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11/10/2022 | FRANCE | N°19/10419

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 11 octobre 2022, 19/10419


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRET DU 11 OCTOBRE 2022



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10419 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZJ7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 18/00326



APPELANT



Monsieur [G] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945



INTIMEE



SARL TEAM SYSTEM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Mathieu QUEMERE, avoc...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRET DU 11 OCTOBRE 2022

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/10419 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAZJ7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Septembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MELUN - RG n° 18/00326

APPELANT

Monsieur [G] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Jean-Claude CHEVILLER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0945

INTIMEE

SARL TEAM SYSTEM

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Mathieu QUEMERE, avocat au barreau d'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,

Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,

Madame Laurence DELARBRE, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Anne HARTMANN Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière présente lors du prononcé.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [G] [F], né en 1970, a été engagé par la société SARL Team System, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 22 janvier 2015 en qualité d' assistant chef de projet.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l'événement.

Le 26 novembre 2016, M. [F] a présenté sa démission par courrier recommandé à effet au 26 décembre 2016.

A la date de la rupture du contrat de travail, M. [F] avait une ancienneté de 1 an et demi et la société Team System occupait à titre habituel moins de onze salariés.

Réclamant diverses indemnités consécutives à la fin du contrat de travail, outre des rappels de salaires pour heures supplémentaires, M. [F] a saisi le 4 juin 2018 le conseil de prud'hommes de Melun qui, par jugement du 4 septembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit:

Rejette la demande de nullité de la requête.

Condamne la société Team System, en la personne de son représentant légal, à verser à M.[G] [F] :

- 2.254,20 euros bruts au titre du rappel de salaires pour des heures supplémentaires effectuées en 2015,

- 2.050.20 euros bruts au titre du rappel de salaires pour des heures supplémentaires effectuées en 2016,

- 225.42 euros bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires de 2015,

- 205.02 euros bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires de 2016,

- 9. 225,06 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 1.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des durées minimales de repos quotidien et des durées maximales de travail quotidien,

*1.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation de la durée de repos minimal hebdomadaire et de la durée de travail maximale hebdomadaire,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile,

- Déboute M. [F] du surplus de ses demandes.

- Dit que les condamnations porteront intérêts au taux légal compter de la date de la saisine pour les créances à caractère salariale et à compter du prononcé de la présente décision pour les créances indemnitaires.

- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision au titre de l'article 515 du Code de Procédure Civile.

- Fixe la moyenne des salaires des trois derniers mois 1465 euros.

- Déboute la société Team System de sa demande reconventionnelle d'article 700 du Code de Procédure Civile .

- Condamne la société Team System aux dépens y compris les éventuels frais d'huissier en cas d'exécution forcée de la présente décision.

Par déclaration du 11 octobre 2019, M. [F] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 10 septembre 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 août 2021, M. [F] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la requête en nullité de la société Team System;

- confirmer le jugement déféré sur le principe (mais non sur le quantum) en ce qu'il a condamné la société Team System à verser des rappels de salaires pour les heures supplémentaires effectuées par M. [F] en 2015 et 2016 et des congés payés afférents à ces heures supplémentaires ; - confirmer le jugement sur le principe (mais non sur le quantum) en ce qu'il a condamné la société Team System à verser une indemnité pour travail dissimulé à M. [F],

- confirmer le jugement sur le principe (mais non sur le quantum) en ce qu'il a condamné la société Team System à verser des dommages et intérêts à M. [F] en réparation du préjudice causé par la violation des durées minimales de repos quotidien et des durées maximales quotidiennes de travail ;

- confirmer le jugement sur le principe (mais non sur le quantum) en ce qu'il a condamné la société Team System à verser des dommages et intérêts à M. [F] en réparation du préjudice causé par la violation des durées hebdomadaires de repos quotidien et des durées maximales hebdomadaires de travail ;

- infirmer le jugement pour le surplus et y ajoutant les condamnations suivantes :

