RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT SUR REQUETE EN OMISSION DE STATUER
DU 30 Septembre 2022
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/08641 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6CRQ
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 Juillet 2011 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 10-01810/B
APPELANT
Monsieur [L] [F], venant aux droits de Mme [F] [S], décédée le 28 août 2014.
[Adresse 3]
[Localité 8]
représenté par Me Frédéric QUINQUIS, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Patrice MOEHRING, avocat au barreau de PARIS, toque : L 49
INTIMEES
CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 6])
[Adresse 1]
SERVICE CONTENTIEUX
[Localité 6]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
Société [13]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Michel PRADEL, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Rachid ABDERREZAK, avocat au barreau de PARIS, toque : D0107
Le F.I.V.A. (FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 7]
non comparant, non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Mme Joanna FABBY, lors des débats
ARRET :
- REPUTE CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur la requête en omission de statuer déposée le 17 janvier 2018 par M. [L] [F] s'agissant d'un arrêt rendu le 15 octobre 2015 (numéro RG 11/09237) par la chambre 6-12 de cette cour dans un litige l'opposant à la société [11] aux droits de laquelle est venue [13], en présence du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (le Fiva) et de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Madame [S] [F] (la victime) a travaillé pour le compte de la société [9], aux droits de laquelle est venue la société [13] (l'employeur) sur le site du Bourget, du 1er octobre 1971 au mois d'avril 1993 puis sur le site de la Courneuve, du mois d'avril 1993 au 13 août 1999 en qualité d'employée.
Elle a établi une déclaration de maladie professionnelle le 6 juillet 2009, complétée par un certificat médical initial du 30 juin 2009, portant diagnostic de mésothéliome.
Le caractère professionnel de la maladie a été reconnu et un taux d'incapacité de 100 % attribué le 15 avril 2010. Madame [F] a invoqué la faute inexcusable de son employeur le 12 février 2010.
Par un jugement du 27 juillet 2011, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny a :
- déclaré recevable et bien fondée l'action de Mme [F]
- dit que la maladie professionnelle déclarée le 6 juillet 2009 résulte de la faute inexcusable commise par la société [9] venant aux droits de la société [10]
- alloué à Mme [F] l'indemnité forfaitaire prévue par les dispositions de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale
- fixé l'indemnisation des préjudices ainsi :
- souffrances physiques : 50 000 euros
- souffrances morales : 25 000 euros
- préjudice d'agrément : 8 000 euros
- préjudice esthétique : 2 000 euros
- dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jugement,
- déclaré inopposable à l'employeur la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis du 16 décembre 2009, ayant reconnu le caractère professionnel de la maladie déclarée par Mme [F], privée de la faculté de récupération prévue par l'article L.452-3 de la sécurité sociale,
- condamné la société [9] à régler à Mme [F] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
-ordonné l'exécution provisoire à l'exception de la somme accordée au titre des frais irrépétibles.
Monsieur [L] [F], venant aux droits de Mme [S] [N] son épouse, décédée le 28 août 2014, a formé appel contre ce jugement.
Par arrêt du 15 octobre 2015, la chambre 6-12 de la Cour d'appel de Paris a :
- déclaré M. [L] [F], venant aux droits de Madame [S] [N] épouse [F], et agissant en son nom personnel recevable et partiellement fondé en son appel ;
- déclaré la société [9] recevable mais mal fondée en son appel ;
- confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant :
- fixé l'indemnité revenant à M. [L] [F] en réparation de son préjudice moral personnel à la somme de 25 000 euros ;
- débouté M. [L] [F] agissant au titre de l'action successorale de sa demande au titre de la rente majorée et de sa demande au titre du préjudice sexuel ;
- rappelé que la charge de ces indemnités incombe à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis sans recours contre l'employeur du fait de l'inopposabilité à la société [9] de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la maladie déclarée par Mme [S] [F] ;
- condamné la société [9] à régler à M. [L] [F] agissant en son nom personnel et au titre de l'action successorale une indemnité de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- fixé le droit d'appel prévu par l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale, à la charge de l'appelant qui succombe au dixième du montant du plafond mensuel prévu par l'article L 241-3 et condamne la société [9] à ce paiement.
