Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRET DU 06 OCTOBRE 2022
(n° , 1 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/09237 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAR37
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mars 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F 17/04612
APPELANTE
Madame [H] [B]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Grégoire HERVET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0621
INTIMEE
SAS CONSTRUCTION [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Antoine GOURDET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0557
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Marie-Hélène DELTORT, Présidente de chambre
Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Lucile MOEGLIN
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute a été remise par la magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Mme [H] [B] a été engagée par la société Construction [O] (ci-après désignée la société CV) par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein non formalisé en qualité de Négociateur VEFA à compter du 1er avril 2015.
Les relations contractuelles ont été soumises à la convention collective de la promotion immobilière.
A compter du 28 janvier 2016, Mme [B] a fait l'objet de manière continue d'arrêts maladie pour surmenage.
Mme [B] a été convoquée le 12 février 2016 à un entretien préalable fixé le 24 février 2016 en vue d'un éventuel licenciement qui lui a été notifié le 29 février 2016 pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le16 juin 2017 aux fins d'obtenir la condamnation de la société CV à diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 7 mars 2019, le conseil de prud'hommes a :
Dit le licenciement abusif,
Condamné la société CV à verser à Mme [B] les sommes suivantes :
- 16.428 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.642,80 euros de congés payés afférents,
Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliationn
Ordonné la remise de l'attestation Pôle emploi, du certificat de travail et du bulletin de paye de février 2016, conformes au jugement,
Rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, cette moyenne étant fixée à la somme de 5.476 euros bruts,
- 12.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
Avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté Mme [B] du surplus de ses demandes,
Débouté la société CV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la société CV aux dépens.
Le 30 août 2019, Mme [B] a interjeté appel de ce jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 10 février 2022, elle demande à la cour de :
La dire recevable et bien fondée en son appel, fins et conclusions et y faire droit,
Dire la société CV irrecevable et mal fondée en son appel incident et la débouter de l'intégralité de ses demandes et prétentions,
Ce faisant,
Sauf en ce qui concerne le quantum des condamnations, confirmer le jugement en ce qu'il a :
- jugé abusif le licenciement entrepris
- condamné la société CV à lui verser une indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité de congés payés afférent avec intérêts légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
- condamné la société CV à lui verser des dommages et intérêts pour rupture abusive avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- condamné la société CV à s'acquitter d'une somme de 900 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société CV aux dépens,
- ordonné la remise des documents de fin de contrat conformes,
- condamné la société CV aux dépens,
Infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée des demandes suivantes :
- dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de loyauté contractuelle,
- dommages et intérêts en raison de la discrimination salariale,
- rappel de commissions et congés payés y afférents,
- rappel d'indemnités kilométriques,
- rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,
Puis statuant à nouveau,
Fixer le salaire de référence à la somme de 11.648,71 euros,
Condamner la société CV à lui payer les sommes suivantes :
- en indemnisation du préjudice moral et de santé subi en raison des manquements de l'employeur à son obligation de loyauté : 30.000 euros,
- en indemnisation du préjudice moral et de santé subi pour harcèlement moral : 30.000 euros,
- en indemnisation du préjudice moral et de santé subi pour atteinte à la dignité de la personne et discrimination : 30.000 euros,
- en indemnisation du préjudice moral et de santé subi pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité : 30.000 euros,
- au titre de la commercialisation du programme immobilier [Adresse 4] : à titre de principal la somme de 81.081,5 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice financier subi du fait des manquements de l'employeur à son obligation de loyauté et/ou pour discrimination salariale et/ou en application de la règle « à travail égale salaire égal » et subsidiairement à titre de salaire la somme de 73.710,48 euros outre la somme de 7.371,04 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférent et à titre subsidiaire,
- au titre de la commercialisation du programme immobilier [Adresse 5] : à titre de principal à titre de salaire la somme de 20.672 euros outre la somme de 2.067 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférent et à titre subsidiaire la somme de 22.739 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice financier subi du fait des manquements de l'employeur à son obligation de loyauté et/ou pour discrimination salariale et/ou en application de la règle « à travail égale salaire égal »,
- au titre de rappel d'indemnités compensatrice de congés payés : 2.633,82 euros,
- en paiement des indemnités de frais kilométriques : 6.732 euros,
- en indemnisation du préjudice financier subi du fait du licenciement entrepris : 200.000 euros,
- en indemnisation du préjudice moral subi du fait du licenciement entrepris : 30.000 euros,
- en indemnisation du préjudice de santé subi du fait du licenciement entrepris : 100.000 euros,
- au titre de l'article 700 du code de procédure civile : 10.000 euros,
Ordonner que les condamnations sur les salaires et les indemnités kilométriques soient assorties des intérêts légaux à compter de la saisine du bureau de conciliation et ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil,
Ordonner la remise de documents sociaux conformes à l'arrêt à intervenir (attestation pôle emploi, solde de tout compte, bulletin de paie),
Condamner la société CV aux dépens dont distraction au profit de Maître Sophie Pourrut Capdeville, avocate au barreau de PARIS, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 12 février 2020, la société CV demande à la cour de :
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé abusif le licenciement pour faute grave de Mme [B],
Statuant à nouveau,
Débouter Mme [B] de ses demandes en indemnités compensatrices, de préavis, de congés payés sur préavis et en dommages et intérêts pour licenciement abusif,
A titre subsidiaire,
Dire et juger que le licenciement est fondé sur des motifs réels et sérieux et de débouter Mme [B] de sa demande en dommages et intérêts,
A titre plus subsidiaire,
Dire et juger que Mme [B] ne justifie pas d'un préjudice quelconque et réduire la somme allouée à titre de dommages et intérêts à de plus justes proportions,
Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [B] de l'ensemble de ses autres demandes,
Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à Mme [B] la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner Mme [B] à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L'instruction a été déclarée close le 16 mars 2022.