- sur l'augmentation du quantum des condamnations prononcées au titre du rappel de salaires pour les heures supplémentaires, condamner la société Team System à verser à M. [F] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 31 mai 2018, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Melun :

* Rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées en 2015 : 13.071,41 euros

* Congés payés afférents : 1.307,14 euros

* Rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées en 2016 : 20.866,14 euros

* Congés payés afférents : 2.086,61 euros

- Sur l'augmentation du quantum des condamnations prononcées au titre du travail dissimulé et de la violation des heures de repos condamner la société Team System à verser à M. [F] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 4 septembre 2019, date du jugement du Conseil de Prud'hommes de Melun :

* Indemnité de travail dissimulé : 25.021,92 euros

* Violation des durées minimales quotidiennes de repos et maximales de travail 8.000,00 euros

* Violation des durées hebdomadaires minimales de repos et maximales de travail 8.000,00 euros

- sur les demandes suivantes dont le jugement a débouté M. [F] :

- juger que l'emploi occupé par M. [F] correspondait au niveau 4 de la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l'événement;

- donner acte à la société Team System qu'elle s'engage à verser à M. [F] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 31 mai 2018, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Melun :

* 782.70 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois de juillet 2015 au mois de décembre 2015 (différentiel salaires versés et minima conventionnel)

* 78.27 euros à titre de congés payés afférents,

* 1.456,20 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2016 (différentiel salaires versés et minima conventionnel),

* 145,62 euros à titre de congés payés afférents.

- condamner la société Team System à verser à M. [F] les sommes suivantes avec intérêts au taux légal capitalisé à compter du 31 mai 2018, date de la saisine du Conseil de Prud'hommes de Melun :

* Rappel de salaires 2015 du fait de la régularisation du différentiel salaires versés et minima conventionnels : 6.737,50 euros

* Congés payés afférents au rappel de salaires 2015 : 673,75 euros

* Rappel de salaires 2016 du fait de la régularisation du différentiel salaires versés et minima conventionnels : 5.788,58 euros

* Congés payés afférents au rappel de salaires 2016 : 578,85 euros

* Rappel de salaires sur la majoration des heures de travail de nuit effectuées 1.500,00 euros

* Congés payés afférents 150,00 euros - Violation du droit aux congés payés : 1.000,00 euros

* Violation du droit au repos compensateur : 17.000,00 euros

* Réparation du préjudice moral et financier : 4.000,00 euros

* Condamner la société Team System à verser à M. [F] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

* Condamner la société Team System aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 mars 2020 la société Team System demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a considéré que la saisine de M. [F] était recevable,

- infirmer le jugement rendu le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a condamné la société Team System à verser à M. [F] les sommes suivantes :

* 2.254,20 euros bruts au titre du rappel de salaires pour des heures supplémentaires effectuées en 2015,

* 2.050,20 euros bruts au titre de rappel de salaire pour des heures supplémentaires effectuées en 2016,

* 225,42 euros bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires de 2015,

* 205,02 euros bruts au titre des congés payés afférents aux heures supplémentaires de 2016,

* 9.225,06 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

* 1.000 euros au titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des durées minimales de repos quotidien et des durées maximales de travail quotidien,

* 1.000 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des durées minimales hebdomadaire et de la durée de travail maximale hebdomadaire,

* 1.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de requalification d'emploi au niveau 4 de la convention collective nationale des entreprises technique au service de la création et de l'événement,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté M. [F] de ses demandes de rappels de salaires :

* pour l'année 2015 à hauteur de 6.737,50 euros à titre de rappel de salaires sur l'année 2015 du fait de la régularisation du différentiel des salaires versés et minima conventionnel outre 673,75 euros à titre des congés payés afférents,

* pour l'année 2016 à hauteur de 5.788,58 euros à titre de rappel de salaires sur l'année 2016 du fait de la régularisation du différentiel des salaires versés et minima conventionnel outre 578,85 euros à titre des congés payés afférents au rappel de salaire de l'année 2016

- donner acte à la société Team System qu'elle s'engage à verser à M. [F]:

