Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 06 OCTOBRE 2022
(n° ,1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 17/13622 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4NOP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Septembre 2017 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F15/13717
APPELANTE
Me [O] [W] - Liquidateur judiciaire de la SARL ATL OUEST FRANCE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Pascal PERELSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R062
INTIMES
Monsieur [D] [C]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représenté par Me Thibaut BONNEMYE, avocat au barreau de PARIS, toque : G0726
SAS ISS FACILITY SERVICES venant aux droits de la SAS ISS PROPRETE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Stéphane BOUILLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497
PARTIE INTERVENANTE
UNEDIC Délégation AGS
Centre de Gestion et d'Étude AGS d'Île-de-France Ouest
représentée par sa Directrice nationale, Madame [U] [G]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentée par Me Florence ROBERT DU GARDIER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0061
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD,, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Lucile MOEGLIN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, Greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
La société ATL Ouest France (ci-après désignée la société ATL) est une entreprise prestataire de services qui a pour activité le nettoyage et la préparation de véhicules automobiles pour le compte de clients loueurs professionnels de véhicules. Elle met ainsi à disposition du client et dans ses locaux des agents qu'elle emploie et le matériel nécessaire à l'accomplissement de leur mission.
La société ATL a conclu un marché avec la société Europcar concernant cinq sites dont celui de [Localité 8].
M. [D] [C] a été engagé par la société ATL par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein prenant effet le 16 février 2005 en qualité de préparateur automobile itinérant, échelon 1. Il a été affecté sur le site de [Localité 8].
Les relations contractuelles ont été soumises à la convention collective des services de l'automobile.
Le marché d'entretien concernant le site de [Localité 8] a été repris à compter du 1er octobre 2015 par la société ISS Propreté.
La société ISS Facility Services (ci-après désignée la société ISS) est venue aux droits de la société ISS Propreté.
La société ISS est soumise à la convention collective des entreprises de propreté.
Par courrier du 2 septembre 2015, la société ISS a informé la société ATL qu'elle reprenait notamment le marché de [Localité 8] et a demandé à celle-ci si elle souhaitait solliciter l'application de l'annexe 7 de la convention collective des entreprises de propreté et, dans cette éventualité, de lui transmettre les renseignements et les documents relatifs au personnel concerné.
Par courrier du 7 septembre 2015, la société ATL a notamment indiqué à la société ISS que M. [C] était concerné par la reprise du marché Europcar.
Au cours d'une conversation téléphonique du 14 septembre 2015, la société ISS a indiqué à la société ATL qu'elle ne souhaitait pas reprendre les contrats de travail du personnel du site de [Localité 8].
Par courriel du 14 septembre 2015, la société ATL a indiqué à la société ISS qu'elle devait reprendre les contrats de travail liés au marché Europcar en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail et qu'elle remettrait le 30 septembre 2015 les documents de fin de contrat aux salariés concernés.
Par courriel du 15 septembre 2015, la société ISS a indiqué à la société ATL qu'elle faisait vérifier par ses juristes l'applicabilité de l'article L. 1224-1 du code du travail en l'espèce et qu'à défaut, la conclusion d'une convention tripartite était envisageable.
Par courrier du 23 septembre 2015, la société ATL a informé M. [C] de la perte du marché avec Europcar et du transfert de plein droit de son contrat de travail à la société ISS à compter du 1er octobre 2015 en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.
Par courrier du 23 septembre 2015, M. [C] a indiqué à la société ISS qu'il s'était présenté le même jour sur son lieu de travail et qu'elle lui avait déclaré ne pas reprendre son contrat de travail alors que la société ATL lui avait signifié le transfert de plein droit de celui-ci à son égard.
Par courriel du 24 septembre 2015, la société ISS a indiqué à la société ATL que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas applicables en l'espèce, qu'elle ne s'était pas engagée auprès de la société Europcar à reprendre le personnel que la société ATL avait affecté sur les sites concernés et qu'elle ne comptait pas procéder à cette reprise.
Par courriel du 25 septembre 2015, la société ISS a indiqué à la société ATL que 'suite à différents échanges internes, (elle confirmait) la reprise des salariés concernés par le marché Europcar'.
Par courrier du 12 octobre 2015, la société ATL a adressé à M. [C] ses documents de fin de contrat.
