acquittées au titre des actions gratuites qui n'auraient pas été versées ;
- par conséquent, l'en débouter ;
En tout état de cause :
- débouter Maître [P], es qualités de ses demandes ;
- rejeter la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'URSSAF réplique en substance que :
- la société entend passer outre les règles procédurales en justifiant de son seul intérêt à agir, estimant que la décision prise à l'égard d'une de ses filiales, le 7 juin 2016 aurait permis de régulariser l'irrecevabilité soulevée ; l'irrecevabilité du recours soulevée par l'URSSAF et retenue par le tribunal des affaires de sécurité sociale repose sur le fait que la société a introduit son recours sur le fondement d'une décision prise à l'égard d'une autre société du groupe ;
- les demandes formulées devant la commission de recours amiable cristallisent l'étendue du litige, de sorte que de nouvelles demandes non soumises à la commission de recours amiable ne peuvent être formulées, pour la première fois, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale; par courrier du 29 janvier 2014, la société a entendu saisir la commission de recours amiable à l'encontre de la décision du 31 décembre 2013 qui concernait une demande de remboursement formulée par la société [7] ; la société n'a pas entendu saisir la commission de recours amiable d'un recours d'un rejet implicite pris par les services de l'URSSAF de ses propres demandes de restitution, mais d'une contestation de la décision du 31 décembre 2013 prise à l'égard de la demande de la société [7] ; au vu de la formulation de la saisine de la commission de recours amiable non équivoque, le tribunal a estimé à juste titre que la société était irrecevable en son recours portant sur la contestation d'une décision qui ne concernait que la société [7], peu important qu'elles fassent partie du même groupe ;
- la demande de restitution doit être rejetée car à la date d'acquisition définitive des actions pour M. [D] et M. [N], aucune renonciation n'était intervenue.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 12 mai 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE :
L'article R.142-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, dispose que : 'Les réclamations relevant de l'article L. 142-1 formées contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole de salariés ou de non-salariés sont soumises à une commission de recours amiable composée et constituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme.
Cette commission doit être saisie dans le délai de deux mois à compter de la notification de la décision contre laquelle les intéressés entendent former une réclamation. La forclusion ne peut être opposée aux intéressés que si cette notification porte mention de ce délai.
Toutefois, les contestations formées à l'encontre des décisions prises par les organismes chargés du recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard doivent être présentées à la commission de recours amiable dans un délai d'un mois à compter de la notification de la mise en demeure.'
L'article R.142-6 du même code, dans sa version applicable, dispose que :
'Lorsque la décision du conseil d'administration ou de la commission n'a pas été portée à la connaissance du requérant dans le délai d'un mois, l'intéressé peut considérer sa demande comme rejetée et se pourvoir devant le tribunal des affaires de sécurité sociale prévu à l'article L. 142-2.
Le délai d'un mois prévu à l'alinéa précédent court à compter de la réception de la réclamation par l'organisme de sécurité sociale. Toutefois, si des documents sont produits par le réclamant après le dépôt de la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de ces documents. Si le comité des abus de droit a été saisi d'une demande relative au même litige que celui qui a donné lieu à la réclamation, le délai ne court qu'à dater de la réception de l'avis du comité par l'organisme de recouvrement.'
L'article R.142-18 alinéa 1 du même code, dans sa version applicable, dispose que :
'Le tribunal des affaires de sécurité sociale est saisi, après l'accomplissement, le cas échéant, de la procédure prévue à la section 2 du présent chapitre, par simple requête déposée au secrétariat ou adressée au secrétaire par lettre recommandée dans un délai de deux mois à compter soit de la date de la notification de la décision, soit de l'expiration du délai d'un mois prévu à l'article R. 142-6.'
Il résulte de ces dispositions que le tribunal ne peut être saisi d'une réclamation contre une décision d'un organisme de sécurité sociale que si cette réclamation a été préalablement soumise à la commission de recours amiable, le recours devant la commission de recours amiable étant un préalable obligatoire.
En l'espèce, par courriers des 9 et 27 décembre 2013, la SA [8] a saisi l'URSSAF d'une demande de régularisation des cotisations patronales sur attributions gratuites d'actions pour les années 2010 et 2012.
Par courrier en date du 29 janvier 2014, la SA [8] a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF Ile de France ( pièce n° 3 de ses productions) d'un recours amiable à 'l'encontre d'une décision datée du 31 décembre 2013 (RAR n° 2C 021 678 8810 1), visant une de nos filiales et ayant une portée de principe, notifiant de refus de restitution des sommes versée au titre de la contribution patronale due sur les attributions gratuites d'actions.'
Le 29 novembre 2016 la société représentée par son liquidateur a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de remboursement des cotisations versées au titre des attributions gratuites d'actions en conséquence du non versement aux mandataires sociaux pour la somme de 111 434 euros.
Force est de relever que contrairement à ce que soutient la société, il résulte des termes du jugement que devant le tribunal, l'URSSAF a soulevé l'irrégularité de la saisine, au motif que la décision de refus de remboursement des cotisations concernait une autre société du groupe, la société [7].
En effet, la décision soumise à la commission de recours amiable et expressément visée par la société dans son recours est la décision du 31 décembre 2013 dont il résulte des productions de l'URSSAF qu'elle concernait la SA [7].
La société [8] ne saurait donc se prévaloir d'une décision implicite de rejet de sa demande par l'URSSAF qu'elle aurait soumise à la commission de recours amiable dès lors qu'elle vise expressément dans son recours amiable la décision du 31 décembre 2013 qui concernait la SA [7].
Par ailleurs, elle ne saurait se prévaloir d'une décision implicite de rejet de la commission de recours amiable sur son recours d'une décision la concernant à défaut d'avoir visé dans la saisine de la commission de recours amiable une décision de rejet de l'URSSAF la concernant.
Elle ne saurait enfin se prévaloir d'une saisine du tribunal sur la base du jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris le 7 juin 2016, qui non seulement n'est pas une décision implicite ou explicite de la commission de recours amiable la concernant mais est un jugement statuant dans les rapports entre la SA [7] et l'URSSAF et qui ne la concerne pas, peu important que les sociétés fassent partie d'un même groupe, dès lors qu'il s'agit de sociétés différentes.
Par suite et ainsi que le tribunal l'a retenu, la SA [8] représentée par son liquidateur doit être déclarée irrecevable en sa demande, faute de saisine préalable de la commission de recours amiable d'une décision la concernant.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré ;
REJETTE la demande de la SAS [8], représentée par son liquidateur, la société [6] en la personne de Maître [P], au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS [8], représentée par son liquidateur, la société [6] en la personne de Maître [P] aux dépens d'appel.
La greffière,La présidente,