MOTIFS :
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail :
Mme [B] expose qu'elle a été approchée par le cabinet de recrutement Michael Page alors qu'elle était employée par la société Didot, ayant pour nom commercial Connexion Immobilier, en qualité de négociateur en immobilier pour un éventuel recrutement par la société CV. A l'issue d'un entretien d'embauche du 27 mars 2015 avec M. [O], président de la société CV, elle indique que celui-ci lui a adressé, par courrier du 1er avril 2015, une promesse d'embauche en qualité de négociateur VEFA.
Mme [B] précise qu'elle a mis fin à son contrat de travail avec la société Didot en raison des promesses de rémunération qui lui ont été faites oralement par M. [O] lors de l'entretien d'embauche et qu'elle a ainsi intégré la société CV à compter du 1er avril 2015.
Elle reproche à l'employeur de ne pas avoir tenu ses promesses et de ne pas lui avoir remis malgré ses nombreuses demandes en ce sens son contrat de travail formalisant:
- les accords oraux pris lors de l'entretien d'embauche,
- son droit à rémunération,
- son périmètre commercial d'intervention et ses missions.
Mme [B] reproche également à l'employeur :
- de ne pas lui avoir donné l'exclusivité sur le programme immobilier [Adresse 4] comme il s'y était engagé pendant l'entretien d'embauche, d'autres commerciaux de l'entreprise étant intervenus sur ce programme entre avril et mai 2015,
- de ne pas lui avoir indiqué avant son embauche qu'un recours en annulation du permis de construire relatif à ce programme était pendant depuis mars 2015, tout en précisant qu'elle n'aurait pas quitté son emploi au sein de la société Didot si elle avait connu l'existence de ce litige,
- de ne pas avoir informé les clients du programme immobilier [Adresse 4] de ce contentieux alors qu'elle était affectée à ce programme et de lui avoir interdit de le faire,
- de ne pas avoir précisé les modalités de la prime d'objectif mentionné dans sa promesse d'embauche.
Compte tenu de ces manquements, elle sollicite la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice moral et de santé qu'elle a ainsi subi.
En défense, l'employeur conclut au débouté de cette demande en se contentant d'affirmer que la dégradation de l'état de santé de Mme [B] n'était pas due à son fait et que la prime qui lui a été accordée en 2015 témoigne de sa bonne volonté.
***
En vertu de l'art. L 1222-1 du Code du Travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
***
En premier lieu, il ressort des courriels de Mme [B] versés aux débats et notamment de celui du 4 novembre 2015 (pièce 8.47) que celle-ci a demandé à plusieurs reprises à l'employeur la formalisation de son contrat de travail afin que les éléments de sa rémunération soient précisément définis. Or, la société ne justifie pas de l'établissement d'un contrat de travail écrit, se bornant à produire un projet de contrat daté de décembre 2015 et non signé des parties (pièce 26). Si elle indique que Mme [B] a refusé de signer le projet de contrat produit, la cour constate que celui-ci n'est pas signé de l'employeur et qu'il n'est nullement justifié par les éléments versés aux débats qu'il a été présenté à la signature de la salariée. Il s'en déduit que l'employeur a ainsi exécuté de manière déloyale le contrat de travail.
En deuxième lieu, il ressort des éléments versés aux débats que le seul engagement contractuel de l'employeur à l'égard de la salariée réside dans la promesse d'embauche transmise à celle-ci par courrier du 1er avril 2015 (pièce 6.3) et selon laquelle la société s'engage à verser à Mme [B]: 'un salaire mensuel brut de 1.500 euros sur douze mois, le statut cadre, un coefficient sur les ventes de 0,4, une carte essence, l'application de l'article 83 concernant (son) épargne salariale et une prime à l'objectif réévaluée de manière annuelle'.
Or, il ne ressort ni de ce courrier ni du projet de contrat de travail précité ni d'aucune autre pièce versée aux débats que la société CV s'est engagée, même oralement pendant l'entretien d'embauche, à confier à l'appelante l'exclusivité du programme [Adresse 4] ou à lui attribuer dès sa prise de fonction. Au contraire, il ressort du courriel du 22 mai 2015 (pièce 8.12) produit par la salariée que celle-ci n'a été affectée à ce programme qu'à compter de cette date, soit postérieurement à sa démission de la société Didot et à sa prise de fonction au sein de la société CV, le 1er avril 2015. Par suite, Mme [B] ne peut reprocher à l'employeur que d'autres commerciaux soient intervenus sur ce programme avant sa désignation prenant effet le 22 mai 2015.
De même, si Mme [B] établit que l'employeur avait connaissance dès le 26 mars 2015 d'un recours en annulation du permis de construire relatif au programme immobilier [Adresse 4] (pièce 8.3) et qu'elle affirme sans être contredite par la société que celle-ci ne l'a informée de l'existence de ce contentieux qu'en juin 2015, la cour constate que l'employeur n'a commis aucune faute à son égard en ne l'informant pas de ce litige avant son recrutement dans la mesure où il ne résulte d'aucun élément versé aux débats que la société s'est engagée avant son recrutement à lui confier ce programme ou que la salariée a conditionné son embauche à l'affectation exclusive à son profit dudit programme.
Enfin, Mme [B] soutient que l'employeur a menti aux clients en ne les informant pas du recours en annulation susmentionné et que la société l'a également obligée à mentir à ce sujet.
A l'appui de ses allégations, elle produit :
- un courrier du 18 février 2016 par lequel M. [O] a indiqué à un client ayant effectué une réservation sur le programme immobilier [Adresse 4] que la société se portera acquéreur du terrain au mois d'avril 2016 et qu'elle l'informera de la date de signature de l'acte authentique,
- un courriel du 22 décembre 2015 par lequel M. [O] a demandé à Mme [B] de ne pas informer les clients du programme [Adresse 4] de l'existence du recours contentieux (pièces 8.53 à 8.55),
- un jugement du 10 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a annulé le permis de construire concerné.
Il s'en déduit que Mme [B] établit que l'employeur lui a imposé de ne pas informer ses clients de l'existence d'un contentieux sur le permis de construire sans qu'aucune raison légitime ne soit invoquée par la société dans ses écritures ou n'apparaisse dans les éléments versés aux débats. Par suite, l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail.