Considérant que la société ATL l'avait ainsi licencié verbalement, M. [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 27 novembre 2015 aux fins d'obtenir la condamnation des sociétés ATL et ISS à diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 21 septembre 2017, le conseil de prud'hommes a :
Prononcé la jonction entre les dossiers 15/13717 et 16/00280,
Dit que la rupture du contrat de travail doit être analysée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamné la société ATL à verser à M. [C] les sommes suivantes :
- 2.921,16 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 292,11 euros de congés payés afférents,
- 3.330,12 euros d'indemnité de licenciement,
Avec intérêts de droit à compter de la réception par la partie défenderesse de la convocation à l'audience de conciliation,
- 1.460,58 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement,
- 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Avec intérêts de droit à compter du prononcé de la présente décision,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonné la remise d'un certificat de travail, d'un bulletin de paye et d'une attestation Pôle emploi sous quinzaine à compter de la réception du présent jugement,
Ordonné l'exécution provisoire de droit,
Condamné la société ISS à relever la société ATL à hauteur de 50% de la condamnation et à lui verser la somme de 10.501,99 euros,
Débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
Condamné la société ATL aux dépens.
Le 23 octobre 2017, la société ATL a interjeté appel du jugement.
Par jugement du 30 juillet 2018, la chambre des procédures collectives commerciales du tribunal de grande instance de Strasbourg a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société ATL.
Par jugement du 2 mai 2019, la chambre des procédures collectives commerciales du tribunal de grande instance de Strasbourg a prononcé la liquidation judiciaire de la société ATL et a désigné Me [O] [W] en qualité de liquidateur de celle-ci.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 4 juin 2020, le liquidateur de la société ATL demande à la cour de :
Lui donner acte de son intervention volontaire,
Déclarer la société ISS et M. [C] mal fondés en l'ensemble de leurs demandes et en conséquence, les en débouter,
Déclarer la société ATL recevable et bien fondée en son appel incident,
En conséquence,
Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau :
A titre principal :
Dire et juger que la société ATL a rempli l'ensemble de ses obligations à l'égard de M. [C],
Débouter M. [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Condamner M. [C] à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre subsidiaire,
Le recevoir ainsi que la société ATL dans leur action en garantie dirigée à l'encontre de la société ISS,
Condamner la société ISS à garantir la société ATL de toutes les condamnations dont elle pourrait faire l'objet à la demande de M. [C] et la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
En toute hypothèse dire l'arrêt à venir opposable à l'AGS.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 15 mars 2018, la société ISS demande à la cour de :
Dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en son appel,
Y faisant droit,
Infirmer partiellement le jugement en ce qu'il l'a condamnée à relever la société ATL à hauteur de 50% de la condamnation et à lui verser la somme de 10.501,99 euros,
Statuant à nouveau,
Débouter la société ATL de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de son action en garantie dirigés à son encontre,
Condamner la société ATL à lui payer une indemnité de procédure d'un montant de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner la société ATL aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 2 juin 2019, M. [C] demande à la cour de :
Confirmer le jugement sauf à reformuler les condamnations contre la société ATL en mise sur le relevé de créance du salarié avec garantie AGS,
Infirmer uniquement sur le quantum de l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamner solidairement le liquidateur de la société ATL à porter sur le relevé de créance ou condamner ISS au paiement de :
- 14 600 euros d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1.600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel,
Dire que l'AGS garantira l'ensemble des sommes,
Toutes condamnations assorties des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 22 juin 2020, l'Unedic Délégation AGS - Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) d'Ile-de-France Ouest (ci-après désignée l'AGS) demande à la cour de :
Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ATL à diverses sommes,
Confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] du surplus de ses demandes,
Déclarer M. [C] et la société ISS mal fondés en l'ensemble de leurs demandes et en conséquence, les en débouter,
Dire et juger que s'il y a lieu à fixation, sa garantie ne pourra intervenir que dans les limites de la garantie légale,
Dire et juger que la garantie prévue suivant les dispositions de l'article L.3253-6 du code du travail ne peut concerner que les seules sommes dues en exécution du contrat de travail au sens de l'article L.3253-8 du code du travail, les astreintes, dommages et intérêts mettant en 'uvre la responsabilité de droit commun de l'employeur ou l'article 700 du code de procédure civile étant ainsi exclus de la garantie,
Dire et juger que sa garantie ne pourra excéder, toutes créances avancées pour le compte du salarié confondues, l'un des trois plafonds des cotisations maximum du régime d'assurance chômage conformément aux dispositions des articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,
Statuer ce que de droit quant aux frais d'instance, dont les dépens, sans qu'ils puissent être mis à sa charge.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L'instruction a été déclarée close le 13 avril 2022.