M. [F] a formé un pourvoi en cassation contre cette décision, qui a fait l'objet d'un arrêt du 19 janvier 2017 de rejet non spécialement motivé, au visa de l'article 463 du code de procédure civile.
M. [F] a alors saisi le 17 janvier 2018 la cour de céans d'une requête en omission de statuer
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, il demande à la cour de :
- déclarer recevable et bien fondé son recours,
- réparer l'omission de statuer et de compléter l'arrêt du 15 octobre 2015 par le dispositif suivant : « fixe au maximum légal et jurisprudentiel le montant de la majoration de la rente due aux ayants droits de la victime »,
- préciser que cette majoration concerne la rente attribuée à M. [L] [F] selon la notification de 19 juin 2015, l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale disposant : « Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.(...)En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel » et l'article L.434-7 du code de la sécurité sociale : « En cas d'accident suivi de mort, une pension est servie, à partir du décès, aux personnes et dans les conditions mentionnées aux articles suivants. »
- préciser également que la date d'effet de cette majoration est le 28 août 2014, date du décès de Mme [S] [F],
- condamner la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis à verser, en cause d'appel aux ayants-droits de Mme [F], donc à M. [L] [F], la somme de 25 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société [13] à verser en cause d'appel, aux ayants-droits de Mme [S] [F] et donc à M. [L] [F] la somme de 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner toute partie perdante aux sens de l'article 696 du code de procédure civile aux dépens.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis demande à la cour de :
- débouter M. [F] de sa requête en omission de statuer,
- constater que le dispositif de l'arrêt est entaché d'une erreur matérielle en ce qu'il « déboute M. [L] [F] agissant au titre de l'action successorale de sa demande au titre de la rente majorée et de sa demande au titre du préjudice sexuel »
En conséquence,
- rectifier l'arrêt du 15 octobre 2015 de la Cour d'appel de Paris, comme suit :
« - Débouter M. [F] agissant au titre de l'action successorale de sa demande au titre du préjudice sexuel,
- Débouter M. [F] de sa demande de majoration de sa rente d'ayant droit, »
- condamner M. [F] aux entiers dépens,
Y ajoutant,
Rectifier l'arrêt en ce qu'il a débouté la société [12] de son recours au lieu de la déclarer irrecevable après constaté le défaut d'intérêt à agir.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [13] demande à la cour de débouter M. [F] de sa demande en omission de statuer. Par courrier du 10 novembre 2021, le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante a indiqué à la cour qu'il n'entendait pas intervenir à l'instance.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE, LA COUR
1. Sur le respect du délai prévu par l'article 464 du code de procédure civile
L'article 463 du code de procédure civile dispose :
« La juridiction qui a omis de statuer sur un chef de demande peut également compléter son jugement sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs, sauf à rétablir, s'il y a lieu, le véritable exposé des prétentions respectives des parties et de leurs moyens.
La demande doit être présentée un an au plus tard après que la décision est passée en force de chose jugée ou, en cas de pourvoi en cassation de ce chef, à compter de l'arrêt d'irrecevabilité.
Le juge est saisi par simple requête de l'une des parties, ou par requête commune. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées.
La décision est mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement. Elle est notifiée comme le jugement et donne ouverture aux mêmes voies de recours que celui-ci. »
Il ressort d'un message électronique adressé le 17 janvier 2018 au greffier en chef de la cour d'appel que le conseil de M. [L] [F] a saisi la cour d'une requête en omission de statuer s'agissant de l'arrêt rendu par la chambre 6-12 de cette cour le 15 octobre 2015 dans le délai d'un an après l'arrêt d'irrecevabilité non spécialement motivé rendu par la Cour de cassation.
