La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2022 | FRANCE | N°19/12779

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 3 - chambre 5, 11 octobre 2022, 19/12779


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5



ARRET DU 11 OCTOBRE 2022



(n° , 4 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12779 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGA4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18738





APPELANT



LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PRO

CUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général





INTIME



Monsieur [M] [D] né le 3 avri...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 3 - Chambre 5

ARRET DU 11 OCTOBRE 2022

(n° , 4 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/12779 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAGA4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Juin 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/18738

APPELANT

LE MINISTERE PUBLIC pris en la personne de MONSIEUR LE PROCUREUR GENERAL - SERVICE CIVIL

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté à l'audience par Mme Anne BOUCHET-GENTON, substitut général

INTIME

Monsieur [M] [D] né le 3 avril 1995 à [Localité 8] (Sénégal),

Chez Mme [S] [Z]

[Adresse 4]

[Localité 6]

représenté par Me Cheikhou NIANG, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : A0229

assisté de Me Thérèse GORALCZYK, avocat plaidant du barreau du VAL D'OISE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er septembre 2022, en audience publique, le ministère public et l'avocat de l'intimé ne s'y étant pas opposés, devant M. François MELIN, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre

M. François MELIN, conseiller

Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 13 juin 2019 qui a constaté que les formalités de l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées, débouté le ministère public de l'ensemble de ses demandes, ordonné la mention prévue à l'article 28 du code civil et condamné le Trésor public aux dépens ;

Vu la déclaration d'appel du 24 juin 2019 et les conclusions, notifiées le 18 octobre 2021, du ministère public qui demande à la cour de constater que le récépissé de l'article 1043 du code de procédure civile a été délivré, d'infirmer le jugement, de constater l'extranéité de M. [M] [D] et d'ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil ;

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 9 juin 2022 qui a notamment jugé irrecevables les conclusions de M. [M] [D] notifiées le 7 septembre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 30 juin 2022 ;

MOTIFS

Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article 1043 du code de procédure civile par la production du récépissé délivré le 4 juillet 2019 par le ministère de la Justice.

M. [M] [D], se disant né le 3 avril 1995 à [Localité 8] (Sénégal), s'est vu délivrer le 21 juin 2013 par le greffier en chef du service de la nationalité de Paris un certificat de nationalité française au motif que son père, [V] [D], né le 6 mai 1925 à [Localité 5] (Sénégal), est français pour avoir acquis cette nationalité par l'effet d'une déclaration de nationalité souscrite le 14 janvier 1988 devant le tribunal d'instance de Paris et enregistrée le 5 avril 1994.

Le tribunal de grande instance de Paris a notamment jugé que M. [M] [D] a été reconnu par [V] [D] qui était français, que sa filiation est établie et que son état civil est fiable et probant.

Le ministère public qui soutient que ce certificat de nationalité française a été délivré à tort à l'intéressé doit en apporter la preuve en application de l'article 30 du code civil, étant rappelé que la force probante d'un certificat de nationalité française dépend des documents qui ont servi à l'établir et que si le ministère public prouve que ce certificat a été délivré à tort à l'intéressé ou sur la base d'actes erronés, ce certificat perd toute force probante. Il appartient alors à l'intéressé de rapporter la preuve de sa nationalité française à un autre titre.

Le ministère public ne conteste pas que le père revendiqué de M. [M] [D], [V] [D], était français mais soutient que l'intéressé ne dispose pas d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ».

Le ministère public soutient notamment que le jugement supplétif de naissance du tribunal de Matam (Sénégal) du 22 mai 2003, concernant l'intéressé, qui a été produit en vue de l'obtention du certificat de nationalité française présente différentes insuffisances et est un faux, ces mêmes insuffisances apparaissant d'ailleurs dans les jugements supplétifs de naissance produits par les frères de l'intéressé, M.M. [R] et [K] [D], dans les procédures judiciaires les concernant. Il ajoute que l'acte de naissance n'est en outre pas probant car il aurait été dressé le 1er juillet 2003 sous le numéro 223, alors pourtant que l'acte de reconnaissance souscrit par [V] [D] le 22 mai 2003 porte le même numéro, ce qui n'est pas possible.

