Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 4 OCTOBRE 2022
(n° / 2022, 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/17688 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAVGI
Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Avril 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2018047790
APPELANT
Monsieur [G] [X] dit [G] [X]
Né le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 6] (45)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010,
Assisté de Me Caroline PEYRATOUT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0791,,
INTIMÉE
SA CRC, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MELUN sous le numéro 332 902 162,
Ayant son siège social [Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Christian VALENTIE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2441,
Assistée de Me Amina KHAOUA de la SELAS S.O.P.E.J, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 193,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Février 2021, en audience publique, devant la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Madame Anne-Sophie TEXIER, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de:
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre,
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère,
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,
qui en ont délibéré.
Un rapport a été présenté à l'audience par Madame Anne-Sophie TEXIER dans le respect des conditions de l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
La SA CRC a pour activité le dépannage automobile et l'enlèvement de véhicules pour une mise en fourrière. M. Dupon en a été le président-directeur général à compter du 16 janvier 2009. Il a été remplacé dans ses fonctions de directeur général par Mme [E] le 15 avril 2009 et, le 2 mai 2016, il a été révoqué de ses fonctions de président du conseil d'administration par l'assemblée générale des actionnaires.
Par jugement du conseil de prud'hommes de Nanterre du 26 août 2015, la société CRC a été condamnée à payer à M. [V], ancien salarié, diverses sommes dont les suivantes, représentant un montant total de 97 953,42 euros :
- 46 699,81 euros au titre des heures supplémentaires effectuées entre le 25 octobre 2009 et le 15 mars 2013 ;
- 4 669,98 euros au titre des congés payés afférents ;
- 15 535,83 euros au titre du repos compensateur ;
- 26 047,80 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;
- 5 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail.
Invoquant des fautes commises par M. Dupon découvertes dans le cadre de ce contentieux prud'homal, la société CRC a, le 6 août 2018, assigné ce dernier en responsabilité sur le fondement des articles L. 225-251 du code de commerce et 1382 (ancien) du code civil à l'effet de le voir condamner au paiement de la somme de 97 953,42 euros de dommages et intérêts, outre 10 000 euros « pour le préjudice subi » à raison de la violation de son obligation de loyauté.
Par jugement du 12 avril 2019, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a condamné M. Dupon à payer à la société CRC la somme de 31 047,80 euros de dommages et intérêts ainsi que 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens, et a rejeté les demandes autres, plus amples ou contraires.
Pour limiter l'indemnisation de la société CRC à 31 047,80 euros, le tribunal a retenu que cette dernière, d'une part, n'établissait pas que les heures supplémentaires avaient été réalisées dans un intérêt autre que celui de l'entreprise, ce qui devait conduire à écarter les « réclamations » relatives à ces heures ainsi qu'aux congés payés et repos compensateur y afférents et, d'autre part, ne justifiait pas de la nature et du quantum du préjudice invoqué au titre de la violation de l'obligation de déloyauté.
M. Dupon a relevé appel de ce jugement selon déclaration du 12 septembre 2019.
Par conclusions n° 4 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 22 janvier 2021, M. Dupon demande à la cour':
- de dire irrecevable et non fondé l'appel incident de la société CRC';
- d'écarter des débats la pièce n°11 produite par la société CRC, constituant une violation de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971';
- d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à payer à la société CRC la somme de 31 047,80 euros de dommages et intérêts'et celle de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens';
- statuant à nouveau, de déclarer irrecevable comme prescrite l'action engagée par la société CRC'et, à titre subsidiaire, de rejeter l'ensemble des demandes de cette dernière ;
- de condamner la société CRC à lui payer 15 000 euros de dommages et intérêts pour action abusive et 8 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens.
