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06/10/2022 | FRANCE | N°19/07078

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 06 octobre 2022, 19/07078


Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022



(n° 2022/ , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07078 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFYY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/03518





APPELANT



Monsieur [B] [V]

[Adresse 1]

[

Localité 2]



Représentée par Me Pascale TRAN, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC001



INTIMEE



SA LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 3]



Représentée par Me Carine KALFON, avocat...

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 06 OCTOBRE 2022

(n° 2022/ , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07078 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAFYY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Mai 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 17/03518

APPELANT

Monsieur [B] [V]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Pascale TRAN, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC001

INTIMEE

SA LA POSTE

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Carine KALFON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0918

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Nelly CAYOT, Conseillère

Madame Lydie PATOUKIAN, Conseillère

Greffier : Madame Juliette JARRY, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée à effet au 15 janvier 1996, M. [B] [V] a été engagé par la société Delta diffusion en qualité de responsable commercial. Par contrat de travail à effet au 1er janvier 2010, il a été engagé par la société Sofipost, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la société La Poste en qualité de directeur général de STP, filiale de Sofipost avec reprise d'ancienneté au 15 janvier 1996, statut cadre dirigeant. Par convention tripartite à effet au 1er janvier 2012, M. [V] a été mis à disposition de la société Viapost, par son employeur la société Sofipost pour occuper les fonctions de directeur général de la société Viapost pour une durée indéterminée. Dans le dernier état de la relation contractuelle, il percevait une rémunération mensuelle brute de 24 686 euros, outre une rémunération variable fonction des objectifs et d'une sur-performance exceptionnelle.

M. [V] bénéficiait également d'un mandat social de directeur général de la société Viapost dont il a été révoqué le 6 octobre 2016, par décision de l'assemblée générale de l'associé unique la société Sofipost.

Par courrier du 6 octobre 2016, reçu en main propre le même jour, la société Sofipost a notifié à M. [V] la fin de la convention de mise à disposition.

Il a été dispensé d'activité par courrier du 7 octobre 2016, reçu en main propre le même jour.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 novembre 2016, M. [V] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 5 décembre 2016 et s'est vu notifier son licenciement pour insuffisance professionnelle par courrier adressé sous la même forme le 3 janvier 2017, reçu le 11 janvier 2017.

La société La Poste emploie au moins onze salariés.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 9 mai 2017 afin d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail. Par jugement du 14 mai 2019 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a :

- fixé la moyenne mensuelle brut des salaires à 24 686 euros,

- condamné la société La Poste venant aux droits de la société Sofipost, son ancien employeur, au paiement des sommes suivantes :

* 34 500 euros au titre du rappel de primes 2015,

* 72 000 euros au titre du rappel de primes 2016,

* 38 322 euros au titre du rappel de primes 2017,

* 78 587,77 euros au titre du complément d'indemnité contractuelle de rupture,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* remise d'un bulletin de paie conforme au jugement,

avec intérêt de droit à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation et jusqu'au jour du paiement,

- débouté M. [V] du surplus de ses demandes,

- condamné la société La Poste aux dépens.

M. [V] a régulièrement relevé appel du jugement le 12 juin 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions d'appelant n° 2, transmises par voie électronique le 10 mars 2020 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] prie la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué les sommes suivantes :

* 34 500 euros au titre du rappel de primes 2015,

* 72 000 euros au titre du rappel de primes 2016,

* 38 322 euros au titre du rappel de primes 2017,

* 78 587,77 euros au titre du complément d'indemnité contractuelle de rupture,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- dire que le licenciement ne repose sur aucun motif d'insuffisance professionnelle et donc aucune cause réelle et sérieuse,

- condamner la société La Poste au paiement des sommes suivantes :

* 592,464 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.