En troisième lieu, Mme [B] reproche à l'employeur de ne pas avoir formalisé l'engagement oral qu'il lui avait fait au cours de l'entretien d'embauche et ainsi rappelé dans le courriel qu'elle a adressé à la société le 4 novembre 2015 (pièce 8.47): 'Par la présente, je vous réitère ma demande de contrat de travail. Je souhaiterais que celui-ci reprenne nos engagements verbaux depuis avril dernier, à savoir :
- la commission sur les ventes passant de 0.4% à 1% en cas de réalisation d'une dizaine de ventes par mois,
- la prime trimestrielle en cas de réalisation de plus de trois ventes par mois pendant trois mois consécutifs au moins,
- la prime exceptionnelle en cas d'obtention de la GFA par bâtiment avant le 31/12/2015 pour le programme de [Adresse 4],
- la prime exceptionnelle pour avoir traité avec succès le programme [Adresse 5] (nouvelles ventes+signature des clients d'AP chez Notaire),
- la rétrocession de 50% de toutes les sommes facturées au courtier empruntis (ou tout autre courtier) au titre de mon activité d'apporteur de clients pour les prêts souscrits. J'en profite pour vous informer que Meilleur taux devrait me verser le chèque cadeau au titre du contrat de prêt souscrit par ma cliente Mme [U] dont la simulation financière a été subtilisée par GP lors de la signature du contrat de réservation en avril dernier'.
Toutefois, il ne ressort ni de la promesse d'embauche susmentionnée ni du projet de contrat de travail précité ni d'aucune autre pièce versée aux débats que la société CV a pris ces engagements envers la salariée lors de l'entretien d'embauche. Par suite, Mme [B] n'établit pas que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en ne les formalisant pas dans un écrit.
En quatrième et dernier lieu, l'employeur ne justifie par aucune pièce contractuelle versée aux débats des modalités de détermination du montant de la prime d'objectif qu'il s'est engagé à verser à la salariée dans sa promesse d'embauche, ainsi que des modalités d'attribution à Mme [B] des programmes immobiliers malgré les demandes de formalisation du contrat de travail de cette dernière. Par suite, l'employeur a ainsi exécuté de manière déloyale le contrat de travail.
***
Il résulte de ce qui précède que l'employeur a exécuté de manière déloyale le contrat de travail en :
- ne formalisant pas un contrat de travail définissant les modalités de la prime d'objectif mentionnée dans la promesse d'embauche et des affectations des programmes immobiliers à la salariée, malgré les demandes en ce sens de celle-ci,
- en imposant sans motif légitime à Mme [B] de ne pas informer ses clients de l'existence d'un recours en annulation du permis de construire relatif au programme immobilier [Adresse 4].
Il sera ainsi accordé à Mme [B] la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de ces manquements.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le harcèlement moral :
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d'altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L.1154-1 de ce même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit ou présente des faits, selon qu'ils sont antérieurs ou postérieurs à la loi du 8 août 2016, qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Mme [B] reproche à l'employeur un management inadapté qui a eu pour effet de l'isoler par rapport aux autres salariés. Elle lui reproche également de n'avoir pris aucune mesure de nature à faire cesser les faits de harcèlement dont elle a fait l'objet de la part de ses collègues. Elle sollicite la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral et de santé subi en raison des faits de harcèlement moral dénoncés.
L'employeur ne produit dans ses écritures aucun argumentaire en défense sur ce point.
En l'espèce et en premier lieu, Mme [B] reproche à la société CV de l'avoir affectée le 5 juin 2015 sur le programme immobilier [Adresse 5] en remplacement de M. [V], tout en retirant la veille les droits d'accès de ce dernier audit programme, l'empêchant ainsi de transmettre les informations utiles à sa remplaçante.
Ces faits, non contestés par l'employeur dans ses écritures, sont établis par l'échange de mails des 17 et 21 juillet 2015 produit par la salariée (pièce 8.20) dans lequel M. [V] a indiqué à Mme [B] : 'Ce programme [Adresse 5] m'a été retiré le 4 juin 2015 et t'a été confié dès le lendemain matin. Dès ce moment, je n'ai plus eu mes accès informatiques pour travailler. J'ai prévenu la direction le jour-même, je n'ai pas eu de réponse. Je peux comprendre que cela te complique la vie mais c'est pourtant pas compliqué à comprendre'.
En deuxième lieu, Mme [B] reproche à l'employeur de lui avoir demandé d'auditer le travail de deux salariés, [F] et [Y] [V], alors que ceux-ci étaient toujours en poste.
Ces faits, non contestés par l'employeur, sont établis par les échanges de courriels entre ce dernier et Mme [B] (pièces 8.14 à 8.48).
En troisième lieu, Mme [B] indique qu'elle a fait l'objet de brimades de la part de ses collègues.
Toutefois, ces faits qui ne sont pas reconnus par l'employeur ne sont pas établis par les éléments versés au dossier.
En quatrième lieu, Mme [B] indique que ses collègues refusaient de répondre à ses demandes d'information, que la comptable a adressé à tous les salariés de l'entreprise sauf elle un courriel informant le personnel de la fermeture de l'entreprise le 14 mai 2015, qu'elle n'était pas destinatrice du message de lancement du programme [Adresse 6] contrairement aux autres salariés et que M. [V] a diffusé sur le serveur commun le tableau de ses commissions alors qu'il s'agissait d'informations confidentielles propres à chaque commercial.
Ces faits, non contestés par l'employeur dans ses écritures, sont établis par les nombreux échanges de courriels versés aux débats.
En cinquième et dernier lieu, il ressort des courriels produits que les faits précités ont été systématiquement dénoncés à l'employeur par la salariée. Plus généralement d'ailleurs, il est versé aux débats un courriel du 30 juillet 2015 par lequel Mme [B] a indiqué à M. [O] : 'dans un contexte hostile, méprisant et insolent à mon égard, je ne suis pas sûre de vouloir continuer au sein de votre entreprise'.