Suivant conclusions n° 3 déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 9 janvier 2021, la société CRC demande à la cour, au visa des articles L. 225-251 du code de commerce et 1382 (ancien) du code civil':
- de dire son action en responsabilité non prescrite ;
- de débouter M. Dupon de toutes ses demandes, dont celle tendant au rejet de la pièce n°11';
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Dupon à lui payer la somme de 31 047,80 euros et de l'infirmer pour le surplus';
- de condamner M. Dupon à lui payer, en sus de cette somme, celle de 66 905,62 euros à titre de dommages et intérêts (soit un montant total de 97 953,42 euros) et celle de 10 000 euros pour manquement au devoir de loyauté ainsi que 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens dont distraction au profit de Me Christian Valentie, conformément à l'article 699 du même code.
Après l'audience, par avis du 16 février 2021, les parties ont été invitées :
- compte tenu de l'allégation de la société CRC selon laquelle M. Dupon a agi en tant que dirigeant de fait, à s'expliquer sur le caractère applicable de la prescription prévue à l'article L. 225-254 du code de commerce et, au-delà, de l'article L. 225-251 du même code qui fonde la demande de dommages et intérêts de 97 953,42 euros formée contre M. Dupon ;
- à préciser à quelle date M. [V] a saisi le conseil de prudhommes de Nanterre des demandes ayant donné lieu à la condamnation de la société CRC à la somme de 97 953,42 euros et à produire tout document justifiant de cette date.
La société CRC et M. Dupon ont fait parvenir une note en délibéré, respectivement, les 18 février et 9 mars 2021. Le 10 mars 2021, la société CRC a transmis à la cour un jugement du 16 février 2021 la plaçant en redressement judiciaire et confiant une mission d'assistance dans la gestion à un administrateur judiciaire ainsi qu'un acte de dénonciation de ce jugement à M. Dupon.
SUR CE,
- Sur la demande de rejet de la pièce n° 11 produite par la société CRC
M. Dupon soutient que la pièce n°11, constituée d'un échange de courriels des 24 et 25 octobre 2013 entre lui-même et l'avocate de la société CRC, relève d'une correspondance entre l'avocat et son client couverte par le secret professionnel, de sorte que sa production caractérise une violation de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971.
La société CRC réplique que la demande de rejet des débats est irrecevable au motif que l'application des règles déontologiques entre avocats ne relève pas de la compétence de la cour. Elle ajoute que, par décision du 5 janvier 2021, le bâtonnier a débouté M. Dupon de sa demande de retrait et l'a autorisée à verser la pièce aux débats tout en précisant que cette décision, rendue en matière déontologique et donc confidentielle, ne peut être produite.
La juridiction devant laquelle une pièce est produite est seule compétente pour statuer sur la demande de rejet de celle-ci et ce, sans que l'éventuelle décision rendue par le bâtonnier en matière déontologique ne s'impose à elle.
La demande de rejet des débats est donc recevable.
L'article 66-5, alinéa 1, de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 dispose :
« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel. »
L'échange de correspondances incriminé est constitué de deux courriels ayant pour objet le « dossier [V] », l'un envoyé à l'avocate de la société CRC le 24 octobre 2013 par M. Dupon (à l'époque président du conseil d'administration de la société CRC) à partir d'une adresse comportant une extension « yahoo.fr » et l'autre envoyé en réponse par la même avocate à M. Dupon le 25 octobre 2013.
S'il est considéré que M. Dupon a envoyé ou reçu ces courriels sans agir au nom et pour le compte de la société CRC, l'échange n'est intervenu ni entre un client et son avocat, ni entre un avocat et ses confrères et, partant, n'est pas couvert par le secret professionnel.
S'il est retenu, comme le soutient M. Dupon, que l'échange est intervenu entre un client et son avocat, ce qui suppose que M. Dupon ait écrit et reçu les courriels au nom et pour le compte de la société CRC, cliente, il convient de relever que le secret professionnel d'un avocat ne s'impose pas au client. Dès lors, la société CRC a pu régulièrement produire la correspondance concernée pour la défense de ses intérêts.