2. Sur l'omission de statuer
Le requérant fait valoir que l'arrêt du 15 octobre 2015 dont le dispositif indique : « déboute M. [L] [F] agissant au titre de l'action successorale de sa demande au titre de la rente majorée et de sa demande au titre du préjudice sexuel ; » a omis de statuer sur sa demande de fixation au maximum du montant la majoration de la rente due aux ayants-droits de la victime, formulée dans ses écritures lors de l'audience du 18 juin 2015. Il fait valoir que la caisse lui a notifié le 19 juin 2015 l'attribution d'une rente en qualité d'ayant-droit de Mme [S] [F] à compter du 1er septembre 2014 et qu'il est donc parfaitement fondé à solliciter la majoration de cette rente en application de l'article L.437-4 du code de la sécurité sociale.
L'article L.452-1 du code de la sécurité sociale dispose :
« Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants. »
Les alinéas 1, 2, 3 et 4 de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale dispose :
« Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.
Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.
Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.
En cas d'accident suivi de mort, le montant de la majoration est fixé sans que le total des
rentes et des majorations servies à l'ensemble des ayants droit puisse dépasser le montant du salaire annuel; lorsque la rente d'un ayant droit cesse d'être due, le montant de la majoration correspondant à la ou aux dernières rentes servies est ajusté de façon à maintenir le montant global des rentes majorées tel qu'il avait été fixé initialement; dans le cas où le conjoint le partenaire d'un pacte civil de solidarité ou le concubin survivant recouvre son droit à la rente en application du troisième alinéa de l'article L. 434-9, la majoration dont il bénéficiait est rétablie à son profit. »
L'article L.434-7 du code de la sécurité sociale dispose :
« En cas d'accident suivi de mort, une pension est servie, à partir du décès, aux personnes et dans les conditions mentionnées aux articles suivants. ».
Il résulte de la combinaison de ces textes que le requérant avait sollicité à bon droit que la cour constate la majoration de la rente d'ayant-droit qui lui revenait de droit en application de l'article L.434-7 du code de la sécurité sociale et que l'arrêt du 15 octobre 2015 a omis de statuer sur ce point. Il convient de rappeler que cette majoration ne peut courir qu'à compter de la date d'attribution de la rente d'ayant-droit à M. [F] soit le 1er septembre 2014.
Le dispositif de l'arrêt du 15 octobre 2015 sera donc modifié de façon à réparer cette omission de statuer.
Le constat de cette omission de statuer a pour conséquence de le rejet de la demande de rectification d'erreur matérielle formée par la caisse s'agissant de la demande de majoration de la rente d'ayant-droit formée par M. [F].
Par ailleurs, la cour constate que la demande formée par la caisse de rectification d'erreur matérielle de l'arrêt en ce « qu'il a débouté la société [12] de son recours au lieu de la déclarer irrecevable après constaté le défaut d'intérêt à agir » est sans objet dans le cadre de la présente instance, dans la mesure où la société [12] n'est pas et n'a jamais été partie au litige.
3. Sur l'article 700 du code de procédure civile
L'équité commande d'allouer à M. [L] [F] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles, qui lui seront payés par la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis.
4. Sur les dépens
La caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis, succombant en cette instance, devra en supporter les éventuels dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
CONSTATE que l'arrêt du 15 octobre 2015 (RG n°11-09237) rendu par la chambre 6-12 de la cour d'appel de Paris a omis de statuer sur la demande de majoration de la rente d'ayant-droit formée par M. [L] [F],
DIT que dans le dispositif de l'arrêt du 15 octobre 2015 (RG n°11-09237) rendu par la chambre 6-12 de la cour d'appel de Paris il sera ajouté la phrase :
« fixe au maximum le montant de la majoration de la rente versée à M. [L] [F] en vertu d'une décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint Denis du 19 juin 2015 lui allouant une rente en qualité d'ayant droit de Mme [S] [F], à compter du 1er septembre 2014, »
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis à payer à M. [F] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE M. [F] de sa demande de frais irrépétibles formée à l'encontre de la société [13],
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de Seine Saint-Denis au paiement des dépens.
La greffièreLa présidente