Or, il n'est allégué, ni justifié par la société CV qu'elle a pris des mesures de nature à protéger la salariée des faits qu'elle a ainsi dénoncés. L'absence de réaction de l'employeur est donc matériellement établie.
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Sur la dégradation de ses conditions de travail, Mme [B] se fonde sur :
- les arrêts de travail dont elle a bénéficié à compter du 28 janvier 2016 pour surmenage,
- des prescriptions d'anxiolytique et de médicaments contre les migraines et l'hypertension des 24 mai, 7 septembre, 5 octobre, 19 octobre et 23 novembre 2015 et 28 janvier 2016,
- un certificat du 24 mai 2015, par lequel le docteur [R], médecin généraliste, a mentionné que Mme [B] souffrait de migraine et d'hypertension,
- un certificat du 22 mai 2017, par lequel le docteur [P] [K], psychiatre, a indiqué avoir reçu à son cabinet Mme [B] pour souffrance psychique.
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Il résulte de ce qui précède qu'à l'exception des brimades, les faits dénoncés par la salariée sont matériellement établis.
Ces éléments pris dans leur ensemble permettent de présumer l'existence de faits constitutifs d'un harcèlement moral et il appartient donc à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Ne produisant aucun argumentaire à ce titre, l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Mme [B] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le harcèlement moral dénoncé par le salarié est donc établi.
Compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et des conséquences dommageables en résultant pour Mme [B] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies, le préjudice est évalué à la somme de 7.000 euros.
Sur le manquement à l'obligation de sécurité :
Mme [B] reproche à l'employeur de ne pas être intervenu alors qu'elle lui a dénoncé à plusieurs reprises l'attitude inadaptée de collègues à son encontre, ainsi que le fait que le point de vente dans lequel elle travaillait n'était pas chauffé. Elle sollicite à ce titre la somme de 30.000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité.
Elle verse à l'appui de ses prétentions plusieurs courriels établissant qu'elle a attiré l'attention de l'employeur sur l'attitude désobligeante de salariés à son égard et sur le fait que la salle commune dans laquelle elle travaillait était glaciale.
L'employeur ne produit aucun argumentaire en défense sur ce point.
Il n'est donc pas établi que la société a pris des mesures suite aux dénonciations des faits susmentionnés par la salariée, comme lui imposait son obligation de sécurité.
Il sera donc alloué à Mme [B] la somme de 2.000 euros au titre du manquement à cette obligation.
Sur l'inégalité de traitement et la discrimination salariale :
Il est de principe que pour un même travail ou un travail de valeur égale, l'employeur doit assurer une égalité de traitement entre tous les salariés placés dans une situation identique ou comparable au regard de la rémunération comme de tout avantage, sauf à ce que la différence de traitement repose sur des raisons objectives dont le juge doit contrôler la réalité et la pertinence.
En outre en application de l'article L1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte telle que définie à l'article 1 de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation du droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération ou en raison de son sexe. En cas de litige, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, l'employeur est tenu de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En l'espèce, Mme [B] soutient que :
- elle est la seule à travailler sur un programme immobilier dont le permis de construire n'est pas définitif, ce qui l'empêche de pouvoir prétendre à une rémunération complète,
- elle est la seule à ne pas avoir bénéficié de points hebdomadaires qui étaient organisés au siège de l'entreprise,
- elle est la seule commerciale dont le droit à commission n'est pas discuté mensuellement avec le dirigeant,
- on lui donne plus de travail qu'à ses collègues masculins,
- M. [X], bien que recruté le 12 septembre 2015 en tant que négociateur débutant, a bénéficié d'une meilleure rémunération qu'elle, d'un taux de commissionnement de 0,6% et d'un cadeau d'entrée de 37.782 euros.
Elle en déduit subir une discrimination liée au sexe et sollicite à ce titre la somme de 30.000 euros de dommages-intérêts pour atteinte à la dignité de la personne et discrimination.
Elle demande également, à titre principal et au titre du programme immobilier [Adresse 4], la somme de 81.081,50 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice subi par elle du fait des manquements de l'employeur à son obligation de loyauté et/ou pour discrimination salariale et/ou en application de la régle 'à travail égal, salaire égal'.
Elle demande enfin à titre subsidiaire et au titre du programme [Adresse 5], la somme de 22.739 euros à titre de dommages-intérêts en indemnisation du préjudice financier subi du fait du manquement de l'employeur à son obligation de loyauté et/ou pour discrimination salariale et/ou en application de la règle 'à travail égal, salaire égal'.
En défense, l'employeur conteste toute discrimination fondée sur le sexe.
En l'espèce, la cour constate que la salariée, qui se contente de procéder par voie d'affirmation, ne verse aux débats aucun élément de nature à établir les faits qu'elle invoque. En outre, il ne ressort ni des stipulations du contrat de travail de M. [X] produit par l'employeur ni des écritures de la société que ce salarié a bénéficié d'un taux de commissionnement de 0,6%, supérieur au taux de 0,4% qui a été accordé à Mme [B] dans le cadre de la promesse d'embauche susmentionnée ou que M. [E] a bénéficié d'un cadeau d'entrée de plus de 30.000 euros.
La salariée ne justifie donc pas d'éléments de fait susceptibles d'accréditer une disparité de situation par rapport aux recrutements masculins, opérés par la société CV et une inégalité de traitement hommes-femmes ou de laisser supposer une discrimination liée au sexe.
En conséquence, le jugement qui a rejeté les demandes indemnitaires de Mme [B] rappelées ci-dessus doit être confirmé.
Sur le rappel de commissions au titre du programme [Adresse 4] :
Mme [B] expose que l'employeur ne lui a versé que 0,2% du prix de vente des logements du programme immobilier [Adresse 4] au titre de la signature des contrats de réservation et sollicite une pleine rémunération nonobstant l'annulation du permis de construire par le juge administratif, dans la mesure où ce permis a été purgé de ses vices et que les travaux du programme ont commencé. Cette pleine rémunération doit, selon la salariée, être déterminée par rapport au taux de commissionnement attribué à M. [X], soit 0,6%. Elle sollicite ainsi, à titre subsidiaire, un rappel de commission de 36.528,48 euros, ainsi que le cadeau d'entrée de 37.782 euros dont a bénéficié M. [X], soit au total un rappel d'un montant de 73.710,48 euros, outre 7.371,04 euros de congés payés afférents.