* pour l'année 2015 les sommes de 782,70 euros à titre de rappel de salaire pour la période du mois de juillet 2015 au mois de décembre 2015 et 78,27 euros à titre de congés payés afférents (différentiel salaires versés et minima conventionnel),

* pour l'année 2016, les sommes de 1 456,20 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2016 et 145,62 euros à titre de congés payés afférents (différentiel salaires versés et minima conventionnel),

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des droits aux congés payés à hauteur de 1.000 euros,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation du droit au repos compensateur accordé au-delà du contingent d'heures supplémentaires annuel à hauteur de 17.000 euros,

- confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté M. [F] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et moral subi à raison des manquements et obligations contractuelles et légales à hauteur de 4.000 euros,

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a ordonné que les condamnations prononcées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la saisine pour les créances à caractère salarial et à compter du prononcé de la décision,

- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes en ce qu'il a fixé la rémunération mensuelle moyenne de M. [F] à 1.465,00 euros,

- infirmer le jugement rendu le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a débouté la société Team System de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- infirmer le jugement rendu le Conseil de Prud'hommes de Melun en ce qu'il a condamné la société Team System aux entiers dépens.

Y ajoutant, In limine litis,

- dire et juger que la saisine est irrecevable ;

- débouter M. [F] et mettre fin à l'instance.

Subsidiairement sur le fond,

- débouter M. [F] de toutes ses demandes,

- condamner M. [F] à verser à la société Team System la somme de 2.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner M. [F] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2021 et l'affaire a été fixée à l'audience du 5 novembre 2021.

Par arrêt rendu en date du 4 janvier 2022, la cour à la demande des parties a ordonné une mesure de médiation qui a échoué.

L'affaire a été remise en délibéré à l'audience du 30 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR :

Sur l'irrecevabilité de la saisine de M. [F]

Pour infirmation du jugement déféré, la société Team System invoque l'irrégularité de fond de la saisine du conseil de prud'hommes par M. [F], en ce que celle-ci ne mentionne pas les prétentions et les moyens en fait et en droit, laquelle irrégularité de fond entraîne la nullité de la saisine.

Pour confirmation de la décision, M. [F] réplique qu'il n'est nullement exigé que la requête du conseil de prud'hommes indique les moyens en fait et en droit et que les prétentions soient rappelées sous forme de dispositif et encore moins à peine de nullité.

L'article R.1452-2 alinéa 2 du code du travail,dans sa version applicable au litige, prévoit qu' « à peine de nullité la requête [de saisine du conseil de prud'hommes]comporte les mentions prescrites à l'article 58 du Code de procédure civile. En outre, elle contient un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci ».

L'article 58 du code de procédure civile dans sa version issue du décret n°2005-1678 du 28 décembre 2005 se borne à imposer sous peine de nullité outre les indications concernant les parties, l'objet de la demande.

Au constat que la requête enregistrée par le greffe du conseil de prud'hommes de Melun comporte tant les chefs de demande qu'un exposé sommaire des motifs, la cour à l'instar des premiers juges retient que la requête était conforme aux textes précités et que l'exception d'irrecevabilité, par confirmation du jugement déféré, doit être rejetée.

Sur le fond

Sur la classification et la demande de rappels de salaire

Pour infirmation du jugement déféré qui l'a débouté de ce chef de demande, M. [F] fait valoir que s'il a été embauché en qualité d'assistant chef de projet relevant de la catégorie 3 de la convention collective applicable, les fonctions qu'il a réellement exercées de préparation, d'animation et programmation sonores intégrales jusqu'à l'exécution son et lumière requéraient un niveau confirmé de compétence tel que visé par la catégorie 4. Il souligne que sur les plannings il est mentionné comme étant le seul salarié à assurer les fonctions de disc jockey ou de technicien.