En conséquence, il y a lieu de débouter M. Dupon de sa demande de rejet des débats de la pièce n° 11 produite par la société CRC.
- Sur la recevabilité de l'appel incident de la société CRC
M. Dupon soulève l'irrecevabilité de l'appel incident de la société CRC mais n'articule aucun moyen au soutien de cette fin de non-recevoir.
L'appel incident de la société CRC sera donc déclaré recevable.
- Sur les demandes de dommages et intérêts formées par la société CRC contre M. Dupon
A titre liminaire, il convient d'apporter des précisions sur les demandes de dommages et intérêts présentées par la société CRC, en particulier sur leur fondement.
Dans sa note en délibéré, la société CRC mentionne que M. Dupon a été dirigeant de fait et soutient que son action en responsabilité ne se fonde pas sur l'article L. 225-251 du code de commerce mais sur l'article 1382 ancien du code civil comme indiqué dans le dispositif de ses dernières conclusions.
M. Dupon réplique, dans sa note en délibéré, que la demande de dommages et intérêts de 97 953,42 euros est fondée sur l'article L. 225-251 du code de commerce et celle de 10 000 euros sur l'article 1382 (ancien) du code civil.
Les conclusions de la société CRC :
- dans une partie A) intitulée « sur les infractions aux dispositions législatives et réglementaires constitutives de fautes », citent et invoquent l'article L. 225-251 du code de commerce, en particulier en ce qu'il prévoit que les administrateurs et le directeur général sont responsables envers la société des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, puis soutiennent que M. Dupon a, « en sa qualité de dirigeant effectif », méconnu la législation en matière d'hygiène et de sécurité;
- dans une partie B) intitulée « sur l'absence de prescription de l'action contre les dirigeants », citent l'article L. 225-254 du code de commerce relatif à la prescription de l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général et se réfèrent à ce texte pour exposer que l'action n'est pas prescrite ;
- dans une partie B) [lire C)] intitulée « sur la responsabilité civile de M. [...] Dupon en sa qualité de directeur général effectif de la SA CRC », indiquent que M. Dupon a géré et admininistré la société et prenait seul les décisions et, ainsi, a agi « en qualité de directeur général de fait » ou encore que M. Dupon s'est comporté en « président directeur général et non en simple président » et qu'en tant que « président directeur général de fait », il doit assumer la même responsabilité qu'un président directeur général de droit ;
- dans une partie C) [lire D)] intitulée « sur les infractions aux dispositions législatives et réglementaires constitutives de fautes à l'égard du salarié », citent l'article L. 225-251 du code de commerce, soutiennent que M. Dupon a contrevenu à des dispositions applicables en matière de droit du travail et que le préjudice de la société CRC s'élève à 66 923,61 [lire 66 905,62] euros, 26 047,80 euros et 5 000 euros, soit un total de 97 953,42 euros.
- dans une partie D) [lire E)] intitulée « sur le lien de causalité », exposent que le lien de causalité et la responsabilité de M. Dupon sont établis, de sorte que ce dernier devra être condamné à lui payer la somme de 97 953,42 euros.
- dans une partie E) [lire F)] intitulée « sur le manquement au devoir de loyauté de M. [...] Dupon à l'égard de la société CRC et de ses associés », citent l'article 1382 (ancien) du code civil et allèguent que M. Dupon, en tant que « dirigeant », a commis une faute personnelle en manquant à son obligation d'agir avec honnêteté dans l'intérêt de la société et de ses associés en remettant, dans le cadre de l'instance prud'homale, des attestations d'employés ne parlant pas le français tendant à décrédibiliser la demande en paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateur présentée par M. [V] avec l'intention de « s'exonérer de son obligation de résultat » ;
- dans le dispositif, visent l'article L. 225-251 du code de commerce et l'article 1382 (ancien) du code civil.