En défense, l'employeur conclut au débouté au motif qu'une décision de justice a annulé le permis de construire.
En premier lieu, il ressort des développements précédents qu'il n'est établi par aucune pièce versée aux débats que M. [X] a bénéficié d'un taux de commissionnement de 0,6% et que la salariée pourrait ainsi y prétendre au regard du principe 'à travail égal, salaire égal'. Il s'en déduit que seul le taux de commissionnement de 0,4% mentionné dans sa promesse d'embauche lui est applicable.
En deuxième lieu, il ne ressort d'aucun élément versé aux débats que M. [X] a bénéficié d'un cadeau d'entrée de 37.782 euros et que la salariée pourrait ainsi y prétendre au regard du principe 'à travail égal, salaire égal'. Elle sera donc débouté de sa demande à ce titre.
En troisième lieu, il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
En l'espèce, l'employeur reproche à la salariée de solliciter des rémunérations sur des ventes qui n'ont pu avoir lieu du fait de l'annulation du permis de construire. Toutefois, il n'est pas contesté par ce dernier que Mme [B] a bénéficié d'une commission de 0,2% du prix des ventes réalisées au titre du programme [Adresse 4] lors de la signature des contrats de réservation. Or, la société CV ne justifie ni que les contrats de vente concernés par ces réservations ne sont pas entrés en vigueur alors que la salariée affirme sans être contredite par l'intimée que le permis de construire a été purgé de ses vices, ni que le taux de commissionnement de 0,4%, qui est le seul stipulé à la promesse d'embauche, n'était pas applicable dès la signature par Mme [B] des contrats de réservation.
Par suite, il sera accordé à celle-ci la somme de 18.264,24 euros bruts de rappel de commission, correspondant au reliquat restant dû à la salariée en appliquant un taux de commissionnement de 0,4% sur le chiffre d'affaires réalisé, outre 1.826,42 euros bruts de congés payés afférents.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le rappel de commissions au titre du programme immobilier [Adresse 5] :
Au titre de ce programme immobilier, Mme [B] sollicite un rappel de commission à titre principal d'un montant global de 20.672 euros, outre 2.067 euros de congés payés afférents, en distinguant dans ses écritures la part relevant des contrats de réservation qu'elle a signés de celle relative aux contrats de réservation conclus par M. [V].
* sur les contrats de réservation signés par Mme [B] :
Mme [B] sollicite à ce titre un rappel de commission d'un montant de 6.066 euros, déterminé par la différence entre la rémunération qu'elle a perçu en appliquant le taux de 0,4% mentionné dans sa promesse d'embauche et celle qu'elle aurait dû percevoir en appliquant le taux de 0,6% dont a bénéficié M. [X].
Or, il ressort des développements précédents qu'il n'est établi par aucune pièce versée aux débats que M. [X] a bénéficié d'un taux de commissionnement de 0,6% et que la salariée pourrait ainsi y prétendre au regard du principe 'à travail égal, salaire égal'. Il s'en déduit que seul le taux de commissionnement de 0,4% mentionné dans la promesse d'embauche lui est applicable.
Elle sera donc déboutée de sa demande pécuniaire.
* Sur les contrats de réservation signés par M. [V] :
Il est constant qu'à compter du 5 juin 2015, l'employeur a demandé à Mme [B] de reprendre le programme immobilier [Adresse 5] qui était jusque-là suivi par M. [V].
Mme [B] sollicite l'attribution des commissions liées aux contrats de réservation signés par M. [V] mais dont elle a assuré le suivi jusqu'à la conclusion des contrats de vente concernés devant le notaire.
L'employeur conclut au débouté au motif que Mme [B] ne bénéficiait ni contractuellement, ni conventionnellement d'aucun droit de suite sur les contrats conclus par M. [V].
En l'espèce, Mme [B] produit un tableau (pièce 13.24), dont les mentions ne sont pas contestées par l'employeur, comprenant au titre du programme [Adresse 5], les contrats de réservation conclus par M. [V], ainsi que les dates de signature des actes authentiques de vente liés à ces réservations et les commissions dues en application d'un taux de commissionnement de 0,4%.
Comme il a été dit précédemment, il appartient à l'employeur de communiquer les éléments nécessaires au calcul de la part de rémunération variable et, lorsqu'il se prétend libéré du paiement de cette part variable, de rapporter la preuve du fait qui a éteint son obligation.
Or, en l'espèce, il ressort des éléments du tableau produit que les actes authentiques de vente ont été signés entre le 27 août et le 11 décembre 2015, c'est-à-dire avant le premier arrêt de travail de Mme [B]. De même, il n'est ni allégué ni justifié par l'employeur que celle-ci n'était plus en charge du programme au cours de cette période. En outre, l'employeur ne produit aucun élément qui justifie que les commissions sont versées uniquement à celui qui a signé les contrats de réservation et non à celui qui s'est occupé de la finalisation de la vente par acte authentique.
Par suite, il sera alloué à Mme [B] la somme de 14.606 euros bruts à titre de rappel de commission, conformément au détail du calcul mentionné dans le tableau produit par l'appelante. Il lui sera également alloué la somme de 1.460,6 euros bruts de congés payés afférents.
Sur les indemnités kilométriques :
Mme [B] sollicite le remboursement par l'employeur de ses frais kilométriques pour un montant global de 6.732 euros comprenant :
- d'une part, les trajets professionnels qu'elle a réalisé avec son véhicule personnel entre le bureau de vente et le siège social de l'entreprise ou le lieu du programme immobilier [Adresse 5] entre avril 2015 et janvier 2016, pour un montant total de 496 euros,
- d'autre part, les trajets entre son domicile et son lieu de travail entre avril 2015 et janvier 2016, pour un montant total de 6.236 euros.