MOTIFS :
Sur le transfert du contrat de travail :
Le liquidateur de la société ATL et l'AGS soutiennent que le contrat de travail de M. [C] a été transféré à la société ISS à compter du 1er octobre 2015, date de la reprise par cette dernière du marché Europcar. Ils exposent que la société ISS s'est engagée à reprendre le contrat de travail de M. [C], sans toutefois préciser le fondement juridique de cette reprise mais tout en indiquant que la convention collective des entreprises de propreté n'était pas applicable, la société ATL étant soumise à la convention collective des services de l'automobile.
La société ISS conteste tout transfert à son profit du contrat de travail de M. [C]. Elle expose que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail n'étaient pas applicables, qu'elle n'a jamais entendu faire application de manière volontaire de ces dispositions légales, qu'aucune convention de transfert tripartite n'a été signée entre elle, la société ATL et M. [C] et que les stipulations de l'article 7 de la convention collective des entreprises de propreté relatives au transfert de contrat n'étaient pas applicables dans la mesure où M. [C] était absent depuis plus de quatre mois à la date de reprise du marché.
M. [C] ne produit aucun argumentaire concernant le transfert de son contrat de travail à la société ISS.
* Sur le transfert du contrat de travail en application de l'article L. 1224-1 du code du travail :
Si la perte d'un marché n'entraîne pas, en elle-même, l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, il en va autrement lorsque l'exécution d'un marché de prestation de services par un nouveau titulaire s'accompagne du transfert d'une entité économique autonome constituée d'un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre, dont l'identité est maintenue.
En l'espèce, il n'est ni allégué ni justifié par les parties que le transfert du marché Europcar à la société ISS s'est accompagné du transfert d'une entité économique autonome appartenant à la société ATL et dans laquelle M. [C] était affecté.
Il s'en déduit que le contrat de travail de M. [C] n'a pas été transféré de plein droit à la société ISS en application des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail.
* Sur le transfert conventionnel du contrat de travail :
En premier lieu, comme l'affirme la société ISS, la convention collective des services de l'automobile ne comporte aucune stipulation prévoyant le transfert conventionnel des contrats de travail soumis à celle-ci.
En deuxième lieu, il ressort des termes du marché de reprise conclu entre la société Europcar et la société ISS que cette dernière 'respecte les termes de la convention collective nationale des entreprises de propreté' en ce qui concerne la reprise du personnel de la société ATL.
De même, il ressort de l'article 7.1 de la convention collective nationale des entreprises de propreté que ses stipulations relatives au transfert conventionnel du contrat de travail 's'appliquent aux employeurs et aux salariés des entreprises ou établissements exerçant une activité relevant des activités classées sous le numéro de code APE 81.2, qui sont appelés à se succéder lors d'un changement de prestataire pour des travaux effectués dans les mêmes locaux, à la suite de la cessation du contrat commercial ou du marché public'. Le code APE 81.2 désigne l'activité de nettoyage.
Il est constant que les sociétés ISS et ATL ont une activité principale de nettoyage, que la première soumet le contrat de travail de ses employés à la convention collective des entreprises de propreté et que le marché d'entretien détenu par la société ATL a été repris par la société ISS.
Il s'en déduit que les stipulations de la convention collective des entreprises de propreté relatives au transfert conventionnel du contrat de travail s'appliquent à la reprise par la société ISS du marché Europcar détenu par la société ATL.
En troisième lieu, l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté stipule : 'Le nouveau prestataire s'engage à garantir l'emploi de 100 % du personnel affecté au marché faisant l'objet de la reprise qui remplit les conditions suivantes : (...) B. Être titulaire : a) Soit d'un contrat à durée indéterminée et, (...) ne pas être absent depuis 4 mois ou plus à la date d'expiration du contrat. À cette date, seul(e)s les salarié(e)s en congé maternité ou en activité partielle seront repris(es) sans limitation de leur temps d'absence. La totalité de la durée de l'absence sera prise en compte, congé de maternité ou période d'activité partielle compris, pour l'appréciation de cette condition d'absence de 4 mois ou plus, dans l'hypothèse où la/le salarié(e) ne serait pas en congé de maternité ou en activité partielle à la date d'expiration du contrat commercial ou du marché public'.