Il en ressort que la société CRC a engagé la responsabilité de M. Dupon :
- en tant qu'ancien directeur général de fait, sur le fondement de l'article L. 225-251 du code de commerce, à l'effet de le voir condamner au paiement de 97 953,42 euros de dommages et intérêts (montant correspondant aux condamnations prononcées par le jugement du conseil de prud'hommes du 26 août 2015) et ce, à raison de violations de dispositions applicables en droit du travail ;
- en tant que « dirigeant », sur le fondement de l'article 1382 (ancien) du code civil, à l'effet de le voir condamner au paiement de 10 000 euros de dommages et intérêts et ce, pour manquement à son devoir de loyauté envers elle et ses associés.
i - Sur la demande indemnitaire de 97 953,42 euros (fondée sur l'article L. 225-251 du code de commerce)
* La prescription
Invoquant la prescription prévue par l'article L. 225-254 du code de commerce, M. Dupon fait valoir que les faits dommageables à l'origine de la condamnation de la société CRC, à savoir les heures supplémentaires effectuées par M. [V] du 25 octobre 2009 au 15 mars 2013, ont donné lieu à une lettre de réclamation de ce dernier datée du 22 février 2013, constituant le point de départ de la prescription triennale, et qu'en outre, la société CRC a reçu une convocation devant le conseil de prud'hommes en « mai 2013 ». Il en déduit que l'action est prescrite pour avoir été introduite « après le mois de février 2016 ».
Il soutient également que « même une prescription quinquennale de droit commun, si elle était applicable, serait acquise » et, dans sa note en délibéré, argue qu'à réception de la convocation adressée par le conseil de prud'hommes le 27 juin 2013, la société CRC avait connaissance des faits lui permettant d'exercer ses droits.
La société CRC réplique que la prescription prévue par l'article L. 225-254 du code de commerce a commencé à courir à compter de la reconnaissance de la créance de M. [V] par une décision passée en force de chose jugée, soit le 30 septembre 2015, date à laquelle le jugement du 26 août 2015 est devenu définitif.
Dans sa note en délibéré, elle observe que l'article L. 225-254 du code de commerce ne concerne que les dirigeants de droit, alors que M. Dupon était un dirigeant de fait. Elle précise également que M. [V] a saisi la juridiction prud'homale le 13 mai 2013, qu'une convocation lui a été adressée le 27 juin 2013 et que les demandes présentées par M. [V] dans son courrier du 22 février 2013 étaient différentes de celles mentionnées dans sa saisine du 13 mai 2013 qui elles-mêmes étaient différentes de celles ayant donné lieu au jugement prud'homal.
L'article L. 225-254 du code de commerce, invoqué par les parties dans leurs conclusions et applicable aux sociétés anonymes, dispose : « L'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans ».
Ce texte, qui concerne uniquement les agissements commis par les dirigeants de droit, n'est pas applicable en l'espèce puisque la société CRC prétend engager la responsabilité de M. Dupon en tant qu'ancien directeur général de fait.
Doit dès lors recevoir application, l'article 2224 du code civil aux termes duquel : « Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
La société CRC a connu les faits lui permettant d'exercer son action en garantie contre M. Dupon à la date à laquelle elle a été informée des demandes dont M. [V] avait saisi la juridiction prud'homale et non pas lorsque le jugement du 26 août 2015 est devenu irrévocable, événement qui lui a seulement permis de déterminer l'ampleur de son préjudice.
Elle a été convoquée devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes par lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 27 juin 2013, valant citation en justice, et ne prétend pas avoir reçu cette convocation après le 5 août 2013.
Cette convocation fait état de demandes de M. [V] concernant les heures supplémentaires de la période d'octobre 2009 à mars 2013 (46 699,81 euros), les congés payés y afférents (4 669,98 euros) et l'indemnité pour travail dissimulé (26 047,80 euros) qui correspondent à trois des condamnations prononcées par le jugement du conseil de prud'hommes du 26 août 2015.