Sur l'irrégularité internationale du jugement supplétif

En premier lieu, le ministère public produit deux expéditions certifiées conformes à l'original, l'une délivrée le 23 décembre 2008, l'autre le 25 juillet 2014, du jugement n° 5409 d'autorisation d'inscription de naissance du tribunal départemental de Matam du 22 mai 2003 auquel le certificat de nationalité française se réfère.

Ces deux pièces indiquent notamment que le tribunal a été saisi à la requête de [V] [D] en l'absence de déclaration de la naissance de M. [M] [D] au service de l'état civil, qu'il apparaît que celui-ci est né le 3 avril 1995 à [Localité 8] de [V] [D], né le 6 mai 1925 à [Localité 5], et de [S] [Z], née le 25 mars 1971 à [Localité 7] et qu'il autorise la transcription de la naissance sur les registres de l'état civil de [Localité 3].

Comme le relève le ministère public, ces deux expéditions devraient être en tous points identiques mais ne le sont toutefois pas.

Ainsi, la première expédition, délivrée le 23 décembre 2008, indique que le président du tribunal est M. [U] [E] et que la requête est datée du 22 mai 2003 et utilise les formulations suivantes : « la réalité de la naissance de [M] [D] ; mais que cet évènement n'a pas été déclaré à l'état civil » ; « il convient dès lors de remédier à ce manquement en faisant droit à la requête ainsi présentée ».

En revanche, la seconde expédition, délivrée le 25 juillet 2014, indique que le président est M. [T] [E], ne précise pas la date de la requête et retient les formulations suivantes : « il résulte la réalité de la naissance mais que cet évènement n'a pas été déclaré à l'état civil » ; « il échet en conséquence de faire droit à la requête ainsi présentée ».

Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de grande instance de Paris, ces différences ne constituent pas de simples erreurs matérielles mais conduisent à retenir que les expéditions considérées ne présentent pas des garanties suffisantes d'authenticité, alors pourtant que l'article 52 de la convention franco-sénégalaise de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974 prévoit en substance que les expéditions des jugements sénégalais invoquées en France doivent réunir les conditions nécessaires à leur authenticité.

Sur le défaut de caractère probant de l'acte de naissance

De surcroît, le ministère public produit la copie de l'acte de reconnaissance de M. [M] [D] ainsi que la copie intégrale, délivrée le 11 septembre 2006, de l'acte de naissance de M. [M] [D], pièces auxquelles se réfère le certificat de nationalité française.

L'acte de reconnaissance a été établi le 22 mai 2003 devant l'officier d'état civil de [Localité 3] (Sénégal) et porte le numéro 224.

La copie intégrale de l'acte de naissance indique que l'acte de naissance a été dressé le 1er juillet 2003 par le même officier d'état civil de [Localité 3]. Il porte le numéro 224.

Or, ainsi que le relève le ministère public, l'acte de reconnaissance et l'acte de naissance ne devraient pas pouvoir porter le même numéro, et ce d'autant plus qu'ils ont été établis avec plus de cinq semaines d'écart.

M. [M] [D] ne dispose donc pas d'un état civil fiable et probant au sens de l'article 47 du code civil.

Ainsi, le ministère public démontre que le certificat de nationalité française délivré à M. [M] [D] l'a été à tort.

Il appartient donc à M. [M] [D] de rapporter la preuve qu'il détient la nationalité française à un autre titre. Or, il n'apporte pas cette preuve dès lors que les seules conclusions qu'il a notifiées ont été déclarées irrecevables par une ordonnance du 9 juin 2022.

Le jugement doit donc être infirmé et l'extranéité de M. [M] [D] constatée.

M. [M] [D], qui succombe, est condamné aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS.

Constate que les formalités prévues par l'article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Juge que M. [M] [D], se disant né le 3 avril 1995 à [Localité 8] (Sénégal), n'est pas de nationalité française,

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du code civil,

Condamne M. [M] [D] aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 3 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/12779
Date de la décision : 11/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-11;19.12779 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award