Si le liquidateur de la société ATL et l'AGS indiquent seulement dans leurs écritures que M. [C] était en arrêt maladie entre juillet et décembre 2015, il ressort des certificats médicaux de prolongation d'arrêt de travail produits pour la période de juillet à décembre 2015 et de l'attestation destinée à l'assurance chômage du 12 octobre 2015 établie par la société ATL et mentionnant que M. [C] n'a point travaillé entre octobre 2014 et septembre 2015 que ce dernier était absent du 1er octobre 2014 au 31 décembre 2015 comme le soutient la société ISS.
Il s'en déduit que M. [C] était absent depuis plus de quatre mois à la date de reprise du marché Europcar par la société ISS, à savoir le 1er octobre 2015. Par suite, en application des stipulations de l'article 7.2 de la convention collective des entreprises de propreté, la société ISS n'était pas tenue de reprendre le contrat de travail de M. [C].
En quatrième et dernier lieu, si les parties peuvent convenir d'une application volontaire de l'article L. 1224-1 du code du travail ou des dispositions de la convention collective des entreprises de propreté relatives au transfert du contrat de travail en cas de reprise de marché, il ne résulte d'aucun élément produit que M. [C] a donné son accord exprès au transfert de son contrat de travail à la société ISS.
Si le liquidateur de la société ATL produit un courriel du 25 septembre 2015 par lequel la société ISS lui a indiqué que 'suite à différents échanges internes, (elle confirmait) la reprise des salariés concernés par le marché Europcar', ce document n'a pas pour effet le transfert du contrat de travail de M. [C] à la société ISS puisque, d'une part, l'engagement de reprise de cette dernière contenu dans le courriel n'est pris en application ni des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ni des stipulations de la convention collective des entreprises de propreté précitées et, d'autre part, ce transfert n'a pas obtenu l'accord exprès de M. [C].
Il résulte de ce qui précède que le contrat de travail de M. [C] n'a pas été transféré de plein droit à la société ISS en application des stipulations de la convention collective des entreprises de propreté.
***
Il ressort des développements précédents que le contrat de travail de M. [C] n'a pas été transféré à la société ISS à la date de la reprise du marché Europcar par cette dernière. Par suite, la société ATL est demeurée l'employeur de M. [C] après cette date.
Sur la rupture du contrat de travail :
M. [C] soutient que la société ATL l'a licencié verbalement et qu'il n'a pas démissionné.
Le liquidateur de la société ATL et l'AGS exposent au contraire que le contrat de travail a été transféré à la société ISS et que la société n'a donc pas licencié verbalement le salarié.
***
Aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail le licenciement par l'employeur doit être fait par lettre recommandée avec avis de réception, comportant l'énoncé du ou des motifs invoqués.
Le licenciement verbal est donc sans cause réelle et sérieuse.
L'existence d'un licenciement verbal suppose de caractériser un acte ou un comportement de l'employeur manifestant de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre un terme définitif au contrat, en dehors de la procédure légale de licenciement.
Il incombe au salarié qui invoque un licenciement verbal d'en rapporter la preuve.
La démission ne se présume pas et ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de rompre le contrat de travail.
L'absence prolongée d'un salarié ne peut constituer de sa part une manifestation de volonté non équivoque de démissionner.
***
En premier lieu, il ressort des développements précédents que le contrat de travail n'a pas été transféré à la société ISS et que la société ATL est demeurée l'employeur de M. [C] après la reprise du marché Europcar.
En deuxième lieu, il ne résulte d'aucun élément versé aux débats que le salarié a manifesté à l'égard de la société ATL la volonté non équivoque de démissionner.