En revanche, il ressort dudit jugement que les demandes relatives au repos compensateur et à l'exécution déloyale du contrat de travail n'ont été présentées que le 1er juillet 2015.
Il s'ensuit que la société CRC a connu les faits lui permettant d'exercer son action, pour ce qui concerne les heures supplémentaires de la période d'octobre 2009 à mars 2013, les congés payés y afférents et l'indemnité pour travail dissimulé à la date de la réception de la convocation du conseil de prud'hommes, soit avant le 6 août 2013, et, s'agissant du surplus, le 1er juillet 2015.
L'assignation introductive d'instance ayant été délivrée le 6 août 2018, les demandes indemnitaires relatives aux heures supplémentaires (46 699,81 euros), aux congés payés y afférents (4 669,98 euros) et au travail dissimulé (26 047,80 euros) sont prescrites, tandis que celles se rapportant au repos compensateur (15 535,83 euros) et à l'exécution déloyale du contrat de travail (5 000 euros) ne le sont pas.
En conséquence, il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné M. Dupon au paiement de la somme de 26 047,80 euros au titre du travail dissimulé (sur une condamnation totale prononcée de 31 047,80 euros comprenant en sus 5 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail) et en ce qu'il a rejeté la demande relative aux heures supplémentaires (46 699,81 euros) et aux congés payés y afférents (4 669,98 euros). Statuant à nouveau, la cour déclarera irrecevables les demandes correspondantes, représentant un montant total de 77 417,59 euros (travail dissimulé 26 047,80 + heures supplémentaires 46 699,81 + congés payés y afféréntes 4 669,98).
* Le bien-fondé des demandes indemnitaires présentées par la société CRC relatives au repos compensateur (15 535,83 euros) et à l'exécution déloyale du contrat de travail (5 000 euros)
Comme il a été dit, la société CRC fonde ses demandes sur l'article L. 225-251 du code de commerce en imputant à faute à M. Dupon, en sa qualité d'ancien directeur général de fait, des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires.
L'article L. 225-251, alinéa 1, du code de commerce dispose : « Les administrateurs et le directeur général sont responsables individuellement ou solidairement selon le cas, envers la société ou envers les tiers, soit des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux sociétés anonymes, soit des violations des statuts, soit des fautes commises dans leur gestion. »
Ces dispositions ne concernant que les agissements commis par les dirigeants de droit, elles ne peuvent fonder la responsabilité de M. Dupon en tant qu'ancien directeur général de fait.
Ainsi, il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande indemnitaire relative au repos composateur. En revanche, il convient de l'infirmer en ce qu'il a condamné M. Dupon à payer à la société CRC une somme de 5 000 euros de dommages et intérêts (incluse dans la condamnation de 31 047,80 euros) au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail et, statuant à nouveau, de rejeter la demande correspondante.
ii) Sur la demande indemnitaire de 10 000 euros pour manquement à l'obligation de loyauté (fondée sur l'article 1382 ancien du code civil)
Invoquant l'article 1382 (ancien) du code civil, la société CRC estime que M. Dupon a manqué à son devoir de loyauté envers elle et ses associés dans le cadre du procès prud'homal l'ayant opposée à M. [V] en produisant des attestations d'employés ne parlant pas le français tendant à décrédibiliser les demandes en paiement d'heures supplémentaires et de repos compensateur présentées par la partie adverse.
M. Dupon réplique que l'action, si elle est fondée sur l'article L. 225-251 du code de commerce, est irrecevable comme prescrite dès lors que le comportement reproché est antérieur au jugement du 26 août 2015.
Il prétend également que la demande est mal fondée au motif, d'abord, qu'étant président du conseil d'administration à l'époque des faits dénoncés, sa responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de l'article L. 225-251 du code de commerce, ensuite, qu'aucune faute n'a été commise par lui et, enfin, qu'il n'est justifié d'aucun préjudice en lien avec la faute alléguée.
