RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 21 Octobre 2022
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11676 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6SSP
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18-00795
APPELANTE
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
SA [5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Bruno LASSERI, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946 substitué par Me Alix ABEHSERA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1946
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] d'un jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la SA [5].
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que Mme [K] [C] [U] (l'assurée), salariée de la SA [5] (la société), a été victime d'un accident du travail le 1er février 2011 déclaré le jour même par l'employeur dans les termes suivants : « lors de mon stage, lors du saut du toboggan, la victime s'est réceptionnée sur l'épaule gauche. Mobilisation difficile » ; que le certificat médical initial du 1er février 2011 fait état d'une « dl de l'épaule gauche » ; que la caisse a notifié à la société le 21 février 2011 sa décision de prendre en charge d'emblée l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels ; que la société, contestant l'opposabilité à son égard de la prise en charge des arrêts de travail prescrits à Mme [C] [U], après une vaine saisine de la commission de recours amiable, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny.
Par jugement du 18 septembre 2018, cette juridiction a :
- dit recevable l'action de la SA [5],
- constaté que la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] ne justifiait pas de la continuité des symptômes et des soins consécutifs à l'accident de Mme [K] [U] à compter du 28 février 2011,
- dit qu'en l'absence de continuité, la présomption d'imputabilité ne s'appliquait pas à la prise en charge des arrêts et soins prescrits à compter du 28 février 2011,
- dit inopposable à la société [5] l'ensemble des arrêts et soins postérieurs au 28 février 2011,
- rappelé que la procédure était gratuite et sans frais,
- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la caisse demande à la cour de :
- infirmer le jugement du 18 septembre 2018 en toutes ses dispositions,
En conséquence,
A titre principal, débouter la société [5] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, ordonner une nouvelle expertise médicale avec la mission suivante :
- déterminer les éventuelles prestations exclusivement imputables à une cause totalement étrangère au travail,
- dire s'il existe un état antérieur documenté et le cas échéant, s'il a été révélé ou aggravé par l'accident,
En tout état de cause, condamner la société [5] aux entiers dépens comprenant éventuellement les frais d'expertise.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son avocat, la société demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 18 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny en ce qu'il a déclaré inopposable, à son égard, l'ensemble des soins et arrêts prescrits à Mme [C] [U] à compter du 28 février 2011,
A titre subsidiaire,
- constater qu'il existe un différend d'ordre médical portant sur la réelle imputabilité des lésions, prestations, soins et arrêts de travail indemnisés, à l'accident du 1er février 2011 déclaré par Mme [C] [U],
En conséquence,
- ordonner, avant dire droit au fond, une expertise médicale judiciaire confiée à tel expert avec pour mission de :
* prendre connaissance de l'intégralité des documents détenus et transmis par la caisse, conformément à l'article L.142-2-2 du code de la sécurité sociale, concernant les prestations prises en charge au titre du sinistre initial,
* déterminer exactement les lésions initiales provoquées par l'accident,
* fixer la durée des arrêts de travail et des soins en relation directe avec ces lésions,
* dire si l'accident a seulement révélé ou s'il a temporairement aggravé un état indépendant à décrire et dans ce dernier cas, dire à partir de quelle date cet état est revenu au statu quo ante ou a recommencé à évoluer pour son propre compte,
* en tout état de cause, dire à partir de quelle date la prise en charge des soins et arrêts au titre de la législation professionnelle n'est pas médicalement justifiée au regard de l'évolution du seul état consécutif à l'accident,
* fixer la consolidation des seules lésions consécutives à l'accident à l'exclusion de tout état indépendant évoluant pour son propre compte.
En application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées le 12 septembre 2022 pour l'exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE, LA COUR
La matérialité et le caractère professionnel de l'accident du 1er février 2011 à l'origine des lésions médicalement constatées au certificat médical initial du même jour ne sont pas contestés.
Il résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir celle que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail.
Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité à l'accident des soins et arrêts subséquents trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail y faisant suite, ou, à défaut, de la continuité de symptômes et de soins.
En l'espèce, la caisse produit le certificat médical initial établi le 1er février 2011 qui prescrit un arrêt de travail jusqu'au 28 février 2011.
La caisse verse aux débats une attestation de paiement des indemnités journalières pour la période du 1er février 2011 au 28 mars 2013 et justifie ainsi du caractère interrompu des arrêts de travail faisant suite à l'accident du travail du 1er février 2011.
La caisse produit par ailleurs les certificats médicaux d'arrêts de travail et de soins pour la période du 14 juin 2013 au 1er août 2013 qui mentionnent soit une douleur de l'épaule gauche, soit une capsulite rétractile de l'épaule gauche, ce qui établit une continuité de soins et de symptômes du 14 juin 2013 au 1er août 2013, date de consolidation.
La caisse bénéficie donc de la présomption d'imputabilité à l'accident du travail du 1er février 2011 de l'intégralité des soins et arrêts de travail du 1er février 2011 au 1er août 2013, soit pendant toute la durée d'incapacité de travail.
L'employeur soutient qu'il ressort du rapport du 25 mai 2018 du médecin, mandaté par ses soins, le docteur [S], l'existence d'un état pathologique antérieur et/ou d'une pathologie indépendante concernant les douleurs à l'épaule gauche en raison de la calcification sus-épineux et de la capsulite rétractile d'origine non traumatique et que la date de consolidation doit être fixée au 21 juin 2011, au regard du certificat produit par la caisse et rédigé par le docteur [J].
Mais ces affirmations n'établissent nullement l'existence d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident, puisque le médecin conseil mandaté par l'employeur précise que le traumatisme accidentel a pu doloriser temporairement ces pathologies associées jusqu'au 21 juin 2011, retenant cette date au seul motif qu'il s'agit de la date du certificat constatant ces pathologies, alors que le docteur [J], rédacteur du certificat, a précisé que la capsulite a justifié une prise en charge à l'hôpital dès le 4 avril 2011, se poursuivant au 22 juin 2011 et ce jusqu'à l'amélioration de ses capacités fonctionnelles. Ainsi, les affirmations du médecin de l'employeur contredites par ladite pièce à laquelle il se réfère, ne sont pas de nature à écarter la présomption d'imputabilité des arrêts et soins à l'accident du travail et il n'y a pas lieu d'ordonner une expertise.
La décision du premier juge doit donc être infirmée.
La SA [5], partie succombante, sera condamnée aux dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Infirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du 18 septembre 2018 en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déboute la SA [5] de toutes ses demandes,
Y ajoutant,
Déclare opposable à la SA [5] la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels par la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 6] des soins et arrêts de travail du 1er février 2011 au 1er août 2013 prescrits à Mme [K] [C] [U] ;
Condamne la SA [5] aux dépens d'appel.
La greffière,La présidente,