A l'appui de ses allégations, elle produit :
- la copie de la carte grise de son véhicule personnel (pièce 14.1),
- un décompte mentionnant sur la période concernée le nombre de jours par mois nécessitant un déplacement entre le bureau de vente et le programme [Adresse 5], entre le bureau de vente et le siège social de l'entreprise et entre son domicile et son lieu de travail, les distances aller-retour de ces trois trajets, soit respectivement 2,6 km, 4,4 km et 65,2 km et une formule de calcul pour déterminer les indemnités kilométriques dues par l'employeur pour chaque trajet, à savoir le produit entre le nombre d'aller-retour pendant la période concernée, la distance du trajet et un coefficient 0,493 (pièce 14.2),
- une publicité du cabinet de recrutement Michael Page pour le poste de négociateur immobilier VEFA ne mentionnant pas le nom du recruteur et indiquant que le poste prévoit le remboursement des indemnités kilométriques (pièce 6.1).
En défense, l'employeur conclut au débouté des demandes. Il expose que Mme [B] bénéficiait d'une carte essence mensuelle de 200 euros, qu'elle n'a jamais demandé le remboursement de ses indemnités kilométriques, qu'elle ne produit aucun justificatif, que son véhicule est tombé en panne en 2016 et qu'il a pris à sa charge le coût d'une semaine de location d'un véhicule de remplacement.
En premier lieu, il ne résulte ni de la loi, ni de la convention collective applicable ni d'aucune pièce contractuelle versée aux débats que l'employeur doit verser des indemnités kilométriques au salarié pour ses trajets domicile-travail. Par suite, Mme [B] sera déboutée de sa demande pécuniaire à ce titre.
En second lieu, s'agissant des indemnités kilométriques sollicitées au titre des trajets professionnels allégués par la salariée, il est constant que les dépenses engagées par celle-ci pour les besoins de son activité professionnelle sont des frais professionnels que l'employeur est tenu de lui rembourser.
L'employeur ne conteste dans ses écritures ni l'utilisation du véhicule personnel de Mme [B] pour réaliser les trajets professionnels qu'elle énonce ni les modalités de calcul des indemnités kilométriques dues à ce titre.
Par suite, il sera accordé à Mme [B] la somme de 496 euros bruts à titre de rappel d'indemnités kilométriques pour les trajets professionnels effectués entre avril 2015 et janvier 2016 avec son véhicule personnel.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés non pris:
Mme [B] expose qu'au regard des bulletins de paye versés aux débats au titre des mois d'avril 2015 à janvier 2016, elle a bénéficié d'une rémunération mensuelle brute de 58.304,90 euros, hors indemnité de congés payés et qu'elle bénéficie ainsi sur cette période d'un droit à congés payés de 5.830,49 euros. Elle expose également avoir acquis 24 jours de congés payés sur cette période en tenant compte de sa période d'arrêt maladie et qu'elle n'a pris qu'un jour de congés en septembre 2015 et 2 jours en novembre 2015 et en déduit que l'employeur lui doit des congés payés au titre des 21 jours non pris (24-(1+2)). Dans la mesure où l'employeur lui a versé en février 2016 une indemnité de congés payés de 2.467,85 euros, Mme [B] sollicite le versement du reliquat restant dû, à savoir 2.633,82 euros déterminé comme suit :
((5.380,49/24)x21) - 2.467,85 = 2.633,82
L'employeur conclut au débouté de cette demande pour la raison suivante : 'La somme de 2.889,06 euros versée en fin de contrat à Mme [B] à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, est une somme nette de charges. La somme de 3.498,86 euros calculée par Mme [B] est une somme brute, la différence de 599,80 euros qu'elle réclame, correspond aux charges sociales que l'employeur a déduit à bon droit sur cette somme et n'est donc pas due'.
En l'espèce, il n'est pas contesté par l'employeur que Mme [B] n'a pas pris les 21 jours de congés payés qui lui sont dus sur la période considérée. Il sera donc fait droit à la demande de cette dernière, en se référant au détail de son calcul susmentionné, précision faite que l'indemnité allouée est exprimée en brut.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur le licenciement pour faute grave :
La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, doit être suffisamment motivée et viser des faits et griefs matériellement vérifiables, sous peine de rendre le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.
La faute grave qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il appartient à l'employeur qui l'invoque, de rapporter la preuve de l'existence d'une faute grave.
Si le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.
***
La lettre de licenciement du 29 février 2016 pour faute grave reproche deux séries de manquement à Mme [B] qui vont être examinés successivement :
- son insubordination,
- les propos inadaptés de la salariée à l'égard de sa hiérarchie, de ses collègues et des clients.
De manière générale, Mme [B] considère que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits, ne sont pas caractérisés, relèvent de sa liberté d'expression et étaient connus de l'employeur avant la date de notification de son licenciement de sorte qu'ils ne peuvent s'analyser en des faits rendant impossible son maintien dans l'entreprise. Elle soutient également ces faits s'inscrivent dans un contexte de burn-out alors qu'elle était en arrêt maladie après avoir dénoncé à de multiples reprises sans être entendue des actes de harcèlement, de discrimination et de carences du management.
* Sur l'insubordination de Mme [B] :
En premier lieu, l'employeur soutient qu'il avait demandé par courriel du 28 janvier 2016 à Mme [B] de restituer le dépôt de garantie à un client, M. [T] mais que celle-ci a attendu deux mois avant d'exécuter cette directive.
Mme [B] conteste ce manquement et indique, d'une part, que la restitution des dépôts de garantie au client est de la compétence du comptable ou du dirigeant lui-même et, d'autre part, que l'employeur lui a demandé après son courriel du 28 janvier 2016 de rechercher une solution de financement pour le dossier [T].
En l'espèce, si la société CV produit un courriel du 28 janvier 2016 dans lequel elle demande à la salariée de restituer son dépôt de garantie à M. [T], la salariée produit de son côté un courriel du 11 février 2016 par lequel la direction de l'entreprise a demandé à Mme [L] de restituer le dépôt de garantie à M. [T]. Or, il ne résulte d'aucun élément versé aux débats que Mme [B] avait la compétence d'ordonner au notaire la restitution du dépôt de garantie d'un client.
Par suite, ce premier manquement n'est pas établi.
En second lieu, l'employeur produit afin de justifier ce premier grief :
- un courriel du 28 juillet 2015 par lequel Mme [B] a indiqué à M. [O]: 'Comme je vous l'indiquais à [I] et à toi dans mon reporting de ce week-end, je refuse de restituer à M. [M] son chèque de réservation',
- un courriel du 9 septembre 2015 par lequel Mme [B] a indiqué à M. [O] qu'elle ne viendrait ni à l'inauguration d'un programme ni à la réunion qu'il organisait vendredi matin.
- un échange de courriels du 23 octobre 2015 par lequel, d'une part, M. [O] a demandé à Mme [B] de ne plus communiquer si possible avec une collègue en raison des problèmes rencontrées avec cette dernière et, d'autre part, Mme [B] a répondu : 'Désolée de vous désobéir cher patron mais dans la mesure où je suis seule contre tous à défendre vos intérêts et votre réputation, à vous protéger contre toutes les attaques extérieures et intérieures, je me défends seule'.
Il ressort de ces courriels que les faits d'insubordination reprochés à Mme [B] par l'employeur ont été commis plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement et qu'ils étaient connus de la société. Il s'en déduit, comme l'affirme la salariée, qu'ils sont prescrits en application des dispositions de l'article L. 1332-4 du code du travail.
* Sur les propos inadaptés de la salariée à l'égard de l'employeur, de ses collègues et des clients:
Afin de justifier ce deuxième grief, l'employeur produit :
- un courriel du 22 septembre 2015 par lequel Mme [B] a reproché à une cliente d'être ' autoritaire et déplacée',
- un courriel du 20 octobre 2015 par lequel Mme [B] a notamment écrit à une collègue : 'tu nous fais perdre de l'argent puisque ces recommandés mettront un mois à lui parvenir. Enfin! C'est quoi ton excuse cette fois-ci!',
- un échange de courriels du 30 novembre 2015 par lequel, d'une part, M. [O] a indiqué à Mme [B] que l'avance sur commission précédemment accordée qui lui avait été retirée de son bulletin de paye lui serait restituée le mois d'après et, d'autre part, Mme [B] a répondu : 'Si votre objectif est de me démotiver, dites le moi clairement afin que j'arrête de vendre. Parce qu'avec vos agissements, je suis en effet très peu motivée à atteindre vos objectifs GFA pour le 31 décembre 2015 sur [Adresse 4]',
- un courriel du 1er décembre 2015 par lequel Mme [B] a écrit à la directrice de clientèle de l'entreprise, en mettant en copie l'employeur : 'tu fais n'importe quoi et tu te permets en plus de ne pas répondre à mon mail depuis une semaine, notamment concernant M. [N]. Si tu avais pris la peine de vérifier, comme la grande professionnelle de grande expérience que tu prétends être, tu aurais constaté qu'elle a réservé le 26 novembre 2013 et signé l'acte de vente chez le notaire le 6 avril 2015, donc elle était prioritaire sur [Z], donc tu devais faire ce que je t'ai demandé de faire il y a une semaine. Je laisse [I] gérer les conséquences de tes conneries. Pour ma part, j'exige tout de suite la copie de tous les mails que tu as envoyé aux clients [Adresse 5] car je reçois leurs appels sans savoir ce que tu as fait',
- un courriel du 1er décembre 2015 par lequel Mme [B] a indiqué à l'employeur à propos de la directrice de clientèle : 'Elle vous a berné pendant ses entretiens d'embauche en se faisant passer pour quelqu'un de gentil mais en l'écoutant faire ce matin, je l'ai trouvée autoritaire et désagréable avec les clients au téléphone ... qu'elle s'empresse d'aller critiquer auprès de mathilde. Je tiens à lui rappeler qu'elle n'était pas là pendant les nombreux mois où j'ai essayé toute seule de calmer les clients [Adresse 5], de les amener à signer chez le notaire et de réduire les attaques sur la réputation de la société. Ce qui veut dire que je ne permettrai à personne de saboter mon travail',
- deux courriels du 12 janvier 2016 et un courriel du 14 janvier 2016 par lequel M. [A], un client, s'est plaint auprès de l'employeur que Mme [B] refusait de lui rendre son dépôt de garantie malgré l'annulation de son contrat de réservation et que la salariée l'avait traité de menteur,
- un courriel du 13 janvier 2016 par lequel Mme [B] à écrit à la directrice de clientèle de l'entreprise, en mettant en copie l'employeur : 'Je te confirme que si l'une de mes ventes sur [Adresse 4] ou sur [Adresse 5] casse à cause de ce que tu racontes aux clients à mon insu, tu devras personnellement me règler les commissions dues',
- un courriel du 25 janvier 2016 par lequel Mme [B] à notamment écrit à M. [O] : 'Je n'ai pas besoin de manger une choucroute avec vous pour me rendre compte des conneries que je dois réparer ensuite vis-à-vis du client pour sauver une vente', 'oui j'ai des doutes sur ce que vous racontez', 'sois donc cohérent et organisé avant de parler de cohésion', 'j'estime avoir assez fait pour aider [I] à sortir sa société des merdes créées par d'autres collègues', 'Car pendant que vous prenez des heures à faire des cancans, je dois m'occuper de l'extérieur même pendant mon arrêt maladie et mes jours de repos! Alors merci de m'épargner tes commentaires inutiles',
- un courriel du 11 février 2016 par lequel Mme [B] a écrit à M. [O] : 'Je vous déconseille de me répondre en me donnant des ordres ou en me faisant la leçon. Je vous demande de bien vouloir prendre en compte ce que je viens de vous dire'.
En premier lieu, si aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou s'est réitéré dans ce délai.