* 168 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral lié aux conditions de la rupture,

* 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [V] fait en substance valoir que son licenciement est la conséquence d'une réorganisation au sein de l'entreprise et ne repose pas sur une insuffisance professionnelle et qu'il n'a pas perçu la totalité de la rémunération variable à laquelle il avait droit.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée transmises par voie électronique le 30 septembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société La Poste prie la cour de :

- confirmer le jugement en qu'il a considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse et a débouté M. [V] de ses demandes d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour le préjudice moral lié aux conditions de la rupture,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de rappels de primes sur les années 2015 à 2017 et d'un complément d'indemnité contractuelle de rupture,

Statuant de nouveau,

- débouter M. [V] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- le condamner en tous les dépens.

La société La Poste fait valoir que M. [V] n'a pas répondu à ses attentes, qu'un rapport d'audit interne était particulièrement accablant sur son action et que la réorganisation du groupe est étrangère à son licenciement.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 octobre 2021.

MOTIVATION :

Sur le bien-fondé du licenciement :

L'article L. 1235-1 du code du travail dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié. Ainsi l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

L'incompétence ou l'insuffisance professionnelle d'un salarié se manifeste par sa difficulté à exercer correctement sa prestation de travail, quelle que soit sa bonne volonté et peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement si elle fait l'objet d'une appréciation objective. Il n'est pas nécessaire que l'inadaptation à l'emploi ou l'incompétence du salarié se soient traduites par une faute. Il importe cependant que les insuffisances alléguées par l'employeur se soient manifestées par des éléments extérieurs, par des anomalies de nature à entraver la bonne marche de l'entreprise, et susceptibles de vérifications objectives.

Au vu de la lettre de licenciement fixant les limites du litige, il est formé à l'encontre de M. [V] les reproches suivants :

Alors qu'il avait pour fonction de dynamiser l'activité commerciale afin de développer un chiffre d'affaires rentable de Viapost et de ses filiales, notamment VLC, et malgré les moyens matériels et humains mis à sa disposition, il a échoué dans la réalisation de cette mission et n'a pas su proposer et mettre en oeuvre des plans de développement clairs, finalisés rigoureux et viables. La société La Poste cite le business plan élaboré en 2016 affichant l'ambition d'atteindre un résultat d'exploitation (REX) au même niveau que celui de 2015 mais ayant révélé un écart de performance très important et explique qu'un point de situation a mis en exergue des éléments montrant :

- une situation financière catastrophique et un seuil de rentabilité non atteint,

- une marge sur coût directe non optimisée,

- des charges d'exploitation très importantes,

- une structure de coût en total décalage avec le marché actuel,

L'employeur fait également état d'une 'gestion des ressources humaines particulièrement défaillante et inquiétante'avec :

- un taux d'accidents du travail trés élevé et supérieur à celui du taux de fréquence constaté sur le marché,

- des taux d'intérim très importants,

- un taux d'absentéisme alarmant.

Il est encore reproché à M. [V] de ne pas avoir su piloter l'activité transport dont la marge est restée très faible quand bien même le chiffre d'affaires a été maintenu.

L'employeur déplore aussi qu'aucune synergie n'a été créée avec les services du groupe La Poste notamment Colissimo pour asseoir leur force et avoir un discours cohérent.

Il indique que les clients sont à l'abandon et que le chiffre d'affaires apporté par les nouveaux clients ne compense pas la fuite de ceux qui ont quitté La Poste en 2016.

Il fait état du grand nombre de litiges clients, de l'état de délabrement d'un bâtiment à [Localité 5].

Enfin, il est reproché à M. [V] de n'avoir pas atteint les objectifs 2016 et de ne pas avoir su capter une partie de la croissance du marché de l'e-commerce, d'avoir manqué d'anticipation et de transparence, et d'avoir dissimulé son insuffisance en gonflant artificiellement le chiffre d'affaires de la société VLC en faisant transiter des factures des structures VTM ou VI sur les comptes de la société VLC alors que cette dernière n'avait fourni aucune prestation., citant en exemple :

- Colis éco-habillement pour un chiffres d'affaires de 8 millions d'euros, alors que cette activité n'a été ni dévolue ni réalisée par la société VLC,

- factures pour une prestation Lean jamais réalisée ayant eu pour effet de gonfler artificiellement le résultat d'exploitation de 2,2 millions d'euros en 2015 et de 1 million d'euros en 2014.