Pour confirmation de la décision, l'employeur conteste les affirmations de M. [F] selon lesquelles ses missions correspondaient au poste de DJ/ sonorisateur en précisant qu'il n'assurait pas la mise en 'uvre du mixage et des réglages des appareils électroacoustiques pour l'enregistrement et la diffusion sonore des événements organisés par la société. Il s'appuie pour cela sur la fiche du poste de M.[F] en reconnaissant toutefois qu'il a effectué des missions de DJ lors d'événements qui n'ont pas nécessité de DJ labellisés. Il en déduit que sa mission réellement exercée correspond à la définition conventionnelle de la fonction d'assistant technicien polyvalent. Il demande toutefois à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'engage à lui payer un différentiel conventionnel pour les années 2015 et 2016.

Il est constant que l'existence d'une relation de travail subordonnée ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des salariés.

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

M. [F] soutient que les fonctions qu'il exerçait, relevaient de la catégorie 4 de la convention collective qui correspond aux emplois qui requièrent un niveau confirmé de compétence et un degré d'autonomie et de responsabilité restreint.

L'employeur tout en se prévalant d'une fonction d'assistant technicien polyvalent décrit conventionnellement comme 'participant aux actions courantes de manutentions des éléments scéniques' de catégorie 2, a contractuellement reconnu à M. [F] une catégorie 3 qui correspond aux emplois qui requièrent un premier niveau de compétence ainsi qu'un faible degré d'autonomie et/ou de responsabilité.

Il n'est pas contesté que M. [F] a été notamment chargé de la préparation de l'animation et la programmation sonores d'événements et il fait à juste titre valoir, sans être utilement contredit sur ce point, que sur les plannings de la société produits aux débats il était le seul mentionné comme assurant les fonctions de disc jockey et majoritairement de celles de technicien (à l'exception de 3ou 4 manifestations).

La cour relève qu'alors que la fiche de poste produite par l'employeur, non contre-signée par les parties, indique que l'assistant technicien polyvalent se tient disponible à la demande des techniciens son, vidéo et lumières pour le bon déroulement de l'exploitation et qu'il peut être amené à réaliser des missions de DJ dans des événements qui ne nécessitent pas un DJ spécialisé ou labélisé, il n'est pas jutifié au dossier que l'appelant ait travaillé sous la direction ou à la disposition de techniciens. Il est par ailleurs établi qu'avant son embauche M. [F] a d'abord travaillé comme indépendant, pour le compte de la société intimée qui lui confiait des missions de disc jockey durant les week end. (trois prestations en septembre 2014).

Il doit en être déduit que les fonctions de M. [F] ne peuvent se limiter à la participation aux actions courantes de manutention des éléments scéniques et qu'il disposait d'un niveau de compétence confirmé avec un niveau de responsabilité restreint lui permettant, par infirmation du jugement déféré, de revendiquer de permière part la catégorie 4 soit un minimum conventionnel de 1972 euros puis 1982 euros à compter du 1er septembre 2015 et de seconde part le rappel de salaire correspondant non contesté dans son quantum, au regard de ce qui a été versé, soit des montants de 3.917 euros majorés de 391,70 euros de congés payés pour l'année 2015 et de 6.184 euros majorés de 618,40 euros de congés payés pour l'année 2016, au paiement desquels la société Team System sera condamnée. La cour retient que ces sommes comprennent nécessairement celles que la société reconnaissait devoir et qu'elle s'était engagée à payer de sorte qu'il n'y a pas lieu de lui en donner acte. M. [F] sera débouté du surplus de sa demande de ce chef.

Sur les heures supplémentaires

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

En l'espèce, d'une part, M. [F] expose avoir été contraint d'effectuer des heures supplémentaires considérables, à savoir un total de 2.082 heures, sans être payé et au mépris de sa santé et de sa vie personnelle, le privant en outre d'un repos suffisant.

Au soutien de ses demandes, M. [F] produit un décompte mensuel des heures supplémentaires qu'il affirme avoir réalisées.

Ce document doit être considéré comme constituant un élément suffisamment précis permettant à l'employeur de répondre.