Il ressort des courriels versés aux débats que la salariée a tenu des propos inadaptés à l'égard de ses supérieurs, ses collègues et ses clients de manière continue entre le 22 septembre 2015 et le 11 février 2016 et que les faits révélés par les courriels précités de janvier à février 2016 ont été commis dans le délai de deux mois précédant l'engagement de la procédure de licenciement.
Par suite, les faits dénoncés par l'employeur ne sont pas prescrits.
En second lieu, si les propos inadaptés de la salariée révélés par les courriels susmentionnés excèdent la liberté d'expression dont cette dernière bénéficie et pourraient ainsi justifier le prononcé à son encontre d'un licenciement disciplinaire, la cour constate qu'ils s'inscrivent, comme l'affirme Mme [B], dans un contexte de harcèlement moral, de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et d'exécution déloyale du contrat de travail reconnu par la cour dans les développements précédents.
Il s'en déduit que l'employeur, lui-même fautif, ne pouvait fonder sur les faits révélés par les courriels précités le licenciement disciplinaire de la salariée qui est dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur les conséquences financières de la rupture :
Au préalable, compte tenu des bulletins de paye produits au titre des mois d'avril à décembre 2015, le salaire mensuel brut de Mme [B] est fixé à la somme de 9.760 euros, celui-ci prenant en compte les rappels de commission ainsi que le rappel d'indemnité compensatrice de congés payés accordés par la cour dans les développements précédents.
Mme [G] bénéficiait d'une ancienneté de 9 mois et 28 jours à la date de rupture de son contrat de travail et compte tenu de la période de suspension de celui-ci pour arrêts maladie.
En l'absence d'éléments contraires produits par les parties, il sera considéré que la société CV a bénéficié au moment de la rupture d'un effectif d'au moins 11 salariés.
* Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Mme [B] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il lui a accordé la somme de 16.428 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1.642,80 euros de congés payés afférents.
L'employeur conclut au débouté au motif que le licenciement pour faute grave est justifié.
En application de l'article 15 de la convention collective, Mme [B] peut bénéficier d'un préavis de trois mois. Statuant dans les limites de l'appel, il sera fait droit aux demandes de la salariée, précision faite que les sommes allouées sont exprimées en brut.
* Sur l'indemnité pour licenciement abusif :
Le conseil de prud'hommes a accordé à Mme [B] la somme de 12.000 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.
La salariée sollicite l'infirmation du jugement sur le quantum et sollicite à ce titre les sommes suivantes :
- 200.000 euros en réparation de son préjudice financier résultant de sa période de chômage entre mars 2016 et novembre 2017,
- 30.000 euros en réparation de son préjudice moral pour avoir été licencié pour faute grave alors qu'elle était en arrêt de travail pour surmenage,
- 100.000 euros en réparation de son préjudice de santé. Mme [B] soutient à ce titre que son état de santé s'est aggravé à la suite de son licenciement puisqu'elle est désormais atteinte d'un diabète et que la cause de cette maladie est en lien avec le stress qu'elle subi pendant sa période d'activité au sein de la société CV.
L'employeur conclut, à titre principal, au débouté au motif que le licenciement pour faute grave est justifié. A titre subsidiaire, il demande que la cour réduise la somme allouée à titre de dommages-intérêts à de plus justes proportions.
En premier lieu, il ne peut se déduire des éléments versés aux débats que l'employeur soit à l'origine du diabète subi par la salariée.
En deuxième lieu, il ne peut être demandé une indemnisation à l'employeur pour le simple fait d'avoir notifié à la salariée un licenciement pour faute grave alors que celle-ci était en arrêt de travail pour surmenage.
En troisième lieu, pour les licenciements notifiés avant le 24 septembre 2017 et jugés sans cause réelle et sérieuse, les salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté ont droit à une indemnité déterminée en fonction du préjudice subi du fait de la perte injustifiée de leur emploi.
Compte tenu de l'âge du salarié au moment de la rupture (44 ans), de son ancienneté, de son salaire mensuel brut et de sa période de chômage, il sera alloué à Mme [B] la somme de 12.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, cette somme étant allouée tous chefs de préjudice confondus.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur les demandes accessoires :
Compte tenu des développements qui précèdent, la demande de la salariée tendant à la remise de documents sociaux conformes au présent arrêt est fondée et il y est fait droit dans les termes du dispositif.
La société CV qui succombe partiellement, est condamnée à verser à Mme [B] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel.
Elle sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société CV doit supporter les dépens d'appel, que l'avocate de Mme [B] sera autorisée à recouvrer, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
INFIRME le jugement en ce qu'il a débouté Mme [H] [B] de ses demandes pécuniaires au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail, du harcèlement moral, du manquement à l'obligation de sécurité, des rappels de commission, d'indemnité kilométriques et d'indemnité compensatrice de congés payés non pris,
CONFIRME le jugement pour le surplus, précision faite que les sommes allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents sont exprimées en brut,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
CONDAMNE la société Construction [O] à payer à Mme [H] [B] les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'employeur par le conseil de prud'hommes pour les sommes à caractère salarial et à compter du prononcé de l'arrêt pour celles à caractère indemnitaire, et avec capitalisation des intérêts :
- 5.000 euros de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- 7.000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral,
- 2.000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,
- 18.264,24 euros bruts de rappel de commission au titre du programme [Adresse 4],
- 1.826,42 euros bruts de congés payés afférents,
- 14.606 euros bruts de rappel de commission au titre du programme Les Cottage,
- 1.460,6 euros bruts de congés payés afférents,
- 496 euros de rappel d'indemnités kilométriques,
- 2.633,82 euros bruts de rappel d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
ORDONNE la remise par la société Construction [O] au profit de Mme [H] [B] de bulletins de salaire, d'une attestation destinée à Pôle emploi et d'un reçu pour solde de tout compte conformes à l'arrêt,
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Construction [O] aux dépens d'appel,
AUTORISE Maître Sophie Pourrut Capdeville à recouvrer directement les dépens d'appel, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
La greffière, La présidente.