La société La Poste verse aux débats :

- le plan prévisionnel présenté devant le comité d'orientation le 3 décembre 2015, prévoyant page 4 un résultat d'exploitation semblable à celui de l'année précédente,

- le commentaire mensuel établi en mars 2016 faisant le constat de ce que pour un chiffre d'affaires de 44,67 M euros réalisé alors que le prévisionnel était de 44,4, le résultat est en retrait de 0,9M€ comparé au budget et de -3,5M€ comparé à 2015,

- le commentaire mensuel de juin 2016, qui fait apparaître un résultat d'exploitation de 0,5% en plus par rapport au budget et de -4,3M€ par rapport à 2015,

- le commentaire mensuel de septembre 2016 qui fait quant à lui apparaître un résultat net d'exploitation de + 0,8 % par rapport au budget et de -3,6M€ par rapport à 2015,

- le dossier du comité d'orientation du 22 février 2017 faisant apparaître que le chiffre d'affaires est en régression de -3,3 % par rapport à 2015 et de - 3,9% par rapport au budget, ceci étant lié à l'activité transport qui décroît alors que l'activité logistique croît, que la marge des coûts directs est inférieure de 3M€ par apport à 2015 et inférieure au budget et un REX de -21 877 alors qu'il était de 200 dans le budget et de -4 755 en 2015.

Par ailleurs, la société La Poste communique un rapport d'audit et le rapport du cabinet Deloitte concernant le projet de revue du plan 2017-2023 qui relève les erreurs reprises dans la lettre de licenciement et qui sont corroborées s'agissant de l'insatisfaction des clients et de leur départ par des courriers de résiliation contractuelle de plusieurs d'entre eux (Séphora, Nocibe, l'Avant gardiste pour exemples).

De son côté, M. [V] conteste l'insuffisance professionnelle qui lui est reprochée en rappelant son parcours exemplaire jusqu'en 2015 et en soutenant qu'en réalité son licenciement est une révocation pure et simple de ses mandats et qu'il cache un motif économique dés lors que :

- la société Sofipost disparaissait et que le nouveau directeur général nommé n'avait plus du tout les mêmes attributions que lui ainsi que cela ressort du document reprenant le management sous la direction générale de Viapost faisant apparaître entre 2015 et 2017 la disparition de plusieurs structures, dont la cour relève qu'il n'est pas critiqué par le société La Poste,

- la société La Poste n'a fait aucun effort pour lui procurer de nouvelles fonctions au sein du groupe suite à la révocation de ses mandats, et la cour relève qu'il n'est effectivement pas justifié des efforts de la Poste en ce sens dès lors que M. [V] a été immédiatement dispensé d'activité et qu'aucune démarche n'est démontrée,

- l'employeur a commencé à lui faire des difficultés en refusant de lui verser la prime afférente à l'année 2015 alors qu'en entretien d'évaluation il lui avait été dit que ses objectifs étaient atteints. A cet égard, la cour relève que si le compte rendu de cet entretien n'est pas communiqué, la société La Poste n'apporte aucun démenti à la lettre de M. [V] du 9 septembre 2016 dans laquelle il affirme que M. [Y] lui a indiqué que les objectifs 2015 avaient été atteints et qu'il recevrait son variable non pas en janvier comme les années précédentes mais en avril ou en mai,

- un client très important SPARTCOO a quitté Le Poste mais non pour aller à la concurrence mais pour créer sa propre logistique ce qui a entraîné une grosse perte de chiffre d'affaires,

- le turn-out des clients est un standard du métier,

- l'audit au cabinet Deloitte a été mené sans qu'il soit interrogé,

- la société VLC ne représentait que 20% de son activité et La Poste ne conteste pas l'atteinte de ses objectifs sur 80% de son périmètre.