La société Team System oppose que ce décompte est non probant et établi de surcroît sur une base mensuelle. Selon son propre décompte reproduit dans ses écritures, elle reconnaît un maximum de 155 heures supplémentaire effectuées pour l'année 2015 et 169 heures pour l'année 2016 outre des heures effectuées de nuit. Elle soutient toutefois qu'il convient de déduire de ce qui est dû des congés payés qui lui ont été octroyés dès la première année alors qu'il ne pouvait y prétendre et les heures pendant lesquelles il a pu vaquer librement à ses occupations soit 43 heures en 2015 et 55 heures en 2016.

La cour rappelle de première part que l'employeur n'est pas fondé à opposer des congés qu'il aurait accordés au salarié alors même qu'il n'y avait pas droit pour échapper au paiement d'heures supplémentaires effectuées, aucune compensation n'étant possible, de même qu'il ne peut déduire des heures au cours desquelles il affirme péremptoirement sans le prouver, que le salarié pouvait vaquer librement à ses occupations.

Au constat toutefois que l'employeur admet la réalisation d'heures supplémentaires mais que les décomptes du salarié sont établis au mois alors que les heures supplémentaires se décomptent par semaine civile et que M. [F] ne défalque pas les temps de pause et de repas, la cour a la conviction que l'appelant a réalisé des heures supplémentaires en revanche pas dans la proportion qu'il réclame mais à tout le moins dans la limite reconnue par l'employeur. Il s'en déduit que par infirmation du jugement déféré, la société Team System sera condamnée à payer à M. [F]la somme de 5.288,75 euros majorée de 528,87 euros de congés payés afférents à titre de rappels d'heures supplémentaires effectuées entre janvier 2015 à décembre 2016.

Sur la demande de majoration des heures de travail de nuit

Pour infirmation du jugement déféré, M. [F] réclame une somme de 1.500 euros de majoration pour les plus de 400 heures de travail de nuit qu'il affirme avoir effectuées.

Dans ses écritures, la société Team System admet la réalisation d'heures de nuit et l'absence de rémunération pour un montant de 2.972,72 euros en 2015 et 2.876,83 euros en 2016 mais revendique une compensation qui n'a pas lieu d'être.

La cour par infirmation du jugement déféré fait droit à la demande dans la limite de celle-ci.

Sur l'indemnité pour préjudice causé par la violation de la durée maximale de travail quotidienne et du temps de repos

Pour infirmation du jugement déféré qui a limité son indemnité à la somme de 1.000 euros M. [F] soutenant que l'employeur a méconnu 89 fois son temps de repos quotidien au mépris de sa santé, réclame une somme de 8.000 euros pour la violation des durées de repos quotidien et de 8.000 euros pour la violation des durées maximales hebdomadaires de travail.

Pour infirmation de la décision sur ce point, la société Team System réplique qu'elle a toujours veillé au respect de ses obligations en matière de repos et que M. [F] a toujours bénéficié de repos quotidien et hebdomadaire sans dépasser la durée maximale de travail faisant observer que ce dernier ne s'est jamais plaint de manquement jusqu'à la procédure.

Il est de droit que c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve du respect de la durée minimale de repos et de la durée maximale de travail et que c'est au salarié d'établir l'existence du préjudice invoqué au titre du non-respect de ces durées.

Au constat que l'employeur ne procède que par affirmations la cour retient, par confirmation du jugement déféré, que le préjudice nécessairement lié, subi par M. [F] a été justement évalué à la somme de 1.000 euros par les premiers juges qui seront confirmés.

Sur la demande d'indemnité pour la violation du temps de repos minimal hebdomadaire et de la durée maximale hebdomadaire de travail

Pour infirmation du jugement déféré qui a limité son indemnité à la somme de 1.000 euros, M. [F] réclame un montant de 8.000 euros en faisant valoir qu'à de nombreuses reprises il n'a pas bénéficié du temps de repos hebdomadaire conventionnel de 35 heures en 2016, selon les tableaux qu'il reproduit dans ses écritures page 29.