En troisième lieu, il est constant que la société ATL a adressé à M. [C], par courrier du 12 octobre 2015, ses documents de fin de contrat à savoir son 'dernier' bulletin de paye, son attestation Pôle emploi, son chèque pour solde de tout compte, son certificat de travail et un reçu pour solde de tout compte. Ce fait n'ayant pas pour cause la démission du salarié, il caractérise un comportement de l'employeur manifestant de manière claire et non équivoque sa volonté de mettre un terme définitif au contrat de travail. Dans la mesure où il n'est ni allégué ni justifié que la société ATL a engagé une procédure de licenciement à l'égard de M. [C], la cour considère que l'employeur a ainsi licencié verbalement ce dernier le 12 octobre 2015. Ce licenciement verbal est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail :
Au préalable, il ressort des écritures de M. [C], du certificat de travail produit et du seul bulletin de paye versé aux débats de septembre 2015 que le salaire mensuel brut du salarié est d'un montant de 1.460,58 euros.
Il n'est pas contesté qu'au moment de la rupture, la société ATL employait à titre habituel au moins 11 salariés.
Il résulte des développements précédents que le contrat de travail du salarié était suspendu entre le 1er octobre 2014 et le 12 octobre 2015, date de la rupture du contrat de travail. Compte tenu de cette période de suspension, le salarié bénéficiait d'une ancienneté de 9 ans, 7 mois et 11 jours au moment de la rupture.
* Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
M. [C] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué la somme de 2.921,16 euros d'indemnité compensatrice de préavis, outre 292,11 euros de congés payés afférents. Il sollicite en revanche l'infirmation du jugement afin que la société ATL faisant l'objet d'une procédure collective ne soit pas condamnée à verser cette somme mais que celle-ci soit fixée au passif de la liquidation judiciaire.
Le liquidateur de la société ATL et l'AGS concluent au débouté au motif que le contrat de travail a été transféré à la société ISS.
Conformément aux dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ATL la somme de 2.921,16 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice du préavis de deux mois, outre 292,11 euros bruts de congés payés afférents. Le jugement sera infirmé en conséquence.
* Sur l'indemnité légale de licenciement :
M. [C] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué la somme de 3.330,12 euros d'indemnité légale de licenciement. Il sollicite en revanche l'infirmation du jugement afin que la société ATL faisant l'objet d'une procédure collective ne soit pas condamnée à verser cette somme mais que celle-ci soit fixée au passif de la liquidation judiciaire.
Le liquidateur de la société ATL et l'AGS concluent au débouté au motif que le contrat de travail a été transféré à la société ISS.
Le quantum des sommes sollicitées par le salarié n'étant pas contesté par les parties dans leurs écritures, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ATL la somme de 3.330,12 euros à titre d'indemnité de licenciement.
* Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
M. [C] sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ATL à lui verser la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande à la cour de fixer au passif de la liquidation judiciaire de cette société la somme de 14.600 euros à ce titre.
Le liquidateur de la société ATL et l'AGS concluent au débouté au motif que le contrat de travail a été transféré à la société ISS.
Selon l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse, le juge octroie une indemnité au salarié. Cette indemnité, à la charge de l'employeur, ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Compte tenu de l'âge du salarié (57 ans) au moment de la rupture, de l'absence d'éléments produits concernant sa situation postérieure à celle-ci, de son ancienneté et de son salaire, il sera fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société ATL la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
* Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement:
M. [C] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a alloué la somme de 1.460,58 euros d'indemnité pour non-respect de la procédure. Il sollicite en revanche l'infirmation du jugement afin que la société ATL faisant l'objet d'une procédure collective ne soit pas condamnée à verser cette somme mais que celle-ci soit fixée au passif de la liquidation judiciaire.
Le liquidateur de la société ATL et l'AGS concluent au débouté au motif que le contrat de travail a été transféré à la société ISS
Selon les dispositions de l'article L. 1235-2 du code du travail, lorsque le salarié a au moins deux ans d'ancienneté dans une entreprise d'au moins 11 salariés, le non-respect par l'employeur de la procédure de licenciement peut uniquement être sanctionné si le licenciement a une cause réelle et sérieuse.
La rupture du contrat de travail s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, il ne sera pas fait droit à la demande indemnitaire de M. [C] au titre du non-respect de la procédure. Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur la demande reconventionnelle de garantie :
Le conseil de prud'hommes a condamné la société ISS à 'relever la société ATL Ouest France' à hauteur de 50% de la condamnation et à lui verser la somme de 10.501,99 euros'.
Le liquidateur de la société ATL demande à la cour de condamner la société ISS à le garantir de toutes les condamnations dont il pourrait faire l'objet à la demande du salarié. Il expose que la société ISS s'est engagée à reprendre la contrat de travail de M. [C].
La société ISS s'oppose à cette demande en indiquant qu'elle n'a commis aucune faute.
Il ressort des pièces versées aux débats que le dernier message adressé par la société ISS à la société ATL est un courriel du 25 septembre 2015 par lequel M. [K] [H], responsable d'agence de la société ISS, a indiqué à Mme [E], directrice des ressources humaines de la société ATL, que : 'suite à différents échanges internes, nous vous confirmons la reprise des salariés concernés par le marché Europcar'.
Il se déduit de ce dernier message que la société ISS s'est engagée à l'égard de la société ATL à reprendre l'ensemble des contrats de travail concernant la reprise du marché Europcar et notamment celui de M. [C].
Il est constant que le société ISS n'a réalisé aucune diligence à l'égard du salarié pour négocier la reprise de son contrat de travail dans le cadre d'une convention tripartite, les dispositions conventionnelles et légales permettant un transfert de plein droit du contrat de travail du salarié n'étant pas applicables en l'espèce, comme il a été dit dans les développements précédents.
Par suite, la société ISS a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société ATL.
En réparation du préjudice causé par les condamnations mises à la charge de cette dernière par le présent arrêt, la société ISS devra garantir le liquidateur de la société ATL à hauteur de la moitié du montant de ces condamnations, la société ATL ayant également commis une faute justifiant un partage de responsabilité en licenciant verbalement M. [C] sans s'assurer de la mise en oeuvre effective d'une convention tripartite entre ce dernier, elle et la société ISS.
Le jugement sera infirmé dans la mesure où il a condamné la société ISS à garantir la société ATL à hauteur de 10.501,99 euros alors qu'il ressort des développements précédents que la cour a fixé au passif de la liquidation judiciaire de cette société une somme totale de 18.543,4 euros et qu'ainsi la société ISS ne doit garantie qu'à hauteur de 9.271,7 euros.
Sur la demande de condamnation solidaire de la société ISS :
M. [C] demande à la cour de condamner solidairement la société ISS aux sommes mises à la charge de la société ATL.
La société ISS s'oppose à cette demande.
Il résulte des développements précédents et des pièces versées aux débats que la société ISS n'a jamais été l'employeur de la M. [C] et que celle-ci ne s'est pas engagée à l'égard de ce dernier à reprendre son contrat de travail. Au contraire, il est constant que le 23 septembre 2015, la société ISS a indiqué à M. [C] qu'elle ne reprenait pas son contrat de travail.
Par suite, la demande de condamnation solidaire du salarié sera rejetée et le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur les demandes accessoires :
L'AGS ne conteste pas sa garantie, dans la limite de ses plafonds et des dispositions conjointes des articles L. 3253-6 et suivants à L. 3253-17 du code du travail. Le présent arrêt est déclaré opposable à l'AGS, dans les limites de sa garantie conformément aux dispositions légales applicables.
Il ne sera pas fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
La société ATL en liquidation supportera les dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement, en dernier ressort, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- condamné la société ATL Ouest France à verser à M. [D] [C] des sommes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- condamné la société ISS Facility Services venant aux droits de la société ISS Propreté à relever la société ATL Ouest France à hauteur de 50% de la condamnation et à lui verser la somme de 10.501,99 euros,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
FIXE la créance de M. [D] [C] au passif de la société ATL Ouest France aux sommes suivantes :
- 12.000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 3.330,12 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 2.921,16 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 292,11 euros bruts de congés payés afférents,
RAPPELLE que le jugement d'ouverture de la procédure collective emporte arrêt du cours des intérêts,
CONDAMNE la société ISS Facility Services venant aux droits de la société ISS Propreté à garantir Me [O] [W], agissant en qualité de liquidateur de la société ATL Ouest France, du paiement de la moitié des sommes fixées au passif de cette société au titre du présent arrêt,
DECLARE le présent arrêt opposable à l'Unedic Délégation AGS - Centre de gestion et d'études AGS (CGEA) d'Ile-de-France Ouest dans les limites de sa garantie légale,
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
MET les dépens d'appel à la charge de la société en liquidation.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.