M. [V] s'appuie sur un courrier de sa part dans lequel il a contesté son licenciement, faisant valoir à juste titre que :

- il n'était plus en fonction à compter du mois d'octobre 2016,

- directeur général depuis 2004, il n'a jamais fait l'objet de la moindre remarque sur son insuffisance professionnelle,

- il n'a pas eu d'objectifs notifiés pour l'année2016 puisque les derniers objectifs lui ont été fixés en avril 2015,

- il a mis en place le plan performance organisé en trois modules, chiffré, faisant l'objet d'un suivi permanent des équipes de VLC,

- il a été transparent et a rapporté aux instances dirigeantes en fonction de leurs demandes,

- il n'a jamais eu une quelconque volonté de dissimulation ou de maquillage de chiffres ; il n'a en aucun cas gonflé ou maquillé les chiffres tout a été mené en plein accord avec la stratégie et la politique à mener, les prestations facturées par VLC aux filiales de La Poste l'ont toujours été avec la parfaite connaissance et l'accord du groupe,

- le troisième trimestre 2016 s'est écoulé dans une situation de flou, la directrice générale de VLC ayant pour sa part été informée qu'il était mis fin à ses fonctions, lui-même étant informé en juin 2016 que VLC serait désormais rattachée à un membre du comex,

- il ne peut lui être reproché son management compte tenu de son ancienneté étant précisé que la responsabilité opérationnelle de VLC ne lui incombait pas directement mais à la directrice générale qui reportait au directeur des opérations de Viapost puis ensuite à lui,

-- la gestion en intérim relevait d'un choix stratégique de prudence compte tenu des transferts de clients significatifs,

- s'agissant du transport, les négociations très tendues avec le premier fournisseur de VLC n'ont pas permis de développer la rentabilité du groupe sur ce secteur,

- s'agissant du bâtiment à [Localité 5], l'ancien propriétaire, ancien dirigeant de la société Orium qui a intégré le groupe n'a pas mené les travaux de conformité de sorte que ceux-ci ont été instruits et menés par VLC jusqu'au 7 septembre 2016.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la carrière de M. [V] au sein du groupe a été exemplaire et reconnue comme telle de sorte que la société La Poste ne peut valablement lui reprocher son management ou ses choix en matière de recrutement du personnel alors qu'elle connaît ses méthodes et les a approuvées en lui notifiant primes et augmentations depuis prés de 15 ans. Par ailleurs la volonté de dissimulation et de maquillage des chiffres alléguée qui relève plus d'une faute disciplinaire que d'une insuffisance professionnelle n'est pas établie alors que de son côté M. [V] fait valoir que tout s'est toujours déroulé en accord avec les instances dirigeantes du groupe et sous leur contrôle. D'autre part, la cour relève que les mauvais résultats de la société ne peuvent valablement être reprochés à M. [V] alors que l'employeur n'est pas en mesure de justifier des objectifs donnés. Enfin, aucun élément des débats n'établit que le business plan établi par M. [V] était irréaliste et relevait de son incompétence alors que de son côté, il met en avant sans être critiqué par la société la Poste ses réussites parallèles sur une part de son activité représentant 80% de celle-ci et les difficultés provoquées par la réorganisation des structures ainsi que la disparition de la société Sofipost.

La cour considère qu'ainsi la société La Poste échoue à fournir des éléments permettant à la cour de caractériser objectivement l'insuffisance professionnelle reprochée à M. [V]. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes de rappel de primes :

La société La Poste sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il a alloué à M. [V] une somme de 34 500 euros au titre du rappel de prime 2015. M. [V] quant à lui sollicite sur ce point la confirmation du jugement. La société La Poste n'établit pas que M. [V] n'avait pas réalisé la totalité de ses objectifs et reste taisante sur le non-versement de la totalité de la prime de sorte que la cour fait droit à la demande présentée et confirme le jugement de ce chef.