Il est de droit que c'est à l'employeur qu'il appartient de rapporter la preuve du respect de la durée minimale de repos hebdomadaire et de la durée maximale hebdomadaire de travail et que c'est au salarié d'établir l'existence du préjudice invoqué au titre du non-respect de ces durées.

Au constat que l'employeur ne procède que par affirmations, la cour retient que le préjudice subi par M. [F] a été justement évalué à la somme de 1.000 euros par les premiers juges qui seront confirmés.

Sur la demande d'indemnité pour violation du droit au repos compensateur

L'article 5.7.5 de la convention collective nationale des entreprises techniques au service de la création et de l'événement prévoit que la contingent annuel d'heures supplémentaires est fixé à 230 heures par an et par salarié.

Il a été jugé plus avant que M. [F] n'a pas dépassé le contingent annuel et conventionnel d'heures supplémentaires de sorte que c'est à juste titre qu'il a été débouté de sa demande de ce chef. Le jugement déféré est confirmé sur ce point.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l'article L.8221-5 du code du travail «  Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

La dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.

Au constat que durant la relation contractuelle, le salarié n'a émis aucune contestation et que c'est de façon erronée que l'employeur a évoqué une éventuelle compensation, il s'en déduit que le caractère intentionnel de la dissimulation d'emploi n'est pas rapporté.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a fait droit à cette demande.

Sur l'indemnité pour la violation du droit aux congés payés

Pour infirmation du jugement déféré, M. [F] réclame une indemnité de 1.000 euros en faisant valoir qu'il n'a pas pu prendre tous les congés dont il devait bénéficier en raison des mentions fallacieuses portées sur ses fiches de paye. Il expose ainsi qu'à de nombreuses reprises l'employeur a décompté un jour de congé qu'il n'a pas pris ainsi en mai 2015, mars 2016 et mai 2016 et qu'il ne lui a pas été accordé les deux jours de congé supplémentaires en 2015 et 2016, alors qu'il avait pris ses congés en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre.

Il est de droit qu'il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congé, et, en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement.

Au constat que l'employeur ne justifie pas que M. [F] a pu prendre l'intégralité de ses congés mentionnés sur les fiches de paye et contestés pour partie, la cour retient, par infirmation du jugement déféré, que le salarié a subi un préjudice évalué à la somme de 500 euros.

Sur l'indemnité pour préjudice moral et financier

M. [F] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui réparé par les intérêts moratoires assortissant les condamnations prononcées. C'est à juste titre qu'il a été débouté de ce chef de demande.

Sur les autres dispositions

La cour rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

Partie perdante, la société Team System est condamnée aux dépens d'instance et d'appel le jugement déféré étant confirmé sur ce point et à verser à M. [F] une somme de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté l'irrecevabilité de la requête de M. [G] [F], en ce qu'il a alloué à M.[G] [F] deux indemnités de 1.000 euros pour la violation de la durée maximale de travail quotidienne et du temps de repos quotidien et pour la violation du temps de repos minimal hebdomadaire de la durée maximale hebdomadaire de travail, en ce qui concerne les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

L'INFIRME quant au surplus.

Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

-CONDAMNE la SARL Team System à verser à M. [G] [F] les sommes suivantes :

- 3.917 euros majorés de 391,70 euros de congés payés à titre de rappel de différentiel de salaire pour l'année 2015,

- 6.184 euros majorés de 618,40 euros de congés payés à titre de rappel de différentiel de salaire pour l'année 2016,

- 5.288,75 euros majorée de 528,87 euros de congés payés afférents à titre de rappels d'heures supplémentaires effectuées entre janvier 2015 à décembre 2016.

- 1.500 euros de rappel de salaires à titre de majoration des heures de travail de nuit réalisées en 2015 et 2016.

-500 euros d'indemnité pour la violation du droit aux congés payés.

-2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

RAPPELLE que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de prud'hommes tandis que les créances indemnitaires portent intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.

DEBOUTE M. [G] [F] du surplus de ses prétentions.

CONDAMNE la SARL Team System aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 19/10419
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.10419 ?
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