* La prescription
La demande est fondée sur l'article 1382 (ancien) du code civil, de sorte que la prescription applicable est celle, quinquennale, prévue par l'article 2224 du même code, précité.
Aucun élément du dossier ne permet de retenir que la production des attestations litigieuses, point de départ de la prescription, est intervenue avant le 6 août 2013 (étant rappelé que la convocation de la société CRC devant la juridiction prud'homale est datée du 27 juin 2013).
Il s'ensuit que la prescription n'était pas acquise lorsque l'assignation introductive d'instance a été délivrée, le 6 août 2018.
La demande sera donc déclarée recevable.
* Le bien-fondé de la demande
La société CRC se borne à indiquer, sur son préjudice, d'une part, que les premiers juges ont, à tort, rejeté sa demande indemnitaire au motif qu'elle ne justifiait ni de la nature, ni du quantum de celui-ci et, d'autre part, que la faute personnelle de M. Dupon « est parfaitement établie et devra être réparée par l'allocation d'une somme de 10 000 euros à titre de dommage et intérêts ».
Il en résulte que la société CRC n'explique pas en quoi consiste le dommage allégué, ni, a fortiori, n'en justifie.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de 10 000 euros présentée par la société CRC.
- Sur la demande indemnitaire de 15 000 euros pour action abusive formée par M. Dupon contre la société CRC
Pour conclure à un abus du droit d'agir en justice, M. Dupon soutient que l'action de la société CRC a été engagée plus de deux ans après la révocation de son mandat de président du conseil d'administration, en raison de l'animosité personnelle nourrie à son encontre par sa soeur (Mme [E]) et son frère, et alors que la société CRC ne pouvait ignorer que son action était prescrite et qu'il n'assumait pas la direction effective.
La société CRC ne fait pas valoir d'observations.
Il a été retenu que certaines demandes de la société CRC n'étaient pas prescrites et cette dernière a pu, s'agissant des autres, se méprendre sur le point de départ de la prescription sans faire preuve d'un légèreté blâmable.
Sur le fond, il convient de relever, d'une part, que la légitimité de l'action en justice de la société CRC a été partiellement reconnue par les premiers juges et, d'autre part, que cette dernière a produit de nombreuses pièces tendant à démontrer que M. Dupon était le directeur général de fait, de sorte que ses allégations sur ce point ne sauraient être regardées comme dépourvues de sérieux.
Dans ces conditions, il n'est pas établi que le droit de la société CRC a dégénéré en abus.
En conséquence, la demande de M. Dupon sera rejetée.
- Sur les dépens et frais irrépétibles
La société CRC, qui succombre, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et ne peut prétendre à une indemnité pour frais irrépétibles.
Il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. Dupon.
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et frais irrépétibles seront infirmées.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable la demande tendant à voir écarter des débats la pièce n° 11 produite par la société CRC et la rejette,
Déclare recevable l'appel incident de la société CRC,
Déclare recevables les demandes indemnitaires de la société CRC présentées au titre du repos compensateur et de l'exécution déloyale du contrat de travail, représentant un montant total de 20 535,83 euros,
Déclare recevable la demande de dommages et intérêts présentée par la société CRC pour un montant de 10 000 euros à raison d'un manquement au devoir de loyauté,
Confirme le jugement en ce que, en rejetant les « autres demandes plus amples ou contraires », il a rejeté la demande indemnitaire de la société CRC d'un montant de 15 535,83 euros relative au repos compensateur et celle de 10 000 euros formée à raison d'un manquement au devoir de loyauté,
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare irrecevables les demandes indemnitaires de la société CRC présentées au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférents et du travail dissimulé, représentant un montant total de 77 417,59 euros,
Rejette la demande indemnitaire de la société CRC présentée au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail pour un montant de 5 000 euros,
Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société CRC aux dépens de première instance et d'appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT