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18/10/2022 | FRANCE | N°19/20827

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 13, 18 octobre 2022, 19/20827


Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13



ARRET DU 18 OCTOBRE 2022



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20827 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7B5



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/05210





APPELANTE



SA COLIPAYS REUNION

[Adresse 4]

[LocalitÃ

© 3] (La Réunion)

Représentée par Me Louise MURA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2198



INTIMEE



SELARL HOAREAU-GIRARD

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marcel PORCHER...

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 13

ARRET DU 18 OCTOBRE 2022

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/20827 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CA7B5

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de Paris - RG n° 18/05210

APPELANTE

SA COLIPAYS REUNION

[Adresse 4]

[Localité 3] (La Réunion)

Représentée par Me Louise MURA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2198

INTIMEE

SELARL HOAREAU-GIRARD

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Marcel PORCHER de la SELAS PORCHER & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0450 et assistée de Me Audrey HENANFF, avocate au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 juin 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente

Mme Estelle MOREAU, Conseillère

Mme Claire DAVID, Magistrate honoraire juridictionnel

Greffier, lors des débats : Mme Florence GREGORI

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour intialement fixé au 05 octobre 2022 et prorogé au 18 octobre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Françoise d'ARDAILHON MIRAMON, Présidente de chambre et par Florence GREGORI, Greffier, présente lors de la mise à disposition et à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

***

La société Interlink Réunion qui assurait le transport de produits et marchandises pour le compte de la Sa Colipays Réunion a assigné cette société devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion en recouvrement de factures impayées.

Par décision du 10 mars 2014, le tribunal a condamné la société Colipays Réunion à lui verser une somme de 69 812, 10 euros en principal, outre intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2011, et une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Selarl Hoareau-Girard, société d'avocats, qui avait représenté la société Colipays Réunion lors de cette procédure a interjeté appel de la décision devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion le 26 mars 2014.

Par ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 octobre 2014, la déclaration d'appel a été déclarée caduque, en l'absence de conclusions dans le délai prévu de la part de M. Girard, avocat de la société Hoareau-Girard.

C'est dans ces conditions que la société Colipays Réunion a assigné la société Hoarau-Girard devant le tribunal de grande instance de Paris en responsabilité professionnelle.

Par jugement du 2 octobre 2019, ledit tribunal a :

- débouté la société Colipays Réunion de ses demandes,

- condamné la société Colipays Réunion à verser à la société Hoareau-Girard la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Colipays Réunion aux dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 12 novembre 2019, la société Colipays Réunion a interjeté appel de ce jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 3 janvier 2020, la Sa Colipays Réunion demande à la cour de :

- confirmer le jugement ce qu'il a retenu sa compétence territoriale,

- infirmer le jugement en ce qu'il :

l'a déboutée de ses demandes,

l'a condamnée à verser à la société Hoareau-Girard la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

l'a déboutée de sa demande de voir condamner la société Hoareau-Girard à lui verser la somme de 65 122,27 euros représentant la partie injustifiée de la condamnation prononcée à son encontre au titre des factures impayées,

l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Hoareau-Girard à lui verser la somme de 553 054 euros correspondant à ses demandes reconventionnelles,

l'a déboutée de sa demande tendant à voir condamner la société Hoareau-Girard à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

en conséquence,

- condamner la société Hoareau-Girard à lui verser la somme de 638 176,27 euros en principal, outre intérêts de droit, soit 65 122,27 euros, au titre du préjudice lié aux demandes principales et 553 054 euros au titre du préjudice lié à la non prise en compte de ses demandes reconventionnelles,

- condamner la société Hoareau-Girard à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

y ajoutant,

- condamner la Selarl Hoareau-Girard à la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Dans ses dernières conclusions notifiées et déposées le 28 mars 2020, la Selarl Hoareau-Girard demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la compétence du tribunal de grande instance de Paris,

- le confirmer pour le surplus,

à titre subsidiaire,

- débouter la société Colipays Réunion de l'ensemble de ses demandes formées à son encontre,

- la mettre hors de cause,

à titre infiniment subsidiaire,

- ramener le préjudice allégué par la société Colipays à de plus justes proportions,

- condamner la société Colipays Réunion à payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance, dont distraction au profit de Me [W] [F], associé de la Selas [F] et associés.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 17 mai 2022.

SUR CE,

Sur l'application de l'article 47 du code de procédure civile

Le tribunal a relevé, pour juger que ce moyen devait être écarté, en omettant de le mentionner dans le dispositif du jugement rendu, que la demande de renvoi fondée sur l'article 47 du code de procédure civile constitue une exception de procédure devant être soulevée avant toute défense au fond et que la société défenderesse a évoqué ce moyen de défense sans en tirer de conséquence procédurale ni formuler aucune prétention.

La société Colipays Réunion demande la confirmation du jugement sur ce point.

L'intimée, bien que sollicitant l'infirmation du jugement sur ce point, ne formule aucune demande de renvoi de l'affaire vers une autre juridiction dans le dispositif de ses conclusions de sorte que la cour n'est pas saisie d'une demande à ce titre.

Sur la responsabilité

Sur la faute

Le tribunal a jugé qu'il est établi et reconnu en défense que la société Hoarau-Girard n'a pas conclu dans les 3 mois de la déclaration d'appel et que le manquement à son obligation de diligence est caractérisé.

La société Hoareau-Girard reconnaît sa faute qu'elle considère comme le résultat d'un concours de circonstances défavorables et aucun appel n'est formé à ce titre.

Sur le préjudice et le lien de causalité

Le tribunal a retenu que, le manquement de la société Hoareau-Girard ayant privé la société Colipays Réunion d'un examen de ses demandes par la cour d'appel, il lui appartenait d'évaluer les chances de succès du recours au regard des prétentions des parties et des pièces en débat mais qu'il n'était pas en mesure de le faire, ne pouvant statuer sur la portée des pièces produites par les parties en première instance, notamment, les extraits de comptabilité et factures émises par la société Interlink Réunion qui avaient été communiqués par la demanderesse au soutien du moyen tiré de la concurrence déloyale, puisque celles-ci n'étaient pas produites aux débats.

La société Colipays Réunion fait valoir que :

- dès lors que sa faute est établie, l'avocat ne peut échapper à son obligation d'indemnisation sauf à démontrer l'absence de toute probabilité de succès de l'action envisagée,

- par la faute de la société d'avocats, elle s'est vue définitivement condamnée à verser des sommes qu'elle ne devait pas à la société Interlink Réunion et n'a pu faire admettre ses demandes reconventionnelles alors qu'elles étaient fondées,

- les factures établies unilatéralement par le créancier ne sauraient valoir à titre de preuve que si elles sont corroborées par d'autres éléments,

- les écritures déposées par la société Hoareau-Girard pour son compte, auxquelles le juge n'a pas répondu, relevaient que seule une somme de 4 689,83 euros pourrait être laissée à sa charge, le surplus étant fondé sur des tarifs non contractuels, ou contenant report de la taxe informatique douanière qui avait été supprimée,

- une partie de la somme réclamée avait déjà été payée ou ne correspondait pas à des prestations exécutées,

- la société Interlink Réunion a procédé à la rétention des marchandises qui lui étaient destinées sans en avoir le droit en sa qualité de transitaire,

- elle a agi de manière déloyale puisqu'elle détenait directement des parts dans une société dénommée Kreocolis, en concurrence frontale avec sa propre cliente,

- la cour d'appel aurait infirmé le jugement tant au regard du défaut de réponse à conclusions qu'au regard des pièces produites et arguments développés.

La Selarl Hoareau-Girard répond que :

- l'appelante ne démontre pas qu'elle pouvait échapper au paiement des factures réclamées ni remettre en cause le droit de rétention dont dispose le commissionnaire de transport ni encore que la société Interlink a eu un comportement déloyal à son encontre,

- elle ne produit pas en cause d'appel les pièces dont le tribunal a relevé l'absence aux débats et inverse la charge de la preuve alors qu'il lui revient d'établir qu'elle avait une chance raisonnable de succès en appel.

L'avocat ayant commis des manquements à son obligation de diligence est tenu de réparer le préjudice direct, certain et actuel en relation de causalité avec les manquements commis, sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil.

Lorsque le manquement a eu pour conséquence de priver une partie d'une voie d'accès au juge, il revient à celle-ci de démontrer la réalité et le sérieux de la chance perdue en établissant que la survenance de l'événement dont elle a été privée était certaine avant la survenance du fait dommageable, le caractère hypothétique d'une telle perte de chance excluant toute indemnisation.

Pour apprécier les chances de succès de la voie de droit envisagée, le juge du fond doit pouvoir reconstituer fictivement le procès manqué par la faute de l'avocat, à l'aune des motivations de la décision qui a été rendue, des dispositions légales qui avaient vocation à s'appliquer au regard des prétentions respectives des parties ainsi que des pièces en débat.

Devant la cour, la société Colipays Réunion persiste à ne produire aucune des 23 pièces dont elle faisait état devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Denis de la Réunion au soutien de sa contestation des factures réclamées par la société Interlink Réunion fondée sur un accord sur des conditions tarifaires non appliqué et de ses demandes reconventionnelles de dommages et intérêts pour un montant de 323 600 euros au titre de son préjudice financier sur le fondement d'une concurrence déloyale et de 229 454 euros au titre de la mauvaise foi de la société Interlink Réunion dans l'exécution de son contrat.

En effet, les 19 pièces produites aux débats sont uniquement des pièces de procédure, des demandes de prise en charge du sinistre par la société d'avocats et son assureur et des pièces concernant la mesure d'exécution du jugement du 10 mars 2014 par la société Interlink Réunion.

Se faisant, elle n'apporte pas la preuve qui lui incombe du bien fondé des demandes qu'elle aurait pu de nouveau former devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion si son appel n'avait pas été déclaré caduc et, par voie de conséquence, de sa perte de chance d'obtenir gain de cause devant cette cour.

En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société Interlink Réunion de sa demande indemnitaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Les dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure de première instance sont confirmées.

Les dépens d'appel doivent incomber à la société Colipays Réunion, laquelle est également condamnée à payer à la société Hoareau-Girard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Condamne la Sa Colipays Réunion aux dépens, dont distraction au profit de Me [W] [F], associé de la Selas [F] et associés,

Condamne la Sa Colipays Réunion à payer à la Selarl Hoareau-Girard la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 19/20827
Date de la décision : 18/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-18;19.20827 ?
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