S'agissant de l'année 2016, il n'est pas contesté par la société La Poste que les objectifs n'ont pas été fixés de sorte que comme elle le fait valoir il convient de retenir les objectifs fixés pour l'exercice précédent. L'employeur soutient que l'insuffisance professionnelle de M. [V] justifie la non atteinte des objectifs mais la cour n'ayant pas retenu que l'insuffisance professionnelle de M. [V] était caractérisée considère qu'il est fondé à réclamer le paiement de la prime et fait droit à sa demande, confirmant le jugement en ce qu'il lui a alloué de ce chef une somme de 72 000 euros.

Pour l'année 2017, au prorata de la présence de M. [V] dans l'entreprise et toujours sur la base des objectifs de l'année 2015, la cour fait droit à la demande de M. [V] pour les mêmes motifs et condamne la société La Poste à lui verser une somme de 38 322 euros à titre de rappel de prime. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Employé depuis plus de deux ans dans une entreprise occupant au moins onze salariés, M. [V] doit être indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse à hauteur d'une somme qui ne peut être inférieure à ses salaires des six derniers mois en application de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa version applicable au litige, en vigueur au moment du licenciement. Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise (20 ans), son âge au moment du licenciement (né en 1962), au montant de sa rémunération des six derniers mois (moyenne mensuelle à 28 519,35 euros brut), aux circonstances du licenciement, à ce qu'il justifie de sa situation postérieure à la rupture, la cour condamne la société La Poste à lui verser la somme de 350 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a débouté de ce chef de demande.

Sur le rappel d'indemnité contractuelle de rupture :

L'article 9 du contrat de travail de M. [V] met à la charge de l'employeur en cas de rupture du contrat de travail pour un motif autre que la faute grave ou lourde une indemnité d'un montant de '10 mois de salaire brut théorique (fixe plus variable)' portée à douze mois dans l'hypothèse où la clause de non concurrence ne serait pas versée au salarié. Il précise aussi que la prime sera réduite du montant du salaire correspondant à la durée du préavis qui ne serait pas effectué.

M. [V] sollicite la confirmation du jugement qui a condamné la société La Poste à lui verser un rappel d'indemnité à ce titre, tenant compte du rappel de prime intervenu et de la libération de la clause de non concurrence à hauteur de la somme de 78 587,77 euros. C'est vainement que la société La Poste s'oppose à la demande en faisant valoir que la prime variable n'était pas due dès lors que la cour a fait droit à la demande présentée en ce sens. Le jugement est donc confirmé de ce chef.

Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral :

M. [V] fait valoir qu'il a été révoqué de tous ses mandats, dispensé d'activité et a vécu cette mise à l'écart comme une mise à pied disciplinaire et sollicite une somme de 168 000 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Il ne justifie cependant pas d'un préjudice distinct de celui qui a été indemnisé au titre des circonstances de la rupture étant précisé qu'il n'a pas été mise à pied et que la révocation du mandat ne relève pas de l'appréciation du juge prud'homal. Il est débouté de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 17 mai 2017. Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

Il est fait d'office application de l'article L. 1235-4 du code du travail et la société La Poste doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [V] depuis son licenciement dans la limite de six mois.

La société La Poste, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [V] des frais exposés par lui et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de la somme déjà allouée en première instance, sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [B] [V] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant :

CONDAMNE la société La Poste à verser à M. [B] [V] la somme de 350 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation soit le 17 mai 2017 et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce,

CONDAMNE la société La Poste à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à M. [B] [V] depuis son licenciement dans la limite de six mois,

DÉBOUTE M. [V] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de la société La Poste,

CONDAMNE la société La Poste aux dépens et à verser à M. [B] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/07078
Date de la décision : 06/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-06;19.07078 ?
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